Les transaminases sont au nombre de deux :
– alanine aminotransférase (ALAT) qui se trouve dans le foie, le myocarde et le muscle squelettique ;
– aspartate aminotransférase (ASAT) qui est plus ubiquitaire (foie, myocarde, muscle, rein, cellules sanguines…).
Les taux adultes sont atteints à l’adolescence, ils ne sont pas modifiés par le cycle menstruel ou la grossesse, par contre la contraception orale et la ménopause semblent augmenter ce taux d’environ 10 %.
La démarche diagnostique devant une élévation des transaminases est différente selon qu’il s’agisse d’un processus aigu ou chronique.
Une élévation des transaminases doit faire rechercher des signes cliniques d’hépatopathie, d’insuffisance cardiaque, de pathologie musculaire ou endocrinienne, de syndrome métabolique.
La recherche de facteurs de risque d’hépatite virale, d’infection par le virus de l’immunodéficience humaine ( VIH), les voyages, la prise de médicaments (même la phytothérapie), l’environnement professionnel, la consommation d’alcool et de substances illicites sont également importants.
SITUATIONS AIGUËS :
Le caractère aigu est parfois difficile à prouver.
Cependant une cytolyse supérieure à 10 fois la normale (10 N) est rarement asymptomatique et s’accompagne souvent d’un cortège de symptômes associant à des degrés divers (indépendamment de l’étiologie) asthénie, anorexie, nausées ou vomissements, courbatures. C’est devant un tableau clinique polymorphe qu’en général, un contrôle biologique est réalisé permettant d’affirmer la cytolyse.
Obstacle biliaire aigu :
Appelé aussi « migration lithiasique », il est à l’origine à la phase aiguë d’une élévation franche et souvent isolée des transaminases. Il s’y associe alors un tableau de colique hépatique avec ou sans fièvre ou ictère.
La cytolyse retourne souvent à la normale dans un délai de quelques jours et ce même si l’obstacle n’est pas levé. Parallèlement apparaît et s’aggrave une cholestase.
Diagnostic :
Le diagnostic est aidé par l’échographie qui montre une dilatation de la voie biliaire principale, des lithiases vésiculaires. Parfois c’est seulement l’écho endoscopie qui permet le diagnostic et permet souvent un geste thérapeutique avec la sphinctérotomie.
Traitement :
En cas de fièvre ou de syndrome inflammatoire, une antibiothérapie couvrant les anaérobies et les bacilles à gram négatif est indispensable.
Dans les autres situations un traitement antalgique avec un repos alimentaire est conseillé, la chirurgie est à discuter à froid.
Syndrome de Budd-Chiari :
Il s’agit de la thrombose des veines sus-hépatiques.
Diagnostic :
La forme aiguë réalise un tableau douloureux avec subictère, hépatomégalie sensible et ascite.
Il n’y a pas de reflux hépato-jugulaire. C’est la forme révélatrice dans 20 % des cas.
La cytolyse peut dépasser 5 fois la normale avec souvent une chute du taux de prothrombine.
Le diagnostic est apporté par l’imagerie (Doppler des vaisseaux hépatiques ou scanner injecté).
Traitement :
Le traitement repose sur les anticoagulants, la transplantation peut être nécessaire dans les formes avec insuffisance hépatique fulminante.
Insuffisance cardiaque :
C’est surtout le coeur pulmonaire aigu qui peut être révélé par une cytolyse majeure (embolie pulmonaire massive, tamponnade). Il peut s’agir aussi d’une décompensation aiguë d’une insuffisance cardiaque chronique.
Foie du choc :
Situation retrouvée lors des collapsus circulatoires quelle que soit leur origine. La cytolyse est là une des conséquences de la défaillance circulatoire dans un contexte clinique le plus souvent évident.
L’évolution est souvent satellite de l’état global du patient, mais peut avoir une évolution propre vers l’insuffisance hépatocellulaire.
Hépatites virales :
Le plus souvent en cause en France sont les virus des hépatites A, B et C.
La cytolyse prédomine sur les ALAT et peut atteindre 20 à 40 fois la normale.
Diagnostic :
Le tableau clinique d’hépatite aiguë associe classiquement anorexie, nausées, sensibilité de l’hypochondre droit, asthénie et syndrome pseudogrippal. Parfois à l’examen il y a une hépatomégalie sensible. Ce tableau est suivi au bout de 1 à 3 semaines par un ictère lentement résolutif.
Ce tableau est rencontré avec :
– le virus de l’hépatite A (l’infection est plus souvent asymptomatique chez l’enfant). La transmission est hydrique, alimentaire et probablement sexuelle lors de rapports anaux chez les homosexuels. Des vaccins efficaces et relativement bien tolérés sont disponibles. Ils sont conseillés chez les sujets séronégatifs voyageant en pays de forte endémie et ceux en contact avec un cas déclaré ;
– le virus de l’hépatite B lors de la primo infection, plus rarement lors de la réactivation ou une co-infection/surinfection par le virus delta.
Environ 10 % seulement des primo infections sont symptomatiques ;
– le virus de l’hépatite C est lui aussi très rarement symptomatique à la phase aiguë ;
– le virus de l’hépatite E doit être recherché devant un tel tableau chez des voyageurs revenant de régions comme la Chine, l’Inde, l’Afrique. En effet, l’hépatite E a une transmission hydrique avec une plus forte prévalence dans les pays à faibles moyens.
Le risque d’hépatite fulminante est évalué à 1/10 000 avec l’hépatite A, 1/1 000 avec l’hépatite B (soit 1 % des sujets symptomatiques).
Ce risque est nettement plus élevé avec le virus delta et avec l’hépatite E (surtout les femmes enceintes). À l’inverse, c’est une situation exceptionnelle avec l’hépatite C.
Traitement :
Le traitement à la phase aiguë est avant tout symptomatique avec l’exclusion de tous les médicaments hépatotoxiques et une surveillance hospitalière initiale pour détecter un éventuel passage vers l’hépatite fulminante.
Herpes virus (HSV) :
HSV 1 et 2 :
Aussi bien HSV 1 et 2, essentiellement lors des primo infections.
Diagnostic :
Le plus souvent l’infection est asymptomatique.
Sur certains terrains, ils peuvent réaliser des tableaux d’hépatite fébrile gravissime. C’est le cas des immunodéprimés (VIH, cancers, chimiothérapies), des femmes enceintes (3e trimestre surtout) et des nouveaux nés.
Le tableau associe fièvre élevée (39-40 °C), altération de l’état général, leucopénie, thrombopénie et cytolyse majeure jusqu’à 100 fois la normale.
Les lésions herpétiques cutanéomuqueuses ne sont pas constantes (44 %) et leur absence ne doit pas écarter le diagnostic. Souvent il y a d’autres localisations viscérales de l’infection herpétique (pneumopathie, kératite, méningoencéphalite).
La confirmation est obtenue par la biopsie hépatique et accessoirement par la recherche du génome viral par Polymerase Chain Reaction (PCR).
La sérologie est sans intérêt dans ce cas.
Traitement :
Le traitement est urgent avec de l’aciclovir (Zovirax®) en intraveineux à la posologie 10 mg/kg toutes les 8 heures (posologie double chez les nouveaux nés).
Autres virus du groupe herpès :
Les autres virus du groupe herpès impliqués dans des cytolyses aiguës sont le cytomégalovirus et le virus Epstein-Barr, l’élévation des transaminases est par contre modérée.
Infections bactériennes :
Tout sepsis sévère peut être responsable d’une cytolyse qui reste souvent modérée.
Une mention particulière doit être faite pour la leptospirose et les rickettsioses (fi èvreQ surtout) qui ont un tropisme hépatique.
Médicaments :
Ils peuvent être en cause dans des cytolyses parfois importantes. La liste est régulièrement mise à jour.
Pour citer les plus fréquents : les macrolides, les pénicillines, les quinolones, les antituberculeux (isoniazide et pyrazinamide), les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les antirétroviraux, les statines et les fibrates, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, les antidiabétiques (sulfamides et glitazones)…
Paracétamol :
Il peut s’agir d’une intoxication volontaire ou bien accidentelle. Cette dernière situation est favorisée par la multiplicité des associations d’antalgiques à base de paracétamol, le patient ayant tendance à s’automédiquer avec du paracétamol simple acheté librement en pharmacie.
La dose toxique chez l’adulte est de 10 grammes, cependant le seuil peut être plus bas chez un patient atteint d’une hépatopathie chronique (alcoolique, virale…).
Le traitement est avant tout hospitalier utilisant l’antidote qu’est la N-acétylcystéine en intraveineux.
Toxiques :
Champignons :
Ce sont l’amanite phalloïde et certaines lépiotes.
L’intoxication par l’amanite phalloïde réalise un tableau souvent typique : intervalle libre de 6 à 12 heures après l’ingestion du champignon, diarrhée profuse et vomissements responsables d’une déshydratation majeure, hépatite survenant 48 à 72 heures après le repas toxique avec transaminases jusqu’à 100 fois la normale et insuffisance hépatocellulaire.
Le traitement est avant tout symptomatique avec réhydratation parentérale et remplissage, la transplantation hépatique peut être nécessaire.
Ecstasy :
Les amphétamines sont les composants principaux de l’« ecstasy ». Il s’agit surtout de la MDMA.
S’agissant d’un produit de synthèse et dont la fabrication est clandestine, la composition réelle est difficile à préciser avec un taux élevé de contaminants divers.
Sa toxicité est neurologique ( hallucinations, troubles mnésiques). Sont décrites des hyperthermies malignes et des défaillances viscérales dont des insuffisances hépatiques aiguës mortelles.
La prise en charge des formes graves doit se faire en milieu de réanimation.
SITUATIONS CHRONIQUES :
En général il s’agit de cytolyses évoluant depuis plus de 6 mois. La cytolyse est en règle modérée.
Certaines étiologies recoupent celles des situations aiguës.
Hépatite B chronique :
Seulement 10 % des patients infectés continuent à avoir une hépatite chronique après une primo infection. La clinique est pauvre à ce stade, tout au plus une asthénie. La cirrhose avec hypertension portale apparaît tardivement.
Diagnostic :
Le diagnostic repose sur la sérologie avec la recherche de l’antigène HBs et les anticorps anti-HBs et anti-HBc.
Un sujet vacciné a seulement des anticorps anti-HBs, le taux protecteur est au-dessus de 10 UI/L.
Une hépatite B guérie a le profil suivant : antigène HBs négatif, anticorps anti-HBs positif et anticorps anti-HBc positif.
Une hépatite B active est responsable d’un antigène HBs positif, l’anticorps anti-HBc est aussi positif.
Ceci ne présume pas du caractère récent ou ancien de l’infection. Il faut effectuer la recherche des IgM anti-HBc, s’ils sont positifs il s’agit alors d’une infection récente, s’ils sont négatifs il s’agit alors d’une possible infection chronique.
Il faut alors préciser le statut de l’antigène HBe.
Si l’antigène HBe est positif, ceci signe la réplication du virus et justifie la quantification de l’ADN viral chez un patient susceptible d’être traité.
Si l’antigène HBe est négatif il peut s’agir soit d’un porteur sain, soit d’une infection par un virus B mutant (n’exprimant pas l’antigène HBe) ou d’une surinfection par le virus delta. Dans ces cas aussi, la recherche de l’ADN viral tranchera.
Traitement :
Le traitement préventif comprend la vaccination et la lutte contre les transmissions sanguine et sexuelle.
Le traitement curatif comprend :
– l’immunothérapie : l’interféron α sous forme standard ou pégylée ;
– les analogues nucléosidiques : la lamivudine (Zeffix®) à la posologie de 100 mg/j, l’adefovir (Hepsera®) et l’entecavir (Baraclude®) ; d’autres molécules sont en cours d’évaluation.
Hépatite C chronique :
Diagnostic :
Le diagnostic est facile à confirmer par la sérologie, toute sérologie positive nécessite un contrôle sur un deuxième prélèvement.
Toutefois avant d’imputer la cytolyse à l’hépatite C, il est nécessaire de confirmer la réplication virale en recherchant l’ARN viral par PCR. Une PCR « qualitative » est suffi sante à ce stade.
La PCR quantitative est utile seulement si un traitement doit être instauré.
Il faut aussi savoir que même en l’absence de tout traitement, la cytolyse n’est pas permanente.
Traitement :
Le traitement de référence est l’association interféron α pégylé et ribavirine. Sauf exceptions, la posologie de l’interféron est de 180 ìg s.c./semaine (Pégasys®). La posologie de la ribavirine (Rébétol®) est de 800 mg à 1200 mg/jour ; il faut surveiller régulièrement l’hémogramme et diminuer la posologie en cas d’anémie.
Hépatite delta :
Il s’agit de l’infection par le virus D qui est un virus à ARN. C’est un virus particulier puisqu’il est défectif et nécessite la présence préalable ou concomitante du virus B pour infecter l’homme.
Il est responsable d’hépatites chroniques plus agressives que celles constatées avec les virus B et C.
Diagnostic :
Le diagnostic est confirmé par la sérologie et éventuellement la recherche de la réplication virale.
La recherche du virus delta n’est nécessaire qu’en cas de sérologie hépatite B positive.
Traitement :
Le traitement préventif est celui de l’hépatite B.
Le traitement curatif est difficile, il repose sur l’interféron α à des doses importantes avec un taux de réponse faible. L’association à la lamivudine ne semble pas apporter de bénéfice supplémentaire.
Causes nutritionnelles :
C’est la consommation d’alcool qui est le premier facteur retrouvé, le seuil habituellement reconnu est de 50 g/j.
Le deuxième facteur est l’anorexie mentale : un bilan hépatique doit être systématique en cas de poids inférieur à 75 % du poids idéal.
La cytolyse se voit tout d’abord à la phase d’amaigrissement et ce d’autant plus que l’indice de masse corporelle est bas. Il ne faut pas négliger la recherche d’une addiction fréquente chez ces patientes.
Le plus souvent c’est une cytolyse modérée, le mécanisme invoqué est un bas débit hépatique.
La cytolyse se voit à l’inverse lors de la renutrition, elle est rarement intense et se corrige spontanément avec la poursuite de l’alimentation.
Syndrome métabolique (voir aussi chapitre Diabète) :
Le syndrome métabolique associe plusieurs des éléments suivants : hypertension artérielle, obésité, insulinorésistance, hyperlipidémie (Encadrés 1 et 2).
Encadré 1. Critères du groupe européen d’étude de l’insulinorésistance Insulinorésistance définie par un taux d’insuline dépassant de 25 % le taux normal.
Et au moins 2 des critères suivants :
Obésité abdominale défi nie par un périmètre ombilical ≥ 94 cm chez l’homme et 80 cm chez la femme.
Dyslipidémie défi nie par des triglycérides > 2 mmol/L ou cholestérol HDL < 1 mmol/L.
Hypertension artérielle (≥ 140/90 mmHg ou nécessité d’un traitement)
Glycémie plasmatique > 6,1 mmol/L.Encadré 2. Critères américains formulés par le National Cholesterol Education Program en 2001
Au moins 3 des critères suivants :
Obésité abdominale définie par un périmètre ombilical > 102 cm chez l’homme et > 88 cm chez la femme.
Triglycérides ≥ 1,7 mmol/L.
HDL-cholestérol < 1 mmol/L chez l’homme et < 1,3 mmol/L chez la femme.
Hypertension artérielle (≥ 135/85 mmHg ou nécessité d’un traitement).
Glycémie à jeun ≥ 6,1 mmol/L.
Une cytolyse modérée est fréquente, elle ne fait pas partie des critères diagnostiques. Elle peut être primitive ou due à une stéatose associée.
La ferritinémie est habituellement supérieure à 500 mg/mL.
Traitement :
Le traitement du syndrome métabolique est celui de ses différentes manifestations cliniques et biologiques : perte de poids, traitement de l’insulinorésistance (activité physique, metformine et/ou glitazones si diabète avéré), traitement de la dyslipidémie en fonction des facteurs de risque cardiovasculaires associés, antihypertenseur (voir chapitre Diabète).
Stéatose hépatique :
La stéatose hépatique correspond à un excès de lipides dans le parenchyme hépatique (> 5% du poids hépatique). L’histologie retrouve des gouttelettes lipidiques dans les hépatocytes.
Diagnostic :
On distingue la stéatohépatite non alcoolique (NASH dans la littérature anglo-saxonne) qui associe à la stéatose, un infiltrat inflammatoire, une nécrose hépatocytaire et une fibrose.
Évidemment, il faut exclure les autres hépatopathies (et particulièrement la prise d’alcool inavouée) avant de retenir ce diagnostic.
La stéatose hépatique est associée à l’obésité, le diabète, la consommation excessive d’alcool, l’hypertriglycéridémie, certains médicaments.
L’histoire naturelle semble être une stéatose, une stéatohépatite, une stéatohépatite avec fibrose puis la cirrhose.
La stéatose simple et la NASH peuvent s’intégrer dans le syndrome métabolique. Il y a une cytolyse modérée et prolongée prédominant sur les ALAT, il y a aussi une élévation des ã-GT et phosphatases alcalines. L’imagerie permet le diagnostic de stéatose sans préjuger de l’origine.
Le diagnostic de NASH reste histologique.
Traitement :
Le traitement consiste en une prise en charge globale.
Les mesures hygiénodiététiques sont au premier plan : réduction pondérale, activité physique régulière (plus de 30 minutes de marche quotidienne).
Les hypolipémiants sont à utiliser conformément aux recommandations sur la gestion des facteurs de risque cardiovasculaires.
Plusieurs médicaments ont été essayés pour agir sur la stéatose : les fibrates et les statines n’ont pas d’efficacité propre ; la vitamine E aurait un effet positif sur les anomalies biochimiques et histologiques ; l’acide ursodésoxycholique à 10-15 mg/kg/j a démontré une efficacité sur les anomalies biologiques ; la metformine à la posologie de 1,5 g/j a amélioré les paramètres biologiques mais sans évaluation histologique ; les glitazones n’ont pas démontré d’amélioration histologique.
Il est également souhaitable de réduire ou arrêter la consommation alcoolique. Il faut dépister et traiter une éventuelle surcharge en fer due à une hémochromatose vraie ou secondaire à l’insulinorésistance.
Hémochromatoses :
On distingue cinq types en fonction du gène en cause :
– type 1 : hémochromatose liée au gène HFE ;
– type 2 : hémochromatose juvénile liée au gène de l’hepcidine ;
– type 3 : hémochromatose liée au gène du récepteur 2 de la transferrine ;
– type 4 : hémochromatose due au gène de la ferroportine 1 ;
– type 5 : hémochromatose due à une mutation du gène qui code pour la sous-unité H de la ferritine.
Les types 4 et 5 sont anecdotiques (quelques familles) et sont de transmission autosomique dominante. Les types 1, 2 et 3 sont de transmission autosomique récessive.
L’hémochromatose de type 1 est la plus fréquente.
Elle est provoquée par deux mutations possibles, C282Y et H63D. L’homozygotie C282Y est la situation la plus courante. Plus rarement le diagnostic est porté chez des hétérozygotes composites C282Y/H63D ou homozygotes H63D. La pénétrance de ces mutations est cependant assez faible (voir aussi chapitre Hyperferritinémie).
Diagnostic :
Le tableau clinique classique réalise une hépatomégalie parfois importante, ferme et à bord tranchant. Elle s’associe à une hyperpigmentation, une arthropathie, un diabète et une cardiopathie. Le diagnostic est cependant fait actuellement devant l’asthénie qui précède les autres symptômes.
La cytolyse est souvent le reflet d’une surcharge martiale importante, elle dépasse rarement 2 N, elle doit se corriger avec le traitement.
Typiquement le fer sérique, la ferritine et le coefficient de saturation de la transferrine sont élevés. C’est le coefficient de saturation qui est le plus sensible en dépistage. Un taux supérieur à 45 % justifie la recherche de la mutation.
Le diagnostic est confirmé par la recherche de la mutation génétique. Dans certains cas où la décision thérapeutique n’est pas évidente, on peut s’aider de l’IRM hépatique avec évaluation de la concentration en fer du foie, ceci rend inutile de nombreuses biopsies hépatiques dans l’hémochromatose.
L’hémochromatose juvénile se manifeste à un âge précoce (deuxième et troisième décennies).
Traitement :
Le traitement est simple, il s’agit de la soustraction du fer par phlébotomie (saignée hebdomadaire de 400-500 mL) avec pour objectif initial un taux de ferritine en dessous de 50 ng/mL.
Les chélateurs injectables n’ont pas leur place compte tenu de leur profil de tolérance et des modalités d’administration. Le chélateur oral n’a pas été évalué dans cette indication.
Maladie de Wilson :
Maladie autosomique récessive par mutation du gène ATP 7B situé sur le chromosome 13 et qui code pour un transporteur de cuivre transmembranaire.
Il y a actuellement plus de 300 mutations répertoriées.
Diagnostic :
Environ 60 % des patients se présentent avec une atteinte hépatique. Il peut s’agir de formes aiguës avec hépatite aiguë ou fulminante se manifestant par un ictère, de la fièvre et parfois des signes d’encéphalopathie ; l’hépatomégalie est particulière car elle est dure. L’anneau de Kayser-Fleischer n’est pas toujours présent dans les formes hépatiques.
Les formes chroniques prennent l’allure d’une hépatite chronique ou silencieuse avec un diagnostic fait au stade de cirrhose.
Les autres manifestations rencontrées sont neurologiques, psychiatriques, hématologiques (hémolyse).
Le diagnostic biologique repose sur le dosage de la céruloplasmine qui est abaissée dans 95 % des cas (mais normale dans 5 %), il s’agit d’ailleurs d’une anomalie non spécifique. La cuprurie est constamment augmentée. La cuprémie est habituellement abaissée.
La mesure du cuivre libre correspond à la différence entre le cuivre total et celui lié à la céruloplasmine (50 μmol cuivre/1 g céruloplasmine), la cuprémie libre est habituellement augmentée.
On peut également déterminer la concentration hépatique en cuivre, cela nécessite une biopsie hépatique.
L’imagerie n’est pas spécifique.
La génétique peut être réalisée mais il y a un grand nombre de mutations, l’absence des mutations les plus fréquentes n’écarte pas le diagnostic.
Traitement :
Les traitements dont on dispose sont la D-pénicillamine (Trolovol®), le triéthylène tétramine (Trientine®, disponible en autorisation temporaire d’utilisation) et le sulfate de zinc (Wilzin®). Les mécanismes d’action sont détaillés dans le chapitre hépatomégalie.
Les recommandations actuelles en France sont en faveur de la D-pénicillamine en première intention en cas de forme symptomatique. En cas d’intolérance ou d’effet secondaire le choix se porte sur la trientine.
Dans les formes pauci ou asymptomatiques, il est plus logique d’utiliser le zinc.
Porphyries :
Ce sont des affections caractérisées par un déficit enzymatique touchant le cycle de l’hème avec par conséquence une accumulation de précurseurs de l’hème.
C’est avant tout la porphyrie cutanée tardive qui s’accompagne d’une cytolyse modérée parfois associée à une élévation des phosphatases alcalines.
C’est la porphyrie la plus fréquente, on reconnaît quatre formes selon le mode de révélation et l’importance tissulaire du défi cit.
Diagnostic :
Le tableau clinique est principalement cutané avec des vésicules ou bulles sur les zones photo exposées, parfois suite à un petit traumatisme cutané. Les autres signes retrouvés sont beaucoup plus rares : hypertrichose faciale, hyperpigmentation ou une alopécie.
La coloration rouge foncée des urines une fois exposées à la lumière naturelle est classique mais non constante.
Il n’y a pas de crises douloureuses abdominales ni de signes neurologiques dans cette forme.
Le diagnostic est confirmé par le dosage des porphyries urinaires qui sont franchement augmentées.
Il y a souvent une surcharge en fer même en l’absence d’hémochromatose.
Il faut savoir que l’expression clinique de la porphyrie cutanée tardive est favorisée par certaines situations comme la consommation d’alcool, la surcharge en fer (hémochromatose), une hépatite virale chronique ( hépatite C surtout) et certains médicaments ( oestrogènes, antiépileptiques…).
Le risque essentiel est l’évolution vers un hépatocarcinome.
Traitement :
Le traitement doit associer celui des facteurs favorisants lorsqu’ils sont retrouvés, une photoprotection, éventuellement les antipaludéens de synthèse pendant la période d’ensoleille ment (hydroxychloroquine : Plaquenil® 200 à 400 mg/j). Les saignées peuvent être efficaces s’il y a une surcharge martiale associée.
Hépatites auto-immunes :
Diagnostic :
Le tableau clinique montre souvent une hépatomégalie parfois sensible, une asthénie inexpliquée ou un ictère modéré, plus rarement le diagnostic est fait devant une cirrhose révélatrice.
La cytolyse est modérée (5 à 10 N), il s’y associe souvent une hypergammaglobulinémie polyclonale portant principalement sur les immunoglobulines G.
La biopsie hépatique est évocatrice quand il y a un infiltrat surtout plasmocytaire et une nécrose centrolobulaire et une disposition en « rosettes » des hépatocytes.
On reconnaît deux types d’hépatite autoimmune :
– le type I qui touche préférentiellement les femmes, avec la présence d’anticorps antinucléaires et surtout des anti-muscles lisses de spécificité anti-actine ;
– le t ype II touche plutôt des jeunes hommes (moins de 20 ans), caractérisé par la présence d’anticorps anti-microsomes de foie et de rein (anti-LKM 1) et parfois d’anti-cytosol hépatique type 1 (anti-LC 1). Ce type II peut être associé à une hépatite C chronique.
Traitement :
Le traitement de référence actuel est la corticothérapie orale seule ou associée d’emblée, pour certaines équipes, à l’azathioprine ( Imurel®).
Maladie coeliaque :
Il s’agit de l’intolérance au gluten. Elle se manifeste essentiellement par une malabsorption, une diarrhée chronique, un amaigrissement, une aphtose buccale récidivante, des douleurs abdominales, une dermatite herpétiforme…
Diagnostic :
Le plus souvent actuellement le diagnostic est suspecté devant des anomalies biologiques (anémie, carence en fer, carence en folates).
Le diagnostic est aidé par la recherche des autoanticorps : anti-endomysium, anti-gliadine et anti-réticulum endoplasmique. Les plus spécifiques et sensibles sont les anti-endomysium surtout s’ils sont de classe immunoglobulines A.
Le diagnostic formel est établi par la biopsie duodénale qui retrouve idéalement une atrophie villositaire (1/3 à 1/5e de la hauteur habituelle), parfois les anomalies se limitent à un infiltrat lymphocytaire (> 30 lymphocytes pour 100 cellules épithéliales).
Une cytolyse est retrouvée dans 25 % de certaines séries. Elle porte plus sur les ALAT. La cytolyse est habituellement isolée, une élévation des phosphatases alcalines doit faire rechercher une complication osseuse de la maladie coeliaque (ostéomalacie).
Traitement :
Le traitement consiste à exclure tous les aliments contenant du gluten. Dans ce cadre une prise en charge par une équipe diététicienne est souhaitable.
La cytolyse se corrige normalement avec le régime sans gluten, en général dans les 12 mois suivant le début du régime. La persistance d’anomalies hépatiques au-delà de ce délai et sous réserve d’une bonne observance du régime, doit faire rechercher une autre étiologie.
Cholangites sclérosantes :
Ce sont des affections responsables d’une atteinte inflammatoire et fibrosante des voies biliaires intra et/ou extrahépatiques.
La cytolyse est une anomalie rarement rencontrée, surtout au début de l’affection.
Pathologies endocriniennes :
C’est surtout l’hypothyroïdie, quel que soit son mécanisme.
Il faut penser aussi à l’hyperthyroïdie, à l’insuffisance surrénale lente et à l’hypercorticisme.
Médicaments :
Ils sont moins souvent en cause que dans les cytolyses aiguës. Nous pouvons citer la vitamine A, les statines, les fibrates, les antituberculeux…
Causes vasculaires :
C’est surtout le syndrome de Budd-Chiari chronique qui associe une hépatomégalie et une ascite.
Le diagnostic est confirmé par l’imagerie. Les étiologies et le traitement sont détaillés dans les chapitres Hépatomégalie et Ascite.
Une autre cause est l’insuffisance cardiaque droite ou globale, mais le diagnostic est ici le plus souvent évident.
Causes non-hépatiques :
Elles découlent de la localisation tissulaire des transaminases.
L’hémolyse est responsable d’une élévation des ASAT (mais pas des ALAT), le contexte est en général évident.
Les pathologies musculaires quel que soit leur mécanisme ( myosites, myopathies) peuvent augmenter les transaminases avec une prédominance sur les ASAT. Le dosage de la créatinephosphokinase (CPK) permet d’orienter vers une pathologie musculaire.
Macrotransaminase :
C’est surtout la macro-ASAT, il s’agit en fait d’un complexe immunoglobuline-ASAT. C’est une anomalie biologique responsable d’une fausse élévation de l’activité enzymatique mesurée par les méthodes habituelles.
Le diagnostic est fait par l’électrophorèse des ASAT. Elle est parfois rencontrée au cours de maladies auto-immunes ou de néoplasies. Mais le plus souvent elle est isolée. Elle mérite d’être reconnue afin d’éviter la répétition d’explorations inutiles.
Aucune surveillance et aucun traitement ne sont nécessaires.
CONCLUSION :
Comme nous l’avons exposé, la démarche diagnostique doit distinguer clairement le cadre spécifique des cytolyses aiguës qui nécessitent souvent une prise en charge et une surveillance initiale hospitalières.
À l’inverse une cytolyse chronique correspond fréquemment à des étiologies dont le diagnostic et le bilan d’évaluation sont faisables en médecine de ville. Les causes les plus fréquentes sont les hépatites virales chroniques (B et C) et les facteurs nutritionnels (alcool, obésité et syndrome métabolique) qui doivent bénéficier d’une prise en charge thérapeutique moderne.
Enfin, il faut garder à l’esprit la possibilité d’une origine non hépatique des transaminases élevées.