HISTORIQUE :
Isolé de la salive en 1880 par Pasteur, S. pneumoniae reste, malgré sa sensibilité aux antibiotiques, à la première place parmi les causes de mortalité par maladie infectieuse dans les pays développés. La découverte en 1910 des différents types sérologiques de S. pneumoniae avait permis l’emploi d’antisérums spécifiques qui furent le premier traitement efficace de la pneumonie à pneumocoque. L’étude de la physiologie de cette bactérie a conduit à des découvertes capitales qui ont ouvert la voie à la biologie moléculaire. En 1928, Griffith a montré qu’une souche R (rough) non capsulée et non pathogène pour la souris de S. pneumoniae pouvait être transformée en une souche S (smooth), capsulée et pathogène. En 1944, Avery, Mac Leod et Mac Carthy établirent les bases de la génétique bactérienne en montrant que l’ADN est le facteur transformant chez les pneumocoques.
I – HABITAT :
Le pneumocoque colonise fréquemment les voies respiratoires de l’homme puisqu’il y aurait jusqu’à 70 % de porteurs pharyngés sains ; on peut parfois le retrouver au niveau des muqueuses génitales.
C’est un germe transmis par voie aérienne : la transmission est presque toujours directe par l’intermédiaire des gouttelettes de Pflûgge. Le germe, réputé fragile, survit peu dans le milieu extérieur.
C’est un germe essentiellement humain, il est très rarement isolé chez les animaux.
II – PHYSIOPATHOLOGIE :
Les découvertes de ces dernières années éclairent certains faits observés en pathologie infectieuse, mais ne règlent pas tout. Pendant longtemps, on a pensé que la capsule était responsable du pouvoir pathogène (Avery : pouvoir pathogène expérimental sur la souris). La souche S capsulée tuait la souris, la souche R non capsulée était inoffensive. Ce n’est plus tout à fait exact : on peut avoir deux souches capsulées du sérotype 3 qui ont la même composition chimique du polysaccharide, l’une virulente, l’autre non virulente pour la souris ; la capsule n’est donc pas le seul support de virulence.
La capsule protège S. pneumoniae de la phagocytose.
L’évolution de la maladie est liée directement aux taux d’antigènes capsulaires circulants et à l’absence d’anticorps ; on sait que dans les infections à pneumocoques la voie alterne du complément est activée et que les acides teichoïques de la paroi provoqueraient un clivage du C3 en sous unités C3a et C3b ; il en résulterait une baisse du taux de C3 et du facteur B. L’une des conséquences serait une coagulation vasculaire disséminée.
Une agrégation des polynucléaires neutrophiles peut s’observer, elle est liée à une altération des membranes de ceux-ci probablement sous l’influence de la pneumolysine. Cette altération des polynucléaires entraîne une leucostase dans les capillaires pulmonaires responsable d’hypoxie et de décompensation cardio-respiratoire.
Leucopénie et cytopénie rachidiennes sont de mauvais pronostic dans les infections à pneumocoque.
III – POUVOIR PATHOGÈNE :
A – Expérimental :
La souris est l’animal de choix, l’inoculation intrapéritonéale de pneumocoques capsulés entraîne la mort de la souris. A l’autopsie on observe des germes capsulés dans le sang et sur les empreintes d’organes (foie…). Cette inoculation a été utilisée pour isoler les germes à partir des produits pathologiques et pour identifier des souches isolées.
On utilise de moins en moins cette inoculation à la souris. Ce pouvoir pathogène pour la souris n’est pas constant, certains sérotypes (tel le 14) sont peu pathogènes, de même que les souches en phase R.
B – Naturel :
Les infections à pneumocoques peuvent atteindre des sujets jusque-là en bonne santé ; mais elles sont plus fréquentes et plus graves chez les patients présentant certains terrains immunologiques (agammaglobulinémie, splénectomie, traitements immunodépresseurs), mais aussi chez des patients à l’immunité perturbée tels que drépanocytaires, sujets âgés…
La mortalité croît avec l’âge, le retard à l’hospitalisation, l’existence de tares associées (diabète, aplasie, cirrhose, néphrite, cancers…)…
Les localisations les plus fréquentes sont ORL, surtout chez l’enfant à type d’otites ou de sinusites ; elles peuvent constituer des portes d’entrée pour des infections plus graves.
1. La pneumonie franche lobaire aiguë :
Elle est très fébrile, s’accompagne d’un point de côté thoracique avec crachats
rouilles et signes de condensation pulmonaire ; à côté de ce tableau classique le
pneumocoque intervient dans les surinfections pulmonaires post-virales (grippe par
exemple). Dans les pneumopathies la mortalité moyenne est de 20 % ; cette mortalité
est plus élevée lorsque les hémocultures sont positives.
2. Les méningites à pneumocoques :
Elles surviennent à tout âge mais surtout chez le nourisson et le vieillard. Elles sont
primitives ou secondaires à un foyer ORL ou à un traumatisme crânien ; elles sont caractérisées (en dehors des signes classiques de méningites purulentes) par un début
brutal foudroyant, des troubles neuro-végétatifs sévères, un syndrome méningé
franc. Le pronostic est sévère, la mortalité est de l’ordre de 30 %.
3. Les autres localisations :
Elles ne doivent pas être méconnues, même si elles sont rares :
– péritonites
– gangrènes cutanées
– endocardites, arthrites
– infections génitales…
IV – CARACTÈRES BACTÉRIOLOGIQUES :
A – Morphologie :
A l’examen microscopique, le pneumocoque a un aspect en diplocoque, en flamme de bougie, en 8 et en courtes chaînettes.
Les diplocoques et les chaînettes capsulées sont à Gram positif.
Cependant, il faut savoir que l’aspect n’est pas toujours aussi évocateur. Par exemple, si l’environnement est carence en magnésium, on peut observer des chaînettes relativement longues. Le même phénomène se produit en présence d’anticorps dirigés contre le sérotype capsulaire. Dans certains cas, si le malade est sous traitement, on peut voir des pneumocoques prendre des formes pseudobacillaires.
La synthèse de la capsule varie selon le stade de la courbe de croissance du germe. La synthèse capsulaire est optimale en fin de phase exponentielle et dans la phase de plateau. Quand les pneumocoques se multiplient intensément, on distingue mal les capsules ; ces polysaccharides capsulaircs sont relargués dans le milieu, ils sont aussi libérés dans les produits pathologiques, d’où le terme d’exoantigènes solubles parfois utilisé pour les désigner.
B – Caractères culturaux :
L’intervalle de température permettant la culture va de 25 à 42°C. En routine, on cultive le germe entre 35 et 37°C. Les cultures sont possibles pour des pH situés entre 6,5 et 8,3, le pH optimal étant de 7,8. Les pneumocoques en culture sont sujets à une autolyse spontanée ; il conviendra donc de chercher à limiter cette autolyse.
Les milieux employés seront riches, par exemple gélose + sang de mouton à 5 %.
Sur ce milieu, le germe développe une hémolyse de type alpha, comme ses proches parents, les streptocoques verdissants. Certaines souches exigent du CO2 en primo-culture.
L’anaérobiose stricte est encore meilleure pour leur développement et on peut considérer que la gélose au sang placée en anaérobiose est un milieu sélectif qui favorise le pneumocoque.
A l’examen macroscopique, les colonies se présentent sous forme de petites colonies transparentes, rondes, de 0,5 à 1,5 mm de diamètre.
Une ombilication au centre de la colonie correspond à un début d’autolyse.
Le sérotype III présente des colonies muqueuses d’un diamètre de 3 mm, semblables à celles des Klebsiella. Cet aspect muqueux est dû à l’exubérance des capsules.
Dans les conditions d’anaérobiose stricte, les colonies sont bombées et de taille 2 à 3 fois supérieure à celles observées en aérobiose, et l’hémolyse n’apparaît pas. Par contre, si on abandonne la boite 30 mn en atmosphère normale, une hémolyse alpha apparaîtra. En anaérobiose, en présence d’antibiotiques modifiant la paroi (pénicilline, vancomycine), il apparaît une hémolyse bêta (voir photo).
C – Caractères biochimiques :
Le pneumocoque ne possède ni catalase, ni peroxydase, ce qui induit l’accumulation de peroxyde d’hydrogène responsable en partie de son autolyse. Les autres caractères sont :
. nitrate :
. gélatine :
. lait toumesolé : acidifié et coagulé,
. fermentation des sucres : acidification du glucose, du lactose, du raffinose, du saccharose…
Deux caractères sont plus intéressants :
. esculine :
. inuline :
Ces caractères ne sont guère recherchés pour l’identification du germe. L’inuline, par contre, a servi à différencier le pneumocoque des autres streptocoques, mais un certain nombre de streptocoques verdissants peuvent fermenter aussi l’inuline : Streptococcus salivarius, Streptococcus sanguis, Streptococcus uberis.
L’identification formelle de pneumocoque repose sur trois critères :
– la sensibilité à l’optochine, et en cas de doute :
– la lyse par la bile,
– la mise en évidence d’une capsule.
1. Sensibilité à l’optochine (éthylhydrocupréine, dérivé proche de la quinine) :
Des disques de 5 mm de diamètre sont chargés de 5 µg d’optochine, dose calculée pour provoquer, sur une culture de pneumocoques sur gélose au sang, une zone d’inhibition dont le diamètre est compris entre 12 et 35 mm. On peut lire sur les notices des fabricants que les streptocoques, par contre, sont résistants à l’optochine et se multiplient jusqu’au contact du disque. Cette distinction n’est pas toujours aussi évidente. En fait, 0,5 à 5 % des pneumocoques sont résistants à l’optochine et quelques streptocoques verdissants sont inhibés par l’optochine. Il convient donc d’être nuancé et de tenir compte du diamètre de la zone d’inhibition : la plupart des pneumocoques en phase S (smooth) ou R (rough) ont une zone de diamètre supérieure à 15-20 mm. Pour un diamètre inférieur à 15 mm, il est nécessaire de pratiquer des tests complémentaires.
2. La lyse par la bile ou phénomène de Neufeld :
On procède à une culture en bouillon et on centrifuge. Les germes sont remis en suspension dans un tampon à pH 7 et on ajoute quelques gouttes de solution de désoxycholate de Na de 2 à 10 % ; en quelques minutes, le tube s’éclaircit. Les sels biliaires activent l’autolysine des pneumocoques.
3. Mise en évidence de la capsule :
II faut disposer d’un sérum antipneumococcique polyvalent, dirigé contre tous les types capsulaires. La réaction peut s’effectuer soit à partir des cultures, soit à partir des produits pathologiques.
L’antigène capsulaire peut-être révélé par « gonflement » capsulaire si les cocci sont visibles, soit par technique immunologique telle que contre-immuno- électrophorèse (Cffi) ou technique d’agglutination.
D – Les antigènes pneumococciques :
1. Les antigènes capsulaires :
Ils peuvent être mis en évidence par gonflement capsulaire, contre-immunoélectrophorèse ou agglutination. La composition chimique de certains sérotypes est bien connue.
Dès 1913, on reconnaissait 4 sérotypes. En 1939, on en avait découvert 32. Puis les recherches sur la mise au point d’un vaccin ont relancé l’intérêt pour les sérotypes et deux nomenclatures ont été proposées, l’une américaine, l’autre danoise. C’est la classification danoise de Lund qui a prévalu ; elle recouvrait 83 groupes ou types capsulaires différents. Elle comprend 27 antigènes de type et 19 groupes contenant au total 56 antigènes de type.
Le Statens Sérum Institut de Copenhague produit un omnisérum et 9 sérums pools de A à 1 et 46 sérums monovalents. La détermination du type ou du groupe complète l’identification de la souche.
Les pneumocoques possèdent des antigènes autres que ces antigènes polysaccharidiques capsulaires.
2. Les antigènes somatiques :
La substance C, spécifique d’espèce, qui est un polysaccharide constitué d’acide teichoïque peut parfois contaminer les polysaccharides capsulaires et peut être responsable de réactions croisées. Sa composition chimique est analogue au polyoside C des streptocoques mais elle est différente du point de vue antigénique.
L’antigène R, de nature protéique, est souvent inapparent, car masqué par l’antigène capsulaire.
L’antigène M est un antigène de nature protéique spécifique de type assez proche de l’antigène M des streptocoques du groupe A.
E – Les toxines :
A côté de ces antigènes capsulaires et somatiques, le pneumocoque élabore des toxines dont la plupart sont également antigéniques : la pneumolysine, la neuraminidase, la hyaluronidase, le principe producteur de purpura.
1. La pneumolysine :
Responsable de l’hémolyse de type alpha, c’est une toxine oxygène sensible, activée par les groupements thiols, sensible au cholestérol, cytolytique, au même titre que la streptolysine 0. Elle semble très liée au corps bactérien et est à localisation intra-cytoplasmique.
La pneumolysine a été purifiée, elle a un PM de 35 kDa ; par ailleurs son gène a été clone et séquence.
Elle lyse les hématies de lapin, de cobaye et les hématies humaines ; elle lyse également des globules blancs. Son effet comme leucocidine est connu depuis longtemps : les méningites purulentes les plus graves ont une cytorachie faible. Elle détruit également les plaquettes et son effet toxique s’exerce sur d’autres cellules, en particulier celles de l’oeil.
Elle présente un seul type antigénique et est transformable en anatoxine, d’où des applications possibles.
2. La neuraminidase :
De nombreuses souches à l’isolement sont productrices de cette toxine qui a pour cible les acides sialiques.
Purifiée et injectée par voie intra-péritonéale à la souris, elle provoque des lésions hépatiques et rénales et, par voie intra-cérébrale, entraîne des symptômes neurologiques.
3. La hyaluronidase :
Elle peut jouer un rôle au point de vue pathogénique, mais probablement moindre que celui joué par les deux précédentes toxines.
4. Le principe producteur de purpura (PPP) :
II est connu depuis 1926, mais en 1981, on a montré qu’une enzyme intervenait, soit dans la genèse, soit dans la libération de ce principe : il s’agit de la N-acétylmuramyl-1-alanine-amidase. Cette substance n’est pas antigénique, mais pourrait reproduire soit le purpura, soit des hémorragies internes.
V – DIAGNOSTIC BACTÉRIOLOGIQUE DES INFECTIONS PNEUMOCOCCIQUES :
A – Diagnostic direct :
L’isolement du germe est en général facile en l’absence de traitement préalable.
1. Les prélèvements :
Les différents échantillons à prélever pour porter un diagnostic de méningite, septicémie ou pneumopathie à pneumocoques figurent dans le tableau I.
a/ Les sécrétions trachéo-bronchiques :
Les crachats sont fréquemment contaminés par des pneumocoques pharyngés. Les ponctions trans-trachéales et les aspirations protégées ont nettement amélioré la qualité du prélèvement donné au bactériologiste.
L’examen direct est primordial. Il faut en effet, noter l’abondance du germe et la cytologie. On a proposé de faire une bactériologie quantitative pour différencier les pneumocoques de la cavité pharyngée et ceux de l’arbre respiratoire, mais l’interprétation n’est pas toujours aisée.
En plus de ces prélèvements, il faut effectuer des hémocultures lors des pneumopathies aiguës.
b/ Les hémocultures :
Elles sont malheureusement trop souvent négligées au cours des pneumopathies, alors qu’elles permettent, dans ce contexte, de porter un diagnostic étiologique formel (quand elles sont positives).
La bactériémie au cours des pneumopathies est parfois tellement massive que l’examen de frottis sanguins peut révéler la présence de pneumocoques.
Les hémocultures poussent rapidement ; dans 85 % des cas elles sont positives dès le deuxième jour, il est recommandé de repiquer rapidement les flacons pour éviter l’autolyse des germes. Quand on soupçonne un pneumocoque on peut centrifuger le bouillon (10 mn à 2 000 rpm) et pratiquer une recherche d’antigènes solubles sur le surnageant (Slidex-Pneumo-Kit).
c/ Les liquides de ponction :
– LCR : le transport du LCR doit se faire rapidement et au chaud. Dans les méningites à pneumocoque il existe souvent une leucocytorachie importante, et l’examen direct est souvent positif puisque le nombre de germes va. de 3.105 à 5.107 UFC/ml selon les auteurs et les pays. Une forte densité microbienne combinée à une cytorachie faible sont de mauvais pronostic.
– Liquides pleuraux : l’examen direct est parfois évocateur.
– Liquides péritonéaux, liquides articulaires peuvent permettre l’isolement de ce germe.
dl Pus et prélèvements divers
Le pneumocoque est souvent à l’origine d’otites, de sinusites, il peut être retrouvé à partir de divers pus et même de prélèvements génitaux (urétraux, vaginaux…).
2. La culture :
Elle peut facilement être obtenue soit par ensemencement de milieux liquides (bouillons), soit de milieux solides (gélose au sang) rendus sélectifs par l’addition de gentamicine ou d’acide nalidixique. Ces milieux sont placés en atmosphère de CO2 ou en anaérobiose ; certaines souches sont même anaérobies strictes à l’isolement. Les primocultures sont parfois lentes et peuvent demander 48 heures à 37°C.
L’identification des colonies (le plus souvent plates voire ombiliquées, plus rarement muqueuses – sérotype 3 – classiquement alpha-hémolytiques mais qui donnent une hémolyse bêta en anaérobiose en présence de vancomycine), se fera grâce à l’épreuve à l’optochine et à la lyse par la bile, ainsi que par la caractérisation des antigènes capsulaires (CIE ou agglutination).
3. La recherche des antigènes solubles :
Elle peut se faire sur produits pathologiques (LCR, sérum, urines, liquides pleuraux, pus…) soit directement (CIE), soit après traitement préalable pour les réactions d’agglutination : chauffage 3 mn à 100°C pour LCR et urines, soit décomplémentation (30 mn à 56°C) pour le sérum ; en agglutination on ne tient compte que des agglutinations nettes car les particules étant très chargées (83 sérotypes) ont une légère tendance à l’auto-agglutination. Un kit de diagnostic permettant la recherche des antigènes pneumococciques par technique ELISA vient d’être commercialisé. Il faut noter que :
– certains sérotypes non chargés électriquement ne peuvent pas être détectés en CIE.
– il existe des communautés antigéniques entre S. pneumoniae et les streptocoques de groupe C.
– on peut sérotyper directement les souches sur le produit pathologique par l’étude du gonflement capsulaire, CIE ou agglutination, en utilisant successivement les sérums pools puis monovalents.
Cette sérotypie réalisée sur souche ou sur produit pathologique a un intérêt épidémiologique évident.
B – La sérologie :
Elle pourrait constituer un moyen de diagnostic des infections pneumococciques, mais rétrospectif. Elle connaît un regain d’intérêt car elle permet de voir comment un sujet répond à une infection à pneumocoque ou comment il va réagir à la vaccination antipneumococcique. En pratique, elle est réservée à des travaux de recherche.
Elle consiste à doser :
– les anticorps anti-enzymes : anti-pneumolysines, anti-hyaluronidases,
– les anticorps anti-capsulaires : mais le dosage des anticorps anti-polysaccharidiques est difficile (83 sérotypes différents).
Pour le dosage de ces anticorps, on dispose de techniques anciennes :
– réactions d’agglutination,
– réactions de gonflement de la capsule,
– réactions de précipitation par électro-immuno-diffusion, qui sont remplacées par deux techniques qui ont les mêmes performances :
– la technique radioimmunologique (RIA) a servi de méthode de référence pendant la durée de la mise au point du vaccin,
– la technique ELISA a fait l’objet de nombreux travaux.
En pratique on a recours à deux approches différentes : dosage des anticorps antipolysaccharidiques (difficile en raison de la multitude des sérotypes) et dosage des anticorps antihémolysine (pneumolysine) plus prometteur, ce dosage pourrait rendre des services dans une perspective de diagnotic.
Pour ces réactions sérologiques, il est indispensable de disposer d’un sérum précoce et d’un sérum tardif et de vérifier la montée des anticorps.
VI – SENSIBILITÉ DES PNEUMOCOQUES AUX ANTIBIOTIQUES :
L’étude de la sensibilité des pneumocoques n’est pas toujours simple. L’idéal serait de déterminer la CMI de chaque antibiotique pour chaque souche de pneumocoque, ce qui est pratiquement impossible en routine. L’antibiogramme doit être réalisé, sous réserve de respecter quelques règles précises.
A – Technique de l’antibiogramme pour le pneumocoque :
– Une colonie isolée est d’abord cultivée en bouillon enrichi en sérum ascite pendant 18 heures,
– on prélève 4 à 8 gouttes de ce bouillon que l’on place dans 10 ml d’eau distillée,
– on ensemence par inondation un milieu de Mueller-Hinton additionné de 5 % de sang de cheval ou de mouton,
– on dépose les disques d’antibiotiques et on incube pendant 18 h en atmosphère de CO2
– on procède ensuite à la lecture des diamètres des zones d’inhibition.
B – Résultats :
Les principaux problèmes concernent la pénicilline G : le pneumocoque se situe souvent, pour cet antibiotique, dans les zones de sensibilité intermédiaire, alors qu’en dilution, la souche est sensible. On peut contourner cette difficulté. En effet, il faut savoir que les CMI de l’oxacilline vis-à-vis du pneumocoque sont 30 fois plus élevées
que la CMI de la pénicilline G. Autrement dit, si le diamètre de la pénicilline G est faible ou en zone intermédiaire, il est préférable de mesurer le diamètre autour de l’oxacilline (charge 5 p.g) avant de répondre pour la pénicilline G (Tableau II). Ceci doit être systématiquement exécuté et l’on doit répondre lorsqu’une souche est résistante à l’oxacilline, que toutes les bêta-lactamines sont résistantes.
Comme pour tous les streptocoques les aminosides sont inefficaces;, Les céphalosporines ne sont pas plus actives que la pénicilline G ; les céphalosporines de la troisième génération (céfotaxime, ceftriaxone) ont toutefois des CMI assez basses (0,001 – 0,06 mg/1).
Le premier cas de résistance à la tétracycline a été signalé en 1962. En 1967, des résistances à l’érythromycine et à la lincomycine apparaissent et, la même année, on signale l’isolement d’une souche résistante à la pénicilline G. En 1970, des publications décrivent des souches résistantes au chloramphénicol. En 1977, à Johannesbourg, des souches résistantes aux P lactamines, à l’érythromycine, à la clindamycine, aux tétracyclines, au chloramphénicol et à l’association triméthoprimesulfaméthoxazole ont été isolées.
En France, la résistance vis-à-vis des synergistines est en progression, elle est stable pour le chloramphénicol (5 à 6 %), pour les tétracyclines depuis 1986 (environ 20 %) et le cotrimoxazole (13 à 16 %) ; mais la résistance est régulièrement croissante pour l’érythromycine passant de 18,9 % en 1984 à 23,6 % en 1988.
Au niveau mondial, la répartition des souches résistantes à la pénicilline est très irrégulière (Figure 1 selon Klugman) ; en France cette résistance à la pénicilline G est en progression, l’ensemble des souches à sensibilité anormale (CMI =0,1 mg/1) approche 5 % (3 % pour les souches invasives, 6 % pour les souches non invasives), ces souches anormales se répartissent entre souches de moyenne sensibilité (4,5 %) et souches réellement résistantes (0,5 %).
Les mécanismes des résistances aux antibiotiques du pneumocoque commencent à être mieux compris.
Pénicilline : la résistance non transférable, non liée à la production d’une bêta-lactamase est d’origine chromosomique et due à des modifications des PLP.
Macrolides : la résistance croisée macrolides-lincosamides-streptogramines B (phénotype résistant M.L.Sg) est essentiellement due à une méthylation de l’ARNr 23S qui diminue l’affinité des MLS pour le ribosome.
On a démontré pour certaines souches que le chromosome portait un « transposon conjugatif » codant pour une enzyme APH (3′) responsable de la résistance à haut niveau à la kanamycine associée à la résistance pour le MLSb et les tétracyclines, cet élément est transmis de façon stable à la descendance et joue probablement un rôle dans la diffusion de la résistance.
Chloramphénicol : cet antibiotique est inactivé par une chloramphénicol-acyltransférase inductible non liée à un déterminant plasmidique.
VII – VACCINS ANTIPNEUMOCOCCIQUES :
A – Composition :
Pour faire face aux résistances aux antibiotiques et pour empêcher la mortalité qui reste élevée même avec l’aide d’un traitement antibiotique actif, on a mis au point un vaccin anti-pneumococcique. Il n’était pas possible d’incorporer les 83 sérotypes dans le vaccin. On a donc choisi les sérotypes d’après leur plus grande fréquence. Les vaccins actuels ont 23 valences qui correspondent aux types suivants de Streptococcus pneumoniae : 1, 2, 3, 4, 5, 6B, 7F, 8, 9N, 9V, 10A, 11A, 12F, 14, 15B, 17F, 18C, 19A, 19F, 20, 22F, 23F et 33F. Dans ce vaccin à 23 valences, il y a 25 u,g de chaque polysaccharide. Il est protecteur vis-à-vis de 90 % des souches isolées en France et en Europe.
On a démontré que les polysaccharides purifiés des pneumocoques induisent la formation des anticorps. Ces anticorps se fixent sur la capsule, ils attirent les cellules phagocytaires et favorisent ainsi l’ingestion bactérienne, c’est-à-dire l’opsonisation.
Les fabricants ont dû doser les anticorps avant et après la vaccination. Il fallait, pour chaque valence, vérifier qu’il y avait une montée des anticorps entre un sérum précoce et un sérum tardif. On peut considérer qu’un vaccin est acceptable si on a une montée des anticorps au moins de quatre fois vis-à-vis des différents antigènes contenus dans le vaccin pour 80 % des sujets.
B – Efficacité immunologique du vaccin :
Lors d’études récentes réalisées avec les vaccins commerciaux, on a démontré que 90 % des sujets avaient une multiplication par 4 du taux de leurs anticorps.
Le vaccin est administré en une fois. Il serait protecteur pour trois ans, mais il n’est pas efficace chez les enfants de moins de 2-3 ans. Il n’y a pas d’immunité croisée entre les 14 sérotypes. On peut noter que le sérotype 6 est très peu immunogène. Il est conseillé de ne pas revacciner avant 5 ans, une revaccination précoce peut donner lieu à des effets indésirables.
On observe des échecs :
– chez les jeunes enfants, chez les sujets âgés,
– dans les maladies de Hodgkin,
– après splénectomie, aussi est-il préférable de vacciner les candidats à la splénectomie avant celle-ci,
– dans les syndromes néphrotiques où les résultats sont souvent discordants,
– dans les hémopathies, la réponse n’est pas toujours bonne ; par contre, elle est correcte chez les drépanocytaires.