Le diagnostic est dans un grand nombre de cas évident. Le patient consulte, car il se plaint le plus souvent de l’apparition de plages dépigmentées sur la peau.
La pâleur généralisée s’observe au cours des anémies, des baisses de perfusion tissulaire (malaises vagaux, états de choc…), du pan-hypopituitarisme.
Les hypomélanoses se caractérisent par une diminution de la quantité de mélanine présente dans l’épiderme ou les follicules pileux, qu’elles soient dues à une baisse du nombre de mélanocyte ou une diminution de la synthèse de mélanine. Elles représentent la majorité des cas de dépigmentations. Elles se distinguent des dépigmentations non mélaniques, dont l’anémie est un exemple.
Les causes des hypomélanoses sont multiples mais sont facilement reconnues le plus souvent par l’interrogatoire (ancienneté de la dépigmentation, antécédents familiaux, pathologies associées, applications de produits locaux et prises médicamenteuses), par l’examen clinique et parfois par quelques examens biologiques simples (le plus souvent, bilan thyroïdien).
Les hypomélanoses sont principalement d’origine :
– génétique : albinismes oculocutanés, piébaldisme, vitiligo principalement ;
– endocriniennes : dysthyroïdies, maladie d’Addison, etc. ;
– infectieuses : classiquement la s yphilis secondaire, le pityriasis versicolor ;
– tumorales : mélanome, nævus de Sutton ;
– après application d’agents chimiques ;
– post-inflammatoires.
HYPOMÉLANOSES GÉNÉTIQUES :
Hypomélanoses génétiques diffuses :
Elles sont aisément reconnues devant une dépigmentation généralisée, pouvant atteindre les follicules pileux, les yeux, avec éventuellement des antécédents familiaux.
En pratique courante, il s’agit surtout des albinismes oculocutanés.
La transmission des hypomélanoses génétiques diffuses est autosomique récessive. Il s’agit d’un groupe hétérogène lié à des mutations génétiques différentes. Les risques sont liés à la photosensibilité et à la néoplasie cutanée.
Diagnostic :
Le tableau clinique associe dépigmentation cutanée, sensibilité forte à la lumière avec risque de carcinomes cutanés et atteinte oculaire. La peau est ainsi blanc rosé, les cheveux blancs, les iris paraissent rouges en éclairage direct dans les cas les plus sévères, souvent visibles dès la naissance. Il existe alors fréquemment un strabisme, un nystagmus, une photophobie et une baisse de l’acuité visuelle sévère.
Dans les cas moins graves, les cheveux peuvent devenir blonds, voire brun clair au cours de la vie, avec quelques éphélides et nævus achromiques.
Les iris sont clairs, bleus, jaune orangé ou brun clair, avec une altération moindre de l’acuité visuelle. Chez le sujet de peau noire, l’aspect est celui d’un caucasien blond.
Pour mémoire, certaines causes rares ne donnent qu’une dépigmentation discrète, visible seulement lorsque l’on compare la peau du patient à celle des membres de sa famille. Il s’agit des dilatations pigmentaires, liées en particulier à des troubles métaboliques (par exemple, du cuivre lors de la maladie de Menkès, de la méthionine dans l’homocystinurie, de la phénylalanine dans la phénylcétonurie).
Traitement :
Un suivi ophtalmologique et dermatologique est nécessaire afin de traiter et prévenir les complications éventuelles. Une photoprotection est à appliquer (cf. supra, chapitre Photosensibilité).
Des teintures pour les cheveux ou un maquillage peuvent être nécessaires en cas de demande esthétique.
Une prise en charge ophtalmologique précoce par un opticien spécialisé avec traitement du strabisme, verres correcteurs et teintés est nécessaire.
Hypomélanoses génétiques localisées :
Vitiligo :
Il s’agit principalement ici du vitiligo, se présentant cliniquement comme une lésion acquise, mais avec un substratum génétique dans plus de 30 % des cas. Il toucherait 1 % de la population.
Il apparaît souvent dans les deuxième et troisième décennies. L’exposition solaire révèle souvent les lésions par contraste avec les zones saines prenant le bronzage.
Diagnostic :
L’aspect clinique est celui de macules blanches, bien limitées, confluentes, localisées, plus rarement généralisées. La surface est normale. Les plaques sont photosensibles, débutant souvent sur les zones découvertes.
L’atteinte peut être localisée ou généralisée.
Les zones le plus souvent touchées sont celles découvertes, les creux axillaires, les organes génitaux externes, les protubérances osseuses, les zones péri-orificielles et les zones traumatisées (équivalent de syndrome de Koebner).
Le cuir chevelu ( mèche blanche), les poils peuvent être dépigmentés.
L’évolution est imprévisible et capricieuse. La repigmentation peut débuter par les poils.
Il faudra rechercher des arguments pour une pathologie auto-immune associée : diabète, hyperthyroïdie, voire une anémie de Biermer ou une insuffisance surrénale lente.
Le diagnostic positif est clinique. Le bilan étiologique comprend, en l’absence de point d’appel particulier, une numération formule sanguine, un dosage de la thyréostimuline (TSH) et une recherche des anticorps antithyroïdiens (anticorps antithyroglobuline et anticorps antithyroperoxydase), une glycémie à jeun.
Le retentissement psychosocial est souvent important.
Traitement :
Les traitements proposés ont été multiples et souvent décevants. La photothérapie UVB (ultraviolet B) à spectre étroit et le laser sont intéressants.
Les dermocorticoïdes locaux peuvent être utilisés pour les lésions localisées, mais ils exposent au risque de complications à long terme.
Des compléments vitaminiques et des traitements à visée esthétique ont été également proposés.
Syndrome de Waardenburg (ou piébaldisme) :
Une mèche blanche frontale associée à des macules achromiques de la face antérieure du thorax et des membres évoque un syndrome de Waardenburg (ou piébaldisme). Il s’agit également d’un groupe d’affections génétiques hétérogènes. Le syndrome peut exister en association avec une surdité de perception, un élargissement de la distance entre les canthus internes et une hétérochromie irienne. La mutation touche la région c-kit.
Sclérose tubéreuse de Bourneville :
Des taches hypopigmentées, en feuille de sorbier, lancéolées, associées à une épilepsie évoquent une sclérose tubéreuse de Bourneville. Des angiofibromes du visage (sillons nasogéniens,
joues, front, menton, paupières), des fibromes péri-unguéaux, une plaque peau de chagrin lombaire, des tumeurs rénales ( angiomyolipome, angiofibromes) et cardiaques ( rhabdomyomes) peuvent s’y associer. Le diagnostic est porté généralement dans l’enfance. L’atteinte neurologique est souvent grave avec retard intellectuel et troubles du comportement, en plus de crises d’épilepsie.
La prise en charge est affaire de spécialiste.
Hamartome achromique :
Une macule hypopigmentée, congénitale, du thorax et de l’abdomen évoque un hamartome achromique. Aucun traitement n’est nécessaire.
Hypomélanose d’Ito :
Des lésions dépigmentées, en éclaboussure, en jet d’eau, évoquent une hypomélanose d’Ito.
Cette hypomélanose est d’origine génétique, liée à une mosaïcisme. Peuvent s’observer des atteintes neurologiques ( retard mental, comitialité, microcéphalie), des atteintes osseuses et oculaires.
Xeroderma pigmentosum :
Des lésions dépigmentées, à type d’éphélides ou macules achromiques de quelques millimètres de diamètre, peuvent s’observer au cours du Xeroderma pigmentosum. S’y associent une photosensibilité extrême, un aspect bigarré de la peau, poïkilodermique, avec multiples carcinomes cutanés (carcinomes épidermoïdes et basocellulaires) et mélanomes, des kératoses actiniques (cf. Photosensibilité).
Le traitement repose sur une prise en charge médico-chirurgicale, avec consultations régulières pour dépister les carcinomes débutants, exérèse des lésions malignes, destruction par cryothérapie ou 5-FU local (Efudix®) des kératoses actiniques. La photoprotection (vestimentaire, lunettes, chapeaux, cheveux longs, crèmes photoprotectrices) en évitant au maximum les expositions solaires est capitale. Un traitement par rétinoïdes (0,5 à 2 mg/kg/j d’isotrétinoïne) a été également proposé. La prise en charge psychologique est nécessaire. Un dépistage prénatal est possible.
Autres affections génétiques :
Quelques affections génétiques peuvent s’accompagner de troubles de la pigmentation : ataxie-télangiectasie, maladie de Darier, maladie de Von Recklinghausen, etc.
Une canitie peut s’observer au cours de syndromes rares : progeria, syndrome de Werner, myotonie de Steinert, syndrome de Rothmund-Thomson, syndromes de Fanconi, de Fish, de Book, etc.
Elle peut également être d’origine familiale, avec antécédents retrouvés à l’interrogatoire.
HYPOMÉLANOSES ENDOCRINIENNES :
Il s’agit principalement de l’association de vitiligo et de certaines endocrinopathies :
– diabète ;
– dysthyroïdies ;
– insuffi sance surrénale lente ;
– hypoparathyroïdie ;
– candidose cutanéomuqueuse chronique ;
– polyendocrinopathies.
Une hypopigmentation pigmentaire diffuse est un signe du panhypopituitarisme. Une dépigmentation de la peau des organes génitaux s’observe dans l’hypo-androgénisme.
HYPOMÉLANOSES TUMORALES :
Un vitiligo peut s’observer au cours de l’évolution d’un mélanome malin.
Le nævus de Sutton se présente comme un nævus entouré d’un halo blanchâtre dépigmenté.
Le nævus peut régresser, voire disparaître totalement. Ce phénomène est normal durant l’adolescence et chez le jeune adulte. Chez le patient plus âgé, une biopsie-exérèse est nécessaire afin de ne pas méconnaître un mélanome malin.
HYPOMÉLANOSES PHYSIQUES ET CHIMIQUES :
L’interrogatoire retrouve la notion d’irradiation par rayons X, l’exposition aux ultraviolets (UV), les brûlures, le froid, les agressions mécaniques.
L’arrêt de l’agression physique est nécessaire.
La dépigmentation liée aux agents chimiques peut être professionnelle, cosmétique, accidentelle ou médicamenteuse. L’interrogatoire est capital.
La majorité des dépigmentations cutanées est liée à l’application de traitements locaux, en particulier :
– corticostéroïdes ;
– peroxydes ;
– antimitotiques en applications locales.
Le thio-uracile, utilisé dans le traitement des hyperthyroïdies, a été incriminé. La méphénésine (Decontractyl®), la butyrophénone, la chloroquine donnent des dépigmentations capillaires.
Des dérivés phénoliques sont utilisés dans les industries du caoutchouc, des détergents, de la chimie, des désinfectants, des encres d’imprimerie.
L’arrêt de l’agent dépigmentant peut être nécessaire.
HYPOMÉLANOSES CARENTIELLES :
Une hypomélanose peut s’observer au cours de dénutritions importantes :
– kwashiorkor ;
– maladies inflammatoires chroniques intestinales ;
– syndromes néphrotiques ;
– résections grêliques importantes ;
– malabsorption, etc.
Elle touche particulièrement les cheveux. La prise en charge de la pathologie sous-jacente et nutritionnelle est capitale.
HYPOMÉLANOSES INFECTIEUSES :
Syphilis secondaire :
Des taches dépigmentées des faces latérales du cou sont un signe clinique classique de syphilis secondaire ( collier de Vénus).
Onchocercose :
L’onchocercose ( cécité des rivières) s’observe chez les patients ayant séjourné en Afrique intertropicale, en Amérique centrale et du Sud et au Yémen, particulièrement au bord de cours d’eau rapide. L’hypopigmentation est liée au prurit (gale filarienne) en particulier sur les zones prétibiales.
Kala-azar :
Le kala-azar est la forme viscérale de la leishmaniose (L.infantum, L.donovani). Il peut donner des lésions dépigmentées liées au prurit et s’observe chez les patients d’Afrique noire.
Pinta :
La pinta est une tréponématose d’Amérique centrale et du Sud. Au cours de la phase tardive, s’observent des macules dépigmentées sur les extrémités avec îlots pigmentés folliculaires.
Le traitement est identique à celui de la syphilis.
Lèpre :
Dans la lèpre, les taches hypopigmentées sont classiquement squameuses avec des troubles de la sensibilité en regard. Il s’agit des lèpres tuberculoïdes et indéterminées.
Pityriasis versicolor :
Le pityriasis versicolor est une mycose superficielle due à Malassezia furfur. Les macules hypopigmentées sont plus nettes après une exposition solaire. Les lésions touchent surtout le tronc et la racine des membres. Initialement, il s’agit de macules finement squameuses, variant du jaune au brun. Le grattage fait détacher des squames (signe du copeau).
Le traitement repose sur l’application d’un antifongique type kétoconazole (Kétoderm® gel récipient unidose). Il faut appliquer la totalité du contenu d’un tube de gel (20 g) sur toute la surface du corps y compris le cuir chevelu, faire mousser et laisser en place 5 à 10 minutes, puis rincer soigneusement.
HYPOMÉLANOSES POSTINFLAMMATOIRES :
Après une dermatose inflammatoire, peuvent s’observer des lésions dépigmentées séquellaires.
Le diagnostic est facilement établi par l’interrogatoire. Peuvent s’observer ainsi des dépigmentations faisant suite au psoriasis, à l’eczéma, au lupus, à des piqûres d’insecte, etc.
La dépigmentation est plus marquée sur peau noire.
HYPOMÉLANOSES DE CAUSES VARIÉES :
Citons les dépigmentations observées dans la sclérodermie, certains types de lichen, en regard de nodules de sarcoïdose, l’hypomélanose en goutte idiopathique (macules hypomélaniques de petite taille sur les membres inférieurs des personnes s’exposant au soleil), etc.
Le syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada associe une uvéite, une méningite lymphocytaire, une surdité, une pelade et une hypomélanose à type de vitiligo. Les cheveux et les sourcils sont atteints. Le malade est confié au spécialiste.
Le traitement repose sur la corticothérapie générale.
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