1- Résumé :
La grossesse est un état physiologique favorisant l’apparition de thrombose veineuse, et démasquant parfois une coagulopathie.
Du fait de la présence du foetus, la suspicion d’une maladie veineuse thrombo-embolique chez une femme enceinte pose un double défi au clinicien: un défi diagnostic, évoqué devant un faisceau d’arguments cliniques et devant etre confirmé à l’aide d’examens d’imagerie le moins irradiant possible, mais aussi un défi lié au traitement anticoagulant devant etre dénué d’effet thératogène.
En dehors d’un contexte de gravité, le seul traitement chronique validé actuellement est l’héparine à la seringue électrique.
Néanmoins, de nombreux obstacles liés au mode d’administration et à la surveillance de ce traitement lui font préférer actuellement l’utilisation d’héparine de bas poids moléculaire, bien que ces produits pharmacologiques n’aient pas l’autorisation de mise sur le marché dans cette indication.
L’attitude thérapeutique à adopter face au traitement préventif de la maladie veineuse thrombo-embolique chez la femme enceinte présentant une coagulopathie, acquise ou constitutionnelle, ou des antécédents de MVTE, n’est pas clairement établie.
De nouvelles études cliniques sont donc necessaires afin de valider l’utilisation des HBPM dans cette indication et de préciser la conduite à tenir thérapeutique dans certaines situations à risque et lors de l’accouchement.
2- Introduction :
La grossesse est connue comme un état physiologique favorisant l’apparition de thromboses veineuses, du fait de nombreuses modifications sur l’axe veineux: diminution de la tonicité veineuse, ralentissement du flux, augmentation de l’aggrégabilité sanguine et compression de la veine cave inférieure par l’utérus gravide.
Mis à part des complications loco-régionales n’engageant que rarement le pronostic vital, c’est la migration du thrombus veineux dans le territoire artériel pulmonaire qui fait toute la gravité de cette maladie veineuse thrombo-embolique.
L’existence d’une thrombose veineuse chez la femme enceinte pose un double défi lié à la présence du foetus: celui du diagnostic, du fait de la limitation des examens complémentaires radiologiques irradiants, et celui de la thérapeutique à réaliser car certains traitement anticoagulants présentent un passage transplacentaire.
Ces difficultés diagnostique et thérapeutique sont majorées par le fait qu’il n’existe pas d’étude randomisée de prévention et de traitement de la maladie veineuse thrombo-embolique chez la femme enceinte.
Alors que le nombre de thromboses veineuses du post-partum diminue car il existe une meilleure prévention, celles du pré-partum varient peu puisque d’une part les signes cliniques sont aspécifiques, communs avec ceux compatibles avec l’état de grossesse, et d’autre part il est difficile de dépister toutes les femmes à risque.
Enfin, un antécedent de grossesse compliquée de maladie veineuse thrombo-embolique impose une recherche de thrombophilie et une prévention, encore mal précisée, du risque de récidive.
3- Épidémiologie :
L’incidence de la maladie veineuse thrombo-embolique chez la femme enceinte est variable selon les auteurs entre 0,5 et 3%. Cette incidence est supérieure chez les patientes ayant des antécédents thrombo-embolique, entre 5 et 13% d’après Tengbom et coll.
Les thromboses veineuses des membres inférieurs surviennent de façon préférentielle à gauche, dans 77% des cas d’après James et coll, avec une prédominance de thrombose veineuse superficielle par rapport à la femme non enceinte.
Le risque de thrombose veineuse est réparti uniformément sur les trois trimestres et en post-partum d’après certains auteurs, alors que pour James et coll ce risque est plus élevé au troisième trimestre. Néanmoins, pour Ginsberg et coll, Berggvist et coll, il est plus élevé au cours du deuxième trimestre.
Cependant, le troisième trimestre serait théoriquement le plus à risque puisque d’une part la compression de la veine cave inférieure par l’utérus gravide est maximale à cette période et d’autre part les modifications de l’hémostase sont plus favorable à l’apparition d’une thrombose qu’au cours des deux premiers trimestres.
L’embolie pulmonaire est la deuxième cause de mortalité maternelle après les complications des avortements, son incidence étant comprise entre 0,15 pour mille et 0,5 pour mille grossesses.
La faible incidence de la maladie veineuse thrombo-embolique au cours de la grossesse est à l’origine de l’impossibilité d’obtenir des échantillons de taille suffisamment importante permettant la réalisation d’études contrôlées et randomisées de l’efficacité du traitement.
4- Physiopathologie :
Plusieurs facteurs concourent à la survenue d’une thrombose veineuse pendant la grossesse:
• L’état de grossesse lui-même induit une diminution de la mobilité et parfois une immobilisation, facteur favorisant déjà bien connu;
• Des modifications de la morphologie veineuse, avec augmentation du diamètre, diminution de la tonicité, et compression de la veine cave inférieure par l’utérus;
• Des modifications de l’hémostase: augmentation de la protéine C et du fibrinogène, diminution de la protéine S et de l’antithrombine III.
Ces circonstances favorisantes physiologiques pourront révéler ou exacerber des thrombophilies connues antérieurement ou non:
• Acquises, telles le syndrome des anti-phospholipides, secondaire d’une maladie lupique ou d’autres maladies systémiques, d’hémopathies ou de syndromes para-néoplasiques, ou primaire, responsables de 1/50 des thromboses veineuses au cours de la grossesse. La présence d’anticorps anti-cardiolipines induit un mécanisme thrombogène par hypercoagulabilité et par lésion de l’endothélium vasculaire;
• Constitutionnelles connues, telles le déficit en facteurs physiologiques inhibiteurs de la coagulation: Protéine C, S, déficit en anti-thrombine III et résistance à la protéine C activée.
D’après Mac Coll et coll, la résistance à la protéine C activée est impliquée dans 8% des thromboses veineuses profondes, l’antithrombine III dans 12% des cas (14% d’après 17), le déficit en protéine C dans 1% des cas (4% d’après 17) et le déficit en protéine S serait exceptionnel.
En cas de résistance à la protéine C activée, 60% des thromboses veineuses profondes apparaissent au cours du premier trimestre de la grossesse alors que d’autres déficits seraient davantage responsables des thromboses veineuses du post-partum d’après Conard et coll : 28% pour l’antihrombine III, 18% pour la proteine C et 17% pour la protéine S.
Par ailleurs, Kupferming et coll ont récemment montré l’incidence élevée de thromboplhilie génétique (déficit en protéine C, S, antithrombine III, résistance à la protéine C activée) chez les femmes ayant présenté des complications lors de la grossesse à type de pré-éclampsie, retard de croissance foetale, de mort-nés, ou d’accouchement prématuré. Ces complications sont très probablement induites par le fort pouvoir thrombogène lié à ces anomalies de la coagulation.
Exceptionnellement, des anomalies de la fibrinolyse sont mises en cause:
ysfibrinogénémies, anomalies qualitatives et quantitatives du plasminogène.
5- Diagnostic positif de la thromboses veineuse profonde :
1- Les éléments d’orientation: la suspicion clinique :
• La clinique ne présente aucune spécificité par rapport à la femme non gravide, le diagnostic étant évoqué devant l’apparition d’un oedème, d’une douleur et d’une rougeur du mollet ou de la cuisse, de répartition unilatérale, parfois dans un contexte de fébricule.
Chez la femme enceinte, l’oedème n’a que peu de valeur car est souvent présent à l’état physiologique. Cependant, son assymétrie et une hyperthermie associée doivent attirer l’attention.
En cas de thrombose superficielle, le diagnostic est fortement suspecté par la présence d’un cordon veineux inflammatoire bien visible et palpable, généralement sur varices préexistantes.
• Le dosage des D-dimères, dont le résultat est rapidement obtenu par méthode Elisa, n’a pas de valeur dans ce contexte car son taux est progressivement augmenté au cours de la grossesse (valeur de 5288 ng/ml à la 40ième semaine de grossesse normale).
2- Les examens paracliniques de confirmation du diagnostic :
Ces examens posent le problème de l’irradiation foetale et doivent donc être soigneusement choisis en fonction des circonstances.
L’échographie doppler des membres inférieurs est d’un intérêt capital et non irradiant pour le foetus. Ses sensibilité et spécificité sont supérieures à 95% si l’examen est de bonne qualité et l’opérateur qualifié. Cependant la limite de cet examen se situe dans l’exploration de la veine cave inférieure et des veines iliaques, difficile si l’examen est réalisé proche du terme ou en cas de grossesse multiple.
Au terme d’un examen clinique minutieux et de la réalisation d’une échographie doppler des membres inférieurs, soit le diagnostic est confirmé (cas le plus fréquent), soit il est fortement suspecté et il faut alors réaliser d’autres examens, ou encore le diagnostic est écarté avec une probabilité.
Le diagnostic est fortement suspecté, et d’autres examens seront alors indispensables pour pouvoir l’affirmer, car l’administration d’anticoagulant pourrait avoir des conséquences délétère sur le foetus et ne doivent donc être administré qu’en cas de présence d’une thrombose.
Une phlébographie au fil de l’eau est alors réalisée (estimation de la radiation foetale <0,05 rads). Si cette phlébographie ne suffit pas (cas rares), une phlébographie complète est pratiquée, néanmoins plus irradiante (0,314 rads d’apres). Cette dose est cependant loin de la dose tératogène qui est de 50 000 Gy d’après Spritzer et coll.
6- Diagnostic de l’embolie pulmonaire :
1- Les éléments d’orientation :
a- La clinique :
De même que pour les thromboses veineuses, elle n’est pas différente chez les femmes enceintes mais peut être trompeuse car dans ce contexte dyspnée, sueurs, malaise et douleurs thoraciques sont très souvent rapportées à l’état de gravidité et donc négligées.
Les symptômes habituellement présents sont: la dyspnée, à type de tachypnée, les douleurs pleurales, plutôt de type médiothoracique, l’angoisse, la toux et les hémoptysies.
L’auscultation pulmonaire peut révéler une diminution de l’amplitude respiratoire du coté atteint avec matité pleurale évocatrice d’un épanchement pleural.
Parfois le tableau peut être d’emblée compliqué par des signes de coeur pulmonaire aiguë et d’insuffisance ventriculaire droite: turgescence jugulaire, hépatomégalie avec reflux hépato-jugulaire……
b- Les examens paracliniques simples :
Dont la valeur diagnostique est similaire à celle de la femme non gravide sont souvent négatifs en particulier dans le premier temps de l’embolie pulmonaire, et trouvent leur place principalement dans de diagnostic différentiel:
L’électrocardiogramme est peu sensible et montre, dans les obstructions supérieures à 40%, des signes évocateurs aspécifiques tels que: une tachycardie sinusale, un axe hyper droit, un bloc de branche droit complet, un aspect SI QIII ou plus souvent une ischémie sous épicardique dans les dérivations de V1 à V4.
La radiographie pulmonaire, souvent prise en défaut, impose une protection locale du foetus par la pose d’un tablier de plomb et par la réduction de la zone d’irradiation au strict minimum, bien que la quantité de radiation soit faible, inférieure à 0,001 rads d’après Ginsberg et coll.
Il sera possible d’observer une opacité basale, un épanchement pleural de faible abondance ou une surélévation de l’hémidiaphragme orientant le diagnostic. La radiographie pulmonaire reste surtout utile pour le diagnostic différentiel.
La gazométrie artérielle retrouve typiquement une hypoxémie associée à une hypocapnie et une alcalose respiratoire.
Au terme de l’examen clinique et de ces différents examens paraclimiques simples, le diagnostic ne peut être qu’évoqué mais sera confirmé par l’imagerie malheureusement irradiante du fait des radiations externes mais également par l’injection de produit de contraste.
2- Situations cliniques :
Soit le tableau clinique est alarmant, associant une insuffisance respiratoire aiguë et une insuffisance ventriculaire droite: il s’agit donc d’une embolie pulmonaire massive.
L’échographie cardiaque objective une dilatation des cavités droites, la présence d’un septum paradoxal, et des pressions artérielles pulmonaires systoliques élevées.
La présence d’un thrombus veineux à l’échographie doppler des membres inférieurs, réalisable au lit de la malade, sera un argument supplémentaire en faveur d’une embolie pulmonaire.
Le pronostic vital étant engagé, un traitement anticoagulant sera rapidement administré avant même la réalisation de tout autre examen complémentaire.
Dans les autres cas ou le pronostic vital n’est pas rapidement engagé et l’embolie pulmonaire suspectée, la réalisation d’une scintigraphie pulmonaire de perfusion seule ou de ventilation-perfusion s’impose. Cet examen présente l’avantage d’être peu irradiant et de ne pas comporter d’injection d’iode mais plutôt de technicium dont la demi vie est courte (6 heures) et le passage trans-placentaire faible, permettant ainsi de répéter l’examen.
Après la réalisation de la scintigraphie, trois situations se présentent:
La scintigraphie est normale et le diagnostic peut être exclu;
La scintigraphie est de forte probabilité et retrouve un defect de perfusion segmentaire typique, avec une ventilation normale, évocatrice d’une embolie pulmonaire;
Mais bon nombre de patients ont une situation intermédiaire et 21 à 40% d’entre eux ont une embolie pulmonaire. Dans ce contexte, l’échographie doppler des membres inférieurs prend toute son importance, puisque la visualisation d’un thrombus sera en faveur d’une embolie pulmonaire. Si cet examen ne retrouve pas de thrombose, l’examen tomodensitométrique pulmonaire spiralé parait alors justifié, bien que plus irradiant que la scintigraphie.
L’angiographie pulmonaire réalisée en cas de discordance et de doute reste l’examen de référence. Elle sera réalisée si possible sur un mode numérique car cette technique nécessite moins de produit opacifiant que l’angiographie simple. Elle sera limitée au poumon suspect, et réalisée par voie brachiale.
7- Traitement et prise en charge d’une maladie veineuse thrombo-embolique au cours de la grossesse :
1- Traitement curatif d’une maladie veineuse thrombo-embolique n’engageant pas le pronostic vital à court terme :
a- Contention :
Dans le cas d’une thrombose veineuse profonde ou superficielle avec ou sans embolie pulmonaire n’engageant pas le pronostic vital à court terme, le traitement consiste d’abord à réaliser une contention veineuse à l’aide de bas, avec décubitus dans un premier temps.
b- Traitements conventionnels :
Une héparinothérapie non-fractionnée sera débutée par voie intra-veineuse, l’héparine étant reconnue sans effet deletère pour le foetus car elle ne traverse pas la barrière placentaire. Ainsi, elle n’augmente pas le taux de prématurité, d’avortements spontanés, de décès néo-natal ou encore de malformations congénitales.
Les effets secondaires de l’héparine, saignements, ostéoporose et thrombocytopénie ne sont pas influencés par l’état de grossesse.
La dose initiale d’héparine sera de 5000 UI suivie d’une dose d’entretien de 400 à 500 UI/Kg/Heure, de façon à obtenir un TCA entre 1,5 et 2,5 fois le témoin. Le traitement intra-veineux sera maintenu durant 4 à 5 jours.
De nombreuses études ont mis en évidence l’efficacité comparable de l’héparine calcique intra-veineuse et sous cutanée et le relais peut ainsi être pris rapidement.
Les héparines de bas poids moléculaires (HBPM) ont également été utilisées surtout dans le traitement préventif de la maladie veineuse thrombo-embolique, mais aussi dans les thromboses veineuses profondes et l’embolie pulmonaire avec succès, même sur des terrains à risque tel qu’une embolie pulmonaire associée à un placenta praevia.
Elles présentent l’interet de pouvoir s’administrer en une ou deux injections quotidienne et necessite moins de surveillance de l’efficacité que l’héparine calcique.
De plus, elles ne présentent pas de passage trans-placentaire comme en témoignent les études confirmant l’absence d’héparine sérique chez le foetus.
Néanmoins, elles n’ont pas encore l’Autorisation de Mise sur le Marché dans cette indication.
Le controle se fera par l’activité anti-Xa au début du traitement puis une fois par mois. Son efficacité reste stable durant la grossesse d’après Nelson-Piercy et Coll, alors que d’autres auteurs ont suggéré une diminution de l’efficacité imposant une majoration des doses dans la deuxième moitié de la grossesse.
Les anti-vitamines K (AVK) sont contre-indiquées pendant le premier trimestre de la grossesse, mais peuvent etre indiqués au cours du deuxième ou troisième trimestre ainsi qu’en post-partum.
c- Thrombectomie :
Sa principale indication clinique est la phlegmatia caerulea dolens, cette technique apparaissant intéressante au niveau fonctionnel en cas de thrombose dans le territoire iliofémoral. Par contre, ce traitement ne fait pas mieux que le traitement médical pour les séquelles post-phlébitiques.
d- Thrombolyse :
Elle à déjà été réalisée avec succès in situ par cathéter avec du RtPa, de l’urokinase ou de la streptokinase.
e- Indications d’une interruption cave inférieure :
Les indications acceptées sont: La thrombose veineuse profonde récente, avec contre-indication au traitement anti-coagulant, car chez ces patientes le risque d’embolie pulmonaire est de l’ordre de 50%, la moitié des récidives étant mortelles, la survenue d’une embolie pulmonaire sous anticoagulant et l’extension d’une thrombose sous anticoagulant.
Les indications plus discutées sont: La thrombose très proximale, iliaque ou cave, la thrombose flottante, définie comme un caillot dont les 5 mm les plus proximaux au moins sont libres dans la lumière veineuse, donc non adhérent à la paroi et la thrombose après embolectomie chirurgicale pulmonaire.
Il existe une situation d’interruption temporaire de la veine cave inférieure par filtre cave, discutée et non relatée dans la littérature, liée à la situation particulière de la femme enceinte: le diagnostic récent de thrombus frais, à proximité immédiate du terme. En effet, dans cette situation, le risque de migration du thrombus est accru par la levée de l’obstacle utérin sur la veine cave inférieure, ainsi que par l’hyperpression veineuse lors de la blockpnée au cours du travail.
Cette interruption temporaire de la veine cave inférieure sera associée à une anticoagulation par héparine (fractionnée ou non). Le filtre pourra être retiré dans un délai d’une semaine après l’accouchement.
En dehors de cette situation particulière, la seule indication à retenir pour les filtres cave est la contre-indication au traitement anti-coagulant et la récidive d’embolie pulmonaire sous traitement anticoagulant bien conduit. La mise en place d’un filtre cave apparait sure est efficace pour la prévention de l’embolie pulmonaire comme en témoigne l’expérience de certains auteurs.
2- Traitement d’une embolie pulmonaire engageant rapidement le pronostic vital :
Le recours à un traitement fibrinolytique s’impose alors, en particulier avec du RtPa à des doses de 100 mg en 3 heures pour l’étude de Baudo et Coll, 43 mg en 5h30 pour Flossdorf et Coll ou encore de 60 mg en 8h20 pour l’étude de Seifried et Coll. La perfusion de RtPa était systématiquement associée à une injection d’héparine à la seringue électrique.
D’autres auteurs ont utilisé la streptokinase avec succès. Seule une faible concentration de ce produit traverse le placenta (0,1 à 1% de la dose initiale), ce qui fait de ce produit pharmacologique un excellent traitement de l’embolie pulmonaire grave chez la femme enceinte.
Néanmoins, la streptokinase provoque une libération de produit de dégradation du fibrinogène possédant une action inhibitrice sur la contractilité utérine, redoutable si la délivrance est proche.
Le traitement chirurgical est indiqué en cas de contre-indication à un traitement fibrinolytique et en cas d’embolie pulmonaire massive, cette chirurgie étant grévée d’une mortalité foetale importante. Dans le meme temps opératoire de l’embolectomie, un filtre cave sera mis en place.
Dans la majorité des cas d’embolie pulmonaire, le pronostic vital ne sera pas engagé à cours terme et le traitement recommandé sera alors celui décrit antérieurement, débuté par de l’héparine intra-veineuse, puis relais par HBPM ou AVK.
Devant une maladie veineuse thrombo-embolique chez une femme enceinte, une recherche étiologique comportant en particulier une exploration de l’hémostase (décit en Protéine C, S, antithrombine III et résistance à la protéine C activée) sera systématiquement réalisée.
3- Traitement préventif :
Les méthodes de contention veineuse, le lever précoce et la mobilisation sont recommandés.
Les héparines de bas poids moléculaires présentent une bonne efficacité et une bonne tolérance pour le traitement préventif: Enoxaparine, Tedelparine, Dalteparine. Les principaux effets secondaires sont la déminéralisation osseuse (32% d’après Nelson-Piercy et Coll), d’expression clinique dans moins de 3% des cas, et les thrombopénies.
• Pour les patientes présentant un deficit connu en facteur de la coagulation (protéine C, S et anti-thrombine III), il est établi que le risque de présenter une thrombose veineuse est huit fois plus grand par rapport aux femmes ne présentant pas de déficit.
Chez ces patientes, et pour celles présentant un syndrome des anti-phospholipides ou des antécédents de thrombose veineuse, une prophylaxie par héparine de bas poids moléculaires pourrait etre faite dès le début de la grossesse jusqu’à 6 semaines après l’accouchement, ou meme par héparine à la seringue électrique, ou encore par héparine standard à raison d’une injection de 5000 UI toutes les 12 heures durant les deux premiers trimestres puis à l’aide d’héparine à la seringue électrique adaptée au TCA durant le troisième trimestre. D’autres auteurs proposent une prévention uniquement au troisième trimestre et en post-partum.
Concernant la résistance à la protéine C activée, le risque thrombogène apparait important au cours du premier trimestre de la grossesse, ce qui necessiterait théoriquement une anticoagulation efficace dès ce stade.
Des études sont actuellement en cours pour établir une conduite à tenir pratique dans de telles situations à risque.
L’abstention thérapeutique est également possible à condition de réaliser un suivi régulier par échographie doppler des membres inférieurs proposé de façon hebdomadaire par Demers et coll.
8- Accouchement et maladie veineuse thrombo-embolique :
L’héparine de bas poids moléculaire n’apparait pas augmenter le risque hémorragique au cours de la délivrance par voie naturelle ou par césarienne (pour l’enoxaparine, pour la Daltéparine), de meme qu’il n’existe pas de complication hemorragique en post délivrance.
L’attitude est actuellement d’arréter l’héparine sous cutané 24 heures avant le déclenchement de l’accouchement. En cas de risque thrombotique important, de l’héparine intra-veineuse est administrée et arrétée uniquement 6 heures avant la délivrance.
Cependant, en raison de l’effet rémanent de l’héparine, pouvant etre efficace jusqu’à la 28ième heure après son administration, Ginsberg et coll propose un arret de l’héparine à la seringue électrique 24 heures avant l’accouchement, avec utilisation de sulfate de protamine en cas de délivrance hemorragique ou de péridurale.
Après l’accouchement, l’héparine est reprise avec un relais par anti-vitamine K au bout de 24 heures, ceux-ci étant compatibles avec l’allaitement.
Les héparines de bas poids moléculaires n’augmentent pas le risque de complication et d’hématome local lors de la réalisation d’une péridurale à visée anesthésique, comme en témoignent les études avec la Tedelparine, et l’Enoxaparine.
9- Conclusion :
La grossesse est une circonstance favorisante de maladie veineuse thromboembolique et peut parfois être révélatrice d’une anomalie congénitale de la coagulation.
Les examens diagnostic et la prise en charge thérapeutique de la thrombose sont limités par la présence du foetus, et seul le traitement par héparine à la seringue électrique possède actuellement l’Autorisation de Mise sur le Marché dans cette indication.
Les autres traitements se sont avérés efficaces, en particuliers les héparines de bas poids moléculaires dont la simplicité et la sécurité d’utilisation en ferait un traitement de choix. Il apparaît donc opportun de réaliser rapidement des études cliniques de ces produits pharmacologiques, afin d’obtenir l’A.M.M. dans les indications de traitement préventif et curatif de la maladie veineuse thromboembolique au cours de la grossesse, mais également pour établir leurs effets secondaires au moment de la délivrance ou de la péridurale.
D’autres études seraient également nécessaires afin d’établir la conduite à tenir face à des femmes enceintes présentant un risque thrombogène surajouté (antécédents de thrombose veineuse ou anomalie de la coagulation).
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