I – DÉFINITION :
Ce groupe d’Enterobacteriaceae rassemble des espèces qui ont en commun de posséder des enzymes permettant la désamination oxydative des acides aminés en corps cétoniques. Ceux-ci forment des complexes colorés avec les ions Fe »1″1″1″.
Deux de ces enzymes sont recherchées en pratique courante. Ce sont :
– la tryptophane-désaminase ou TDA,
– la phénylalanine-désaminase ou PDA.
Dans la suite de ce chapitre, ce groupe de bactéries sera désigné comme « Entérobactéries TDA+ ». C’est un groupe très hétérogène . Ces bactéries sont en général mobiles, donnent des colonies lactose négatif et sont ONPG négatif.
II – CLASSIFICATION :
Les travaux de taxonomie basés sur les réactions d’hybridation du DNA ont montré que :
– Les souches antérieurement désignées comme Proteus morganii n’appartiennent pas au genre Proteus. Elles forment le genre Morganella.
– Les souches désignées comme Proteus rettgeri doivent être classées dans le genre Providencia.
La classification actuelle du groupe des Entérobactéries TDA+ est la suivante :
– genre Proteus, 4 espèces : P. mirabilis, P. v u l g a r i s , P. penneri et P. myxofaciens. Cette dernière n’a pas d’intérêt médical.
– genre Providencia, 4 espèces : P. alcalifaciens, P. stuartii, P. rettgeri et P. rustigianii (proche de P. alcalifaciens)
– genre Morganella, une seule espèce : M. morganii
III – HABITAT :
Les Entérobactéries TDA+ sont extrêmement répandues dans l’environnement.
On les trouve partout, sur le sol, dans les eaux de surface, dans les eaux d’égout etc. Ce sont des hôtes habituels du tube digestif de l’homme et des animaux.
IV – POUVOIR PATHOGÈNE :
Ces bactéries sont avant tout responsables d’infections urinaires. P. mirabilis est de loin l’espèce la plus fréquente. Les espèces rencontrées ensuite sont M. morganii et les Providencia. Une anomalie de l’appareil urinaire ou un diabète sont des circonstances favorisant la survenue de ces infections qui peuvent être à l’origine de septicémies.
Ces bactéries sont aussi isolées de produits pathologiques variés : sécrétions trachéo-bronchiques, brûlures, pus divers. Des méningites à Proteus ont été décrites chez le nourrisson.
Le pouvoir entéropathogène des Proteus et des Providencia est très discutable. Ces espèces sont souvent présentes en grande quantité dans les selles lors des diarrhées par dysmicrobisme intestinal.
En raison de la grande fréquence des Entérobactéries TDA+ dans l’environnement, il y a toujours lieu de s’interroger sur la qualité des prélèvements avant d’attribuer un rôle pathogène aux souches isolées.
V – PHYSIOPATHOLOGIE :
Plusieurs facteurs contribuent à ce que les Entérobactéries TDA+ du groupe Proteus -Providencia soient uropathogènes.
– L’uréase que possèdent la plupart des souches transforme l’urée en hydroxyde d’ammonium. Il s’en suit une élévation du pH de l’urine, ce qui altère les cellules rénales et favorise la formation de calculs.
– P. mirabilis possède des pili qui en augmentant leur adhérence aux cellules épithéliales favorisent la survenue d’une pyélonéphrite ascendante.
– La grande mobilité des Proteus favorise leur diffusion dans l’appareil urinaire.
Des travaux expérimentaux ont montré que des souches mises en contact avec des anticorps antiflagelles perdaient leur aptitude à provoquer une infection ascendante.
VI – CARACTÈRES BACTÉRIOLOGIQUES :
A – Morphologie :
P. mirabilis et P. vulgaris sont des bacilles très polymorphes (d’où la référence à Protée). Dans une culture jeune, il peut exister des formes courtes et des formes longues. Les souches très mobiles sont pourvues de longs flagelles.
B – Caractères culturaux :
– En bouillon, les cultures se développent en donnant souvent un voile en surface.
– En milieu gélose, P. mirabilis et P. vulgaris peuvent envahir la surface du milieu en formant des ondes concentriques. Cet essaimage, ou swarming, est dû à la grande mobilité de la bactérie. L’envahissement des cultures par les Proteus peut être réduit par la présence dans le milieu de sels biliaires ou de détergents, par accroissement de la teneur en gélose ou par une diminution de la teneur en NaCl (milieu CLED = Cysteine Lactose Electrolyte Déficient).
– Phénomène de Dienes
Les cultures en nappe par essaimage de deux souches différentes de Proteus ne s’interpénétrent pas et sont séparées par une zone étroite sans culture. Ce phénomène peut être utilisé pour comparer des souches isolées d’un même secteur hospitalier.
C – Caractères biochimiques :
1. Genre Proteus :
Les Proteus sont caractérisés par leur uréase très active (exceptions), la production d’H2S d’une gélatinase et leur pouvoir glucidolytique faible.
– P. mirabilis est indole (-) et ODC (+)
– P. vulgaris est indole (+) et ODC (-)
– P. penneri est indole (-) et ODC (-), H2S (d) toujours résistant au Chloramphénicol
2. Genre Providencia :
Ces souches produisent de l’indole, mais pas d’H^S, de LDC, d’ODC, ni d’ADH.
– P. alcalifaciens est uréase (-), adonitol (+), et tréhalose (-) ;
– P. rettgeri est uréase (+), adonitol (+) et tréhalose (-) ;
– P. stuartii est uréase variable, adonitol (-) et tréhalose (+) ;
– P. rustigianii est uréase (-), adonitol (-) et tréhalose (-).
3. Genre Morganella :
M. morganii est indole (+), ODC (+), uréase (+) et H^S (-). Cette espèce a une très faible activité glucidolytique.
VII – SENSIBILITÉ AUX ANTIBIOTIQUES :
Les Entérobactéries TDA+ ont une résistance naturelle à la colistine et à la tétracycline.
Il est classique d’opposer les « Proteus indole (-) » (généralement plus sensibles aux antibiotiques, notamment les bêta-lactamines) aux « Proteus indole (+) » souvent multirésistants. P. stuartii et M. morganii peuvent poser des problèmes difficiles d’antibiothérapie. Ils restent néanmoins généralement sensibles à l’amikacine et aux céphalosporines de 3e génération. A l’exception des souches de Providencia, les Entérobactéries TDA+ sont habituellement sensibles aux nouvelles fluoroquinolones.