La découverte d’une anomalie thyroïdienne lors de l’examen clinique est une situation fréquente.
S’il s’agit de nodule(s), l’anxiété des patients est parfois très présente avec en filigrane la peur du cancer que les médias, autour de l’accident de Tchernobyl, ont bien entretenu.
UNE SITUATION FRÉQUENTE :
Prévalence de la pathologie bénigne :
Nous manquons de données concernant la prévalence des goitres simples. Rappelons qu’il s’agit d’augmentation homogène de volume du corps thyroïde, sans aucun signe de dysthyréose. Ces goitres simples étaient classiquement plus fréquents dans les zones géographiques de carence iodée : en France, l’Auvergne, la Savoie, mais aussi l’Aisne, l’Orne ; et parmi notre population immigrée : la Kabylie. L’iodation du sel alimentaire comme la circulation des fruits et des légumes (on mange aussi des tomates marocaines ou hollandaises en Auvergne) ont considérablement réduit le problème. La Kabylie, région très carencée, fournit encore de nombreux cas de goitres simples et nodulaires. Une étude française récente a montré chez 1 108 femmes, mais non chez 792 hommes, une relation inverse entre le volume de la thyroïde appréciée échographiquement et le taux sérique de sélénium, et pas de relation avec l’iodurie. Mais ces mesures étaient ponctuelles quand le volume thyroïdien est plus stable.
La prévalence des nodules thyroïdiens est beaucoup plus étudiée.
Dans la population adulte, elle est, pour les nodules cliniquement palpables, comprise entre 2 et 8 %. L’attention portée à l’examen clinique de la thyroïde par les médecins généralistes comme leur habileté dans cette recherche joue un grand rôle : certains découvrent beaucoup de nodules, d’autres très peu. La qualité de l’examen clinique étant également variable chez les spécialistes et chez ceux qui entreprennent une étude épidémiologique, on conçoit la disparité des résultats publiés, d’autant qu’un nodule de plus de 10 mm de diamètre, surtout s’il est à développement postérieur, peut parfaitement être non palpable
La prédominance féminine en matière de pathologie thyroïdienne est habituelle.
La prévalence échographique des nodules est comme attendu bien plus importante. Selon les études, elle varie entre 20 et 40 % de la population adulte. Nous avons la chance de disposer en France de données très récentes, fournies par l’étude de prévention nutritionnelle Suvimax.
Sur un échantillon parfaitement représentatif de la population française à travers toutes nos régions, cette prévalence, établie chez 1 461 hommes de 45 à 60 ans et 2 160 femmes de 35 à 60 ans, est de 14,5 % (16,8 % chez la femme, 11 % chez l’homme). Elle augmente avec l’âge, de 12,9 % chez la femme de 35 à 45 ans à 19,2 % entre 45 et 60 ans. Chez l’homme, la variation avec l’âge est moins significative. Plus de 50 % des nodules décelés ont un diamètre supérieur à 10 mm, 10 % un diamètre supérieur à 20 mm. Il n’y a pas de différences entre les cinq zones géographiques : nord-ouest, sudouest, Île-de-France, nord-est, sud-est. Il s’agit de nodules uniques dans les deux tiers des cas.
On voit donc qu’une femme de la cinquantaine sur cinq est porteuse de nodule(s) échographiquement décelable(s), ceci en dehors bien sûr de toute symptomatologie d’alerte. Et pourtant, l’échographie ne voit pas tout, même aux mains d’un professionnel entraîné, car la prévalence autopsique est encore plus importante, atteignant 23 à 64 % des séries examinées. Après 75 ans, des nodules millimétriques sont retrouvés dans 100 % des cas…
La notion classique d’augmentation de prévalence des nodules avec la carence iodée n’est pas retrouvée dans l’étude Suvimax. Bien que près de 20 % des urines témoignent d’une carence (iodurie inférieure à 50 mcg/L), que ces carences soient plus fréquentes dans l’est que dans l’ouest de la France, la prévalence de la pathologie nodulaire n’est pas différente dans ces cinq grandes zones de découpage du territoire.
Prévalence des cancers thyroïdiens :
L’incidence annuelle du cancer thyroïdien était classiquement estimée entre 1,2 et 2,6/100 000 hommes et entre 2,0 et 3,8/100 000 femmes. Ces chiffres correspondent à des prévalences se situant autour de 0,1 à 0,35 % de la population, chiffres à comparer avec la prévalence des nodules échographiquement décelables.
Mais la peur du cancer et parfois l’attitude alarmiste de certains confrères cliniciens ou imageurs font que cette question domine toute la problématique de la pathologie nodulaire de la thyroïde. L’accident de Tchernobyl a eu deux conséquences. L’une, malheureuse, de majorer l’angoisse de chaque patient chez qui est mis en évidence un nodule thyroïdien. L’autre, bénéfique d’avoir stimulé les recherches sur la véritable incidence du cancer thyroïdien en France et favorisé la mise en place d’un Observatoire national.
Il faut d’emblée rappeler que la majorité des cancers thyroïdiens est faite de cancers papillaires (82 % des cas dans la période récente) dont l’évolution n’est parfois pas plus rapide que le vieillissement normal des gens qui en sont atteints.
L’étude réalisée à l’initiative de l’Institut de veille sanitaire montre que :
– seule l’incidence annuelle de ce cancer papillaire (le moins « méchant ») augmente en France, passant de 1,49 à 4,53/100 000 entre les périodes 1978-1982 et 1993-1997 ;
– la courbe est parfaitement régulière, absolument non influencée par l’accident de Tchernobyl ;
– il n’y a pas d’augmentation de l’incidence observée chez l’enfant ;
– l’augmentation moyenne annuelle sur la période 1982-1996 a été de 7,5 % dans le département du Bas Rhin (survolé par le nuage de Tchernobyl) et de 17,8 % dans celui du Tarn qui en est resté très éloigné…
Ces données essentielles montrent d’une part que les cancers sérieux (folliculaires) ou graves (indifférenciés) n’augmentent absolument pas, et suggèrent d’autre part que l’augmentation des cancers papillaires a bien des chances d’être au moins en bonne partie liée aux progrès du dépistage clinique, échographique et histologique comme nous le verrons plus loin. Les séries autopsiques ont montré que la fréquence des microcancers papillaires inférieurs à 10 mm voire à 1 mm de diamètre est très grande, et que leur prévalence, semblable quels que soient l’âge moyen et le sexe des séries autopsiées, laisse penser qu’ils sont non évolutifs, voire parfois spontanément régressifs.
CIRCONSTANCES DE DÉCOUVERTE :
Très souvent fortuitement :
C’est parfois en médecine du travail, ou lors d’un bilan de Sécurité sociale, qu’un médecin attentif décèle l’anomalie et demande au patient d’en référer à son médecin traitant. C’est parfois celui-ci, effectuant un examen complet à l’occasion d’une autre pathologie, qui découvre la lésion.
C’est aussi parfois le dopplériste, lors d’un examen des vaisseaux du cou, qui a l’attention attirée par un ou des nodules jusqu’alors parfaitement ignorés.
Parfois devant des symptômes :
Il peut s’agir des résultats d’une autopalpation ou d’une auto-inspection, de la remarque d’un proche : la lésion est visible, bien qu’un certain nombre de patients consultant pour avoir remarqué « un gros cou » ont en fait une thyroïde normale et un peu trop de graisse sous-cutanée.
Cette anomalie cervicale peut, tout en étant totalement indolore, apparaître comme augmentant de volume plus ou moins rapidement.
Elle peut aussi s’accompagner de douleurs, de signes inflammatoires locaux ou régionaux et peut alors être secondaire à un épisode pharyngolaryngé.
Ailleurs, les symptômes sont liés à une dysthyroïdie, rarement des symptômes d’insuffisance thyroïdienne, plus souvent ceux d’une hyperthyroïdie en insistant sur les tableaux dissociés qui peuvent être dominés ou se réduire à une tachycardie, un trouble du rythme, une diarrhée ou des selles plus molles, un certain degré de nervosité et d’irritabilité habituelle, ou tout simplement une « forme » moins bonne.
Quelles explorations faire ?
Cliniquement :
L’interrogatoire doit préciser l’origine géographique du patient, celle de ses deux parents : la prévalence plus grande de la pathologie goitreuse et nodulaire dans les régions carencées est pour partie la conséquence d’une sélection génétique qui perdure un temps après la disparition de la carence. La présence de thyropathies dans la famille ne sera parfois établie que lors d’une consultation ultérieure.
L’ancienneté des lésions est importante à faire préciser : certaines patientes chez qui l’on vient de découvrir un nodule savent en fait (et ont parfois un peu oublié) qu’elles sont en réalité porteuses d’une anomalie de la glande depuis plus de vingt ans, et il sera peut-être possible de récupérer les documents de l’époque.
Il faut bien sûr préciser le mode d’apparition des lésions et les éventuels signes d’accompagnement : douleur, inflammation, augmentation de volume rapide ou non.
Enfin comme toujours la prise de médicaments iodés, de lithium doit être consignée bien que de nombreuses sources de surcharge iodée soient très difficiles à mettre en évidence.
L’examen clinique va rechercher d’éventuels signes de dysthyréose, hypo- ou surtout hyperthyroïdie.
L’inspection du patient et de son visage, la mesure du rythme cardiaque par la palpation du pouls, l’étude de la vasomotricité cutanée par l’inspection de la peau du cou et la palpation des mains (sèches, moites, chaudes ou glacées…), de la peau du thorax qui peut être inhabituellement chaude, la recherche de tremblement par l’épreuve du serment qu’il faut mieux demander d’effectuer doigts écartés et tendus, en quelques gestes on peut avoir déjà avancé son diagnostic.
Il faut évidemment préciser les caractères de la thyroïde. S’il s’agit d’un goitre homogène en apparence, noter sa consistance normale, ferme ou mollasse, et mesurer le tour de cou, pris en hyperextension afin d’obtenir une mesure reproductible dans le temps Un goitre homogène plutôt mollasse avec une euthyréose apparente évoquera un goitre simple. Une thyroïde globalement ferme voire dure, surtout si semblent exister des signes d’hypothyréose évoque une thyroïdite de Hashimoto.
Si le goitre est nodulaire, il faut faire la carte des nodules en essayant de caractériser chacun par sa taille en millimètres, sa consistance, sa régularité. L’existence de signes inflammatoires locaux, de douleurs provoquée par la palpation, d’adénopathies cervicales y compris antérieures doit être notée. Ainsi, un nodule brutalement apparu, rond, très ferme voire dur comme une bille, indolore, évoque un kyste thyroïdien, un nodule ayant récemment grossi, sensible voire spontanément douloureux, dur et de forme un peu inégale sinon irrégulière évoque fortement un cancer thyroïdien, même en l’absence d’adénopathies satellites. Un nodule unique avec des signes évocateurs d’hyperthyroïdie oriente vers un possible adénome toxique. Une thyroïde ou un lobe devenu rapidement sensible avec brutale augmentation de volume et à l’examen des signes inflammatoires locaux, une vive sensibilité à la palpation et des adénopathies sensibles évoque une thyroïdite ou une poussée de strumite sur un goitre éventuellement précédemment nodulaire, situation qui sort du cadre de ce chapitre.
Mais dans bien des cas, aucun de ces signes évocateurs n’est clairement présent et ce sont les examens complémentaires qui vont faire avancer le diagnostic.
Quels examens complémentaires ?
En première intention :
En l’absence d’élément clinique d’orientation, il faut demander un dosage de la thyréostimuline (TSH) et une échographie thyroïdienne. La TSH suffit à affirmer ou non l’euthyréose, l’échographie est la seule à pouvoir faire correctement le bilan anatomique, puisque même un goitre d’apparence homogène peut recéler un ou plusieurs nodules et que d’une façon générale il y a souvent plus de nodules qu’il n’y paraît cliniquement, même à un médecin habile à palper les thyroïdes. Certains caractères échographiques (images purement kystiques, nodules solides quelle qu’en soit l’échogénicité entourés d’un liseré hypoéchogène bien marqué) sont des facteurs rassurants sinon formels de bénignité.
Devant un goitre homogène :
S’il existe une TSH élevée, le plus souvent très discrètement, le dosage des anticorps antithyroperoxydase témoin d’une thyroïdite de Hashimoto qui donne souvent un goitre très ferme confirmera le diagnostic. Qu’il y ait à l’opposé une TSH basse ; on demandera en plus des anticorps antirécepteurs de la TSH afin de dépister une maladie de Basedow pauci symptomatique.
Dans les deux situations un dosage de l’iodurie des 24 heures précisera l’éventuelle carence (cause d’hypo) ou surcharge (cause d’hyper comme d’hypothyroïdie) en iode.
Devant un goitre nodulaire :
S’il existe des signes de la série hyperthyroïdie, dès la confirmation d’une TSH abaissée, il faut demander une scintigraphie thyroïdienne dont c’est là la seule indication. Elle confirmera alors souvent qu’un nodule au moins est chaud, plus ou moins extinctif de la fixation du reste de la glande. Il convient également ici de doser la T3 et la T4 libres afin de préciser le degré d’hyperthyroïdie.
En présence d’une thyroïde nodulaire :
Avec euthyréose clinique et TSH normale, on peut demander un dosage des autoanticorps antithyroperoxydase, meilleurs témoins d’une thyropathie auto-immune. On peut également demander un dosage de la thyroglobuline (et non des anticorps antithyroglobuline de bien peu de valeur diagnostique), voire de l’ACE ou de la calcitonine, marqueurs du rare cancer médullaire : ces derniers examens ne méritent pas d’être effectués en routine.
En pratique, l’examen le plus important est la cytoponction thyroïdienne (Fig. 1, voir également figure dans le cahier couleur). La technique doit en être rigoureuse, pratiquée avec des aiguilles très fines de 0,5 mm de diamètre, en effectuant plusieurs ponctions par nodule, sans jamais aspirer, et en étalant immédiatement sur lame la gouttelette obtenue. Depuis une vingtaine d’années, cet examen s’est affirmé comme le meilleur pour différentier un nodule bénin d’un cancer, et ainsi guider les indications thérapeutiques.
Des nombreuses études publiées, la plus importante en nombre est celle de Ravetto et al. qui sur près de 38 000 cytoponctions, établi la sensibilité de l’examen à 91,8 % et sa spécificité à 75,5 %. Ces chiffres varient selon les études pour la sensibilité qui n’est au minimum que d’un peu plus de 60 %, la spécificité étant elle beaucoup plus stable.
Quoi qu’il en soit rappelons trois choses :
– il convient de confier la cytoponction à un praticien entraîné ;
– elle doit être lue par un cytologiste lui-même entraîné, la lecture de l’anatomopathologie et plus encore de la cytologie thyroïdienne étant une des plus difficiles ;
– même dans ces conditions la cytoponction restera non contributive dans au moins 10 % des cas. Selon le contexte clinique, elle devra ou non être alors recommencée.
Cela étant dit, cette pratique améliore considérablement le diagnostic des nodules thyroïdiens, la probabilité d’un cancer passant de 4 % avant la cytoponction à 0,4 % si la cytologie est déclarée bénigne et à 90,7 % si elle conclut à la malignité. Des recherches sont actuellement en cours pour améliorer encore les performances de la méthode utilisant les techniques de l’immunohistochimie.
les marquages de la thyroperoxydase cytoplasmique et surtout des galectines 1 et 3 et de la dipeptylaminotransférase pourraient s’avérer capables d’affiner le diagnostic de bénignité.
TRAITEMENT :
Goitre simple, homogène, euthyroïdien :
Une simple surveillance suffit, clinique avec tout au plus un dosage au début annuel de la TSH. Ces situations sont non rares dans la période pubertaire : « Ma fille, l’aurore a touché ton cou du doigt » (A. de Vigny). Le goitre peut régresser l’adolescence passée, mais ce n’est pas obligatoire. Si le goitre a tendance à augmenter de volume, on peut discuter un traitement « freinateur » (cf. infra).
Nodule chaud, extinctif :
Dans les cas les plus typiques, le nodule est unique, la TSH franchement abaissée, la T3 et/ou la T4 libres un peu élevées et d’ailleurs il existe des signes cliniques évocateurs bien que souvent très dissociés d’hyperthyroïdie : il faut opérer, et une simple nodulectomie guérira définitivement le patient. Mais les choses ne sont pas toujours aussi simples. Parfois les caractères du goitre, multihétéronodulaire toxique avec un ou plusieurs nodules chauds, ou bien l’âge ou le terrain défavorable font faire préférer un traitement soit plus radical qui sera la thyroïdectomie totale ou au contraire un traitement par l’iode radioactif voire les antithyroïdiens de synthèse.
Ailleurs, le nodule extinctif ne s’accompagne d’aucun signe clinique et les dosages de T3 et de T4 libres sont normaux : une simple surveillance de l’état hormonal clinique et biologique peut suffire d’autant que l’on peut parfois voir des nodules toxiques régresser, éventualité à vrai dire exceptionnelle. Cette simple surveillance est aussi souvent la bonne solution si le nodule est chaud mais non extinctif. Là encore il faut surveiller la clinique et l’hormonologie, mais ne pas multiplier les scintigraphies.
Nodule purement kystique :
Même s’il s’accompagne à l’échographie d’autres petites lésions kystiques, ce nodule rond et dur cliniquement, totalement anéchogène, mérite d’être ponctionné, surtout s’il en est sensible.
Il faut prévenir le patient qu’une fois évacué, le liquide volontiers de couleur thé, se reproduira habituellement mais le plus souvent en plus faible quantité n’entraînant alors pas de gêne.
Nodule plein non suspect cliniquement ou cytologiquement, euthyroïdien :
C’est le cas le plus fréquent : il n’y a pas a priori d’indication chirurgicale
On peut proposer un traitement dit freinateur, ou de mise au repos de la thyroïde. Son but est d’abaisser les taux de TSH sans les faire sortir de la fourchette normale et bien entendu sans entraîner d’hyperthyroïdie clinique. La pratique classique utilise la lévothyroxine à la dose de 100 ou 50 mcg par jour. Une publication récente insiste sur l’intérêt de l’acide triiodothyroacétique qui, à la dose de 1 mg par jour, comparativement à la lévothyroxine, obtiendrait une réduction plus importante du volume du goitre ou des nodules dans un pourcentage plus grand (42 %) des cas, avec une tolérance clinique et biologique meilleure. Si ce traitement, évalué sur l’évolution clinique (mensuration des nodules, tour de cou), et éventuellement le taux de la thyroglobuline circulante qui doit baisser, marche, il convient de le poursuivre jusqu’à obtention de l’effet maximum. Il pourra être alors stoppé.
Avec ou sans traitement « freinateur », la surveillance est donc la clef de l’attitude thérapeutique.
Examen clinique au moins une fois tous les six mois, contrôle de la TSH une fois l’an au début, surtout s’il existe des anticorps antithyroperoxydase.
Il n’y a par contre aucun intérêt à multiplier les échographies : en l’absence d’élément clinique nouveau, une échographie tous les trois ans suffit largement.
Quelle place peut quand même avoir la chirurgie ? Elle reste faible : il faut savoir qu’un nodule initialement bénin ne se transforme pas en cancer.
Un cancer peut se développer par contre à côté de lui et nous avons vu qu’en règle, les cancers thyroïdiens sont lentement évolutifs. C’est dire que l’indication chirurgicale ne sera pas liée à la crainte du cancer. Elle pourra parfois être portée devant l’augmentation lente mais régulière de volume du ou des nodules, y compris malgré l’essai d’un traitement freinateur, parfois pour un motif esthétique. C’est parfois encore parce que le (la) patient(e) accuse le goitre et/ou le(s) nodule(s) d’être à l’origine d’une gêne cervicale ressentie au fil du temps comme intolérable.
C’est là sans doute l’indication la plus discutable et qui doit être bien discutée avec le (la) malade : il n’est pas rare que le geste chirurgical effectué par la meilleure main laisse la gêne à l’identique sinon aggravée…
Nodule cliniquement suspect :
Il a augmenté assez rapidement mais non de façon explosive de volume. Il est spontanément sensible ou même un peu douloureux. Il est dur et un peu irrégulier à la palpation Il faudra bien entendu effectuer une cytoponction. C’est dans ces situations qu’il est utile de demander un dosage d’ACE et/ou de calcitonine. On a bien des chances d’être devant un cancer non papillaire et l’indication opératoire doit rapidement être posée.
Nodule cliniquement banal, cytologiquement suspect ou malin :
Il faut opérer. Pas de discussion mais pas d’urgence dans le cadre très habituel des cancers différenciés, papillaires et même folliculaires. Il est classique de faire une thyroïdectomie totale avec curage de proximité, suivi après un mois de l’administration d’une dose de 100 millicuries d’iode radioactif. Le pronostic est en général excellent, sous traitement substitutif qu’il est en règle très facile d’adapter, la survie de ces patients ne différant pas de celle de la population de référence.
Les rares cancers indifférenciés sont d’une évolution malheureusement très rapide, justifiant et l’urgence et une chirurgie maximale, avec un sombre pronostic.
Les cancers médullaires, également très rares nécessitent également une chirurgie complète avec curage (très) élargi. Leur évolution est par contre très variable, en partie selon le siège de la mutation du gène RET qui les accompagne dans les formes familiales. Une enquête menée avec tact et prudence permettra de dépister les formes précliniques dont le pronostic après traitement est en règle très favorable.
Quelques cas particuliers :
Un goitre, nodulaire ou non, peut être très ancien mais être découvert à l’occasion d’un tableau clinique d’hyperthyroïdie franche. C’est le cas des goitres basedowifiés dont le traitement renvoie à celui de la maladie de Basedow.
La survenue d’une poussée inflammatoire aiguë est possible sur une thyroïde préalablement goitreuse ou nodulaire. On est là dans le cadre d’une strumite. Il ne faut pas passe à côté d’une rare forme inflammatoire aiguë de cancer indifférencié.
La constatation de ganglions satellites plus durs que douloureux doit inquiéter. Cette éventualité éliminée on est renvoyé au problème du traitement d’une thyroïdite subaiguë banale.
Enfin on peut découvrir à l’occasion d’une thyroïdectomie ou d’une lobectomie thyroïdienne, à côté de la lésion attendue un microcancer. Il s’agit quasiment toujours d’une lésion papillaire.
Dans la mesure où ce micro cancer est en général totalement isolé, sans effraction capsulaire et bien sûr sans adénopathies, il est raisonnable de ne rien faire de plus, y compris si la chirurgie n’a été que partielle, et de se contenter de surveiller cliniquement (et échographiquement) le patient, la surveillance par les taux de thyroglobuline circulante n’étant ici pas efficiente.
CONCLUSION :
La pathologie nodulaire thyroïdienne est très fréquente. Elle correspond dans une minorité de cas à un cancer, alors dans l’immense majorité des cas différentié, d’évolutivité lente ou très lente et qu’un traitement bien conduit et non inutilement mutilant permet de guérir. C’est une raison pour le médecin d’adopter une attitude qui tout en se gardant bien d’alarmer inutilement le malade comme d’utiliser une surabondance d’examens complémentaires inutiles, lui permettra par sa simplicité et sa rigueur de préciser le diagnostic et d’adopter une attitude thérapeutique efficace.
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