Céphalées

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CéphaléesIl est indispensable, pour traiter une céphalée, d’en connaître la cause. Les étiologies des céphalées sont nombreuses, mais toute céphalée a un contexte : âge, conditions de survenue, symptômes et signes d’accompagnement. C’est ce contexte qui conduira au diagnostic et permettra de reconnaître les situations d’urgence.

SITUATIONS DURGENCE ET AFFECTIONS GRAVES :

Céphalées post-traumatisme crânien :

Deux diagnostics sont à envisager.

HÉMATOME EXTRADURAL (HED) :

Constitué le plus souvent de sang artériel, il succède précocement à une fracture du crâne, après un « intervalle libre » de courte durée : de 10 minutes à 3 heures, 6 heures au plus. Une céphalée en est souvent le symptôme inaugural, rapidement suivi d’un trouble de la conscience ou de signes déficitaires, avec ou non une anisocorie ou une mydriase, parfois des vomissements, des manifestations cardiovasculaires (TA, troubles du rythme). Tous ces éléments expriment une compression cérébrale.

– L’hospitalisation d’urgence s’impose.

– Le diagnostic sera confirmé par le scanner  sans injection de produit de contraste.

– La neurochirurgie en urgence pour évacuation de l’hématome est le geste curateur.

Tout traumatisé du crâne doit avoir des clichés crâniens de bonne qualité ou directement un scanner.

Tout polytraumatisé doit avoir des clichés du crâne.

Toute fracture du crâne nécessite une surveillance hospitalière, avec scanner au moindre doute.

Tout traumatisme crânien suivi d’un trouble neurologique, digestif ou végétatif dans les minutes ou les heures qui le suivent doit conduire à suspecter un HED.

HÉMATOME SOUSDURAL (HSD) :

Il est fait de sang d’origine veineuse. Il touche l’adulte d’âge mûr et notoirement l’adulte âgé. Il en existe deux types :

– l’HSD aigu (ou précoce) :  l’intervalle libre est de quelques jours. Une céphalée est volontiers le symptôme initial, accompagné d’une altération idéatoire (parfois transitoire), de signes neurologiques, végétatifs ou digestifs comme pour l’HED ;

– l’HSD chronique (ou tardif)  : deux ou trois semaines, voire un ou deux mois après le traumatisme, lequel n’est pas nécessairement une fracture, et peut être totalement oublié par le patient.

L’hospitalisation est urgente.

Le diagnostic est fait par le scanner  non injecté, conduisant à l’évacuation en urgence de l’hématome.

Il peut exister des hématomes traumatiques intracérébraux ; en général, le trouble de la conscience est inaugural.

Céphalées sans traumatisme ni état infectieux :

Elles doivent évoquer en premier lieu :

HÉMORRAGIE MÉNINGÉE :

Liée dans 60 % des cas à la rupture d’un anévrisme artériel cérébral, elle s’exprime habituellement par une céphalée très soudaine , dont l’horaire exact peut être précisé :

– diffuse, maximale d’emblée ou en quelques minutes, souvent déclenchée par un effort, une colère, une exposition solaire excessive ;

– volontiers accompagnée d’une altération transitoire de la conscience (obnubilation, confusion, perte de connaissance brève), un flou visuel, un vomissement ;

– sans fièvre, du moins initialement (signe négatif important) ;

– sans raideur méningée au tout début : une raideur de nuque apparaît généralement dans les heures qui suivent.

L’hospitalisation s’impose en urgence, en milieu neurochirurgical avec la réalisation d’un scanner  en première intention et non de la PL.

Le traitement sera fonction des données de l’artériographie : embolisation, clip, etc.

Il faut rapprocher de ce tableau la dissection d’un tronc artériel supra aortique : douleurs crâniofaciales ipsilatérales, syndrome de Claude Bernard-Horner.

Céphalées dans un contexte infectieux :

Elles imposent d’évoquer une méningite ou une méningoencéphalite.

MÉNINGITES AIGUËS :

– La céphalée est ici le symptôme majeur.  Elle apparaît généralement de manière progressive. Elle est plus ou moins intense. Elle intéresse tout le crâne et s’accompagne fréquemment de vomissements et de photophobie ;

– L’examen clinique retrouve le syndrome méningé :  raideur de la nuque, signe de Kernig, signe de Brudzinski ;

– La fièvre est habituelle :  de 38 °C à 40 °C.

Ce tableau impose une hospitalisation en urgence pour la réalisation d’une ponction lombaire,  qui permettra de connaître dans un premier temps la protéinorachie, la glycorachie (normalement égale à la moitié de la glycémie) et la cellularité (lymphocytaire ou à polynucléaires), puis de rechercher les germes en cause (examen direct, cultures).

Ainsi peuvent être distingués deux tableaux :

Méningites lymphocytaires (glycorachie normale, prédominance lymphocytaire)

Elles sont le plus souvent virales chez l’adulte jeune, liées surtout à des entérovirus, ou aux oreillons, au zona (contexte). Il ne faut pas oublier le VIH, à la phase d’invasion. La leptospirose détermine inconstamment une méningite lymphocytaire (contexte myalgique, ictère, vasodilatation cutanéomuqueuse ; traitement par pénicilline).

Les méningites virales, hors VIH, reçoivent simplement un traitement symptomatique et relèvent d’une surveillance pendant 48 à 72 heures.

Méningites bactériennes (prédominance de polynucléaires, glycorrachie abaissée)

Elles sont dues, chez l’adulte :

– au méningocoque (traitement par amoxicilline ou, mieux, C3G). Un syndrome méningé accompagné d’un purpura est très évocateur de la responsabilité de ce germe. Un purpura extensif, fébrile, même en l’absence de céphalées et de signes méningés doit évoquer un purpura fulminans méningococcique  nécessitant un appel d’urgence au SAMU pour prise en charge immédiate ;

– au pneumocoque (traitement par C3G + vancomycine ) ;

– à la Listeria (la cellularité est souvent panachée ; traitement par amoxicilline + gentamicine) ;

– beaucoup plus rarement sont en cause : E. coli  (sujets âgés), Haemophilus influenza e (éthyliques, patients sous corticothérapie, splénectomisés), Enterobacter , pseudomonas .

Pour l’interne de garde : la fig. 10, adaptée du « POPI » permet l’orientation diagnostique et thérapeutique.

MÉNINGOENCÉPHALITES AIGUËS (MEA) :

La plus typique et la seule des MEA virales accessible à un traitement efficace, est la méningoencéphalite herpétique : elle débute par des céphalées auxquelles s’associent une fièvre élevée (39 °C-41 °C), des  hallucinations, des troubles du comportement, voire des crises convulsives. Ce tableau appelle une hospitalisation d’urgence pour PL (élévation de l’interféron, positivité de la PCR-HSV dans le LCR), EEG, IRM et traitement par l’aciclovir (Zovirax ) IV.

Il existe d’autres méningoencéphalites : la listériose  par exemple et, dans le doute devant un tableau non encore élucidé, il est légitime initialement de traiter à la fois  comme une listériose et comme un herpès.

Oreillons, rubéole, varicelle, mononucléose infectieuse, infection à échovirus et à virus coksackie  peuvent donner des MEA, qui sont bénignes. Mais la rougeole , à sa phase de début, peut déterminer (1 fois sur 2 000) une MEA grave (mortalité de 10 %).

Au retour d’un voyage exotique , il faut penser à une arbovirose, une trypanosomiase, une fièvre hémorragique virale, une encéphalite à tiques… et, surtout, au paludisme grave à plasmodium falciparum  (dans ce dernier cas, le LCR est normal ou peu perturbé, le diagnostic sera fait par le frottis sanguin et par la goutte épaisse).

Différemment de ces tableaux aigus, une céphalée progressive sans signes méningés mais avec troubles neurologiques, doit orienter vers une méningoencéphalite subaiguë, évoquant en premier lieu une tuberculose, en second lieu une maladie de Lyme, une brucellose, une syphilis… voire une cryptococcose sur un terrain immunodéprimé.

Diverses maladies systémiques peuvent provoquer des céphalées associées à des troubles neurologiques : lupus érythémateux, maladie de Behçet, sarcoïdose.

Il existe aussi des méningites carcinomateuses : LCR avec cellularité atypique, cancer connu ou à rechercher.

Céphalée dans un contexte d’incendie, d’explosion…

…ou plus souvent de chauffage défectueux, elle doit impérativement évoquer une intoxication oxycarbonée.  Il s’agit d’une céphalée violente, ± accompagnée de vertiges, de vomissements, signes d’alarme majeurs précèdant l’impotence musculaire qui empêchera le sujet de s’échapper du milieu toxique. Doser l’HbCO ; traitement par oxygénothérapie.

Céphalées péri-orbitaires avec oeil rouge :

Elles font immédiatement penser au glaucome aigu  par fermeture de l’angle iridocornéen : il s’agit d’une douleur unilatérale, péri-oculaire , parfois atroce, pouvant irradier dans tout l’hémicrâne et s’accompagner de grands vomissements trompeurs. L’oeil est rouge (cercle périkératique), et dur « comme une bille de verre » à la pression. Il existe une mydriase modérée ; la cornée est trouble.

L’hospitalisation en milieu ophtalmologique est indispensable, précédée d’une injection IV de Diamox (et éventuellement de l’instillation d’une goutte de Pilocarpine  à 2 %).

Céphalées persistantes après 60 ans :

Elles orientent systématiquement vers une maladie de Horton (artérite temporale gigantocellulaire), surtout si elles s’accompagnent :

– de dysesthésies du cuir chevelu ;

– d’une tuméfaction d’une ou des deux artères temporales ;

– d’une altération de l’état général avec fièvre ;

– d’une pseudopolyarthrite rhizomélique ;

– d’un syndrome inflammatoire biologique.

La biopsie de l’artère temporale  permet le diagnostic. Une corticothérapie doit être entreprise en urgence en raison du risque ophtalmologique (cécité).

Céphalées progressives, persistantes :

À tout âge, elles doivent faire suspecter par principe une hypertension intracrânienne.  La céphalée peut être assez longtemps isolée, avant de s’accompagner de nausées et vomissements (ceux-ci ayant d’autant plus de valeur qu’ils se produisent le matin ou à l’effort), de troubles de la vigilance, d’un ralentissement idéatoire, d’une paralysie unilatérale ou bilatérale du VI ; plus tardivement d’une bradycardie, d’un déficit neurologique.

Le FO  et l’EEG  ont peu d’intérêt (et peuvent faire perdre du temps).

Le scanner ou l’IRM sont impératifs , à la recherche :

– d’une néoformation cérébrale, bénigne ou maligne (méningiome, astrocytome, gliome, etc.) ;

– d’une métastase cérébrale (unique ou multiple) d’un cancer connu ou à rechercher ;

– d’une parasitose ;

– d’un abcès (à point de départ ORL ou stomatologique, ou dans le cadre d’une bactériémie ou d’un Osler) ;

– d’un HSD.

Le risque est l’engagement, le diagnostic doit donc être le plus précoce possible.

Autres causes éventuelles  :

– la malformation cervico-occipitale d’Arnold-Chiari (la partie inférieure du cervelet est en-dessous du trou occipital, dans la partie supérieure du canal rachidien) ;

– un trouble de la résorption du LCR à la suite d’une affection cérébroméningée ;

– une thrombophlébite cérébrale ;

– une encéphalopathie hypertensive (rare), dans le cadre d’une HTA sévère : céphalées, troubles visuels, crise comitiale;

– une intoxication : plomb, arsenic.

À part , l’hypertension intracrânienne bénigne (ou pseudotumor cerebri) : céphalées et troubles visuels survenant chez une femme jeune, obèse ou pléthorique. LCR hypertendu mais normal, examens neuroradiologiques normaux.

SITUATIONS NON URGENTES, SANS NOTION DE GRAVITÉ :

Céphalée pulsatile évoluant par crises périodiques :

Elle a toutes les chances, quelle que soit sa périodicité, d’être une migraine . C’est une céphalée de siège temporal, unilatérale le plus souvent (hémicrânie) , à début progressif, d’une durée d’une heure à 72 heures, touchant de préférence la femme jeune. Un facteur déclenchant est fréquent.

MIGRAINE COMMUNE, SANS AURA :

Elle succède à des prodromes tels qu’une irritabilité ou une asthénie, s’accompagne de nausées et de vomissements, d’une phonophotophobie, d’une pâleur faciale, parfois d’un catarrhe nasal ou d’un larmoiement.

MIGRAINE AVEC AURA :

Elle est plus rare. L’aura est le plus souvent un trouble visuel : scotome scintillant ou phosphène en zigzag ou en fortifications « de Vauban », constituant une migraine ophtalmique, qui peut être suivie d’une aphasie ou d’une parésie controlatérale ; une hémianopsie latérale homonyme est possible. Un tel tableau est pratiquement pathognomonique de la migraine. Une aura sensitive est nettement moins fréquente. La céphalée peut être absente au moment de l’aura, lui succédant après une durée variable (elle peut même être totalement absente).

QUELQUES VARIÉTÉS RARES :

– La migraine basilaire : troubles visuels et sensitifs bilatéraux, vertiges, ataxie, diplopie. Alors que la seule description clinique de la migraine suffit, en règle générale, à en établir le diagnostic, il est ici préférable de recourir à une IRM, par prudence.

– La migraine ophtalmoplégique : paralysie d’un ou plusieurs nerfs oculomoteurs.

– La migraine hémiplégique familiale, comportant une hémiparésie et l’atteinte d’au moins un des parents au premier degré ; son début remonte à l’enfance.

– L’état de mal migraineux, d’une durée supérieure à 72 heures, souvent en rapport avec une prise excessive de médicaments à base d’ergot de seigle.

TRAITEMENT DE LA CRISE :

Il fait appel aux analgésiques ou à un AINS, au besoin à une médication spécifique dérivée de l’ergot de seigle : Diergospray, Gynergène caféiné, Migwell, Dihydroergotamine injectable ; les Triptans constituent un progrès : Imigrane (sumatriptan), Naramig, Zomig.

TRAITEMENT DE FOND :

Il n’est indiqué qu’en cas de crises fréquentes : bêta-bloqueurs (Avlocardyl), Sanmigran, Sibélium, Nocertone, Laroxyl, voire Désernil (pour éviter le risque de fibrose rétropéritonéale, il est conseillé de procéder à des interruptions périodiques de ce dernier médicament).

Diverses céphalées ont un contexte ponctuel :

– Les céphalées causées par une brèche durale, après ponction lombaire ou infiltration péridurale, sont particulières par leur caractère postural. Elles durent en général quelques jours, mais persistent parfois pendant plusieurs semaines ou mois, amenant à réaliser un « blood-patch » (injection péridurale de 10 à 20 mL de sang autologue) qui guérit le trouble dans 90 % des cas.

– Une céphalée peut être l’un des symptômes permettant de découvrir une HTA.

– Sur un terrain cancéreux connu ou soupçonné, une céphalée peut permettre de mettre en évidence des métastases cérébrales ou osseuses, crâniennes.

– Certains médicaments engendrent des céphalées : dérivés nitrés, inhibiteurs calciques.

– Le syndrome subjectif des traumatisés crâniens est fait de céphalées, de sensations vertigineuses, de troubles de la mémoire et du sommeil, persistant après plusieurs mois, sans substratum organique précis. Il relève surtout d’une prise en charge psychothérapique.

– Les céphalées dites « de tension » sont liées à des soucis professionnels, à une dépression sousjacente.

Elles sont permanentes, intéressent tout le crâne et se majorent en fin de journée. Une psychothérapie soutenue les améliore mieux que les analgésiques. Il arrive que les patients cépha lalgiques « tendus » montrent de leur index un point précis de leur crâne où siège la douleur : il est classique de considérer qu’il ne s’agit pratiquement jamais dans ces cas d’une pathologie organique.

Il faut cependant être prudent…

– Les céphalées liées à l’effort ou au coït,  peuvent être prévenues par le tartrate d’ergotamine, un bêta-bloqueur ou l’indométacine. Leur persistance anormale doit amener à réaliser une exploration neuroradiologique.

– Les céphalées spécifiquement liées à la toux  suggèrent de rechercher une malformation d’Arnold-Chiari.

– La céphalée en « coup de piolet »  (icepick headache ) est brève, aiguë et occupe le territoire du nerf ophtalmique. Elle est l’apanage des migraineux. L’indométacine ou l’Avlocardyl  peuvent la prévenir.

– La céphalée par abus d’antalgiques  pose parfois un problème difficile de toxicomanie, chez des migraineux ou des patients atteints de céphalées de tension. Le meilleur traitement paraît être l’amitriptyline (Laroxyl , Elavil ), soit per os  soit en perfusion.

– Les céphalées liées à une anomalie visuelle  (hétérophorie, trouble de réfraction) surviennent lors des efforts visuels prolongés.

– La cervicarthrose , en particulier après un traumatisme cervical, est une cause de céphalée… mais ce diagnostic ne doit pas être trop facile…

– La névralgie d’Arnold  intéresse le territoire du grand nerf occipital.

– Les algies post-zostériennes  du territoire de la branche ophtalmique du V sont de traitement souvent difficile.

– La céphalée très vive qui peut accompagner l’ingestion rapide d’une glace  ou d’un sorbet est un phénomène anecdotique.

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