I – GÉNÉRALITÉS SUR LES VAGINOSES :
Les vaginoses ou vaginites non spécifiques sont des infections fréquentes, caractérisées par des leucorrhées et dues à d’autres agents que Candida, Trichomonas, Neisseria gonorrhoeae ou Chlamydia trachomatis.
Cette affection traduit un déséquilibre de la flore vaginale. Les lactobacilles formant la flore normale du vagin (flore de Dôderlein) ont disparu et sont remplacés par une flore abondante au sein de laquelle vont être isolés :
– Gardnerella vaginalis
– Mobiluncus spp
– des anaérobies (Prevotella bivia, Prevotella melaninogenica, Peptostreptococcus, Veillonella…)
Le diagnostic de vaginose se fera sur les critères suivants :
1. Aspect clinique :
Présence de leucorrhées blanchâtres, adhérentes, homogènes, parfois malodorantes. Elles ne sont accompagnées souvent d’aucune gêne fonctionnelle, si ce n’est un inconfort. Cependant cette infection favorise la survenue de complications avec prurit, cervicite, inflammation vaginale voire infections génitales hautes en particulier au cours de la grossesse.
2. Test à la potasse :
L’addition de potasse à 10 % aux sécrétions vaginales provoque le dégagement d’une odeur de poisson pourri sans doute liée à la libération d’aminés (putrescine et cadavérine), produits du catabolisme de la lysine et de l’omithine.
3. Un pH vaginal supérieur à 4,5 :
4. A l’examen direct :
absence de polynucléaires sauf en cas de complication inflammatoire ou infectieuse.
5. A la coloration de Gram :
disparition ou diminution des lactobacilles qui sont remplacés par une flore monomorphe (Gardnerella) ou polymorphe (anaérobies).
La présence de bactéries « en virgule » permet le diagnostic d’infection à Mobiluncus.
6. La présence de « clue-cells » :
est un excellent critère diagnostic de l’infection à Gardnerella : ce sont des cellules épithéliales recouvertes de très nombreux petits bacilles de forme et de taille régulières qui adhèrent à la surface des cellules. Cet aspect est observé après coloration de Gram (les bacilles sont alors à Gram variable) mais également sur les frottis cytologiques.
En pratique l’examen direct permet le diagnostic de vaginose et la mise en culture des bactéries en cause, difficile et coûteuse, ne fournit qu’une réponse tardive.
Le traitement de ces épisodes consiste généralement en l’administration de métronidazole, per os ou localement (ovules gynécologiques).
Nous décrivons ci-dessous les caractéristiques des deux principaux genres en cause dans les vaginoses : Gardnerella et Mobiluncus souvent associés.
II – GARDNERELLA :
A – Historique :
En 1955, Gardner et Dukes ont montré le rôle dans les vaginites non spécifiques d’un bacille qui fut successivement appelé Haemophilus vaginalis puis Corynebacterium vaginale. En 1980, à la suite de travaux taxonomiques montrant que ce bacille ne pouvait être rattaché à l’un ou l’autre de ces deux genres, le nom de Gardnerella vaginalis a été adopté.
B – Habitat et pouvoir pathogène :
G. vaginalis peut être isolé dans les voies génitales de la femme en l’absence de toute symptomatologie. La fréquence du portage est plus élevée chez les femmes ayant une forte activité sexuelle.
Le rôle pathogène de G. vaginalis a été discuté. Néanmoins, il est certain que cette espèce bactérienne joue un rôle important dans le développement des vaginoses. La prolifération concomitante d’un anaérobie favorise celle de G. vaginalis.
Chez l’homme, G. vaginalis est trouvé dans l’urètre de la plupart des partenaires de femmes infectées. Il s’agit en général d’un portage asymptomatique.
C – Caractères bactériologiques :
1. Morphologie :
G. vaginalis est un petit bacille à Gram variable, immobile. Sa longueur moyenne est de 1 à 2 µm, parfois coccobacillaire. Les corps bactériens peuvent s’associer par paires ou en palissades à la manière des corynébactéries.
2. Caractères cuïturaux :
La culture de G. vaginalis est délicate. Après ensemencement sur milieu riche, des colonies se développent en 48 à 72 heures à 37°C dans une atmosphère de 5 à 10 % de CO2.
– milieux de culture non sélectifs : ils sont constitués d’une base riche (Columbia) additionnée de 5 % de sang. Sur gélose au sang humain, les petites colonies gris-bleu sont entourées d’une zone d’hémolyse P à bord flou qui ne s’observe pas avec le sang de mouton ou le sang de cheval,
– milieu de culture sélectif est obtenu par addition de colistine, de gentamicine ou d’acide nalidixique,
3. Identification :
Les colonies suspectes sont identifiées par les tests suivants :
– hémolyse du sang humain,
– absence de catalase et d’oxydase,
– hydrolyse de l’hippurate et de l’amidon,
– attaque du glucose, du maltose mais pas du mannitol,
– sensibilité au métronidazole à forte concentration (disque 50 u,g), et au triméthoprime,
– résistance aux sulfamides et à l’optochine.
La galerie API-Strept permet l’identification de G. vaginalis.
III – MOBILUNCUS :
A – Historique :
Le genre Mobiluncus a été proposé en 1984 pour désigner des bactéries qui sont mobiles et incurvées {uncus). Dès 1985, des bactéries ayant la morphologie des vibrions avaient été observées dans des sécrétions vaginales. En 1940, Prévost avait nommé Vibrio mulieris le vibrion isolé par Curtis en 1913. En 1980, Durieux et Dublanchet isolaient par culture des « vibrions anaérobies » dans 11 % des leucorrhées examinées, soulignant ainsi l’importance de ces bactéries dans les vaginites non spécifiques.
B – Habitat et pouvoir pathogène :
Mobiluncus peut être isolé en petite quantité chez des porteurs sains. Lors des vaginoses la concentration de Mobiluncus dans les sécrétions vaginales est élevée.
C – Caractères bactériologiques :
1. Morphologie et mobilité :
Les Mobiluncus sont des bacilles de 1 à 3 u.m de long, incurvés en coup d’ongle et à Gram variable. Sur les frottis, ils apparaissent souvent à Gram négatif, mais la structure de leur paroi est proche de celle des bacilles à Gram positif dont ils sont à rapprocher taxonomiquement.
Ils sont mobiles, grâce à un ou plusieurs cils polaires ou parapolaires.
2. Caractères culturaux :
Ce sont des bacilles anaérobies stricts. Ils se développent sur gélose Columbia enrichie de 2,5 à 5 % de sang. Le milieu peut être rendu sélectif par addition de 15 µg/ml d’acide nalidixique et de 10 µg/ml de colistine. Les colonies se développent après 48 à 72 heures d’incubation à 37°C en anaérobiose.
3. Caractères d’identification :
Les Mobiluncus ne possèdent ni catalase ni oxydase. Deux espèces sont décrites :
– M. curtisii. Les corps bactériens sont courts (1,7 u.m de long). Cette espèce hydrolyse l’hippurate, est faiblement glucidolytique et résiste au métronidazole.
Il existe deux sous-espèces : M. curtisii subsp. curtisii qui est nitrate-réductase négative et M. curtisii subsp. holmesii qui est nitrate réductase positive.
– M. mulieris. Les corps bactériens atteignent 3 u.m de long. Cette espèce n’hydrolyse pas l’hippurate et est fortement glucidolytique.
4. Sensibilité aux antibiotiques :
La sensibilité au métronidazole est irrégulière. Toutes les souches sont sensibles à la pénicilline, l’ampicilline, la céfoxitine, l’érythromycine et, paradoxalement pour un anaérobie, à la gentamicine.