FLAVOBACTERIUM
I – CARACTÈRES GÉNÉRAUX :
Pendant longtemps, le genre Flavobacterium a présenté une très grande hétérogénéité : il rassemblait en effet des bacilles à Gram négatif ou positif, immobiles ou mobiles, à ciliature péritriche, bacilles dont la seule propriété commune était la pigmentation jaune de leurs cultures.
Dans la dernière édition du « Bergey’s Manual of Systematic Bacteriology », 1984, le genre Flavobacterium a été redéfini comme regroupant « des bacilles à Gram négatif, de 0,5 à 1-3 µm (en milieu liquide, présence de bacilles de longueur supérieure à 5 |J.m), ne formant pas de spores, aérobies stricts, (métabolisme de type strictement respiratoire), oxydase (+), catalase (+), immobiles et dépourvus de mobilité par glissement, et n’essaimant pas comme les Cytophaga ».
Les souches de l’environnement croissent entre 5 et 30°C, la plupart des souches d’origine humaine se développent également à 37°C. Les colonies sont translucides, parfois opaques, rondes, de 1 à 2 mm de diamètre, légèrement ou peu bombées, lisses, brillantes. Les colonies sont pigmentées en jaune, jaune orangé voire orangé (pigment non diffusible, dont la production est favorisée par une température de 15 à 20°C, par la lumière du jour et par l’emploi de milieux à base de caséine, de lait ou d’amidon) ou ne sont pas pigmentées. Chimio-organotrophes, la majorité des souches sont protéolytiques, hydrolysent la gélatine et la caséine, produisent une DNase. Les nitrates ne sont généralement pas réduits. Différentes espèces produisent de l’indole.
Les Flavobacterium ont pour habitat le sol et l’eau : on les rencontre également dans les viandes crues, le lait et divers aliments, dans l’environnement hospitalier et dans divers prélèvements d’origine humaine.
La teneur en bases (G + C %) des ADN est comprise entre 31 et 42 moles %.
F. brève a été proposé par HOLMES et OWEN comme espèce-type du genre Flavobacterium en remplacement de F. aquatile. Selon ces auteurs, F. aquatile n’est pas représentatif de l’ensemble des espèces du genre Flavobacterium et s’apparente davantage aux Cytophaga qu’aux Flavobacterium.
Les autres espèces de Flavobacterium et les souches types correspondantes sont respectivement :
F. balustinum (syn. Flavobacterium du groupe IIb), F. meningosepticum espèce la plus importante sur le plan médical, F. odoratum, F. multivorum (syn. groupe IIk, biovar 2), F. spiritovorum.
II – F. MENINGOSEPTICUM :
A – Morphologie et caractères culturaux :
Bacilles à Gram négatif, courts, parfois même très courts (0,4-0,5 x 0,7-2 u.m), fins ou assez fins, avec tendance au polymorphisme : présence de formes longues et souvent flexueuses, les longs bacilles sont d’autant plus nombreux que les cultures en bouillon sont plus âgées.
Près de 20 % des souches de F. meningosepticum ne croissent pas sur le milieu de Drigalski ; les autres s’y développent en donnant des colonies lactose (-), rondes, d’environ 1,5 à 2 mm après 48 h à 30°C. La grande majorité des cultures sont apigmentées ou apparaissent de couleur rosé très pâle, lorsqu’on les prélève à l’anse de platine ; les autres sont jaune-orangé pâle. Sur les milieux T.S.A. et Hajna-Kliger, certaines cultures de F. meningosepticum présentent un aspect muqueux.
B – Signification clinique et sensibilité aux antibiotiques :
Chez le nouveau-né, le plus souvent prématuré, F. meningosepticum est l’agent de septicémie et de méningite gravissimes, avec issue fatale fréquente ou laissant d’importantes séquelles (hydrocéphalie). Chez l’adulte, les infections sont essentiellement iatrogènes.
F. meningosepticum est résistant à de nombreux antibiotiques habituellement actifs sur les bacilles à Gram négatif (bêta-lactamines, aminosides, tétracycline, colistine, triméthoprime, furanes…) et le plus souvent présente une sensibilité « paradoxale » à des antibiotiques en principe seulement actifs sur des bactéries à Gram positif (novobiocine, vancomycine, érythromycine, spiramycine, lincomycine, clindamycine…). Le genre Flavobacterium représente une grande hétérogénéité du point de vue de l’antibiotype : certaines souches sont sensibles aux uréidopénicillines, à la ciprofloxacine, au co-trimoxazole, on rencontre des souches résistantes à l’imipénème.
III – LES AUTRES ESPÈCES DE FLAVOBACTERIUM :
F. odoratum, F. brève et F. I I f sont quelquefois isolées des urines, F. I I f des organes génitaux, F. odoratum de pus divers, et F. I I b des cathéters, des seringues, du matériel à usage médical ou chirurgical en milieu hospitalier.
La sensibilité de ces espèces est voisine de celle de F. meningosepticum à l’exception de F. odoratum qui est très résistant.
ACHROMOBACTER – ALCALIGENES
La position taxonomique des espèces appartenant à ces genres est encore incertaine et la description actuelle du Bergey’s Manual ne permet pas donner une présentation pratique de ces espèces que l’on rencontre dans certains produits pathologiques ou matériels hospitaliers.
Leur diagnostic différentiel se pose avec diverses espèces : Bordetella bronchiseptica, P. acidovorans, P. testosteroni, P. alcaligenes, P. pseudoalcaligenes, Agrobacterium.
Nous nous limiterons à une description simplifiée de ces espèces sans tenir compte des incessants remaniements taxonomiques en raison de leur intérêt limité au diagnostic différentiel en bactériologie clinique de routine.
A – Alcaligenes :
L’espèce-type serait A. faecalis (Castellani et Chalmers, 1919). Le genre Alcaligenes regroupe des bacilles à Gram négatif, oxydase (+), mobiles par une ciliature péritriche. Mais il faut souligner que cette ciliature peut être « dégénérée » ne laissant subsister qu’un ou deux flagelles latéraux ou polaires. La coloration des flagelles (Méthode de Rhodes) est indispensable pour orienter le diagnostic et éviter la confusion avec les Pseudomonas. Les espèces dulçaquicoles hétérotrophes sont seules considérées :
– A. faecalis, (A. odorans assimilé à A. faecalis)
– A. denitrificans (A. xylosoxidans subsp. denitrificans et subsp. xylosoxidans assimilé à Achromobacter xylosoxidans)
– A. piechaudii.
Les espèces marines et autotrophes facultatives ne présentent pas d’intérêt en
Bactériologie Médicale.
Alcaligenes, isolé de l’eau et du sol, est fréquent dans l’environnement hospitalier.
Leur pouvoir pathogène naturel est nul, mais en raison de leur résistance aux antibiotiques et antiseptiques usuels, ces germes peuvent être à l’origine de contaminations de solutions médicamenteuses et de surinfections localisées en milieu hospitalier.
Un diagnostic bactériologique simplifié peut être établi sur le schéma suivant (complété par un auxanogramme) :
Absence de pigment, de gélatinase, de décarboxylases.
La sensibilité aux antibiotiques est peu différente de celle des Pseudomonas et l’action des aminosides est variable.
B – Achromobacter :
Le genre Achromobacter groupe des bacilles à Gram négatif, oxydase (+), à ciliature péritriche, oxydant divers hydrates de carbone et ne produisant pas de 3-cétolactose à partir du lactose. La classification de ce genre est controversée.
Deux espèces sont reconnues par le « Center for Disease Control » (CDC) :
A. xylosoxidans et Achromobacter sp, groupe Vd.
L’habitat naturel de ces germes est mal connu. Ils feraient partie de la flore endogène du gros intestin et sont isolés de différentes sources de l’environnement et hospitalières. Ils peuvent être isolés dans divers produits pathologiques et parfois ont une réelle signification clinique lors d’infections nosocomiales (méningites, bactériennes,…) chez des malades immunodéprimés.
Le diagnostic bactériologique retient l’oxydation du xylose par 99 % des souches d’A. xylosoxidans et l’hydrolyse de l’urée par Achromobacter sp groupe Vd.
Achromobacter est sensible aux carboxypénicillines, aux acyluréidopénicillines (aziocilline, pipéracilline), à certaines céphalosporines de troisième génération (céfopérazone, ceftazidime,…) et au cotrimoxazole.
AGROBACTERIUM
Ce genre a longtemps été considéré comme pathogène des plantes (par exemple Agrobacterium tumefaciens) : agent de tumeur du collet (crown gall), prolifération des racines (hairy root).
L’habitat de ces bactéries est le sol. Une espèce pourrait avoir un intérêt médical :
A. radiobacteï (non pathogène pour les plantes).
Les souches hospitalières isolées présentent différents biotypes, avec trois caractères principaux : esculine (+), uréase (+), ONPG (+). Ce sont des bacilles mobiles à ciliature péritriche souvent dégénérée avec des flagelles peu nombreux.
Ils peuvent contaminer et être isolés dans divers produits pathologiques, leur signification clinique est difficile à établir même lors d’hémoculture positive.
XANTHOMONAS
Le genre Xanthomonas fut créé pour regrouper des bactéries phytopathogènes pigmentées en jaune voisines des Pseudomonas. Ce genre contenait une soixantaine d’espèces dont la distinction se faisait sur la base de leur pouvoir pathogène vis-à-vis d’une plante donnée.
La dernière édition du « Bergey’s Manual » reconnait cinq espèces principales :
X. campestris, X . f r a g a r i a e , X. albilineans, X . axonopodis, X. ampelina.
Pseudomonas maltophilia à été transféré dans le genre Xanthomonas.
A – Morphologie :
Bacilles à Gram négatif, mobiles par un cil polaire monotriche.
B – Caractères culturaux :
Bactéries chimio-organotrophes, apparemment peu exigeantes mais pas absolument prototrophes. Température optimum 25 à 30°C. Les Xanthomonas produisent un pigment jaune, mais il y a des exceptions. A l’origine, défini comme étant de nature caroténoïde, il s’agirait en fait de xanthomonadine = aryl-polyène brome, soluble dans les solvants organiques. Sur gélose nutritive contenant du glucose, certaines souches produisent un « slime » abondant.
C – Caractères biochimiques :
Oxydase (-) parfois faiblement positive
Catalase (+)
Fréquemment lipolytiques, protéolytiques, pectolytiques et/ou amylolytiques.
Les caractères biochimiques simples de X. maltophilia sont donnés dans le tableau du chapitre 22 Pseudomonas.
D – Intérêt médical :
La signification en bactériologie clinique de l’isolement de Xanthomonas phytopathogènes est encore obscure. Il s’agit surtout d’un problème de diagnostic différentiel pouvant éventuellement se poser au laboratoire. L’implication de ces Xanthomonas comme bactéries opportunistes reste à démontrer.
X. maltophilia a été décrit en 1961 par Hugh et Ryschenkow. Malgré ses exigences nutritives particulières et notamment son auxotrophie vis-à-vis de la méthionine, cette bactérie ubiquitaire est isolée à partir de légumes, de bananes, de graines de coton, de gousses de haricots, de plants de tabac, des eaux même potables, des eaux stagnantes, des eaux d’égouts, des eaux de ruisseaux ou de rivières, d’eaux provenant de nappes phréatiques, de lait contaminé, du sol dans les zones pétrolifères.
Dans l’environnement hospitalier on le rencontre dans l’eau distillée, l’eau des incubateurs, des nébulisateurs, des humidificateurs. X. maltophilia est le deuxième bacille non fermentant apparenté aux Pseudomonas isolé par ordre de fréquence dans un laboratoire de bactériologie médicale après P. aeruginosa. Les sources habituelles d’isolement chez l’homme sont les voies aériennes, les plaies, le sang, les urines mais X. maltophilia peut se trouver en de multiples autres sites : les liquides, d’ascite, péricardiques, pleuraux, LCR, la lymphe, les ulcères de jambe, les solutés de dialyse… C’est habituellement un germe commensal qui fait partie de la flore transitoire des malades hospitalisés, il devient plus fréquent dans la mucoviscidose.
X. maltophilia est l’agent d’infections opportunistes : endocardites, septicémies, pneumonies lobaires, bronchopneumonies, pneumonies d’aspiration, infections urinaires, conjonctivites, méningites, surinfections de plaie, suppurations diverses.
Vingt-six sérotypes 0 ont récemment été décrits et pourraient servir aux études épidémiologiques.
X. maltophilia est souvent caractérisé par une résistance naturelle élevée vis-à-vis de bêta-lactamines lié à une faible perméabilité membranaire. Il possède des bêta-lactamases chromosomiques et plasmidiques. L’existence d’au moins 2 bêta-lactamases chromosomiques inductibles (Ll Zn – pénicillinase et L2 – céphalosporinase contenant une serine dans son site actif) assure déjà l’hydrolyse de plusieurs bêta-lactamines rendant difficile le choix d’une antibiothérapie.
Il faut retenir qu’il est toujours résistant à l’imipénème. Les quinolones de 2e génération peuvent être actives mais de façon variable.
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