L’hypertension artérielle (HTA) affecte approximativement 25 % de la population mondiale et sa prévalence est supposée augmenter de 60 % d’ici 2025, soit une estimation de 1,5 milliard de personnes touchées au total. L’hypertension est un facteur de risque cardio-vasculaire majeur et est responsable de la plupart des décès dans le monde. L’hypertension essentielle ou idiopathique est responsable d’au moins 95 % des cas d’hypertension. De nombreuses causes, endocriniennes, vasculaires, rénales, rendent compte des 5 % d’hypertensions secondaires.
Chez un patient présentant une HTA, le médecin devra poser le diagnostic de l’hypertension, en apprécier la sévérité et le retentissement et en rechercher la cause. Les questions auxquelles tout médecin qui prend en charge un patient hypertendu devra répondre sont présentées dans l’encadré 1.
Encadré 1. Questions à se poser pour la prise en charge d’un patient hypertendu
Comment faire le diagnostic d’une HTA permanente ?
Quel est le bilan indispensable à prévoir ?
Quand débuter le traitement ?
Quels sont les objectifs thérapeutiques ?
Quels sont les moyens thérapeutiques ?
Quel traitement donner ?
Quand adresser le patient à un spécialiste ?
DIAGNOSTIC :
Les hypertensions systolique et diastolique sont toutes deux reconnues comme des facteurs de risque cardiovasculaire car associées à une morbimortalité cardiovasculaire accrue dans de larges études observationnelles. Elles exposent à un risque d’accidents vasculaires cérébraux, d’insuffisance cardiaque, d’artériopathie périphérique et d’insuffisance rénale terminale, de façon indépendante. C’est pour cette raison que l’hypertension est considérée comme la première cause de mortalité de par le monde.
Définition :
Il existe une relation continue entre le degré de l’hypertension et le risque cardiovasculaire, à partir de chiffres de 110-115 mmHg pour la systolique et 70-75 mmHg pour la diastolique. Les seuils retenus pour classer la sévérité de l’HTA sont arbitraires mais permettent dans la pratique quotidienne de simplifier son diagnostic et sa prise en charge thérapeutique.
L’hypertension est répartie en grades selon son niveau (Tableau I).
Mesures de la pression artérielle :
La pression artérielle (PA) est caractérisée par de larges variations spontanées, au cours de la journée et d’un jour à l’autre. Son diagnostic doit donc n’être retenu qu’après plusieurs mesures, à différents moments sur une certaine période de temps. Le diagnostic de l’HTA devrait être basé sur au moins deux mesures par consultation au cours de deux ou trois consultations.
L’intervalle entre deux consultations peut être plus ou moins rapproché selon les chiffres de PA mesurés. Plusieurs types de mesure peuvent être utilisés.
PA en consultation :
Chez un patient en position assise depuis quelques minutes, la PA sera mesurée à deux reprises espacées de 1-2 minutes et une troisième si les deux premières sont très différentes. Le brassard doit être adapté au bras du patient (obèse, enfant), le poignet au niveau du coeur. La fréquence cardiaque doit être notée.
Mesure ambulatoire de la PA ou MAPA :
Elle consiste en des prises répétées de PA pendant 24 heures chez un patient menant une activité habituelle. Elle ne peut pas remplacer la prise de tension de la consultation mais apporte des informations supplémentaires : mesure de la PA plus fiable, s’affranchissant de l’effet blouseblanche et de l’effet placebo, dépistage des patients ne présentant pas la baisse physiologique de la PA durant la nuit (non-dippers) qui ont une prévalence de lésions d’organes plus élevée et un moins bon pronostic que ceux dont la PA baisse durant la nuit.
Automesure tensionnelle :
Cette méthode de mesure ne fournit pas d’aussi complètes informations que la MAPA mais elle s’en approche. Elle est également dénuée de l’effet « blouse-blanche » ou placebo. Elle est plus reproductible et prédit mieux le risque cardiovasculaire que les mesures au cabinet.
Le patient doit être prévenu d’utiliser des systèmes de mesure validés et de garder le bras à hauteur du coeur.
Catégories de patients :
Ces différentes modalités de mesure permettent d’identifier plusieurs catégories de patients.
HTA « blouse-blanche » :
Cette hypertension est diagnostiquée au cabinet du médecin alors que les automesures à domicile ou lors d’une MAPA sont normales. Ce type d’HTA est présent chez 15 % de la population.
Le risque cardiovasculaire de ces patients est intermédiaire entre celui des patients hypertendus en permanence – au cabinet et lors des mesures ambulatoires – et des patients normotendus.
HTA ambulatoire isolée ou HTA « masquée » :
Le phénomène inverse existe également chez des individus normotendus en consultation (< 140/90 mmHg) ayant des tensions ambulatoires ou par automesure élevées. Les données qui existent suggèrent que le risque cardiovasculaire associé à l’HTA « masquée » est proche de celui des patients hypertendus en permanence.
Les différentes mesures de la PA offrent des informations utiles surtout lorsqu’il n’existe aucune HTA apparente en consultation chez des patients ayant plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire.
HTA d’effort :
Tous les types de stress, physiques ou psychologiques, augmentent la PA et la réponse individuelle au stress a été évaluée en tant que risque de développement d’une HTA permanente et facteur de risque cardiovasculaire. Les résultats sont contradictoires et la décision d’instaurer un traitement ne peut reposer sur la seule HTA liée au stress.
Bilan :
Histoire personnelle et familiale :
Les antécédents personnels et familiaux doivent être recherchés de façon large en prêtant particulièrement attention aux facteurs de risque cardiovasculaire associés.
L’anamnèse doit rechercher :
– la durée et le degré des chiffres d’HTA trouvés ;
– les symptômes évocateurs d’HTA secondaire ;
– les traitements utilisés et leur efficacité, la prise de traitements ( corticostéroïdes, anti-inflammatoires non stéroïdiens, vasoconstricteurs nasaux, contraception orale, érythropoïétine, cyclosporine) ou de drogues (amphétamines, cocaïne, alcool) ;
– le mode de vie (régime salé et lipidique), tabagisme, activité physique ;
– les antécédents ou les symptômes coronariens, d’insuffisance cardiaque, de diabète, d’artériopathie périphérique ou cérébrale, de goutte, d’asthme et de tous les médicaments utilisés pour traiter ces différentes pathologies ;
– la présence d’un ronflement nocturne suggérant un syndrome d’apnées du sommeil.
Examen clinique :
La fréquence cardiaque doit être notée en même temps que la PA. Une accélération répétée de la fréquence cardiaque peut témoigner d’un risque augmenté par une activité sympathique accrue, parasympathique diminuée ou une insuffisance cardiaque.
L’indice de masse corporelle dépiste une obésité (> 27).
La mesure du périmètre ombilical chez un patient debout indique le type d’obésité et un risque accru en cas de morphotype gynoïde.
La palpation de l’abdomen recherche une polykystose rénale par la présence d’un contact lombaire. La palpation des pouls recherche une coarctation de l’aorte. L’auscultation recherche un souffle abdominal qui peut témoigner d’une sténose artérielle rénale.
Examens complémentaires :
Ils recherchent les facteurs de risque associés, des arguments en faveur d’une HTA secondaire, et visent à apprécier le retentissement de l’hypertension.
Les examens doivent aller du plus simple au plus compliqué. Plus le patient est jeune, l’HTA sévère et son installation brutale, plus les examens doivent être approfondis. Le minimum requis est indiqué dans le Tableau II.
Soulignons quelques points importants :
1. Une glycémie à jeun supérieure à 5,6 mmol/L justifie un test d’hyperglycémie provoquée à la recherche d’un diabète.
2. Les valeurs de la créatinine sont imprécises pour estimer la fonction rénale et doivent être complétées par le calcul de la clairance de la créatinine par la formule de Cockcroft et Gault ou le débit de filtration glomérulaire (DFG) estimé par la formule MDRD abrégée, permettant d’identifier des patients ayant une filtration glomérulaire diminuée et un risque cardiovasculaire augmenté malgré des valeurs de créatininémie normales.
La formule MDRD permet de classer l’insuffisance rénale en stade 3 (DFG < 60 mL/min/1,73 m2), 4 (DFG < 30 mL/min/1,73 m2) ou 5 (DFG < 15 mL/min/1,73 m2). Elle est plus fi able pour des valeurs de DFG < 60 mL/min/1,73 m2 que la formule de Cockcroft. La découverte d’une fonction rénale altérée chez un patient hypertendu est fréquente et constitue un facteur pronostique puissant d’événements cardiovasculaires et de décès, même chez les patients traités.
3. La microalbuminurie est étroitement associée avec une fréquence accrue de maladie cardiovasculaire non seulement au cours du diabète mais aussi chez les non diabétiques.
4. Le rôle pronostique défavorable de l’hypertrophie ventriculaire gauche concentrique a été confirmé de même que l’épaisseur intimamédia de la carotide.
Sans une évaluation échographique, près de 50 % des patients hypertendus peuvent être considérés de façon erronée comme à risque faible ou modéré alors que la présence de ces anomalies vasculaires les classe dans un groupe à risque élevé.
5. L’électrocardiogramme devrait faire partie de l’évaluation de routine des sujets hypertendus. Sa sensibilité est faible mais l’hypertrophie ventriculaire gauche dépistée par l’indice de Sokolow-Lyons (RV5-6 + SV1 > 38 mm) est un facteur prédictif indépendant d’événements cardiovasculaires.
6. Le fond d’oeil n’est pas recommandé en première intention, les lésions rétiniennes sévères, de grade 3 (hémorragies et exsudats) et 4 (oedème papillaire) étant seules corrélées à un retentissement systémique.
7. L’IRM cérébrale permet de découvrir des infarctus cérébraux silencieux, le plus souvent limités et profonds (lacunaires). La prévalence des lésions augmente avec l’âge et l’HTA. L’IRM ne peut être recommandée pour tous les patients hypertendus pour des raisons de coût et de disponibilité mais elle devrait être réservée aux patients présentant des anomalies neurologiques.
TRAITEMENT :
Début du traitement :
Les recommandations actuelles insistent sur la nécessité d’inscrire la décision et les modalités de traitement de l’HTA dans le contexte plus général de la prise en charge du risque cardiovasculaire absolu. Ce risque est déterminé, certes par le niveau de PA, mais plus encore par les facteurs de risque vasculaire associés.
L’évaluation du risque cardiovasculaire absolu conditionne non seulement le seuil tensionnel de mise en route du traitement médicamenteux, mais aussi l’objectif tensionnel visé et, d’une certaine façon, la rigueur du suivi et les moyens mis en oeuvre pour l’atteindre.
L’encadré 2 et le tableau III peuvent aider à prendre la décision.
Encadré 2. Données prises en compte dans l’estimation du risque cardiovasculaire
Cofacteurs de risque cardiovasculaire
Âge : homme > 50 ans ; femme > 60 ans
Tabagisme
Accident cardiovasculaire familial précoce
Diabète
Dyslipidémie
LDL > 4,1 mM ou HDL < 1 mM
Atteinte organes cibles
Hypertrophie ventriculaire gauche
Microalbuminurie : 30-300 mg/j (20-30 mg/mmol créatinine)
Comorbidité
DFG < 60 mL/min ou Protéine > 500 mg/j
Accident ischémique transitoire ou vasculaire cérébral
Insuffisance coronaire
Artériopathie périphérique
Schématiquement, deux catégories peuvent ainsi être définies :
– patients à risque élevé ou très élevé : il est conseillé de débuter un traitement médicamenteux d’emblée (immédiatement ou après quelques jours d’observation) ;
– patients à risque moyen ou faible : il est conseillé de proposer des mesures hygiénodiététiques seules dans un premier temps. La décision d’y associer un médicament antihypertenseur est réévaluée à 3, 6, 12 mois selon l’évolution des chiffres tensionnels et des autres facteurs de risque.
Cibles thérapeutiques :
Dans la population générale :
Tout patient ayant une HTA permanente (définie par une PA systolique ≥ 140 mmHg et/ou une PA diastolique ≥ 90 mmHg) doit bénéficier de la mise en route de mesures hygiénodiététiques et parfois de la prescription d’un médicament antihypertenseur.
Chez le diabétique ou les patients à haut risque cardiovasculaire :
Pour optimiser la protection cardiovasculaire chez le diabétique, les objectifs de réduction de l’HTA sont plus stricts, inférieurs à 130/80 mmHg car associés à un bénéfice net sur les complications micro et macrovasculaires.
Chez les patients non diabétiques mais à haut risque (antécédent d’accident vasculaire cérébral ou d’infarctus), une baisse de la PA de 147/86 à 138/82 mmHg permettait une réduction de 28 % de récidive d’accident vasculaire cérébral et de 26 % d’événements cardiovasculaires majeurs en prévention secondaire. Il n’y a pas de données suffisantes pour recommander une baisse de PA en dessous de 130/80 mmHg chez les patients non diabétiques actuellement.
Moyens thérapeutiques :
Ce sont les mesures hygiénodiététiques et les médicaments antihypertenseurs.
Mesures hygiénodiététiques :
Indispensables dans tous les cas même si le bénéfice en prévention cardiovasculaire primaire de l’abaissement des chiffres tensionnels qui suit leur application n’est pas formellement démontré (pas d’essai contrôlé).
L’objectif est de diminuer le niveau de la PA, de corriger tous les facteurs de risque associés et de réduire le nombre et la dose des traitements antihypertenseurs. Les effets des mesures adoptées sont indiqués dans le Tableau IV.
La perte de poids chez les patients obèses permet une amélioration de facteurs de risque associés tels que l’insulinorésistance, le diabète et l’hyperlipidémie, l’hypertrophie ventriculaire gauche et l’apnée du sommeil.
La restriction sodée – facilement quantifiée par la natriurèse – de 180 mmol (10,5 g de NaCl) à 80-100 mmol (5 à 6 g) par jour abaisse la PA de 5 mmHg et permet d’alléger le traitement. Cet effet est plus marqué chez les sujets noirs, âgés, diabétiques et insuffisants rénaux. L’objectif raisonnable à atteindre est de 5 g de sel par jour.
L’augmentation des apports en potassium et un régime pauvre en cholestérol permettent de réduire l’HTA. Les patients hypertendus devraient manger davantage de fruits et de légumes, plus de poisson et moins de graisses saturées et de cholestérol.
L’exercice physique permet de réduire la surcharge pondérale, le périmètre abdominal et d’augmenter la sensibilité à l’insuline et le taux de HDL-cholestérol. Un exercice physique d’endurance même modéré, (marche rapide, jogging, natation), en l’absence d’HTA sévère ou de complications cardiovasculaires, contribue à diminuer la PA.
Place des antiagrégants plaquettaires :
L’ajout d’une faible dose d’aspirine (75 à 100 mg/j) diminue le risque d’événement vasculaire grave de 25 %, au prix d’un risque de saignement sévère multiplié par deux. La décision d’ajouter un traitement antiagrégant doit donc être prise en fonction du risque cardiovasculaire global. Les patients ayant une dysfonction rénale défi nie par une créatinémie supérieure à 115 μmol/L (1,3 mg/dL), les patients de plus de 50 ans à risque vasculaire global élevé et ceux dont l’HTA est plus sévère bénéficient le plus de l’ajout d’un antiagrégant, sans augmentation significative du risque hémorragique. Le bon contrôle de la PA diastolique en dessous de 90 mmHg est central pour éviter le risque de saignement associé à l’aspirine.
Médicaments antihypertenseurs :
Médicaments antihypertenseurs en première intention :
Rappelons tout d’abord que les différents essais thérapeutiques comparant différents traitements actifs objectivent un bénéfice de la baisse de la PA en soi, indépendamment de la molécule utilisée.
Cinq classes de médicaments antihypertenseurs peuvent être utilisées en première intention :
– les diurétiques ;
– les bêtabloqueurs ;
– les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine I (IEC) ;
– les inhibiteurs calciques ;
– les antagonistes des récepteurs AT1 de l’angiotensine II (ARA-2).
Tous ces traitements sont appropriés pour l’instauration et l’entretien du traitement antihypertenseur, soit en monothérapie, soit combinés.
Chaque classe a ses propriétés particulières, ses avantages et ses inconvénients qu’il convient de connaître pour adapter au mieux le choix selon le patient.
Les bêtabloquants ont prouvé leur effet protecteur au cours de l’angine de poitrine, l’insuffisance cardiaque et l’infarctus récent. En revanche, ils sont moins efficaces sur la prévention des accidents vasculaires cérébraux. En raison de la prise de poids et des effets métaboliques qu’ils induisent (hyperlipidémie, diabète de novo), ils devraient être évités chez les patients ayant des facteurs de risque associés. Ces effets n’ont peut-être pas lieu pour les bêtabloquants plus récents ( carvédilol, nebivolol). Ces propriétés s’appliquent aussi aux diurétiques thiazidiques qui ont un effet hyperlipémiant et diabétogène.
Chez les Noirs et les sujets âgés, les diurétiques et les inhibiteurs calciques sont plus efficaces et devraient être préférés aux bêtabloquants, aux IEC et aux ARA-2.
Le bénéfice des autres classes thérapeutiques est beaucoup plus limité (alphabloquants, antihypertenseurs centraux).
Le choix du premier traitement à instaurer est moins crucial que de nombreux essais montrent la nécessité d’une association pour obtenir les objectifs tensionnels fixés. À terme, le contrôle de la PA nécessite d’associer deux médicaments antihypertenseurs chez la majorité (70 %) des patients. Le choix reposera avant tout sur les complications systémiques, les facteurs de risque associés et les effets indésirables pour chaque patient.
Donner et choisir un médicament antihypertenseur :
* Principes généraux :
Ce sont les suivants :
– commencer par de faibles doses d’une monothérapie ou par une association fixe de faibles doses ayant eu l’autorisation de mise sur le marché en traitement de première intention ;
– privilégier les médicaments dont l’efficacité tensionnelle sur 24 heures est bien documentée, pouvant être administrés en une seule prise quotidienne ;
– la première évaluation de l’efficacité tensionnelle doit être faite après un délai de 4 semaines ;
– en cas d’inefficacité totale ou d’effet secondaire : changer de classe de médicament antihypertenseur (par exemple, préférer un bêtabloquant ou un IEC si le patient était traité par un diurétique ou un inhibiteur calcique et vice versa) ;
– en cas de réponse tensionnelle partielle : en règle générale, préférer l’association d’une deuxième classe de médicament antihypertenseur à l’augmentation de la dose du médicament prescrit en monothérapie (ce qui est probablement plus physiologique et souvent mieux toléré) en ayant recours soit à des combinaisons libres soit à des combinaisons fixes dont le développement est croissant.
* Monothérapie :
Initialement instaurée à faible dose, elle peut être augmentée en cas de non-réponse ou remplacée par une autre classe thérapeutique d’abord à faible dose puis à pleine dose. En cas d’inefficacité, une autre classe thérapeutique sera testée. Cette stratégie permet de trouver pour un patient donné le traitement le plus efficace et le mieux toléré. Cependant le taux de réponse n’excède pas 50 % en monothérapie.
Cette manière de procéder peut être longue et laborieuse pour le patient et son médecin.
* Associations :
À terme, le contrôle de la PA nécessite deux médicaments antihypertenseurs chez la majorité (70 %) des patients.
Le choix d’une association en première intention est donc légitime, surtout en cas de haut risque cardiovasculaire.
Les associations dont l’effet synergique est documenté sont :
– thiazidique et IEC ;
– thiazidique et ARA-2 ;
– inhibiteur calcique et IEC ;
– inhibiteur calcique et ARA-2 ;
– inhibiteur calcique et thiazidique ;
– bêtabloquant et inhibiteur calcique.
L’association classique bêtabloquant/thiazidique a été largement utilisée dans les essais mais en raison de leurs effets métaboliques connus, elle devrait être évitée chez les patients à risque.
Les associations fixes en un seul comprimé permettent d’améliorer l’observance thérapeutique et sont largement disponibles.
Patients à traiter :
Sujets âgés :
Les sujets de plus de 60 ans bénéficient du traitement antihypertenseur en termes de morbimortalité cardiovasculaire. Différents essais ont montré l’efficacité des différentes classes thérapeutiques utilisées en première intention : diurétiques thiazidiques, inhibiteurs calciques, IEC ou ARA-2, ou bêtabloquants. Tous les essais ont montré un bénéfice du traitement versus placebo. L’analyse des sous-groupes de patients de plus de 65 ans, et même de plus de 80 ans, a également montré ce bénéfice quelle que soit la classe thérapeutique utilisée. Il n’y a donc pas de recommandation de stratégie dans le choix de la molécule en fonction de l’âge. L’instauration du traitement antihypertenseur chez le sujet âgé doit être prudente, avec des doses initiales plus basses et la recherche systématique d’une hypotension orthostatique avant traitement. De nombreux patients ont déjà des atteintes d’organes qui doivent guider le choix du traitement.
Souvent, deux molécules sont nécessaires pour obtenir une baisse de la PA systolique suffisante, inférieure à 140 mmHg.
Diabétiques :
L’objectif tensionnel est en dessous de 130/80 mmHg, avec un bénéfice des IEC et des ARA-2 sur la prévention de la progression de la néphropathie. Les mesures hygiénodiététiques sont particulièrement importantes ainsi qu’un contrôle renforcé du bilan lipidique.
Antécédent d’accident vasculaire cérébral :
Différents essais ont montré l’efficacité du traitement antihypertenseur en prévention secondaire des accidents cérébrovasculaires, ischémiques ou hémorragiques, même lorsque la PA initiale était inférieure à 140/90 mmHg. Le niveau de PA à atteindre n’est pas précisément connu mais l’analyse de Progress suggère un objectif inférieur à 130 mmHg de PA systolique. Si le rôle de la baisse de la PA est bien établi, d’autres études doivent être menées pour comparer les différents traitements antihypertenseurs. Les ARA-2 semblent particulièrement efficaces.
Néphropathies non diabétiques :
Les néphropathies et l’insuffisance rénale sont associées à un risque cardiovasculaire très élevé.
La prévention de l’insuffisance rénale exige des niveaux de PA très stricts (< 130/80 mmHg) et même plus bas s’il existe une protéinurie. En cas d’insuffisance rénale et de protéinurie l’objectif est encore plus bas, à 120/70 mmHg.
Pour réduire la protéinurie, un IEC, un ARA-2 ou la combinaison des deux est indiquée, sous réserve d’une surveillance attentive de la kaliémie et de la créatininémie.
HTA chez la femme :
Les femmes ont une PA plus basse que celle des hommes dans la tranche d’âge 30-44 ans puis la fréquence et les chiffres de PA s’élèvent et dépassent ceux des hommes après 60 ans. La réponse au traitement et son bénéfice sont similaires dans les deux sexes. Néanmoins les inhibiteurs du système rénine-angiotensine-aldostérone doivent être évités en cas de grossesse ou de désir de grossesse du fait de leur risque tératogène.
Rôle de la contraception orale :
Les contraceptifs oraux sont responsables d’une augmentation de la PA modérée chez la plupart des femmes et d’une véritable HTA chez 5 % d’entre elles. Le risque de complications cardiovasculaires est présent chez les femmes de plus de 35 ans et chez les fumeuses. L’HTA induite par la contraception orale est modérée et réversible dans les six mois qui suivent l’arrêt du traitement. Les oestrogènes sont considérés comme responsables de l’élévation de la PA mais les mécanismes en cause sont inconnus. Les progestatifs seuls sont la contraception orale de choix chez les femmes hypertendues.
HTA gravidique :
La PA baisse physiologiquement de 15 mmHg au cours du deuxième trimestre de la grossesse chez les femmes normo- mais aussi hypertendues. La définition de l’HTA au cours de la grossesse retenue actuellement est une PA supérieure ou égale à 140/90 mmHg, prise à deux reprises.
En cas d’HTA modérée (140-149/90-95), une surveillance rapprochée sera instaurée en vue de limiter les activités de la femme enceinte hypertendue. Un régime normal sans restriction sodée est recommandé. L’aspirine à faible dose est indiquée chez les patientes ayant des antécédents de prééclampsie avant 28 SA.
Pour des chiffres de PA supérieurs ou égaux à 150/95, un traitement pharmacologique est indiqué.
Si la PA dépasse 170/110, il s’agit d’une urgence thérapeutique avec nécessité d’hospitalisation en urgence. Les traitements utiles sont le labétalol par voie parentérale, la méthyldopa per os ou la nifédipine per os. Les antagonistes du système rénine-angiotensine sont strictement contre-indiqués, l’aténolol est associé à un risque de retard de croissance foetal et les diurétiques à un risque d’hypovolémie. Le sulfate de magnésium par voie intraveineuse est efficace dans la prévention de l’éclampsie. Enfin, le déclenchement peut être nécessaire si des troubles visuels, des anomalies de la coagulation ou une souffrance foetale apparaissent.
Le risque cardiovasculaire à distance est augmenté chez les femmes ayant un antécédent d’HTA gravidique.
Syndrome métabolique :
Le syndrome métabolique associe une obésité et diverses anomalies du métabolisme glucidique, lipidique et une HTA. Sa prévalence augmente avec l’âge. Il se caractérise par un risque cardiovasculaire et un risque de diabète ou d’HTA de novo accru, une association fréquente à des lésions d’organes infracliniques (microalbuminurie, rigidité artérielle, hypertrophie ventriculaire gauche…). Le syndrome métabolique est souvent associé à un syndrome inflammatoire qui peut contribuer à son effet athérogène.
Les mesures hygiénodiététiques sont essentielles chez ces patients. L’objectif tensionnel optimal n’est pas connu dans le syndrome métabolique mais un traitement antihypertenseur est indiqué dès que la PA dépasse 140/90 mmHg. Les traitements à privilégier sont les ARA-2 et les IEC qui sont associés à une moindre incidence de diabète que les bêtabloquants et les thiazidiques.
Ces effets délétères paraissent moins prononcés avec les nouveaux bêtabloquants vasodilatateurs (carvedilol, nebivolol).
Quand adresser le patient à un spécialiste ?
Plusieurs situations requièrent d’adresser le patient à un spécialiste.
HTA résistante :
L’hypertension est considérée comme résistante lorsque la PAS dépasse 160 mmHg et/ou la PAD est supérieure ou égale à 100 mmHg à deux consultations successives malgré la prescription d’une trithérapie « logique », c’est-à-dire comportant un diurétique. Il est alors conseillé de confier la prise en charge du traitement à un spécialiste. Quelques causes classiques de résistance :
– observance médiocre ;
– HTA secondaire méconnue ( néphropathie, HTA rénovasculaire, hyperaldostéronisme primaire, phéochromocytome, syndrome de Cushing, syndrome d’apnée du sommeil…) ;
– prise de médicaments inducteurs d’HTA ;
– prise de poids excessive ;
– consommation d’alcool excessive ;
– volume extracellulaire « excessif » (traitement diurétique insuffisant ou mal réparti, apports sodés excessifs, insuffisance rénale) ;
– pseudo-résistance : HTA liée à la blouse blanche, problèmes de mesure (brassard inadapté, etc.).
Le recours à un spécialiste s’impose car l’HTA résistante est associée à des lésions d’organes infracliniques et à un risque cardiovasculaire élevé. En dernier recours, de nombreux patients auront besoin de plus de trois traitements, l’aldactone à petite dose (25 à 50 mg/j) ayant montré son efficacité pour réduire la PA en association à des traitements multiples.
Urgences hypertensives :
Elles sont définies par l’aggravation de lésions des organes cibles en rapport avec une PA élevée.
Elles peuvent mettre en jeu le pronostic vital et leur prise en charge doit être rapide en évitant cependant les baisses trop brutales de PA qui peuvent se compliquer d’hypoperfusion cérébrale ou d’infarctus cérébraux, du myocarde ou rénaux.
HTA maligne :
L’HTA maligne est un syndrome associant une HTA sévère (PA diastolique > 140 mmHg) et des lésions vasculaires telles qu’hémorragies rétiniennes, exsudats ou oedème papillaire. Une hypertension essentielle insuffisamment traitée est le plus fréquemment en cause. Elle se développe plus volontiers chez des fumeurs et chez les Noirs que chez les Caucasiens. Sa prévalence a diminué avec le traitement plus précoce de l’HTA.
L’atteinte la plus sévère est l’encéphalopathie hypertensive qui s’accompagne de lésions neurologiques irréversibles incluant des céphalées, des troubles de l’acuité visuelle et des fonctions supérieures. Chez certains patients, une détérioration irréversible de la fonction rénale impose la prise en charge en dialyse chronique. L’HTA maligne s’accompagne d’une hémolyse mécanique (présence d’hématies fragmentées ou schizocytes) et de signes de coagulation intraveineuse disséminée. En l’absence de traitement, le pronostic de l’HTA maligne est extrêmement sombre, avec un taux de mortalité de 50 % à 12 mois. Quand un traitement efficace est instauré, la survie est meilleure. L’HTA maligne doit être considérée comme une urgence hypertensive.
Un traitement oral peut être administré s’il est efficace avec l’objectif de réduire la PA diastolique à 100-110 mmHg en urgence.
Suivi :
Durant la phase d’instauration du traitement, le patient doit être vu toutes les 2 à 4 semaines afin d’adapter les doses et les différents traitements.
Pendant cette période, l’automesure tensionnelle peut être enseignée au patient. Une fois les objectifs atteints, tensionnels et sur les divers facteurs de risque cardiovasculaires, les visites peuvent être espacées à tous les six mois en cas d’HTA modérée, en prévoyant des contrôles plus fréquents si l’HTA est sévère ou le risque cardiovasculaire élevé. La fréquence des visites permet d’améliorer l’observance des patients lors de traitements qui devront être poursuivis indéfiniment.
Si l’objectif tensionnel n’est pas atteint après six mois, le patient doit être adressé à un spécialiste.
Un suivi fréquent permet également de dépister les lésions d’organes qui peuvent apparaître, en quelques semaines pour la protéinurie ou plusieurs mois pour l’hypertrophie ventriculaire gauche.
CONCLUSION :
Bien que l’HTA soit un facteur de risque cardiovasculaire majeur et que son traitement permette une réduction du risque d’accidents graves, de nombreuses études montrent que :
– de nombreux patients ne connaissent pas leurs chiffres tensionnels ;
– les cibles tensionnelles sont rarement atteintes, que le patient soit suivi par un spécialiste ou un généraliste.
L’HTA systolique est particulièrement difficile à contrôler et la cible en dessous de 130/80 mmHg chez le diabétique et les patients à haut risque, exceptionnellement atteinte. Ceci explique que l’HTA reste une cause majeure de décès et de morbidité cardiovasculaire dans les pays industrialisés comme dans les pays en voie de développement.