HISTORIQUE :
En 1913 un bacille mobile, vibrio-like, a été rendu responsable d’avortements épizootiques ches les bovidés. Ce bacille a été désigné comme Vibrio fétus par Smith et Taylor (U.S.A.) en 1919. Un bactériologiste français, Vinzent, a rapporté en 1949 le premier cas d’infection humaine à Vibrio fétus.
En 1963, par l’étude du G + C % du DNA, Sébald et Véron ont montré que ces bactéries sont différentes des Vibrio (G + C % = 40 à 52) et forment un nouveau genre, Campylobacter (G + C % = 30 à 38).
Au cours des dernières décennies les conditions d’isolement des Campylobacter ont été améliorées et le rôle de ces bactéries comme agents d’entérites a été démontré.
I – DÉFINITION :
Les Campylobacter sont des bacilles à Gram négatif caractérisés par :
– leur morphologie. Bacilles fins, de 0,5 à 5 |J,m de long, incurvés en forme de virgule, en forme de S, de « vol de mouette » ou de forme hélicoïdale pour les formes longues.
– leur mobilité. Elle est très vive due à une ciliature polaire monotriche. Elle est classiquement décrite comme un « vol de moucheron ». Les formes longues peuvent être flagellées aux deux extrémités.
leur métabolisme respiratoire micro-aérophile.
une réaction oxydase (+).
un G + C % du DNA compris entre 30 et 38 %.
II – CLASSIFICATION :
La catalase permet de diviser le genre Campylobacter en deux groupes.
A – Groupe catalase négatif :
Les espèces qui forment ce groupe ne sont pas pathogènes pour l’homme.
C. sputorum est subdivisé en 3 sous-espèces :
– subsp. sputorum, trouvée dans la flore buccale normale.
– subsp. bubulus, trouvée dans les sécrétions préputiales du taureau.
– subsp. mucosalis, isolé d’adénomes intestinaux du porc.
B – Groupe catalase positif :
Dans ce groupe on distingue :
– C. f é t u s , avec deux sous-espèces: C. fétus subsp. fétus, responsable de septicémies chez l’immuno-déprimé, il est aussi pathogène pour les bovins et les ovins ; C. fétus subsp. venerealis est responsable d’avortements et de stérilité du bétail.
– C. jejuni est aujourd’hui reconnu comme une bactérie fréquemment responsable de diarrhées chez l’homme.
– C. coli est proche de C. jejuni et a un pouvoir pathogène identique.
C – Autres espèces :
D’autres espèces récemment reconnues sont rattachées au genre Campylobacter :
– C. laridis est fréquent chez les mouettes,
– C.fecalis est trouvé chez le bétail, mais pas chez l’homme,
– C. hyointestinalis donne des entérites chez le porc,
– C. cinaedi et C.fennelliae ont été trouvés dans le rectum d’homosexuels,
– C. cryaerophila et C. nitrofigilis n’ont été trouvés que dans l’environnement.
– C. pylori ou C. pyloridis souvent associé à des lésions de la muqueuse de l’estomac, est aujourd’hui classé dans le genre Helicobacter.
III – HABITAT ET ÉPIDÉMIOLOGIE :
Les Campylobacter sont des bactéries trouvées dans le tube digestif des animaux, notamment les volailles, les ovins et les porcs. Les animaux de compagnie (chien et chat) ont été incriminés comme vecteurs de Campylobacter.
La contamination de l’homme se fait par voie digestive. Les cas de campylobactériose sont le plus souvent sporadiques. L’eau ou des laitages contaminés ont été à l’origine d’épidémies.
IV – PHYSIOPATHOLOGIE :
En raison de leur grande mobilité les Campylobacter sont aptes à traverser le mucus. Ils peuvent pénétrer dans les entérocytes. Le caractère invasif de la bactérie se traduit par la présence de leucocytes et de sang dans les selles des malades.
Des toxines ont été mises en évidence chez des souches de C. jejuni. L’une d’elles a des propriétés voisines de la toxine cholérique. Une autre toxine aurait une activité cytotoxique. Leur rôle exact est encore à préciser.
V – POUVOIR PATHOGÈNE :
A – Pour l’homme :
– C. fétus subsp. fétus. Il est responsable de septicémies à point de départ digestif survenant chez la femme enceinte ou chez des sujets ayant une maladie sous-jacente : cirrhose, hémopathie, SIDA etc… Des infections localisées (cardiaques, méningées, articulaires) ont aussi été décrites.
– C. jejuni et C. coll. Ils sont beaucoup plus souvent rencontrés. Ils sont cause d’entérites qui sont plus fréquentes chez l’enfant vivant dans des conditions d’hygiène précaires. Après une incubation de 1 à 3 jours, survient une diarrhée fébrile avec parfois du sang dans les selles. Les douleurs abdominales et les vomissements sont habituels. La guérison survient spontanément en une semaine environ. Les bactériémies sont peu fréquentes. Quelques complications infectieuses (appendicites, cholécystites, péritonites) ou post-infectieuses (arthrites) ont été signalées.
B – Pour l’animal :
– C. fétus subsp. fétus se rencontre comme commensal dans l’intestin des bovins, ovins, porcins et volailles. A partir de l’intestin la bactérie peut avoir une diffusion hématogène ; l’infection peut se localiser aux voies génitales et causer des « avortements sporadiques ».
– C. fétus subsp. venerealis ne se trouve que chez les bovins chez lesquels il provoque la « stérilité enzootique » d’origine vénérienne.
VI – CARACTÈRES BACTÉRIOLOGIQUES :
A – Les Campylobacter sont micro-aérophiles :
Ils ont besoin pour leur croissance d’une atmosphère ayant une teneur réduite en oxygène, mais ils ont un métabolisme respiratoire et ne se développent pas en anaérobiose.
Le mélange gazeux le plus favorable à leur croissance contient : 5 % d’oxygène, 10 % de CO2 et 85 % d’azote. Il est le plus aisément obtenu en utilisant un générateur adapté placé dans une jarre pour anaérobies.
B – Milieux de culture :
Les Campylobacter se-développent sur gélose Columbia additionnée de 5 % de sang. Us se développent aussi sur Brucella Agar et sur milieu de Mueller-Hinton.
La croissance en milieu semi-gélose (0,15 % d’agar) comme le bouillon thioglycolate est meilleure qu’en milieu liquide.
Des milieux sélectifs pour rechercher les Campylobacter dans les selles ont été mis au point. Ils contiennent un mélange d’antibiotiques inhibant la plupart des bactéries de la coproflore :
– milieu de Butzier : bacitracine, novobiocine, cycloheximide, céfazoline, colistine.
– milieu de Skirrow : vancomycine, triméthoprime, polymyxine.
– milieu de Blaser : vancomycine, triméthoprime, polymyxine, céfalotine, amphotéricine.
Les Campylobacter se développent à 37°C, mais une température d’incubation de 42°C favorise la croissance de C. jejuni.
C – Aspect des colonies :
Sur milieu gélose les colonies apparaissent en 2 à 4 jours. Elles mesurent 1 à 2 mm de diamètre. Elles sont plates, grisâtres et translucides. Elles peuvent avoir un bord irrégulier. Lorsque la gélose n’est pas parfaitement sèche, les colonies peuvent s’étaler. Elles ont parfois un aspect mucoïde.
Lorsque les colonies sont âgées, les corps bactériens deviennent coccoïdes. Cette forme de dégénérescence est irréversible.
D – Caractères biochimiques :
– Tous les Campylobacter réduisent les nitrates en nitrites et sont oxydase (+).
– Les espèces ayant un intérêt médical possèdent toutes une catalase.
– Ils n’hydrolysent pas les sucres.
– C. jejuni se distingue par son aptitude à hydrolyser l’hippurate.
Les caractères qui permettent de distinguer les principales espèces de Campylobacter rencontrés en médecine humaine sont indiqués dans le tableau ci-dessous :
VII – RECHERCHE DE C. JEJUNI DANS LES SELLES :
– Elle doit être effectuée sur des selles fraîchement émises ou conservées à +4°C.
– L’examen direct au microscope à contraste de phase ou au fond noir d’une goutte de suspension fécale est un temps essentiel. Il permet souvent de reconnaître des bacilles ayant la mobilité caractéristique.
– L’examen microscopique des selles après coloration au bleu de méthylène peut montrer des polynucléaires en quantité importante qui sont le témoin du pouvoir invasif de la bactérie.
– La culture est généralement faite par ensemencement des milieux sélectifs décrits plus haut. Une autre possibilité est de filtrer une suspension de selles sur un filtre de 0,65 [l qui est ensuite posé directement sur le milieu gélose et laissé en place une heure.
VIII – TRAITEMENT ANTIBIOTIQUE :
Les formes septicémiques ou autres que digestives de campylobactériose justifient un traitement antibiotique par voie générale.
Pour l’entérite à Campylobacter dont la guérison est spontanée, la nécessité d’un traitement antibiotique se discute. L’antibiotique de choix est alors l’érythromycine qui permet de raccourcir la durée du portage digestif.
Les Campylobacter sont sensibles aux aminosides, aux tétracyclines, au chloramphénicol et à la combinaison amoxicilline-acide clavulanique. La sensibilité à l’ampicilline est inconstante. Ils sont résistants à la colistine, au cotrimoxazole, à la rifampicine et à la céfalotine.