Les maladies cardiovasculaires restent la première cause de mortalité dans la plupart des pays industrialisés. Le plus souvent, elles résultent du développement de l’athérosclérose sous l’influence de multiples facteurs en particulier les dyslipidémies.
DIAGNOSTIC :
Dépistage d’une anomalie lipidique :
Le dépistage est réalisé en cas de dépôts lipidiques extravasculaires (voir chapitre Arc cornéen), dans l’évaluation du risque global chez un sujet ayant un autre facteur de risque cardiovasculaire et a fortiori en cas de maladie athéromateuse. Ce dépistage devrait être aussi systématique chez tout individu entre 20 et 30 ans. En particulier, on doit le conseiller chez les apparentés de premier degré d’un sujet dyslipidémique et/ou ayant des antécédents cardiovasculaires (pour les enfants dépistage entre 4 et 10 ans). Il ne semble pas utile de « dépister » après l’âge de 75 ans en prévention primaire mais à l’inverse il ne faut pas interrompre un traitement efficace et bien toléré chez un sujet ne présentant pas une autre pathologie conditionnant son espérance de vie.
Le bilan lipidique est réalisé après 12 heures de jeûne, à distance (2 à 3 mois) de toute affection aiguë pouvant modifier les résultats (épisode infectieux, geste chirurgical, accident vasculaire en particulier infarctus du myocarde, accouchement).
Chez un sujet asymptomatique, sans facteur de risque associé, le bilan comprend un dosage du cholestérol total (CT) et des triglycérides (TG).
Si les deux paramètres sont inférieurs à 2 g/L, aucun bilan complémentaire n’est nécessaire et il n’est pas nécessaire de le répéter avant 5 ans chez l’homme de moins de 50 ans et la femme non ménopausée et avant 3 ans dans le cas contraire. Si l’un des deux paramètres est anormal, il est justifié de demander une « exploration d’une anomalie lipidique » : aspect du sérum à jeun, CT, TG et HDL-cholestérol par précipitation.
Ces éléments permettent de déterminer par calcul selon la formule de Friedewald le LDL-cholestérol (applicable si le taux de TG est inférieur à 4 g/L) : LDL-C = CT – HDL-cholestérol – TG/5 en g/L.
Le dosage des apolipoprotéines est peu utile en pratique courante. Pour confirmer et typer une dyslipidémie, il est conseillé de pratiquer 2 à 3 dosages à un mois d’intervalle en période métabolique stable (régime libre non modifié).
Éliminer une hyperlipidémie secondaire :
Elles sont fréquentes, on doit donc rechercher une hypothyroïdie, une cholestase, un syndrome néphrotique, une insuffisance rénale, un diabète, un lupus érythémateux, un traitement iatrogène (oestrogènes per os, rétinoïdes, corticothérapie, thiazidiques, antiprotéases). Le bilan doit comporter un dosage de la TSH, des phosphatases alcalines et/ou ã-GT, une créatininémie, une glycémie à jeun et la recherche d’une protéinurie par bandelette. Habituellement il n’y a pas lieu de prescrire un traitement sauf en cas de persistance de l’anomalie après traitement de la cause.
TRAITEMENT :
Traitement d’une hypercholestérolémie pure par augmentation du LDLcholestérol :
La décision thérapeutique se base sur le taux de LDL-cholestérol, la présence d’autres facteurs de risque (tabagisme en cours, hypertension artérielle, diabète, âge supérieur à 45 ans chez l’homme et 55 chez la femme ou ménopausée, antécédents de maladie athéromateuse précoce chez un apparenté de premier degré [avant 55 ans pour un homme et 65 pour une femme], HDL-cholestérol bas < 0,35 g/L) et le contexte de prévention primaire ou secondaire d’une pathologie athéromateuse. Une élévation isolée ou associée des triglycérides doit être prise en charge.
Les conseils diététiques restent le traitement de base et il y a très rarement urgence à prescrire un hypolipémiant. Le régime doit être acceptable, simple, comportant un minimum d’interdits en indiquant au patient les priorités. Dans certains cas ils suffisent à ramener les paramètres lipidiques dans les objectifs. Réduire les graisses saturées (arrêt des préparations riches en beurre, diminution du fromage, des charcuteries et des viandes) reste l’objectif principal sans oublier de renforcer la consommation de poisson, de graisse végétale, de fruits et de légumes.
Un conseil nutritionnel est justifié en prévention primaire chez tous les patients dont le LDL-cholestérol est supérieur à 1,60 g/L ou supérieur à 1,3 g/L en présence de plus de deux facteurs de risque associés et en prévention secondaire.
En cas de résultats insuffisants après 3 à 6 mois de prise en charge diététique, un traitement médicamenteux sera indiqué si le LDL-cholestérol reste supérieur à 2,2 g/L en l’absence de facteur de risque associé, 1,9 g/L si un autre facteur de risque est associé, 1,6 g/L si au moins 2 autres facteurs de risque sont associés.
L’objectif est une diminution de 25 à 30 % du LDL-cholestérol.
Les inhibiteurs de l’HMG-CoA réductase ou statines, qui empêchent la synthèse hépatique du cholestérol, représentent actuellement le traitement de choix des hypercholestérolémies entraînant une baisse significative du LDLcholestérol de 25 à 40 %, le HDL-cholestérol est peu modifié.
Les fibrates qui restent les molécules les plus efficaces pour réduire les hypertriglycéridémies et augmenter le HDL-cholestérol peuvent être intéressants dans certaines dyslipidémies mixtes.
La colestyramine (Questran®) peut rendre service en association aux statines dans les hypercholestérolémies sévères (effet synergique).
L’ézétimibe, lui aussi inhibiteur de l’absorption intestinale du cholestérol, plus facile à utiliser est une alternative intéressante en association avec les statines.
Le traitement sera bien sûr quotidien et indéfiniment poursuivi.
Si les recommandations de l’Afssaps de 2000 restent la référence en prévention primaire, en prévention secondaire elles seront vraisemblablement révisées à la baisse. En effet après avoir démontré l’intérêt du traitement par statines en prévention secondaire des maladies athéromateuses avec une réduction de 25 à 38 % de la morbimortalité les dernières études tendent à démontrer le bénéfice du traitement quel que soit le taux initial de LDL-cholestérol même inférieur à 1,3 g/L (seuil actuel).
En prévention secondaire l’objectif est d’obtenir un LDLcholestérol à moins de 1 g/L (et peut être même plus bas). Ceci est renforcé par le résultat d’études utilisant de doses fortes d’emblée (40 mg de pravastatine, simvastatine, atorvastatine, 80 mg de fluvastatine) qui rapportent un bénéfice supplémentaire. Les effets protecteurs des statines par un autre mécanisme que la baisse du LDL-cholestérol restent à établir. Seule une étude avec les fibrates a montré une baisse de 22 % de la morbimortalité cardiaque.
Pour les patients diabétiques de type 2, même en prévention primaire, les objectifs sont proches de ceux de la prévention secondaire car le risque est comparable en raison de la fréquence importante des facteurs de risque associés (à noter que chez les diabétiques l’hypertriglycéridémie et la présence d’une micro-albuminurie sont des facteurs de risque supplémentaires).
Contrôle des paramètres lipidiques :
Jusqu’à l’obtention de l’objectif fixé, le contrôle des paramètres lipidiques doit être effectué tous les deux mois environ. Une fois l’objectif « atteint et stabilisé » il n’y a pas lieu de répéter l’examen plus d’une fois tous les six mois. En revanche, la pratique régulière des dosages reste indispensable pour vérifier l’adhérence du patient et l’efficacité du traitement, éléments majeurs pour ces traitements indéfiniment poursuivis.
CONCLUSION :
La prévention des maladies cardiovasculaires passe par une prise en charge précoce et efficace des facteurs de risque, en particulier lipidiques.
Cette prévention doit permettre de diminuer l’incidence et l’aggravation de ces maladies et donc le coût financier qu’elles entraînent.
Les arguments pour traiter les dyslipidémies sont maintenant solides et doivent emporter la conviction des médecins avant celle de leurs patients.