HISTORIQUE :
Au cours de la pandémie de grippe de 1889-1892, Pfeiffer a observé et cultivé à partir de crachats de grippés un petit bacille, Bacillus influenzae et en a fait l’agent étiologique de la « grippe » ou « influenza » ; il a montré la présence indispensable de sang pour la culture de cette bactérie et invente la gélose au sang.
Quelques années plus tôt, en 1883 en Egypte par Koch, en 1886 aux U.S.A. par Weeks, avait été observée, puis cultivée dans l’exsudat de conjonctivites purulentes une bactérie, bacille de Koch-Weeks, signalée dans un traité de 1889 sous le nom de Bacillus aegyptius.
Le nom du genre Haemophilus a été proposé en 1917. En 1939, A.Lwoff propose le démembrement des « Hemophilae » et la création du genre Moraxella, suivi en 1952 par Moreno-Lopez qui propose le genre Bordetella.
Jusqu’en 1933, date de la découverte de l’agent étiologique de la grippe, H. influenzae était resté, parfois avec des doutes, la bactérie suspectée d’être responsable de l’influenza. En 1930 Miss M. Pittman met en évidence l’existence de souches capsulées, propose des types sérologiques et montre la prédominance du type b dans les méningites et autres infections aiguës suppurees.
HAEMOPHILUS INFLUENZAE
I – CARACTÈRES GÉNÉRAUX DU GENRE :
Les caractères généraux des bactéries du genre Haemophilus sont les suivants : petits bacilles ou coccobacilles à Gram négatif avec un polymorphisme très accentué (formes allongées) ; immobiles, non sporulés, parfois capsulés, aérobies et anaérobies facultatifs, exigeant des facteurs présents dans le sang, le facteur X ou protoporphyrine IX ou protohème et/ou le facteur V (NAD ou NADP), dont la croissance est aussi favorisée par les milieux complexes, à la température optimale de 35-37°C ; possédant une nitrate-réductase, présentant une réaction de la catalase et de l’oxydase variables ; utilisant les hydrates de carbone par un processus fermentatif ; étant des parasites obligatoires des muqueuses de l’homme et des animaux ; le G + C % de l’ADN est compris entre 37 et 44 moles.
II – TAXONOMIE ET NOMENCLATURE :
Le genre Haemophilus est placé (Kilian, Bergey’s Manual 1984) dans la famille des Pasteurellaceae avec les genres Pasteurella et Actinobacillus.
Haemophilus influenzae est l’espèce-type du genre qui contient seize espèces d’origine animale et humaine.
Parmi les seize espèces décrites, 3 exigent les facteurs X et V (H. influenzae, H. aegyptius et H . haemolyticus), 2 n’exigent que le facteur X (H. haemoglobinophilus et H . ducreyi) et 10 n’exigent que le facteur V (H. parainfluenzae, H. parahaemolyticus, H . paraphrohaemolyticus, H. pleuropneumoniae, H. paracuniculus, H. paraphrophilus, H. segnis, H. parasuis, H. paragallinarum, H. aviwn). H. aphrophilus présente une exigence en facteur X variable.
III – HABITAT ET ÉPIDÉMIOLOGIE :
Les Haemophilus font partie de la flore normale des muqueuses des voies respiratoires supérieures et de la cavité buccale de l’homme ; ils peuvent aussi être isolés dans le tube digestif et au niveau de la muqueuse vaginale.
Deux espèces, H. aegyptius et H. ducreyi ne sont pas rencontrées chez le sujet sain. Par contre H. influenzae, H. haemolyticus, H. parainfluenzae, H. parahaemolyticus, H. paraphrohaemolyticus, H. aphrophilus, H. paraphrophilus et H. segnis occupent une place variable dans les différentes niches écologiques.
Les Haemophilus représentent 11 % de la flore pharyngée d’un sujet normal; l’espèce dominante est H. parainfluenzae, H. influenzae est présent en moins grande quantité et est plus fréquent chez l’enfant. Le portage d’H. influenzae concerne 75 % des jeunes enfants et 35 % des adultes et des enfants âgés, mais il existe de grandes variations dans la colonisation pharyngée par les souches capsulées de type b. Dans une population normale les souches capsulées sont rencontrées chez moins de 5 % des enfants (la moitié des souches étant de type b) ; chez les adultes, le portage est habituellement inférieur à 0,50 %.
H. influenzae est plus rarement rencontré au niveau de la muqueuse buccale, de la salive et à la surface de la muqueuse vaginale. H. haemolyticus est localisé au niveau du pharynx.
H. parainfluenzae est plus ubiquitaire et colonise les muqueuses buccales et pharyngées ; il est aussi présent dans les selles et la cavité vaginale. Dans la salive, H. parainfluenzae peut être en quantité importante (1.107 bactéries par ml). Les autres espèces, le plus souvent V dépendantes, H. parahaemolyticus, H. paraphrohaemolyticus, H. segnis, H. paraphrophilus ont les mêmes préférences écologiques (muqueuses buccales et pharyngées), mais sont moins fréquentes. Dans la bouche, la surface des dents (plaque dentaire, espace dentaire, poche gingivale) est le site préférentiel pour H. parainfluenzae, H. segnis, H. paraphrophilus et H. aphrophilus.
H. influenzae de type b est l’une des trois principales espèces bactériennes responsables des méningites primitives. Il occupe dans notre pays la deuxième place derrière le méningocoque. Aux Etats-Unis d’Amérique, il occupe la première place et le risque pour un enfant de présenter une méningite à H. influenzae pendant les cinq premières années de sa vie est estimé à 1/500. Ce risque est de 1/1 500 en Grande Bretagne. La maladie atteint des enfants âgés de 2 mois à 3 ans avec une incidence maximale entre 6 mois et 1 an. Les souches sont le plus souvent de biotype I.
La méningite à H. influenzae est une infection sporadique et il n’y a pas de vraies épidémies comme celles observées avec le méningocoque. Cependant des études récentes ont montré que la méningite à Haemophilus doit être considérée comme contagieuse, avec un risque équivalent à celui de la méningite cérébrospinale. Lors de manifestation invasive dans une collectivité ou une famille, il y a toujours une augmentation importante du nombre de porteurs de souches capsulées. Les autres manifestations invasives ont une distribution, selon l’âge, identique à celle des méningites à l’exception des épiglottites moins fréquentes qui touchent les enfants plus âgés, de 2 à 7 ans.
La dissémination des souches capsulées se fait par les gouttelettes dispersées lors de la respiration ou par contact direct, intime, avec les sécrétions d’un malade ou d’un porteur ; la bactérie ne survit pas à la dessication dans le milieu extérieur.
IV – POUVOIR PATHOGÈNE NATUREL :
H. influenzae est une bactérie pyogène responsable d’infections variées parfois sévères observées à tous les âges de la vie mais plus fréquemment chez l’enfant. Il s’agit soit d’infections aiguës systémiques provoquées par des souches invasives capsulées de type b soit d’infections aiguës sans bactérienne ou chroniques provoquées par des souches non capsulées dans lesquelles H. influenzae ne joue parfois qu’un rôle secondaire.
A – Chez l’enfant :
Les infections à H. influenzae sont rares dans la période néonatale ; il en est de même des infections puerpérales reconnues cependant depuis le début du siècle. Les souches responsables sont le plus souvent non capsulées. La localisation méningée est exceptionnelle à cet âge.
Après l’âge de deux mois les manifestations invasives sont les plus fréquentes et les plus graves.
Les méningites à H. influenzae sont fréquentes chez l’enfant âgé de 3 mois à 3 ans.
La forme classique est habituellement précédée de signes d’infection des voies respiratoires supérieures (pharyngite, sinusite ou otite moyenne) contemporaine ou non d’une infection virale. Il existe plus rarement des formes foudroyantes. La mortalité est inférieure à 10 % mais les séquelles neurologiques ne sont pas rares, observées dans 20 à 30 % des cas. Le risque de complications et de séquelles est d’autant plus élevé que la concentration bactérienne (ou en antigènes solubles) dans le
LCR est importante et durable. La bactérie responsable est H. influenzae de type b.
L’épiglottite qui survient chez des enfants plus âgés (de 2 à 7 ans) est moins fréquente que la méningite.
D’autres localisations sont observées avec une fréquence variable lors d’infection systémique : arthrite (et plus rarement ostéite ou ostéomyélite), otite moyenne, cellulite, péricardite, pneumonie avec ou sans empyème, orchi-épididymite. Chez l’enfant plus âgé les infections à H. influenzae peuvent survenir lors de déficience du terrain, déficit immunitaire, leucémie, cancer.
L’otite moyenne à H. influenzae est le plus souvent une infection localisée, sans bactériémie et les souches sont non capsulées dans 80 % des cas. Il en est de même des autres infections de la sphère ORL et des infections bronchopulmonaires. La conjonctivite à H. influenzae se manifeste sous deux formes : cas sporadiques provoqués par des souches capsulées ou non et épidémies localisées dans des pays à climat chaud (Afrique du Nord, sud des U.S.A.) habituellement provoquées par le bacille de Koch-Weeks, H. aegyptius, non capsulé proche de H. influenzae de biotype III.
B – Chez l’adulte :
Toutes les manifestations précédemment décrites chez l’enfant peuvent être observées chez l’adulte. Le terrain va jouer un rôle prédominant dans la survenue des infections à H. influenzae. Les méningites à H. influenzae représentent de 1 à 10 % des méningites purulentes de l’adulte. Elles sont observées plus volontiers chez le sujet âgé ou lors de causes favorisantes : traumatisme crânien, agammaglobulinémie, diabète, alcoolisme, splénectomie, autre maladie intercurrente. H. influenzae est rarement responsable de méningite récidivante (essentiellement à pneumocoque). Les souches sont le plus souvent non capsulées.
Les localisations pulmonaires et bronchopulmonaires sont les plus fréquentes. Il s’agit soit de pneumonie avec bactériémie, soit d’infection bronchopulmonaire lors de bronchite chronique. Dans ce cas, la perte des capacités de défense de la muqueuse bronchique permet la colonisation des bronches par les bactéries des voies respiratoires supérieures. L’exacerbation aiguë de la maladie chronique est accompagnée de la prolifération seul ou avec d’autres bactéries de H. influenzae le plus souvent non capsulé. H. influenzae joue avec le pneumocoque un rôle important dans les sinusites aiguës.
Par contre les infections avec bactériémie sont peu fréquentes chez l’adulte (épiglottite, péricardite, endocardite, arthrite, cellulite). Des infections biliaires, appendiculaires, urinaires, prostatiques, génitales et gynécologiques ont été décrites.
V – PHYSIOPATHOLOGIE ET FACTEUR DE VIRULENCE :
Haemophilus influenzae élabore différents produits qui à des degrés divers participent au pouvoir pathogène de cette espèce. Toutes les souches d’H. influenzae (comme S. pneumoniae, N. meningitidis et le gonocoque) produisent une enzyme, immunoglobuline A protéase, extracellulaire, spécifique des IgA humaines de la sous-classe des IgA1 rôle des IgA1 protéases n’est pas encore élucidé.
De découverte récente, les pili de H. influenzae jouent un rôle encore imparfaitement connu. Ils sont responsables de l’adhésion aux cellules épithéliales mais ne semblent pas jouer un rôle déterminant dans la colonisation des muqueuses et l’invasion.
Parmi les composants bactériens, le lipopolysaccharide et les protéines de membrane externe sont des constituants antigéniques importants pour les études épidémiologiques.
Les antigènes polysaccharidiques de capsule sont le support essentiel de la virulence lors de manifestations invasives. Les souches capsulées ont été classées par Miss Pittman en 6 sérotypes a, b, c, d, e, et f. Le sérotype b est le plus fréquent ; il est dû à un polyribosylribitol phosphate ou PRP, antigénique qui, purifié, est utilisé comme vaccin.
Les anticorps dirigés contre le PRP sont des anticorps protecteurs qui apparaissent progressivement chez l’enfant. Fothergill et Wright ont montré dès 1932 la relation existant entre l’absence d’activité bactéricide du sérum et l’incidence des méningites à H. influenzae de type b. Ultérieurement la même corrélation a été établie entre les anticorps anti PRP et la survenue des méningites, plus fréquentes entre 3 mois et 3 ans. La période située entre la fin de la protection passive conférée par les anticorps d’origine maternelle et l’acquisition d’anticorps à un titre suffisant est favorable au développement des méningites.
VI – DIAGNOSTIC BACTÉRIOLOGIQUE :
A – Les produits pathologiques :
Ce sont soit des produits monomicrobiens obtenus par ponction (LCR, liquide articulaire, liquide pleural), soit des produits polymicrobiens comme les sécrétions bronchiques et les prélèvements dans la sphère ORL. Ces derniers doivent être réalisés en évitant ou limitant la contamination par la flore oropharyngée. La mise en culture des sécrétions bronchiques se fait après homogénéisation du prélèvement et est accompagnée d’une approche quantitative des bactéries présentes. L’hémoculture est utile dans tous les cas d’évolution fébrile. Il faudra penser à H. influenzae dans certaines circonstances inhabituelles et rares (urines, pus profond, …)
B – Examen direct :
Dans un produit pathologique ou dans une culture, H. influenzae se présente comme un petit bacille à Gram négatif (0,3-0,4 x 1-1,5 u,m) court, le plus souvent coccobacillaire. Mais il faut souligner la fréquence du polymorphisme qui lors de l’observation d’une préparation microscopique peut rendre perplexe un observateur non averti. Ce sont des bacilles immobiles, non sporulés et dans certains cas possédant une capsule.
L’examen direct est utile pour les produits monomicrobiens et lors de méningite l’aspect coccobacillaire et le polymorphisme de bactéries à Gram négatif sont de bons éléments d’orientation. La lecture est plus difficile dans les produits souvent polymicrobiens comme les expectorations, les éléments à rechercher sont l’abondance de coccobacilles ou de bacilles fins (plus fins qu’une entérobactérie) accompagnant les polynucléaires et le polymorphisme.
C – Culture – Caractères d’identification :
L’appartenance au genre Haemophilus repose sur l’exigence en facteur de croissance X et V présents dans les globules rouges.
Le facteur V, NADP, est une co-enzyme de déshydrogénase. NAD est thermolabile et inactivé par chauffage 30 mn à 120°C. Le facteur V est intraglobulaire, est présent dans les tissus et est synthétisé par la plupart des espèces bactériennes.
Le facteur X est l’hémine qui entre dans la composition des enzymes respiratoires contenant du fer (cytochromes, cytochrome oxydase, catalase, peroxydase). Ce composé est indispensable aux bactéries ne possédant pas les enzymes de la chaîne de transformation de l’acide delta amino-levulinique en protoporphyrine. En anaérobiose les besoins en facteurs X de H. influenzae sont très réduits ou même nuls.
Le facteur X diffuse à partir des globules rouges intacts et est libéré après chauffage.
Les milieux de culture doivent contenir les facteurs X et V. La gélose au sang avec une strie de S. aureus qui réalise un apport de facteur V permet la culture par le
phénomène de satellitisme. La gélose au sang cuit est obtenue par chauffage modéré
entraînant la libération de X et V à partir des globules rouges. La gélose chocolat est un milieu nutritif complexe contenant de l’hémine auquel doit être ajouté le NAD.
Les milieux nutritifs habituels peuvent être supplémentés en facteur X et V (Fildes, NAD, hémine, extrait de levure).
La recherche d’Haemophilus dans les produits polymicrobiens provenant du tractus respiratoire utilise des milieux sélectifs préparés par addition d’antibiotique, bacitracine par exemple (ce fut la première utilisation de la pénicilline par Fleming en 1929).
La température optimale de culture est de 35-37°C. L’incubation en atmosphère humide favorise la croissance et certaines espèces exigent une atmosphère enrichie en CO2 (H. aphrophilus, H. paraphrophilus}.
Différents types de colonies ont été décrits chez H. influenzae. Les souches capsulées donnent des colonies muqueuses, volumineuses, ayant tendance à s’étaler ou des colonies lisses, rondes à bords réguliers, bombées, facilement dissociables, iridescentes sur milieu transparent en lumière oblique. Les souches non capsulées sont soit des colonies lisses, voisines des précédentes, plus petites, sans iridescence soit plus rarement de type rugueux, difficile à prélever, qui est l’aspect habituel des colonies d’H. parainfluenzae.
En milieu liquide les souches S donnent un trouble homogène, les souches R forment un dépôt granuleux sans modifier la limpidité du milieu.
Certaines souches d’H. influenzae émettent une odeur d’indole caractéristique.
D – Identification :
La première étape de l’identification des Haemophilus est la mise en évidence de l’exigence en facteur X et/ou V. Différentes méthodes permettent d’explorer cette exigence : phénomène de satellitisme sur gélose au sang avec une strie de Staphylocoque, milieu complémenté avec l’un et/ou l’autre facteur, disques contenant l’un et/ou l’autre facteur déposés à la surface d’un milieu gélose. Tout apport parasite de facteur de croissance (en particulier X à partir de milieu au sang, flacon d’hémoculture,…) doit être soigneusement évité, de même qu’il est important pour réaliser ces tests d’utiliser des milieux nutritifs ne contenant aucune trace de ces facteurs. Le test explorant la synthèse de porphyrine à partir de l’acide delta-aminolévulinique permet d’apporter une certitude quant à la dépendance en facteur X (test de la porphyrine).
L’identification est complétée par l’étude de caractères biochimiques présentés dans les tableaux 1 et II. La fermentation du glucose, avec ou sans production de gaz est constante ; l’utilisation du xylose et du ribose par H. influenzae et celle du saccharose et du fructose par H. parainfluenzae sont de bons caractères différentiels.
Seules les espèces exigeantes en facteur V seul et H. aphrophilus ont un test à l’ONPG positif.
En fonction de trois caractères biochimiques, omithine-décarboxylase, uréase et production d’indole, Kilian a proposé des biotypes actuellement au nombre de 8 pour H. influenzae et de 3 pour H. parainfluenzae. Ces caractères peuvent être recherchés avec les milieux habituels supplémentés ou non ou à l’aide de microméthode (galerie API 10 E avec un inoculum lourd).
La détermination du sérotype des souches capsulées est réalisée par agglutination sur lame, gonflement de la capsule, co-agglutination ou électrophorèse.
L’étude des besoins en facteurs X et/ou V est la première étape du diagnostic différentiel. L’exigence stricte en CO2 est un autre élément du diagnostic différentiel.
Les caractères biochimiques utiles pour différencier les espèces du genre Haemophilus et des bactéries voisines ou isolées dans des situations identiques sont présentés dans les tableaux I et II.
E – Classification : biotypes, sérotypes :
Différents marqueurs peuvent être utilisés pour caractériser les souches d’H. influenzae. La répartition des biotypes est différente selon l’origine des souches : les souches invasives capsulées appartiennent le plus souvent au biotype I, les souches présentes au niveau des muqueuses des voies respiratoires supérieures sont de biotype II.
Parmi les six sérotypes définis par M. Pittman,le sérotype b est pratiquement toujours celui isolé lors de manifestations invasives. D’autres marqueurs comme les sous-types définis par le profil électrophorétique des protéines de membrane externe ou du LPS permettent de compléter les études épidémiologiques.
F – Diagnostic rapide :
Le diagnostic rapide repose sur la recherche d’antigènes polysaccharidiques (antigènes solubles) dans les liquides biologiques, LCR, sérum, urines. Cette recherche peut se faire par différentes techniques, électrophorèse, agglutination de particules de latex revêtues d’anticorps, co-agglutination, ELISA. Elle concerne uniquement le type b d’H. influenzae et les indications sont les infections systémiques de l’enfant.
VIII – AUTRES ESPÈCES D’HAEMOPHILUS :
Les caractéristiques biochimiques des autres espèces d’Haemophilus sont présentés dans les tableau 1 et II.
– H. aegyptius (bacille de Koch-Weeks) – Cette espèce doit être considérée comme une variété hémagglutinante de H. influenzae biotype III, mais tous les biotypes III ne sont pas H. aegyptius. Cette bactérie est responsable de conjonctivites en pays chauds. En 1984 est survenue au Brésil, chez des enfants, une épidémie de purpuras fulminants pouvant être mortels et consécutifs à une conjonctivite purulente. La conjonctivite et la maladie grave connue sous le nom de « Fièvre Purpurique Brésilienne » sont dues à H. aegyptius.
H. parainfluenzae. Rarement responsable d’infections, essentiellement chez l’adulte, cette espèce a été isolée lors d’endocardite. Les cas de méningites et d’infections systémiques sont rares.
H. haemolyticus, H. parahaemolyticus, H. paraphrohaemolyticus. Ces espèces ont été isolées dans de très rares cas d’endocardite et d’abcès du foie.
H. aphrophilus et H. paraphrophilus. Ces deux espèces sont responsables d’endocardites (plus fréquemment que H. parainfluenzae) et d’abcès du cerveau.
IX – TRAITEMENT ET PROPHYLAXIE :
A – Sensibilité aux antibiotiques et traitement :
Les différentes espèces sont habituellement résistantes aux lincosamines (caractère pouvant être utilisé comme aide au diagnostic) et peu sensibles in vitro aux macrolides.
H. influenzae est sensible aux principales familles d’antibiotiques : pénicillines (ampicilline), céphalosporines (Ie, IIe et surtout IIIe génération), aminoglycosides, chloramphénicol, tétracyclines, triméthoprime, sulfamides, rifampicine et quinolones. Dans les années 1970 a été observée l’émergence des souches résistantes en particulier à l’ampicilline par production d’une bêta-lactamase plasmidique de type TEM (identique à celle observée chez E. coli et de nombreuses espèces d’entérobactéries, inhibée par l’acide clavulanique). Cette résistance n’est pas toujours décelée par l’antibiogramme standard (diffusion en gélose) et il est indispensable de rechercher, spécifiquement par une technique appropriée, la production de bêta-lactamase pour toutes les souches isolées en situation pathogène (par utilisation d’une céphalosporine chromogène, ou par méthode acidimétrique ou microbiologique). Plus rarement, la résistance est due à une enzyme de type ROB-1.
Elle est parfois due à une modification de la perméabilité de la paroi bactérienne.
La résistance à l’ampicilline concerne 12 à 20 % des souches isolées dans notre pays. La résistance au chloramphénicol est plus rare (3 %) par production d’une chloramphénicol-acétyl-transférase d’origine plasmidique. La résistance concerne aussi les tétracyclines, la kanamycine et le triméthoprime. Il existe des souches invasives multirésistantes à ampicilline et chloramphénicol.
H. parainfluenzae a la même sensibilité que H. influenzae mais les souches résistantes, en particulier à l’ampicilline sont plus fréquentes.
Le traitement fait appel à différents antibiotiques actifs. L’ampicilline est l’antibiotique de choix dans le traitement des méningites administrée à forte dose par voie parentérale. L’émergence des souches résistantes à l’ampicilline a fait modifier les schémas thérapeutiques et abandonner l’ampicilline pour le chloramphénicol ou plus fréquemment une céphalosporine de troisième génération à bonne diffusion méningée.
B – Prophylaxie :
Elle est concevable contre les infections à H. influenzae de type b avec pour objectifs l’élimination du portage chez l’individu isolé ou dans une collectivité et l’augmentation des défenses de l’organisme par la vaccination des sujets réceptifs. Ces deux objectifs ont fait l’objet de travaux nombreux, mais des incertitudes demeurent quant à leur opportunité et leur efficacité.
La chimioprophylaxie, non utilisée dans notre pays, peut faire appel à la rifampicine par voie orale. La vaccination repose sur l’utilisation du polysaccharide de type b ou polyribosylribitol (PRP) obtenu purifié. La réponse après vaccination est étroitement dépendante de l’âge et la synthèse d’anticorps antipolysaccharidiques est faible avant 18 mois. Les améliorations visent à mettre au point un vaccin, utilisable et efficace avant 18 mois, par couplage du PRP avec des protéines par exemple des anatoxines diphtériques ou tétamiques ou des protéines membranaires de Neisseria meningitidis
HAEMOPHILUS DUCREYI
I – POSITION TAXONOMIQUE :
En 1889, Ducrey a décrit la bactérie responsable du chancre mou, connue actuellement sous le nom de Haemophilus ducreyi. Cette infection avait été individualisée de la syphilis en 1852, mais les difficultés de culture du bacille de Ducrey ont pendant longtemps fait reposer le diagnostic sur les seules données cliniques.
H. ducreyi constitue une espèce homogène et fait partie du genre Haemophilus.
Cependant des études récentes d’hybridation ADN-ADN ont montré que cette espèce était éloignée des autres espèces du genre Haemophilus.
II – HABITAT ET ÉPIDÉMIOLOGIE :
H. ducreyi est une bactérie strictement adaptée à l’homme et n’a jamais été retrouvée dans le milieu extérieur. Elle est responsable du chancre mou, maladie sexuellement transmissible, endémique dans les régions tropicales et subtropicales d’Asie et d’Afrique. En Europe et en France maladie a disparu pendant plusieurs décennies ; elle était occassionnellement observée dans les ports.
L’infection est observée à nouveau depuis les années 1970. A côté de cas isolés, le chancre mou évolue sous forme d’épidémies dans des populations de travailleurs immigrés originaires d’Afrique le plus souvent. Dans la majorité des cas, l’infection se produit au contact de prostituées. La transmission se fait par contact direct et nécessite une effraction cutanée. Il n’a pas été mis en évidence de porteurs sains (homme ou femme). La maladie est beaucoup plus fréquente chez l’homme.
Les infections à H. ducreyi sont dans de nombreux pays en voie de développement la principale cause d’ulcération génitale, plus fréquente que la syphilis. Dans les pays industrialisés la cause la plus fréquente en est l’infection à Virus Herpès suivie par l’infection à Treponema pallidum.
III – POUVOIR PATHOGÈNE :
A – Pouvoir pathogène naturel :
Après une incubation de durée variable, courte, de moins d’une semaine, ou prolongée de 15 à 30 jours ou plus, la lésion débute par une pustule qui évolue sous forme d’ulcération douloureuse, non indurée, à bords surélevés et irréguliers, purulente. Le chancre mou est beaucoup plus fréquemment observé chez l’homme et siège le plus souvent sur la peau des organes génitaux (sillon balano-préputial, fourreau) plus rarement sur le gland. Il peut y avoir des ulcérations multiples résultant d’une auto-inoculation. Le chancre peut être accompagné d’une adénopathie satellite (bubon inguinal) évoluant vers la fistulisation après ramollissement.
L’infection est beaucoup plus rarement observée chez la femme et les lésions sont localisées à la partie cutanée des organes génitaux.
B – Pouvoir pathogène expérimental :
L’auto-inoculation dans la peau du malade à partir de sa propre lésion a été complètement abandonnée comme moyen de diagnostic. Chez l’animal le pouvoir pathogène expérimental a pu être recherché par voie intradermique chez le lapin. La virulence des souches est très variable et s’atténue au cours de la conservation.
IV – DIAGNOSTIC BACTÉRIOLOGIQUE :
A – Produit pathologique :
Le prélèvement est réalisé au niveau du chancre après détersion, à la base de l’ulcère avec un vaccinostyle ou un écouvillon ou par ponction au niveau du bubon inguinal. La conservation et le transport sont à éviter et le produit doit être mis en culture immédiatement.
B – Examen direct :
L’examen microscopique du frottis se fait après coloration au bleu de méthylène ou au Giemsa. La coloration de Gram ne permet pas de visualiser correctement le bacille de Ducrey. La lecture peut être rendue difficile par la présence d’une flore associée. H. ducreyi se présente comme un bacille court (0,5 µm x 1,5-2 (im), à bouts arrondis, à coloration bipolaire intra et extra-cellulaire, évoquant une épingle de sûreté. Les bactéries peuvent être isolées ou groupées en chaîne (aspect en chaîne de bicyclette) ou en banc de poisson. L’examen direct est positif dans 50 à 80 % des cas.
C – Culture :
H. ducreyi fait partie des bactéries de culture difficile ou « bactéries exigeantes ». De plus la présence fréquente d’autres bactéries dans le prélèvement nécessite l’utilisation de milieux sélectifs. Différents milieux solides ont été proposés, gélose au sang (humain, lapin, de foetus de bovidé), gélose chocolat et Isovitalex.
L’enrichissement en hémine et en sérum (10 – 20 %) améliore le rendement des cultures. L’addition de vancomycine (3 mg/1) et de polymyxine (7,5 mg/1) réalise un milieu sélectif (VCN). Il est nécessaire d’utiliser deux milieux (sélectif et non sélectif) lors de l’isolement. Les meilleurs milieux de base sont la gélose Columbia, la gélose PPLO et le milieu GC pour gonocoque.
L’incubation est réalisée à 33-35°C en atmosphère de 5 à 10 % de CO2 et saturée d’humidité.
Les colonies, visibles après 2 à 5 jours d’incubation, sont petites, semi-opaques, gris-jaunes, non muqueuses, qui, lors de la tentative de prélèvement, glissent intactes sur la gélose.
Le produit pathologique lors de la récolte peut être inoculé dans 1 ml de sérum (humain, lapin ou foetal de bovidé) et incubé à 35°C pendant 2-3 jours. Ceci réalise un enrichissement du bacille de Ducrey qui, après coloration, se présente sous forme de longues chaînes de bacilles à coloration bipolaire ayant l’aspect de chaîne de bicyclette.
D – Identification :
L’espèce est pauvre en critères d’identification. H. ducreyi est une espèce exigeante en facteur X et ses besoins sont élevés (200 mg/1), supérieurs à ceux des autres Haemophilus. Le besoin en facteur X est difficile à explorer par le satellitisme autour d’un disque sur milieu déficient comme pour les autres Haemophilus, mais il peut l’être par le test à la porphyrine (recherche de synthèse de prophyrine à partir de l’acide delta aminolevulinique).
Les caractères habituels d’identification sont en majorité négatifs ; les principaux caractères positifs sont la réduction des nitrates en nitrites ; la présence d’une phosphatase-alcaline et le test à l’oxydase réalisé avec le tétra-méthyl-pphénylènediamine.
H. ducreyi possède des amino-peptidases mais pas de glycosidases.
Le profil électrophorétique des protéines de membrane externe permet de définir des sous-types utilisables pour les études épidémiologiques.
Le diagnostic repose donc sur l’aspect particulier du bacille, les exigences de culture et les caractères biochimiques négatifs.
Le diagnostic différentiel est à envisager pour des colonies à croissance lente comme certaines corynébactéries (à Grain positif).
V – TRAITEMENT ET PROPHYLAXIE :
Le traitement fait appel à des soins locaux et une antibiothérapie par voie générale : les antibiotiques utilisés avec succès sont le triméthoprime – sulfaméthoxazole, la streptomycine, les tétracyclines, l’étrythromycine.
Il existe des souches résistantes à l’ampicilline (par production d’une bêta-lactamase), à la tétracycline, au chloramphénicol, aux sulfamides, aux aminosides. Ces résistances sont d’origine plasmidique.
La prophylaxie est celle des maladies sexuellement transmissibles. Il n’existe pas d’immunité de surinfection.
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