1- Généralités :
A- La coarctation ou sténose isthmique de l’aorte est un rétrécissement siègeant sur l’isthme aortique, à la jonction de l’aorte horizontale et de l’aorte descendante, en aval de l’implantation de la sous clavière gauche, au niveau du ligament artériel.
B- Affection relativement fréquente. Nette prédominance masculine : 4 fois plus fréquente chez l’homme.
Il peut s’agir d’une cardiopathie génétique : elle est fréquente dans le contexte polymalformatif du syndrome de Turner (45, X0).
Fréquemment associée à d’autres malformations cardiaques congénitales (persistance du canal artériel, CIV, anomalie valvulaire aortique ou mitrale).
C- Physiopathologie :
Les trois syndromes physiopathologiques de la coarctation sont donc :
* l’hypertension en amont de l’obstacle, donc de la partie supérieure du corps,
* l’hypotension en aval de la coarctation, donc dans la moitié inférieure du corps.
* Développement d’une circulation collatérale court-circuitant l’obstacle, permettant au sang du segment sus-strictural de gagner le segment sous-strictural par des voies détournées ; les anastomoses sont essentiellement constituées par des branches des sous-clavières:
* réseau périscapulaire (entre sous-clavière et 4e, 5e, et 6e intercostales),
* réseau intercostal (entre branches intercostales antérieures nées de la mammaire interne et intercostales postérieures par lesquelles le sang rejoint l’aorte à contre-courant),
* anastomoses mammaire interne-épigastrique,
* anastomoses intra-rachidiennes, entre l’artère vertébrale et spinale antérieure.
Ces artères anastomotiques sont volumineuses, sinueuses et érodent le bord inférieur des arcs costaux postérieurs.
2- Clinique :
Type de description : la forme du grand enfant ou de l’adolescent.
A- Signes cliniques :
L’association d’une HTA des MS et d’une diminution ou une abolition des pouls fémoraux est quasi-pathognomonique de la coarctation.
– HTA de la moitié supérieure du corps, systolo-diastolique, de degré très variable. Elle s’accompagne d’une hyperpulsatilité des artères des MS et de vaisseaux du cou, en particulier soulèvement de la crosse de l’aorte au niveau du creux sus-sternal.
Parfois signes fonctionnels liés à l’HTA: céphalées, bourdonnements d’oreilles, épistaxis…
Des complications de l’HTA sont possibles, en particulier cérébrales (hémorragie méningée, oedème cérébral…).
Il existe parfois une asymétrie tensionnelle entre les 2MS, liée à l’implantation de la sous clavière gauche au niveau de la coarctation.
– Le syndrome d’hypo-vascularisation des MI contraste avec cette HTA des MS :
* fatigabilité ou crampes des MI à l’effort
* parfois, contraste entre la morphologie de la partie supérieure du corps, trapue et robuste et celle de la moitié inférieure, avec MI grêles.
– Absence des pouls fémoraux +++ avec TA beaucoup plus basse aux MI qu’aux MS (gradient MS-MI > 20 mmHg).
* Souffle systolique discret, diffusant dans tout le thorax, max. au 3e EICG, entendu dans le dos ; parfois souffle systolodiastolique dû à la circulation collatérale.
* Circulation collatérale, mise en évidence à jour frisant, le patient courbé en avant, sous forme de soulèvements systoliques des espaces intercostaux ou de battements à la palpation.
B- Radiographie :
Parfois image « en cheminée » du médiastin supérieur, avec disparition du bouton aortique ; ou dilatation pré ou post-stricturale visible au niveau de l’arc supérieur gauche ; typiquement même, image en « 3 » de chiffre : double genou aortique avec une indentation séparant la saillie supérieure de l’inférieure.
HVG (hypertrophie ventriculaire gauche) éventuelle.
Encoches costales (dues à l’érosion osseuse par les grosses artères intercostales).
C- ECG :
HVG éventuelle.
D- Examens spécialisés :
Échocardiogramme Doppler : il permet souvent de visualiser la coarctation et de mesurer le gradient de pression à travers la zone sténosée : il précise l’HVG réactionnelle et l’existence d’anomalies associées.
La pathologie de l’aorte thoracique est une excellente indication de l’examen par résonance magnétique nucléaire (IRM). Actuellement, l’intervention est souvent fait sur les données de l’écho-Doppler et de l’IRM, sans angiographie préalable.
L’angiographie : indirecte (temps gauche d’une angio droite chez le nourrisson ou angio numérisée) ou directe : aortographie par voie artérielle rétrograde ; elle confirme le diagnostic et précise les conditions anatomiques : Le plus souvent, sténose courte, en diaphragme réduisant considérablement la lumière aortique.
Parfois hypoplasie étendue de l’isthme, fréquente chez le nourrisson. L’angio met en évidence la circulation collatérale et le niveau d’implantation des gros vaisseaux de la base.
3- Évolution – Complications :
HTA, avec ses complications, qui peut persister après l’intervention, si celle-ci est trop tardive d’où l’intérêt du dépistage et du traitement chirurgical précoces.
Rupture ou dissection aortique.
Complications cérébrales (hémorragies, anévrysmes, hémiplégies).
IVG.
Endocardite infectieuse.
En l’absence d’intervention, la mort survient en général avant 40 ans dans les formes serrées.
4- Formes cliniques :
Forme grave du nouveau né et du nourrisson.
Tableau d’asystolie très sévère, précoce (premiers jours ou premières semaines de vie), parfois dramatique lors de la fermeture du canal artériel.
Il s’agit généralement dans ce cas d’une coarctation serrée, associée à un canal artériel sous-strictural (en effet, dans ce cas, la circulation foetale a pu se faire normalement et aucune circulation collatérale ne s’est développée ; alors que, en cas de canal sus-strictural, la circulation collatérale s’est développée durant la vie foetale et la tolérance à la naissance est bien meilleure). Association fréquente d’une CIV.
Le diagnostic est fait à l’échographie. Mise sous Prostaglandine E1 qui maintient le CA ouvert et améliore nettement l’état. Indication opératoire urgente, sans cathétérisme préalable.
5- Traitement :
Toute coarctation symptomatique doit être opérée.
Le plus souvent, l’intervention de Crafoord (résection de la zone de coarctation avec anastomose bout à bout) est possible.
Importance du dépistage précoce (palpation systématique des fémorales chez l’enfant), afin d’opérer tôt, idéalement avant l’âge de 4 ans, afin d’éviter l’HTA résiduelle+++.