ÉPIDÉMIOLOGIE :
Le cancer du sein est le plus fréquent de tous les cancers de la femme dans les pays industrialisés.
En France, environ 42 000 nouveaux cas ont été diagnostiqués en 2000, ce qui représente pratiquement un doublement en vingt ans (21 200 cas en 1980). Son taux brut d’incidence annuel est de 138 pour 100 000 femmes. Le cancer du sein représente 36 % de l’ensemble des cancers féminins. L’âge médian est de 61 ans au moment du diagnostic. Rare avant 30 ans, son incidence augmente et connaît un pic entre 60 et 69 ans.
Elle diminue après 80 ans. En France, le cancer du sein est la première cause de mortalité par cancer chez la femme. La mortalité demeure globalement stable, avec environ 11 000 décès en 2000 (8 600 en 1980), du fait tant d’un diagnostic plus précoce, grâce au dépistage, que des progrès thérapeutiques (Tableau I et Fig. 1).
DÉPISTAGE :
Techniques de dépistage :
La définition du dépistage est de réduire la gravité de la maladie et/ou d’en améliorer l’évolution en diagnostiquant des lésions à des stades les plus précoces possibles. Sa mise en oeuvre nécessite d’utiliser un examen :
– économiquement viable ;
– simple et acceptable pour la population ;
– reproductible ;
– fiable.
Et ce afin de réduire la gravité de la maladie et/ou d’en améliorer l’évolution en diagnostiquant des lésions à des stades les plus précoces possibles.
La plupart des études épidémiologiques ont montré l’importance du diagnostic précoce en matière de cancer du sein : lorsque la taille de la tumeur est inférieure à 1 cm, sans envahissement ganglionnaire, les chances de survie à 5 ans sont d’au moins 90 %, alors qu’elles sont inférieures à 55 % en cas d’atteinte ganglionnaire (plus de trois ganglions envahis). La mammographie peut dépister lésions tumorales à partir d’une taille moyenne de 5 mm (avec des variations importantes selon la situation de la lésion et la densité mammaire), tandis que la palpation ne dépiste en moyenne que des tumeurs de plus de 1 cm (correspondant en moyenne à huit ans d’évolution). Il existe une corrélation nette entre en la taille tumorale et le risque d’extension métastatique puisqu’on estime qu’environ 50 % des tumeurs de plus de trois cm sont déjà métastatiques.
Ainsi l’examen clé dans le cadre du cancer du sein est la mammographie. En effet si l’autopalpation mammaire et l’examen clinique ont l’avantage de la simplicité et doivent être enseignés et pratiqués, leur efficacité en terme de dépistage est relativement faible. L’échographie est également insuffisamment performante dans le dépistage de petits cancers pour être utilisée.
Au contraire, la mammographie correspond à un examen de bonne rentabilité en terme de dépistage c’est-à-dire de bonne sensibilité, spécificité et valeurs prédictives positives et négatives. De plus, elle permet de diagnostiquer des lésions malignes non encore invasives (carcinome in situ) en mettant en évidence en particulier des microcalcifications mammaires, dont le pronostic est excellent après traitement. Sous l’effet du dépistage par mammographie, une réduction d’environ 30 % de la mortalité par cancer mammaire après 7 à 9 ans de suivi est clairement démontrée.
Dépistage en France :
En matière de dépistage de cancer du sein, deux systèmes coexistent en France :
– le dépistage individuel. Il a comme inconvénient d’avoir un bénéfice mal évaluable en terme de santé publique. Son coût, ses performances ainsi que le potentiel de surcoût inhérent à d’éventuels surdiagnostics est mal évalué ; – le dépistage organisé dont la pratique a été généralisée au niveau national depuis 2004 et qui constitue une mesure phare du plan Cancer 2003 consiste à proposer à une population de patientes entre 50 et 74 ans un test de dépistage mammographique visant à sélectionner celles qui ont des signes suspects justifiant d’éventuelles investigations complémentaires.
Les patientes sont ainsi convoquées par courrier pour réaliser leur examen. II est pris en charge à 100 % et est effectué chez un radiologue agréé du choix de la patiente. Ce dépistage répond à des normes de qualité prédéfinies : mammographes agréés et régulièrement contrôlés par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), radiologues qualifiés justifiant de la lecture d’au moins 500 mammographies par an. Tout cliché négatif est relu par un second radiologue. En cas de positivité, un bilan diagnostic doit être réalisé pour confirmation anatomopathologique. Le compte rendu doit être exprimé selon la classification ACR (modifiée par l’Anaes) avec la suite de la conduite à tenir (Tableau II).
Les résultats de ce dépistage avec une participation de 60 % de la population seraient en faveur d’une réduction de 30 % de la mortalité par cancer du sein, avec une valeur prédictive positive de 30 % dépistant 1 cancer du sein toutes les 200 mammographies (30 % de ces cancers feront moins de 1 cm).
Les recommandations pour le dépistage figurent dans les encadrés 1, 2, 3.
Encadré 1. Recommandations pour le dépistage selon l’Anaes (1999-2004)
Une mammographie tous les deux ans.
Âge entre 50-69 ans :
– poursuite du dépistage jusqu’à 74 ans pour les femmes précédemment incluses dans le programme de dépistage systématique entre 50 et 69 ans ;
– le dépistage des femmes entre 40 et 49 ans n’est en revanche pas indiqué actuellement.
Deux incidences (oblique externe, craniocaudale).
Concernant les femmes entre 40 et 49 ans, il n’existe pas à l’heure actuelle de consensus pour étendre le dépistage à cette tranche d’âge.Encadré 2. Le dépistage du cancer du sein mammographie dans la population générale Anaes, service des recommandations professionnelles, mars 1999
Le dépistage systématique est recommandé dans la tranche d’âge 50-69 ans
Dans la population générale, le bénéfice du dépistage du cancer du sein en terme de mortalité évitée est démontré dans la tranche d’âge 50-69 ans. Dans cette tranche d’âge, le dépistage systématique est donc recommandé.
Dans la tranche d’âge 70-74 ans, l’incidence du cancer du sein est élevée, mais les données concernant son dépistage de masse sont rares. Tenant compte des difficultés d’organisation à grande échelle, l’extension du dépistage à cette tranche d’âge paraît actuellement prématurée en France. Par contre, il est logique de recommander la poursuite du dépistage entre 70 et 74 ans pour les femmes précédemment incluses dans le programme de dépistage systématique entre 50 et 69 ans. Dans la tranche d’âge 40-49 ans, le bénéfice du dépistage systématique en terme de mortalité évitée est faible et apparaît après au moins dix ans de suivi mammographique régulier et réalisé dans des conditions optimales. Les risques du dépistage ne sont pas nuls, en particulier le risque de faux positifs qui entraînent la réalisation d’examens complémentaires pour confirmer l’absence de cancer, sources en particulier d’inquiétudes inutiles et de traumatisme psychologique. De ce fait, la mise en oeuvre du dépistage systématique dans cette tranche d’âge n’est pas actuellement recommandée. De plus, il est indispensable de de faire d’abord la preuve de l’efficacité du dépistage de masse en France chez les femmes âgées de 50 à 69 ans, avant de l’étendre aux femmes plus jeunes chez lesquelles le bénéfice est actuellement incertain et controversé.
La réalisation d’une mammographie tous les deux ans est recommandée
Le délai entre deux mammographies doit être toujours inférieur à trois ans. Lorsque la mammographie est répétée tous les trois ans, les cancers « d’intervalle » découverts au cours de la troisième année sont nettement plus nombreux. La réalisation d’une mammographie tous les deux ans est donc recommandée.
La réalisation de deux incidences mammographiques est recommandée au moins lors des deux premières vagues de dépistage
Si certains essais ou programmes ont pu montrer leur efficacité avec une seule incidence mammographique (oblique externe) dans des conditions optimales de réalisation, deux incidences mammographiques (oblique externe et craniocaudale), au moins lors de la première vague, améliorent les performances du dépistage. Les conditions de réalisation actuelles du dépistage systématique en France conduisent à proposer la réalisation de deux incidences mammographiques (oblique externe et craniocaudale) au moins lors des deux premières vagues de dépistage. Dans tous les cas, les conditions de réalisation des clichés doivent être optimales.
Groupes de femmes à xclure du programme de dépistage systématique
Le dépistage systématique du cancer du sein n’est pas recommandé chez les femmes ayant un cancer du sein connu et régulièrement suivies pour cela, ou chez celles qui ont une prédisposition familiale au cancer du sein, pour lesquelles il existe des recommandations spécifiques. Cependant, la bonne organisation du dépistage systématique impose que toutes les femmes de la tranche d’âge retenue soient invitées au dépistage. L’exclusion éventuelle d’une femme du dépistage systématique doit être décidée en étroite collaboration avec son médecin traitant.Encadré 3. Opportunité d’étendre le programme de dépistage du cancer du sein aux femmes âgées de 40 à 49 ans.
Service évaluation technologique, Service évaluation économique, mars 2004
L’actualisation des données de la littérature n’apporte pas de données d’un niveau de preuve suffisant pour remettre en cause les recommandations de l’Anaes de 1999. L’extension du programme français de dépistage aux femmes âgées de 40 à 49 ans ne saurait être envisagée sans que son efficacité et sa rentabilité n’aient été prouvées pour la population des femmes âgées de 50 à 74 ans. Ces conclusions pourront être revues après la publication des résultats de l’essai multicentrique randomisé anglais qui étudie l’efficacité du dépistage du cancer du sein par mammographie annuelle chez des femmes âgées de 40-41 ans à l’inclusion.
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