La surveillance de la grossesse peut être source d’inconfort pour le médecin généraliste. Or, il s’agit le plus souvent d’un phénomène physiologique régi par une politique de surveillance et de prévention bien organisée en France, tant au niveau médical qu’au niveau législatif. Celle-ci a permis depuis 1970, la diminution de la mortalité périnatale (de 35 à 6,5 décès pour 1 000 naissances) et de la mortalité maternelle (de 25 à 9 décès pour 100 000 naissances). La prévention, basée initialement sur la mise en place d’un suivi médical régulier comprenant un examen clinique et des examens complémentaires obligatoires ou orientés, est modifiée à partir de 1992 où le nombre de consultations prénatales est fixé à sept examens obligatoires pour une grossesse normale évoluant jusqu’à son terme (décret no 92-143 du 14 février 1992 ; article L 154 du Code de santé publique).
Le plan Périnatalité 1994 avait pour objectifs de diminuer la mortalité maternelle de 30 %, la mortalité périnatale de 20 % et la mort subite du nourrisson de 35 %. Ces objectifs ont été atteints pour les indicateurs de mortalité, mais des progrès restent nécessaires pour améliorer la position de la France en Europe, toujours « moyenne » pour la mortalité périnatale et maternelle avec plus d’un tiers de décès maternels « évitables. » Ce plan a permis la création de réseaux de périnatalité et développé ainsi la notion de transferts in utero.
Le plan Périnatalité 2005 veut moderniser le plan 1994 et réduire la mortalité périnatale et maternelle. Il institue des mesures améliorant la sécurité et la qualité des soins, tout en développant une offre plus humaine et plus proche.
Les médecins généralistes sont plus impliqués dans ce réseau de périnatalité plus global qui implique tous les acteurs de la santé et de la protection sociale.
Ce chapitre fait le point sur la surveillance de la grossesse normale selon le nouveau plan Périnatalité, les conduites à tenir du médecin traitant, les indications de transferts vers le service d’obstétrique adapté et les formalités administratives entourant la femme enceinte (CPAM, droit du Travail etc.)
CALENDRIER DE LA GROSSESSE :
Les différentes abréviations sont rappelées dans l’Encadré 1.
Encadré 1. Rappel des abréviations
SA : semaine d’aménorrhée
MG : mois de grossesse
DDR : date des dernières règles soit la date du 1er jour des dernières règles
DDG : date de début de grossesse ou date de fécondation
DFG : date de fi n de grossesse ou date présumée d’accouchement (DPA) ou date de terme
DFG = DDG + 9 mois = DDR + 41 SA
Datations et termes :
Que veut dire « terme » ?
« Une patiente au terme de 37 SA est à terme et cela pendant les quatre semaines qui précèdent son terme. » Le terme de « terme » a de nombreuses significations en obstétrique :
– soit le terme actuel de la grossesse : « vous êtes aujourd’hui à 28 SA soit 6 mois pleins » ;
– soit la date de fin de grossesse : « même si vous n’avez pas accouché à la date du terme, vous devrez vous rendre à la maternité pour la consultation de terme » ;
– soit la période du terme où l’accouchement n’est ni prématuré ni post-mature, entre 37 SA et 42 SA : « vous êtes à terme (37 SA + 0 jour ou 8 MG + 4 jours), ce qui veut dire votre enfant est mature non prématuré ».
S’exprimer en semaines ou en mois ?
Plusieurs modes de calcul du terme de grossesse sont employés. Pour une communication optimale, il serait bon d’employer le même langage.
Le calcul en « semaines d’aménorrhée » est plus précis et moins ambigu qu’en « mois de grossesse » (Encadré 2). Le nombre de SA est calculé en ajoutant 2 SA au nombre de semaines depuis la DDG. Si la DDG est inconnue (pas d’échographie de datation, ni de notion de date de fécondation) on compte le nombre de SA depuis la DDR annoncée. La DFG ou DPA est calculée en rajoutant 9 mois à la DDG.
Encadré 2. Conversion entre mois de grossesse et semaines d’aménorrhée.
3 MG pleins = 15 SA + 1 jour
4 MG pleins = 20 SA
5 MG pleins = 24 SA
6 MG pleins = 28 SA
7 MG pleins = 32 SA
8 MG pleins = 36 SA + 3 jours
Datation de grossesse :
Pour calculer le terme d’une grossesse, l’idéal est de connaître la DDG ou date de fécondation.
Nous disposons de trois possibilités.
Si la grossesse est obtenue par assistance médicale à la procréation (fécondation in vitro, injection intracytoplasmique de spermatozoïdes, insémination artificielle avec sperme du conjoint ou d’un donneur, etc.), la date de replacement de l’embryon in utero ou la date d’insémination donne la DDG (circonstance rare).
Si le cycle est régulier de x jours sans pilule, la date de fécondation est obtenue en ajoutant y jours (y = x – 14 jours) après la DDR ; cette datation est la moins précise mais la plus répandue en l’absence d’échographie de datation.
En effet, un cycle régulier de x jours comprend une phase folliculaire de y jours avant l’ovulation puis une phase lutéinique constante de 14 jours après l’ovulation. Pour un cycle de 24 jours (x = 24) l’ovulation (fécondation) aura lieu au 10e jour du cycle (y = x – 14). Pour un cycle de 34 jours (x = 34) l’ovulation se situera au 20e jour du cycle (20 = 34 – 14).
L’échographie de datation de grossesse très répandue en France permet de dater le début de grossesse avec une précision de ± 3 ou 4 jours si elle est faite avant 15 SA. L’idéal est de réaliser cette échographie entre 11 et 14 SA pour la coupler à la mesure de la clarté nucale et à l’analyse morphologique précoce (cf. échographie de datation).
En France moins de 1 % des grossesses ont un terme imprécis (Encadré 3).
Encadré 3. Quelques définitions en rapport avec le terme de grossesse
Prématurité = accouchement avant 37 SA + 0 jour
Dépassement de terme = accouchement entre 41 et 42 SA
Postmaturité = accouchement au-delà de 42 SA
Grande prématurité = terme d’accouchement entre 22 SA et 32 SA
Avortement = avant 22 SA
Accouchement = à partir de 22 SA
Fausse couche précoce = avortement avant 15 SA
Fausse couche tardive = avortement après 15 SA (< 22 SA)
Gestité = nombre de grossesses débutées quelle qu’en soit l’issue
Parité = nombre de grossesses passant 22 SA quelle qu’en soit l’issue
Viabilité du foetus = à partir de 24 SA selon les équipes de néonatalogie
Congés de maternité :
Le calcul des congés de maternité dépend du nombre d’accouchements antérieurs, du nombre d’enfants à charge et du nombre de grossesse en cours (Tableau I).
En cas d’accouchement avant la date présumée :
Lorsque la femme n’a pu bénéficier de l’intégralité du congé prénatal, la part non prise est reportée après l’accouchement. La durée totale du congé pré et postnatal n’est donc pas diminuée.
Le plan Périnatalité 2005 prévoit d’allonger le congé maternité pour les mères d’enfants très prématurés (plus de 6 semaines avant le terme) et d’enfants handicapés à la naissance nécessitant des soins. Le congé est prolongé du nombre de jours courant entre la date effective de la naissance et la date prévue. La salariée peut ainsi participer, chaque fois que possible, aux soins dispensés à son enfant et bénéficier d’actions d’éducation à la santé préparant le retour à domicile.
Repos supplémentaire (14 jours) pour grossesse pathologique :
Si un état pathologique attesté par un certificat médical comme résultant de la grossesse ou des couches le rend nécessaire, le congé est augmenté de la durée de cet état pathologique dans la limite de deux semaines avant la date présumée de l’accouchement et de quatre semaines après la date de celui-ci.
CONSULTATIONS :
Consultations prénatales :
Le nombre de consultations prénatales (CPN) est fixé à sept examens obligatoires pour une grossesse normale évoluant jusqu’à son terme.
Chaque examen prénatal comporte un examen clinique et la recherche de glycosurie et albuminurie.
Les examens complémentaires qui entourent la surveillance prénatale sont obligatoires ou doivent être proposés systématiquement avec une information (Encadrés 4 et 5).
Encadré 4. Examens complémentaires pendant la grossesse (1er trimestre)
Obligatoires
Groupe Rhésus phénotype complet et Kell si carte de groupe non complète (2 déterminations)
Recherche d’agglutinines irrégulières (RAI)
Protéinurie et glycosurie par bandelette urinaire
Syphilis : TPHA (Treponema Pallidum Hemagglutinations Assay) et VDRL (Venereal Disease Research Laboratory)
Toxoplasmose sauf si immunité antérieure prouvée (examens prénuptiaux…)
Rubéole systématique pour apprécier l’immunité (vaccination après l’accouchement si faiblement ou non immunisée)
À proposer systématiquement
Virus de l’immunodéficience humaine ( VIH) au 1er trimestre HT21 : évaluation de risque de trisomie 21 par le dosage des marqueurs sériques maternels, à prescrire durant le 1er trimestre pour le début du 2e trimestre entre 14 et 17 SA + 6 J.
Recommandés
Numération formule sanguine (NFS), plaquettes
Échographie de datation : entre 11 et 14 SA
Ciblés si facteurs de risque
Électrophorèse de l’hémoglobine si ethnie à risque de thalassémie ou de drépanocytose
Virus de l’hépatite C (VHC) si facteurs de risque (systématique pour certains)
Frottis du col si pas de suivi gynécologique antérieurEncadré 5. Examens complémentaires pendant la grossesse (2e et 3e trimestres)
Obligatoires
Protéinurie et glycosurie sur bandelette tous les mois
Toxoplasmose tous les mois si non immunisée
RAI aux 6e, 8e et 9e mois si Rhésus négatif
Numération globulaire (taux d’hémoglobine) au 6e mois
AgHBs (hépatite B) au 6e mois
Consultation d’anesthésie vers le 7e ou 8e mois
Recommandés
Test de O’Sullivan : 24-28 SA
Plaquettes au 6e mois
RAI tous les mois si Rhésus négatif
RAI au 6e mois dans les 48 heures précédant l’accouchement quel que soit le Rhésus
Échographie 2e trimestre (morphologie biométrie) : 21 à 24 SA
Échographie 3e trimestre (biométrie morphologie) : 31 à 34 SA
Recherche de streptocoque B dans le vagin au 8e mois
Bilan de coagulation au 9e mois
Ne pas faire pendant la grossesse (inutiles et coûteux)
Cholestérol, vitesse de sédimentation, fer, cytomégalovirus (CMV)
Examen clinique minimal commun à toutes les CPN :
Interrogatoire :
L’interrogatoire type recherche la présence de contractions utérines : contractures ou crampes au niveau de l’abdomen, douloureuses ou non, douleurs pouvant se projeter en avant en regard de l’utérus, comme en arrière dans le dos et les lombes. Elles durent 1 à 3 minutes suivies d’une période de relâchement indolore. Elles sont considérées comme « physiologiques » jusqu’à 10 contractions par jour. Les contractions utérines les plus péjoratives sont celles qui entraînent des modifications du col et/ou qui sont douloureuses.
Les douleurs ligamentaires doivent être différenciées des contractions utérines par leurs caractéristiques : douleur continue, sans intervalle indolore, siégeant dans les plis de l’aine, survenant lors de la marche ou dans certaines positions (type mécanique). Le traitement consiste en la mise au repos des ligaments de soutien de l’utérus par une position antalgique (qui dépend de chaque femme), associé à du magnésium et de la vitamine B6.
La perception de mouvements actifs foetaux apparaît vers 19 SA chez les multipares et vers 21 SA chez les primipares. Sa baisse doit alerter.
Une forte activité est de bon pronostic même si elle est quelque fois mal tolérée par la mère.
Les signes fonctionnels d’hypertension artérielle (HTA) ( phosphènes, acouphènes, céphalées, oedèmes, vomissements), les pertes de sang et/ou de liquide doivent orienter vers les urgences obstétricales sans tarder. Les signes urinaires et les leucorrhées feront réaliser des prélèvements bactériologiques et/ou mycologiques.
Les traitements en cours et les plaintes spontanées (reflux, crampes, constipation, asthénie, algies, paresthésies, éruption, prurit, fièvre, syndrome grippal etc.) terminent l’interrogatoire.
Examen physique :
L’examen physique systématique consiste à mesurer la tension artérielle, la hauteur utérine (HU : de la symphyse pubienne au fond utérin, Tableau II), le poids, la prise de poids depuis le début de grossesse et depuis la dernière CPN. Le toucher vaginal systématique en France, uniquement sur signes d’appel dans les pays anglo-saxons, permet d’apprécier l’ouverture, la longueur, la consistance, la position du col, ainsi que la hauteur, le type de présentation et l’ampliation du segment inférieur. Il est vrai que durant les deux premiers trimestres de grossesse, le toucher vaginal n’a pas un intérêt flagrant. À partir de 32 SA on précise le type de présentation. Les bruits du coeur foetal sont écoutés à l’aide d’un stéthoscope de Pinard (quasi abandonné) ou d’un capteur ultrasonore que l’on pose en regard du dos foetal (sur le côté de l’abdomen maternel opposé au côté qui perçoit les mouvements du foetus). On peut les percevoir difficilement à partir de 10-12 SA puis plus facilement lors du 2e et 3e trimestre.
Bilan :
Le bilan prénatal commun à toutes les CPN comprend :
– bandelette urinaire : recherche systématique de glycosurie et d’albuminurie tous les mois ;
– toxoplasmose : tous les mois si non immunisée contre la toxoplasmose ;
– RAI : tous les mois si Rhésus négatif.
Première CPN : « déclaration de grossesse », dépistage des grossesses à risque, interrogatoire précis
Elle doit avoir lieu avant 14 SA préférablement après l’échographie de datation. Cette consultation permet de repérer les grossesses à risque et de prescrire les examens obligatoires de « déclaration de grossesse ». Le dépistage des situations à risque repose essentiellement sur l’interrogatoire qui doit être, lors de cette première CPN, ciblé et complet. Il porte sur les antécédents obstétricaux, familiaux, transfusionnels, allergiques, médicaux, chirurgicaux et les addictions (tabac, alcool ou toxicomanie). C’est aussi l’occasion de délivrer des informations sur les mesures d’hygiène à observer pendant la grossesse, d’établir le calendrier du suivi de grossesse et de renseigner la DDG sur le formulaire de déclaration de grossesse.
Interrogatoire :
Il doit préciser :
– le statut social de la mère : identité, ethnie, lieu de naissance, adresse, téléphones, profession, mode de vie (seule, famille, foyer), transports (durée, fréquence) ;
– le père de l’enfant (si la patiente accepte d’en faire état) : identité, profession, taille, groupe sanguin, maladies génétiques, consanguinité, mode de vie, ethnie, lieu de naissance, enfants d’autres lits et leur devenir ;
– antécédents familiaux : diabète, HTA, thromboses, cancers (seins) et toutes maladies héréditaires pouvant bénéficier d’un diagnostic anténatal ;
– antécédents médicaux et chirurgicaux non obstétricaux : HTA, diabète, infections urinaires, épilepsie, phlébite, asthme, vascularites, interventions chirurgicales et mode d’anesthésie, transfusions, allergies ;
– antécédents gynécologiques : endométriose, prolapsus, fibromes, désir de grossesse, aide médicale à la procréation (fécondation in vitre, injection intracytoplasmique de spermatozoïdes, etc.), malformations utérines, DES syndrome et date du dernier frottis du col (plus ou moins d’un an) ;
– antécédents obstétricaux, qui ont une haute valeur prédictive pour la grossesse présente.
Pour chaque accouchement on recueille la date et le lieu de naissance, le déroulement de la grossesse (HTA, diabète, menace d’accouchement prématuré), le terme, la durée du travail, le mode d’accouchement (épisiotomie, forceps, ventouse, césarienne, indications, compte rendu opératoire). Préciser la cause des actes (forceps, césarienne), le mode d’anesthésie. Pour chaque enfant on note le sexe, le poids de naissance, l’état (Apgar) à la naissance, la durée d’hospitalisation en réanimation néonatale, le type d’allaitement, le lieu de vie (placés ou non ?) et l’état actuel. Préciser s’il y a changement de procréateurs, le nombre de fausses couches spontanées avec le terme et le mode d’évacuation, le nombre d’interruptions volontaires de grossesse ;
– les conditions psycho-socio-économiques : il est primordial de repérer les femmes fragiles ou en situation précaire et de percevoir le contexte social de la patiente (femme isolée, mari violent, etc.). La précarité augmente les risques d’hypotrophie et de prématurité. On évalue le statut social de la mère ou du couple par des questions posées avec tact sur : la profession de la patiente et de son conjoint, la présence du père dans le foyer, le nombre d’enfants vivants dans le foyer, le nombre d’enfants issus d’autres lits. On apprécie la pénibilité de la profession, la durée des trajets, les moyens de transport. On questionne dans un climat de confiance sur les conduites addictives dans le couple et/ou chez la patiente, pour quantifier chaque intoxication (tabac, alcool et autres) en prenant soin de ne pas culpabiliser inutilement la patiente, tout en l’informant clairement des risques encourus pour le foetus, la grossesse et elle-même. On insistera sur les bénéfices de l’arrêt de l’intoxication en évitant de générer stress et dépression (culpabilité, dépréciation) qui compliquent de surcroît la grossesse sans stopper l’intoxication ;
– l’histoire de la grossesse en cours (métrorragies, douleurs, hospitalisation…) et les médicaments pris pendant le début de grossesse afin d’adapter le traitement à la grossesse.
Examens :
L’examen clinique de la 1re CPN ajoute à l’examen clinique classique, une auscultation cardiaque et pulmonaire, un examen du col ± frottis et un examen des seins.
Les examens obligatoires de déclaration de grossesse sont : groupe Rhésus, phénotype RAI, toxoplasmose (sauf s’il existe des résultats positifs avant la grossesse, certificat prénuptial, précédente grossesse…), rubéole (systématiquement même si notion de rubéole positive à la recherche d’une baisse de l’immunité qui conduira à une vaccination en post-partum), syphilis (TPHA et VDRL), glycosurie et albuminurie (bandelette urinaire).
Les examens systématiques (non obligatoires) : NFS, plaquettes, VIH, VHC si facteurs de risque (antécédents de transfusion, toxicomanie, etc.), évaluation du risque de trisomie 21 pour cette grossesse (HT21, FRT21, marqueurs sériques maternels, triple test). Ne pas oublier le frottis du col chez une femme non suivie pour le dépistage du cancer du col. L’échographie du 2e trimestre peut déjà être programmée entre 22 et 24 SA.
CPN au 4e mois : dialogue psychosocial
Le plan Périnatalité 2005-2007 met en place les conditions d’un dialogue permettant l’expression des attentes et des besoins des futurs parents par un entretien individuel et/ou en couple systématiquement proposé au cours du 4e mois. Il doit évoquer les questions peu abordées lors des CPN (modifications du corps, affectives, professionnelles). Cette CPN peut être réalisée en maternité ou en secteur libéral, par une sage-femme ou un autre professionnel de la naissance reconnu par le réseau de périnatalité.
L’information devra être relayée par les réseaux sociaux de proximité, la protection maternelle et infantile, les permanences d’accès aux soins de santé, les généralistes, les réseaux de parents, les femmes relais, afin que toutes les femmes en bénéficient, notamment les plus vulnérables ou les plus isolées.
CPN au 5e mois (20-24 SA) : CPN standard, prescription du bilan du 6e mois
Le bilan du 6e mois prescrit lors de la CPN du 5e mois est composé d’examens obligatoires :
Recherche de l’antigène de l’hépatite B ( AgHBs), RAI, taux d’hémoglobine. Souvent sont associés des examens non obligatoires : Test de charge avec 50 g de glucose ( O’Sullivan), NFS, plaquettes.
Le dosage de l’uricémie tend à disparaître alors que les taux de transaminases hépatiques (TGO, TGP) sont plus fréquemment demandés.
CPN du 6e mois (24-28 SA) : résultats du bilan du 6e mois
Elle permet en plus de la CPN standard de recueillir les résultats du bilan du 6e mois et d’adapter la conduite thérapeutique en fonction des résultats. On s’assure de la bonne pratique de l’échographie du 2e trimestre comme en atteste un compte rendu répondant aux normes éditées par le collège français d’échographie foetale. Si les résultats sont peu pertinents voire insuffisants il est de la responsabilité du médecin ou de la sage-femme suivant la grossesse de constater l’insuffisance et de faire la demande d’un nouvel examen échographique plus complet.
CPN du 7e mois (28-32 SA) : prévoir l’accouchement
C’est une CPN standard à laquelle s’ajoutent la récupération des résultats du bilan du 6e mois et la prescription d’une consultation d’anesthésie sur le lieu d’accouchement. À partir de ce terme on doit informer la patiente sur les signes devant inciter à consulter aux urgences obstétricales.
C’est la période des cours de préparation psychoprophylactique à l’accouchement. On s’assure de la prescription de l’échographie du 3e trimestre vers 32 SA.
CPN du 8e mois (32-36,5 SA) : voie d’accouchement, prescription du bilan de fin de grossesse (9e mois)
En plus de l’examen clinique standard on réalise volontiers une évaluation du pronostic d’accouchement avec un examen clinique du bassin. On apprécie le volume foetal par la hauteur utérine et la biométrie échographique foetale de 32 SA. On s’assure de la validité de la carte de groupe sanguin et des résultats de la consultation d’anesthésie. On prescrit le bilan du 9e mois composé d’examens systématiques : NFS, plaquettes, taux de prothrombine, temps de céphaline activée, fibrinogène, RAI et uricémie pour certains dont le dosage tend à disparaître alors que les taux de transaminases hépatiques (TGO, TGP) sont plus fréquemment demandés.
La plupart des équipes obstétricales françaises préconisent à cette époque une recherche exclusive du streptocoque B dans le vagin à partir de 34 SA. Il est préférable que dès cette consultation la patiente se rapproche de la maternité pratiquant l’accouchement.
CPN 9e mois (36,5-41 SA = terme) : synthèse du dossier prénatal, pronostic de l’accouchement, prévoir la consultation de terme à 41 SA ou 9 mois pleins
Cette dernière CPN doit avoir lieu impérativement avec l’équipe de la maternité où l’accouchement est prévu. Elle évalue le pronostic d’accouchement, la présentation, le volume foetal et explique les situations qui doivent inciter à se présenter à la maternité. En cas de problème la patiente doit se présenter rapidement aux urgences obstétricales de la maternité pour une prise en charge et/ou une surveillance de fin de grossesse adaptée. On vérifie que le dossier obstétrical est complet avec tous les éléments nécessaires pour l’accouchement. Si le travail ne commence pas spontanément la patiente doit se présenter à la maternité le jour de fin de grossesse (DDG + 9 mois) même si celui-ci est férié (Encadré 6).
CPN de 39,5 SA : « exploration fonctionnelle », CPN de terme
Cette consultation est faite à la maternité par l’équipe qui fera l’accouchement selon son protocole médical. Le plus souvent la CPN de 39,5 SA consiste à surveiller la fi n de grossesse par l’évaluation du col de l’utérus, de la quantité de liquide. La biométrie foetale et le monitoring cardiaque foetal sont parfois réalisés par certaines équipes. C’est éventuellement à l’issue de cette consultation qu’est discuté un déclenchement selon les protocoles de la maternité.
Encadré 6. Conseils pour le troisième trimestre. À répéter à chaque CPN du 3e trimestre. « Vous avez rendez-vous le : jj/mm/aaaa en consultation à la maternité. D’ici là, s’il vous arrive quoi que ce soit vous devez vous rendre immédiatement aux urgences de la maternité, en particulier dans les cas suivants.
Si vous perdez du sang quelle que soit la quantité, quelle que soit l’heure, vous devez vous présenter aux urgences de la maternité immédiatement. Ainsi si vous vous réveillez la nuit en ayant perdu quelques gouttes de sang, allez à la maternité la nuit ! N’attendez pas le lendemain ou un rendez-vous !
Si vous perdez de l’eau quelle que soit la quantité quelle que soit l’heure, rendez-vous immédiatement à la maternité.
En cas de doute entre de l’eau ou de l’urine allez à la maternité où des tests seront faits.
Si votre bébé bouge moins ou pas du tout ou bizarrement ou si ses mouvements vous inquiètent, allez à la maternité à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit.
Si vous ressentez des contractions douloureuses et régulières toutes les 5 ou 10 ou 15 minutes allez à la maternité.
Enfin, si vous vomissez ou si vous avez de la fièvre allez à la maternité.
D’une façon générale, s’il y a quoi que ce soit, vous allez à la maternité, et s’il ne se passe rien, si c’est le calme plat, vous venez comme prévu le jj/mm/aaaaa. »
Consultation postnatale :
Cette dernière consultation obligatoire a lieu 6 à 8 semaines après l’accouchement. Cette consultation permet de faire la synthèse de la grossesse passée. L’interrogatoire renseignera sur les modalités de l’accouchement, l’état de l’enfant depuis la naissance et le mode d’allaitement.
On se renseignera avec tact sur les problèmes génitaux, urinaires et anaux. Le mode de contraception est discuté en informant sur les fausses idées telles que : « l’allaitement protège d’une nouvelle grossesse ». Pendant toute la durée de l’allaitement on prescrit une micropilule progestative avec une supplémentation en fer. En dehors de l’allaitement le mode de contraception est choisi par la patiente. Le dépistage par frottis du cancer du col doit être programmé après l’arrêt de l’allaitement ou plus tôt si la patiente est « à risque ». On s’assure de la prescription d’une kinésithérapie du post-partum périnéale et abdominale. Il est fondamental d’effectuer ces exercices avant de reprendre une activité sportive mobilisant notamment les muscles abdominaux. On prévoit un minimum de 10 séances, prises en charge par la sécurité sociale. En cas d’incontinence urinaire ou anale persistante il faut insister pour que ces séances aient lieu et orienter la patiente vers un spécialiste.
La mesure de la tension artérielle, la pesée et l’examen des cicatrices cutanées complètent cette consultation. Il important que le médecin de famille évalue le lien mère-enfant et l’état psychologique du couple.
ÉCHOGRAPHIES OBSTÉTRICALES :
En France, la CPAM rembourse trois échographies prénatales (12, 22 et 32 SA). Celles-ci sont proposées mais ne sont pas « obligatoires ». Les objectifs et la perception de l’échographie diffèrent considérablement entre les échographistes et les patientes (et leur entourage). Pour les échographistes, c’est un examen difficile qui nécessite une concentration soutenue, à la recherche de pathologies ou plutôt d’éléments « visibles » de normalité. Pour les patientes le but est de « voir » l’enfant imaginé jusqu’alors, de connaître le sexe et enfin de s’assurer que « tout est normal ». Il est nécessaire d’informer les patients sur les limites de cet examen et sur la nécessité d’être dans des conditions sensorielles optimales de concentration pour l’opérateur. Il est préférable de venir avec au plus un seul accompagnant et d’éviter les enfants en bas âge qui ont du mal à supporter la durée de l’examen sans faire de bruit. La graisse, les lipides sont les ennemis des échographistes car ils bloquent les ultrasons. Toutes substances pénétrant l’épiderme nécessitent des structures lipidiques que ce soit les crèmes antivergetures, les crèmes hydratantes, les huiles et autres. Le mieux est de ne rien mettre au moins 15 jours avant l’examen, ce d’autant que pour les vergetures aucun produit n’a fait la preuve de son efficacité. Toutes les échographies doivent répondre à des critères de qualité que l’on doit contrôler lors du suivi de grossesse, par la lecture critique du compte rendu. Si le compte rendu d’échographie est manifestement insuffisant il faut prescrire un nouvel examen de complément.
Certaines structures peuvent rester invisibles ou mal visualisées durant toute la grossesse du fait de la position foetale ou des conditions pariétales maternelles (obésité). Le compte rendu est obligatoirement (légal) donné à la patiente à l’issue de l’examen. Il doit y être consigné quel que soit le terme de l’échographie : la date de l’examen, le nom du médecin prescripteur ou du médecin traitant, l’identifi cation de la patiente, la DDG, l’âge échographique, les anomalies constatées, les conditions de réalisation de l’examen (bonnes, moyennes, mauvaises) et la conclusion de l’échographie.
Échographie 1er trimestre : « échographie de datation »
Elle doit être programmée vers 12 SA d’après la DDR ou de la fécondation si elle est connue. Si l’échographie de datation est faite avant 11 SA il faut la reprogrammer entre 11 et 14 SA pour mesurer la clarté nucale. Le compte rendu de l’échographie du 1er trimestre doit indiquer le nombre de foetus, la vitalité foetale (activité cardiaque et mouvements du foetus), les mesures de la longueur craniocaudale (LCC) et du diamètre bipariétal (BIP) qui permettent l’évaluation du terme à ± 4 jours. D’autres mesures peuvent être ajoutées à ces deux mesures primordiales (longueur du fémur, du pied, circonférence céphalique, périmètre abdominal). La mesure de la clarté nucale associée à la mesure de la LCC renseigne sur le risque d’anomalie chromosomique pour proposer un diagnostic anténatal. La mesure de la clarté nucale est obligatoirement proposée (Tableau III). Si les conditions ne permettent pas la mesure, il faut le mentionner sur le compte rendu. Enfin l’étude morphologique (Tableau IV) permet le dépistage précoce de certaines malformations (anencéphalie, omphalocèle, polykystose rénale, nanisme, cardiopathies majeures, agénésie de membre, etc.).
En cas de grossesse multiple l’échographie du 1er trimestre est capitale pour le diagnostic de chorionicité (nombre de placentas et de poches amniotiques) qui doit être impérativement indiqué sous peine de refaire l’échographie rapidement.
La conclusion doit donner la DDG déterminée par échographie.
La clarté nucale est pathologique quand elle est supérieure au 95e percentile.
Échographie 2e trimestre : « morphologie anatomie foetale »
C’est l’échographie la plus difficile, qui demande le plus de concentration. Pour les patientes, c’est l’échographie qui détermine enfin le sexe foetal. La sensibilité du dépistage des malformation foetales est aux alentours de 65 %. Un examen « normal » n’est en aucune manière synonyme d’enfant « normal ». Cette échographie est prévue vers 22 SA et le compte rendu doit indiquer les résultats de la biométrie : BIP, périmètre crânien, périmètre abdominal, longueur fémorale (fémur) avec les percentiles ou déviations standards. Pour la morphologie la non-visualisation ou la visualisation incomplète des éléments suivants doit être signalée : crâne, structures interhémisphériques, système ventriculaire, fosse postérieure, face (lèvre supérieure et profil), rachis, estomac, vessie, coeur (situation, quatre cavités, départ des gros vaisseaux), reins, membres (quatre membres et trois segments par membre). Dans le cas où tous ces éléments seraient visualisés correctement, il suffit que le compte rendu indique qu’aucune anomalie n’a été mise en évidence dans les conditions de réalisation de l’examen. La vitalité foetale est évaluée par la fréquence cardiaque et les mouvements.
La position et l’aspect du placenta, le nombre de vaisseaux dans le cordon ombilical et la quantité de liquide amniotique doivent être rapportés. Les éléments signalés comme non vus au 2e et 3e trimestre doivent faire l’objet d’un contrôle ultérieur ou d’une explication claire.
Échographie 3e trimestre : « biométrie présentation placentation »
Elle est faite vers 32 SA et a pour objectif de réaliser une biométrie (BIP, périmètre crânien et abdominal, fémur), de faire le diagnostic de présentation et d’indiquer la position du placenta (bas inséré ou non). C’est un élément important dans l’évaluation du pronostic d’accouchement.
Elle permet aussi le contrôle de structures anatomiques tels que : face, cerveau, coeur et reins et l’évaluation de la quantité de liquide amniotique.
Échographie de grossesse multiple :
En cas de grossesse multiple la précision de son type est indispensable lors de l’échographie du 1er trimestre. Le compte rendu doit indiquer impérativement le nombre d’embryons, de placentas, de poches amniotiques (gémellaire bichoriale, monochoriale, bi ou monoamniotique, triple…).
L’étude morphologique et la surveillance biométrique de ces grossesses nécessitent au moins une échographie mensuelle jusqu’à l’accouchement.
Étude de la vélocimétrie Doppler :
L’examen Doppler permet la mesure de la vitesse du flux sanguin au niveau des artères utérines, ombilicales et cérébrales foetales. L’artère utérine permet de mesurer les résistances placentaires versant maternel, l’artère ombilicale explore la résistance placentaire versant foetal et les artères cérébrales permettent de détecter une vasodilatation cérébrale. Les artères utérines terminent leur adaptation à l’état de grossesse à partir de 24 SA (l’invasion trophoblastique entraîne une baisse de la résistance et de l’élasticité de la paroi de l’artère utérine).
Ainsi les artères utérines ne seront explorées qu’après 24 SA. L’augmentation de la résistance des artères ombilicales, est un marqueur de souffrance foetale. À l’inverse, la baisse de la résistance des artères cérébrales (vasodilatation) témoigne d’une adaptation du foetus en hypoxie (redistribution des flux sanguins foetaux en faveur du cerveau). L’exploration des Doppler en obstétrique est indiquée en cas de pathologies liées à une insuffisance placentaire (HTA, retard de croissance, mort in utero, hématome rétro placentaire, grossesses multiples).
Une information sur les limites de l’échographie doit être délivrée aux patientes afin d’obtenir leur consentement éclairé.
CONDUITES À TENIR SELON LES RÉSULTATS DES EXAMENS BIOLOGIQUES PRÉNATAUX :
Groupe sanguin :
Deux déterminations dans le système ABO, phénotype Rhésus complet et Kell, sont obligatoires.
Si la patiente ne possède pas de carte de groupe sanguin complète (deux déterminations), la 1re détermination aura lieu lors du premier examen prénatal et la 2e lors des dernières CPN (8e ou 9e mois de grossesse). Une transfusion chez une femme enceinte doit respecter outre le groupe sanguin ABO, le Rhésus, le phénotype et le groupe Kell.
Recherche d’anticorps irréguliers :
Environ 15 % des femmes sont Rhésus négatif.
La RAI est obligatoire lors du 1er examen prénatal.
Chez les femmes Rhésus négatif ou précédemment transfusées, les RAI sont répétées aux 6e, 8e et 9e mois de grossesse. On va bientôt disposer d’une technique de recherche du groupe Rhésus du foetus par simple prélèvement sanguin maternel. Si la recherche est positive, l’identification et le titrage des anticorps sont obligatoires. La prévention de l’immunisation Rhésus est assurée par l’injection de gammaglobulines anti-D chez les femmes Rhésus négatif accouchant d’un enfant Rhésus positif ou lors d’une interruption volontaire de grossesse, d’un avortement spontané, d’une grossesse extra-utérine, d’un dépistage anténatal (amniocentèse, cordocentèse, biopsie de trophoblaste), d’un cerclage, d’une version par manoeuvre externe ou en cas de métrorragies pendant la grossesse.
En pratique, on injecte en intraveineux une dose standard de 100 mg d’anti-D dans les 72 heures qui suivent le risque d’immunisation éventuel.
Un contrôle dans les 48 heures s’assure que la dose d’anti-D a été suffisante.
En cas d’apparition d’anticorps pendant la grossesse (RAI +), il faut adresser la patiente à un centre spécialisé pour une prise en charge comportant l’évaluation de la gravité de l’atteinte en fonction du taux d’anticorps (dosage pondéral des anti-D) et des antécédents. Le passage des anticorps maternels par voie placentaire entraîne une anémie hémolytique foetale avec risque de mort in utero. Une amniocentèse peut être indiquée pour apprécier l’hémolyse foetale par l’évaluation de bilirubine dans le liquide amniotique. L’échographie renseigne sur les critères d’atteintes foetales : épaisseur du placenta, gros foie, oedème, ascite foetale et anasarque foetale. Dans les formes sévères, le prélèvement de sang foetal précise le degré d’anémie et fait poser l’indication d’une exsanguino-transfusion in utero. La naissance est souvent déclenchée un peu avant terme et la surveillance est poursuivie chez le nouveau-né avec, si besoin, des exsanguino-transfusions ex utero.
Numération globulaire sanguine :
Elle a été rendue obligatoire en 1992 lors de l’examen du 6e mois de grossesse pour dépister et traiter l’anémie maternelle. On traite la carence martiale à partir d’un taux d’hémoglobine inférieur à 11 g/dL. Le dosage de fer sérique n’est pas indispensable pour débuter le traitement sauf en cas de suspicion d’anémie hémolytique par hémoglobinopathie (drépanocytose, thalassémie).
Plaquettes :
Des thrombopénies de fi n de grossesse surviennent dans 6 à 7 % des cas (plaquettes < 150 000.109/L. Dans la grande majorité des cas, il s’agit de thrombopénies transitoires liées à la grossesse sans répercussion foetale. La numération plaquettaire n’est pas obligatoire mais est systématique en cas de pathologies vasculorénales gravidiques (HTA). Un taux de plaquettes en début de grossesse est utile pour apprécier la gravité d’une thrombopénie découverte ultérieurement. Devant toute thrombopénie on demandera un bilan hépatique (TGO, TGP) à la recherche d’une cytolyse hépatique évoquant un HELLP syndrome (Hemolysis, Elevated Enzym Liver, Low Platelet).
Dépistage des hémoglobinopathies :
L’électrophorèse de l’hémoglobine réalisée en début de grossesse est indiquée quand il existe un risque d’hémoglobinopathie homozygote : bêtathalassémie et drépanocytose.
Évaluation du risque de trisomie 21 :
Ces tests ( HT21, FRT21, triple test, double test) permettent de dépister les deux tiers des trisomies 21, en effectuant des amniocentèses pour 5 % des grossesses. Ils ne sont applicables qu’après une information particulièrement éclairée si l’on veut que les patientes ne confondent pas risque et diagnostic de trisomie 21.
Il faut « comprendre ce que l’on fait pour l’expliquer aux patientes ».
Le risque de survenue de la trisomie 21 varie en fonction de l’âge maternel pendant la grossesse :
– 1/2 500 à 20 ans ;
– 1/700 à 28 ans ;
– 1/250 à 38 ans ;
– 1/100 à 40 ans ;
– 1/50 à 42 ans.
Seule l’étude du caryotype des cellules foetales permet d’en faire le diagnostic. Le prélèvement de cellules foetales est un geste invasif entraînant un risque de fausse couche de : 1/250 pour l’amniocentèse, 1/100 pour la ponction de sang foetal et 1/100 pour la ponction de villosités choriales. On constate qu’avant 38 ans il y a plus de risque de fausse couche iatrogène que de risque de trisomie 21. C’est pour cela que la sécurité sociale prend en charge l’amniocentèse à partir de 38 ans. On dispose depuis 1995 d’un test sanguin maternel permettant d’évaluer le risque de trisomie 21 propre à chaque grossesse.
Ce test évalue le risque sur la base de dosages sériques de deux ou trois hormones entre 14 et 18 SA : HCG (Human Chorionic Gonadotropin), alphafoetoprotéine, oestriol. C’est une évaluation de risque et non un diagnostic, qui sélectionne les grossesses pour lesquelles on proposera une amniocentèse. Si le risque évalué est supérieur à celui de l’amniocentèse (> 1/250), l’amniocentèse est licite, car il y a plus de risque de déceler une trisomie 21 que de provoquer une fausse couche. À l’inverse si le risque évalué est inférieur à celui de l’amniocentèse (< 1/250) on ne proposera pas d’amniocentèse. Ceci ne signifie pas l’absence de trisomie 21, mais que le risque est trop faible par rapport à celui de l’amniocentèse.
Si une amniocentèse est proposée (risque > 1/250) et acceptée et qu’elle révèle une trisomie 21, on proposera alors une interruption médicale de grossesse. Le couple doit être conscient qu’il reste maître de la situation à toutes les étapes et que ce n’est pas parce qu’un test est dit « positif » qu’il est obligé de passer à l’étape suivante. La prise de sang se fait entre 14 et 18 SA de préférence vers 16 SA, dans n’importe quel laboratoire qui se charge de l’envoyer au laboratoire agréé. Cet examen n’est pas obligatoire mais doit être obligatoirement proposé à toutes les femmes enceintes en début de grossesse entre 12 SA et 16 SA (après l’échographie de datation). Les médecins et les sages-femmes qui reçoivent en consultation des femmes enceintes en début de grossesse (déclaration de grossesse) ont l’obligation légale de proposer et de prescrire ce test avant 17 SA afin de leur permettre de bénéficier de ce dépistage.
L’information concernant les bénéfices et les inconvénients de ce test est obligatoire (décret du 6 mai 1995), les patientes ayant le choix de faire réaliser ou non cet examen. En cas de consentement, elles doivent signer une feuille d’information officielle. Si le couple apparaît hésitant, on peut conseiller une consultation de conseil génétique. Si le test met en évidence un risque élevé conduisant à une amniocentèse, celle-ci est alors prise en charge par l’assurance-maladie. Les résultats du test sont envoyés au prescripteur afin d’éviter le stress d’une mauvaise interprétation des résultats lus directement par les patientes. Les femmes de 38 ans et plus peuvent bénéficier de ce test pour orienter leur décision d’amniocentèse. Quel que soit le résultat du test, elles peuvent demander une amniocentèse pour « âge maternel » qui sera remboursée par l’assurance-maladie.
Toxoplasmose :
En France, 5 000 femmes enceintes par an contractent une toxoplasmose. Le risque de passage transplacentaire est très faible en début de grossesse pour être maximal à terme (5 % au 1er trimestre, 20 % au 2e trimestre et > 50 % au 3e trimestre). L’atteinte foetale, lorsqu’elle a lieu, est d’autant plus sévère qu’elle survient tôt dans la grossesse : calcifi cations intracrâniennes, hydrocéphalie, retard de croissance intra-utérin (RCIU), chorio-rétinite sévère… En fin de grossesse, les atteintes foetales sont moins graves, surtout oculaires. Le dépistage sérologique est une obligation légale lors de l’établissement du certificat prénuptial et au moment de la déclaration de grossesse.
Séroconversion :
Femme enceinte séronégative :
Pendant la grossesse : sérologie au 1er trimestre, (examens de déclaration de grossesse) et surveillance sérologique tous les mois, jusqu’au terme.
À la naissance : sérologie dans le sang du cordon et sérologie maternelle (séroconversion des dernières semaines).
Prévention par des conseils hygiénodiététiques :
– ne pas manger de viande crue, bien cuire la viande ;
– bien laver tous les fruits et légumes avant de les manger ;
– bien se laver les mains avant de manger, après avoir manipulé de la viande crue, après avoir eu des contacts avec des chats ou leur litière.
Séroconversion pendant la grossesse :
Prescrire immédiatement sans attendre de confirmation, de la spiramycine (Rovamycine®) 9 MU/j soit 3 cp/j (comprimé à 3 MU).
Affirmer le passage transplacentaire du toxoplasme dans le liquide amniotique par une amniocentèse à faire au moins quatre semaines après la séroconversion dans un service d’obstétrique.
Séroconversion avant 30 SA :
Diagnostic anténatal négatif : absence de toxoplasme dans le liquide amniotique et absence de signe échographique d’atteinte foetale.
Traitement « préventif » jusqu’à l’accouchement par Rovamycine® : 9 MU/ j.
Diagnostic anténatal positif : présence de toxoplasme dans le liquide amniotique et absence de signes échographiques d’atteinte foetale.
Traitement « curatif » jusqu’à l’accouchement par pyrimethamine (Malocid®) + sulfadiazine (Adiazine®) ou pyrimethamine-sulfadoxine (Fansidar®) + acide folique + bonne hydratation + Rovamycine® poursuivie en association.
Séroconversion après 30 SA :
Le risque de passage transplacentaire étant élevé, prescrire un traitement « curatif » d’emblée sans attendre la confirmation du passage transplacentaire.
À la naissance :
Un bilan néonatal est systématique quels que soient les résultats de l’amniocentèse. Le bilan néonatal comprend une échographie transfontanellaire, un fond d’oeil et les sérologies du nouveau-né.
Chez le nouveau-né :
Si la sérologie néonatale est négative : pas de traitement, les parents peuvent être rassurés.
Si la sérologie néonatale est positive : traitement curatif pendant la première année de vie. pyrimethamine (Malocid®) + sulfadiazine (Adiazine®) ou pyrimethamine-sulfadoxine (Fansidar®).
Sérologie positive dès le 1er prélèvement pendant la grossesse :
Rechercher des résultats de sérologies toxoplasmiques faites à l’occasion du certificat prénuptial ou lors d’une précédente grossesse. Aucun risque s’il existe une sérologie toxoplasmique positive avant cette grossesse.
Faire une 2e sérologie trois semaines après la 1re sérologie positive :
– si les IgG augmentent significativement : toxoplasmose récente ; si les IgG sont stables : contamination > 2 mois avant le 1er prélèvement ;
– si la 1re sérologie est faite au-delà de 2 mois de grossesse, on ne peut exclure une séroconversion durant le début de grossesse.
La présence d’IgM n’est plus synonyme de primo-infection récente. Avec les méthodes sensibles de détection on peut avoir des IgM persistantes un an voire plus. Cette situation délicate ne devrait plus exister si la grossesse est bien suivie dès le début.
En cas d’anomalies échographiques associées à une séroconversion :
En cas de calcifications intracérébrales ou dilatation des ventricules cérébraux, une interruption médicale de grossesse est proposée aux parents. En cas de refus, le traitement (Adiazine® + Malocid® ; ou Fansidar®) sera institué à forte dose.
Traitement :
Il comprend :
– Adiazine® : 50 à 80 mg/kg/j ;
– Malocid® : 0,5 à 1 mg/kg/j ;
– Rovamycine® : 9 MU/j.
Rubéole :
La rubéole, infection bénigne de la petite enfance, fut la première pathologie infectieuse reconnue comme responsable d’embryofoetopathie (1941). La découverte du vaccin (1969) et les campagnes de vaccination ont abouti à une diminution considérable de la fréquence de la rubéole congénitale.
La transmission maternofoetale se fait par voie hématogène transplacentaire au cours de la virémie maternelle. Le risque de contamination foetale est maximum au début et à la fin de grossesse. Les anomalies congénitales sont plus fréquentes et sévères lorsque l’infection a lieu en début de grossesse : persistance du canal artériel, hypoplasie de l’artère pulmonaire, surdité (atteinte de l’oreille interne), cataracte, rétinopathie, microphtalmie, atteinte du système nerveux central…
Dépistage des infections ou réinfections rubéoleuses pendant la grossesse :
À chaque grossesse, quel que soit le statut sérologique de la patiente (rubéole –, rubéole +, vaccinée), il faut faire une sérologie rubéoleuse en début de grossesse.
Si « rubéole négative » : refaire sérologies tous les mois jusqu’à 20 SA. Après 16 SA le risque de rubéole congénitale est quasi nul. Après 20 SA, faire une sérologie facilement et systématiquement en cas de notion de contage (éruption et/ou diagnostic de rubéole dans l’entourage de la patiente…), ou devant toute éruption cutanée maternelle. Vaccination maternelle systématique après l’accouchement.
Si « rubéole positive avant la grossesse » ou « vaccinée » : faire une sérologie systématique en début de grossesse pour apprécier le « degré d’immunité » de la patiente. Si le taux d’IgG est faiblement positif ou devenu négatif on considérera la patiente comme « rubéole négative » et on (re)vaccinera la patiente après l’accouchement.
Si le taux d’IgG est normalement positif, ne plus faire de sérologie sauf si éruption cutanée maternelle à la recherche d’une ré-infection possible (ascension des IgG, ± réapparition d’IgM). Si le taux d’IgG est très fortement positif, suspecter une ré-infection en cours et refaire des sérologies à 15 jours d’intervalle (dans le même laboratoire) pour apprécier la cinétique des IgG.
Diagnostic prénatal :
Le diagnostic prénatal de l’infection rubéoleuse congénitale est indiqué si l’infection maternelle survient dans une période à risque pour le foetus.
Une infection péri-conceptionnelle ne semble pas pouvoir entraîner de conséquences foetales.
Au-delà de 18 SA les risques d’anomalies foetales sont quasi nuls et le diagnostic prénatal invasif n’est pas rentable. Une infection foetale avant 12 SA fait discuter une IMG, compte tenu de la fréquence et de la gravité des conséquences foetales à ce terme. L’alternative est une surveillance échographique attentive. Les infections entre 12 et 18 SA peuvent entraîner des séquelles auditives de degré variable, habituellement appareillables. Lorsque la poursuite de la grossesse est envisagée, on recherchera chez le nouveau-né le virus dans les sécrétions nasopharyngées durant plusieurs mois. Il n’existe pas de traitement antiviral actif contre la rubéole.
Le seul traitement est une bonne prévention par la vaccination. Après l’accouchement il est impératif de vacciner systématiquement toutes les patientes séronégatives ou faiblement séropositives pour la rubéole. Pour une meilleure observance, cette vaccination par Rudivax®, est faite durant l’hospitalisation en maternité en suite de couches. En cas d’association avec des gammaglobulines anti-D (prévention de l’immunisation anti-Rhésus), faire un sérodiagnostic de rubéole trois mois plus tard pour apprécier le taux d’anticorps IgG et si le taux est insuffi sant ou négatif il faut refaire un vaccin Rudivax® (risque théorique d’inefficacité du Rudivax® en association avec les anti-D). Le vaccin chez une femme en âge de procréer est contre-indiqué pendant la grossesse (1er trimestre) et doit être accompagné d’une contraception durant 3 mois. Toutefois en cas de vaccination en début de grossesse méconnue, le passage transplacentaire bien que possible, n’a jamais entraîné d’embryo-foetopathie (Center for Disease Control sur 296 femmes vaccinées durant la grossesse).
Ce n’est donc pas une indication d’interruption systématique de grossesse. De même, la vaccination du post-partum n’est pas contre-indiquée en cas d’allaitement car, même transmissible, le virus atténué n’est pas pathogène pour le nouveau-né.
Syphilis :
Le dépistage sérologique reste obligatoire au 1er trimestre de grossesse bien qu’il soit supprimé de la consultation prénuptiale. Le risque principal est la syphilis congénitale secondaire à une contamination foetale transplacentaire par voie hématogène après 16 SA (passage placentaire à partir de 16 SA). Le risque de transmission maternofoetale est estimé entre 30 à 60 % en l’absence de traitement. Le traitement avant le 4e mois évite tout risque d’atteinte foetale. En l’absence de traitement ou lorsque le traitement débute après 16 SA, le tréponème peut provoquer un avortement tardif ou un accouchement prématuré. La mortalité périnatale est de 40 % chez les femmes enceintes ayant une syphilis précoce non traitée et de 20 % s’il s’agit de syphilis tardive (fin de grossesse) non traitée. La syphilis congénitale peut être latente ou s’exprimer par des lésions poly-viscérales, des lésions cutanéomuqueuses avec pemphigus palmoplantaire, syphilides, hépatomégalie, atteinte méningée ou des lésions osseuses. Pour la mère, la grossesse ne modifie pas la symptomatologie de la syphilis.
Tests utilisés :
Deux tests sérologiques différents doivent être utilisés pour ce dépistage : l’un non spécifique VDRL et l’autre spécifique comportant un antigène tréponémique type TPHA. Ces deux tests permettent de distinguer dans la majorité des cas les cicatrices sérologiques des contaminations récentes nécessitant un traitement immédiat :
– VDRL – et TPHA – : pas de syphilis, sauf contamination très récente. Intérêt du FTA-abs avec IgM, si doute sur contage récent ;
– VDRL + et TPHA + : en l’absence de signes cliniques ou d’antécédent de syphilis, c’est la valeur quantitative de ces deux tests qui permet d’estimer le stade de l’infection ;
– VDRL + et TPHA – : faux positif (virose, trépanomatoses non syphilitiques, syndrome des antiphospholipides) ;
– VDRL – et TPHA + : cicatrice sérologique ou syphilis débutante.
La syphilis congénitale est diagnostiquée in utero devant l’association d’une sérologie syphilitique positive associée à des images échographiques d’Hépato splénomégalie.
Traitement :
En pratique, on traite facilement (par excès) les patientes en cas de suspicion de syphilis.
Extencilline® : 2,4 MU en une prise (une intramusculaire de 1,2 MU dans chaque fesse) à renouveler 8 jours plus tard. On fera deux cures pendant la grossesse, la 1re rapidement et la 2e à la fin du 6e mois. En cas d’allergie à la pénicilline, on utilise l’érythromycine : 2 g/j en 4 prises de 1 cp à 500 mg pendant 30 jours. Il est possible d’utiliser un autre protocole de traitement aussi efficace mais plus fastidieux en hospitalisation pour des patientes difficiles à suivre : Biclinocilline®, 1 MU/j pendant 15 jours.
À la naissance, une atteinte néonatale, qu’il faudra traiter, est recherchée avec un examen anatomopathologique du placenta et une sérologie (FTA-abs, avec recherche d’IgM) dans le sang du cordon.
Hépatite B :
Le nouveau né infecté par le virus de l’hépatite B, transmis verticalement au cours de l’accouchement, présente un risque élevé d’évolution vers l’hépatite chronique et ses complications (cirrhose, carcinome hépatocellulaire). Si de plus, la mère est porteuse de l’antigène HBe, le risque de transmission est de 90 % contre 20 % si la mère ne l’est pas. Il convient donc de dépister impérativement les porteuses chroniques. Près de 1 % des femmes sont porteuses au moment de l’accouchement. L’entourage immédiat d’une femme porteuse chronique de l’antigène HBs (enfant précédent, mari) doit bénéficier d’une vaccination, après vérification de la séro-négativité.
La législation oblige les établissements pratiquant des accouchements, de disposer en permanence de doses de vaccin contre le virus de l’hépatite B et d’immunoglobulines antihépatite B (Ig antiHB), pour les nouveau-nés. Le décret du 14 février 1992 instaure une obligation de dépistage de l’antigène HBs (AgHBs) lors de l’examen prénatal du 6e mois de grossesse en France et recommande la vaccination associée aux Ig antiHB aux nouveau-nés de mères porteuses de l’AgHBs à la naissance.
Si femme enceinte AgHBs + lors du 6e mois de grossesse :
Traiter les nouveau-nés dès la naissance par une intramusculaire d’immunoglobulines spécifiques anti-HB, avant 12 heures de vie et une injection de vaccin dans les 48 heures de vie (injection à faire sur un site différent des Ig). Une 2e injection vaccinale à un mois d’intervalle et un rappel (3e injection) à un an terminent le programme de vaccination du nouveau-né de mère porteuse de l’AgHBs. Cette prophylaxie réduit le risque de transmission de plus de 90 %.
L’AgHBs doit être absolument dépisté avant l’accouchement (obligatoire au 6e mois de grossesse en France). Si le dépistage du 6e mois a été omis, il est impératif de rechercher l’AgHBs après le 6e mois de grossesse voire au moment de l’accouchement.
Si absence de dépistage HBs le jour de l’accouchement :
Le nouveau-né reçoit la première vaccination au moindre doute de positivité maternelle pour l’AgHBs. Si la mère se révèle finalement négative pour l’AgHBs, la vaccination du bébé se poursuit selon le programme normal des enfants nés de mères négatives. Si la mère est positive pour l’AgHBs, l’administration d’Ig antiHB peut être faite dans les 48 heures suivant la naissance, mais la vaccination complète devra dans tous les cas être achevée (deux injections vaccinales à un mois et à un an).
La césarienne n’offre pas de protection contre la transmission verticale.
Dans le post-partum, l’AgHBs passe dans le lait mais l’allaitement n’est pas contre-indiqué à condition que le nouveau-né soit vacciné à la naissance, en respectant les règles d’hygiène et en l’absence de lésions du mamelon. L’hépatite B aiguë est une des 26 maladies à déclaration obligatoire.
VIH :
La loi oblige le médecin à proposer le sérodiagnostic de dépistage du VIH à toute femme en début de grossesse. La femme reste libre après information de refuser ce dépistage. Il reste néanmoins très souhaitable car il existe un traitement préventif du risque de contamination foetale pendant la grossesse. En cas de grossesse chez une femme séropositive pour le VIH, une prise en charge pluridisciplinaire (obstétricien, infectiologue, psychologue) sera instituée en milieu hospitalier. Un traitement est discuté selon le déficit immunitaire. La surveillance des CD4, de la charge virale des transaminases, de la NFS, s’ajoute à la surveillance classique de la grossesse. Les maladies infectieuses associées sont recherchées systématiquement (hépatites, herpès, condylomes, syphilis, CMV, tuberculose, etc.). Les gestes invasifs sont proscrits. La voie d’accouchement préconisée est la césarienne pour diminuer le risque de transmission au nouveau-né.
Streptocoque B :
L’incidence des infections néonatales à streptocoque B est estimée à 1,5 % des grossesses, ce sont des septicémies et/ou des infections pulmonaires.
Dépistage du portage de streptocoque B pendant la grossesse : Compte tenu de la fréquence du portage vaginal asymptomatique et de la gravité de l’infection néonatale par le streptocoque B, beaucoup d’équipes obstétricales réalisent un dépistage systématique en fin de grossesse entre 34 et 37 SA. Si la recherche de streptocoque B est positive on fera une antibiothérapie prophylactique pendant le travail ou dès l’ouverture de l’oeuf (Amoxicilline® 2 g en intraveineuse, puis 1 g/4 heures en intraveineuse) pendant toute la durée du travail jusqu’à l’expulsion. En cas d’allergie aux pénicillines on utilise l’érythromycine.
On ne traite pas la colonisation vaginale par le streptocoque B pendant la grossesse.
Cytomégalovirus :
Les incertitudes pronostiques et les difficultés diagnostiques de l’infection foetale sévère par le CMV ont conduit le CNGOF à éditer des recommandations vis-à-vis du CMV pendant la grossesse.
Les mesures de prévention préconisées sont l’information sur les règles hygiéniques préventives à toutes les femmes enceintes (Encadré 7).
Encadré 7. Précautions d’hygiène pour toutes les femmes enceintes
De nombreux germes bactéries ou virus sont anodins pour les adultes mais représentent un risque pour le foetus durant la grossesse. Il est donc impératif durant votre grossesse d’être encore plus vigilante et de respecter certaines règles d’hygiène qui sont rappelées ci dessous.
Ces règles sont valables pour toutes les femmes enceintes quels que soient les résultats de leurs sérologies.
Lavez-vous fréquemment les mains surtout : avant de manger, de les porter à la bouche, après toutes manipulations potentiellement infectieuses (terre, aliments, animaux, litières, toilettes etc.).
Soyez particulièrement attentives à l’hygiène alimentaire concernant tous les aliments non cuits.
Lavez abondamment tous les fruits et légumes avant de les manger.
Éviter de manger de la viande crue.
Si vous êtes en contact avec un enfant en bas âge, souvent porteurs asymptomatiques de germes dans la salive et dans les urines, que ce soit le vôtre ou non : n’utilisez pas pour vous-même ses ustensiles de repas. Abstenez-vous de « goûter » les biberons ou les cuillérées d’aliments, de sucer sa tétine. N’utilisez pas ses affaires de toilette (gant, serviette, brosse à dents) qui doivent lui être personnelles. Évitez de les embrasser sur la bouche. Lavez-vous soigneusement les mains après chaque change.
Ces précautions s’appliquent aussi si vous êtes professionnellement en contact avec un ou plusieurs jeunes enfants.
Ces précautions sont à valables jusqu’à l’accouchement.
On ne propose pas de sérologie de dépistage de masse ni de dépistage ciblé chez les femmes enceintes.
De même on ne propose pas d’arrêt de travail préventif en cas de « profession à risque CMV » (puéricultrices, crèches, etc.).
Une patiente faisant la demande d’un dépistage sérologique du CMV pendant la grossesse, doit être informée des recommandations du CNGOF (Encadré 8). Si elle persiste dans son souhait, elle peut faire à ses propres frais une sérologie CMV de convenance, l’interprétation n’étant pas assurée par les obstétriciens.
La sérologie CMV est indiquée uniquement s’il y a des signes d’appels échographiques dans le cadre d’un bilan étiologique (dilatation ventriculaire, RCIU, hydramnios, etc.) ou d’infections maternelles, de fièvre, de syndrome grippal, etc.
Encadré 8. Communiqué de presse du CNGOF (mai 2002)
Faut-il dépister le CMV pendant la grossesse ?
Le CMV est un virus fréquemment responsable d’infections sans gravité chez l’adulte. Cependant, au cours de la grossesse, l’infection par le CMV peut provoquer une atteinte de l’enfant et être responsable de séquelles parfois graves (surdité, troubles sensoriels…) mais dans un petit nombre de cas. Il n’existe pas à l’heure actuelle de vaccination contre le CMV. Les seules mesures possibles pour éviter d’être infectée par ce virus sont des précautions d’hygiène, bien qu’elles n’empêchent pas à coup sûr une éventuelle contamination. Certaines femmes sont plus exposées que d’autres au risque d’infection par le CMV : celles qui ont des enfants en bas âge, surtout gardés en collectivités (crèches) et celles qui travaillent à leur contact. Récemment, un groupe d’experts du CMV a lancé, avec le soutien d’un laboratoire pharmaceutique, une campagne d’information suggérant la nécessité de réaliser systématiquement une sérologie de CMV chez toutes les femmes enceintes. La justification de ce dépistage était qu’une sérologie positive permettrait de rassurer près de la moitié d’entre elles. Une telle attitude de dépistage systématique n’a pas de bénéfice démontré par les études épidémiologiques actuellement disponibles. Elle aurait en revanche de nombreux effets pervers :
– anxiété de nombreuses femmes enceintes chez qui la sérologie est négative (environ 50 % des femmes) ;
– anxiété encore plus forte de celles chez qui les anticorps IgM sont positifs (les IgM témoignent en général d’une infection récente mais peuvent persister plusieurs mois voire années après l’infection) ;
– multiplication d’examens complémentaires (répétition des tests biologiques, multiplication des échographies anténatales, réalisation d’amniocentèses comportant un risque de fausses couches…) ;
– on peut craindre qu’un dépistage systématique conduise inéluctablement à des demandes d’interruptions de grossesse dans des situations de simple doute.
Le CNGOF considère qu’en l’état actuel des connaissances, une politique de dépistage systématique du CMV au cours de la grossesse n’est pas justifiée par des bénéfices démontrés et qu’elle aurait sans doute des conséquences néfastes. Les décisions concernant une politique de dépistage systématique doivent être mieux évaluées avant d’être mises en place. Il revient aux autorités compétentes, dépendant du ministère de la Santé, de décider du bien fondé d’une telle politique.
PATHOLOGIES DU 1ER TRIMESTRE :
Métrorragies :
Devant toutes métrorragies du 1er trimestre ou chez la femme en âge de procréer et susceptible d’être enceinte il faut faire un dosage de β-HCG et une échographie pelvienne en urgence. Le premier diagnostic redouté à éliminer est la grossesse extra-utérine. Les autres diagnostics sont la menace d’avortement ou de fausse couche spontanée (en cours d’expulsion ou expulsée ou arrêtée ou oeuf clair), la môle hydatiforme, la grossesse évolutive avec décollement du trophoblaste ou les métrorragies fonctionnelles de début de grossesse. C’est le couple β-HCG + échographie qui permet le diagnostic, quelque fois après une surveillance ambulatoire de quelques jours (rarement plus de 10) par le même service de gynécologie obstétrique.
La grossesse extra-utérine est traitée dans un milieu hospitalier spécialisé soit médicalement avec des injections de méthotrexate, soit chirurgicalement par coelioscopie le plus souvent (salpingotomie ou salpingectomie). Les fausses couches spontanées sont traitées soit médicalement par Méthergin® soit par curetage aspiratif.
La grossesse môlaire nécessite un curetage à haut risque hémorragique et une surveillance de la décroissance des â-HCG jusqu’à négativation suivie d’une surveillance pulmonaire (risque de métastases) d’au moins un an pendant lequel la grossesse est proscrite. Les métrorragies sur grossesse évolutive se traitent par le repos associé à de la progestérone naturelle par voie vaginale ou orale.
Vomissements :
Ces « petits maux sympathiques de grossesse » peuvent devenir pathologiques avec les vomissements incoercibles de début de grossesse qui nécessitent un bilan étiologique échographique et biologique. L’échographie permet d’éliminer une grossesse môlaire ou une grossesse multiple.
Un ionogramme sanguin apprécie la sévérité de l’hypokaliémie. Un bilan thyroïdien est volontiers demandé. On note fréquemment une élévation modérée des transaminases hépatiques sans conséquence. Les traitements symptomatiques sont permis (Primpéran®). L’hospitalisation peut être nécessaire en cas d’amaigrissement important ou de troubles hydroélectrolytiques graves.
PATHOLOGIES DU 2E ET 3E TRIMESTRE :
Menace d’accouchement prématuré :
La menace d’accouchement prématuré ( MAP) est le diagnostic d’urgence le plus fréquent durant la grossesse. On définit la limite entre accouchement et avortement à partir de 22 SA ou de 500 g de poids de naissance. La viabilité néonatale s’acquiert vers 24 SA et la maturité néonatale (terme) à 37SA. La prématurité se situe donc entre 24 SA et 37 SA. On définit trois types de prématurité :
– la très grande prématurité avant 29 SA ;
– la grande prématurité avant 33 SA ;
– la prématurité moyenne entre 34 et 37 SA.
La prévalence de la prématurité en France est d’environ 5 %.
Les facteurs de risque de prématurité sont la rupture prématurée des membranes, les grossesses multiples, l’hydramnios, les malformations de l’utérus, la béance cervico-isthmique, le DES syndrome (Distilbène®), les antécédents d’accouchement prématuré ou d’avortement du deuxième trimestre, la fièvre maternelle d’origine bactérienne (infection urinaire, listériose) ou virale (grippe), les infections vaginales, le placenta prævia, l’hématome rétroplacentaire, les métrorragies, le bas niveau socio-économique…
Souvent aucun facteur de risque n’est retrouvé.
Diagnostic :
Le diagnostic de MAP n’est pas toujours aisé.
La forme clinique classique associe des contractions utérines avec une modification du col de l’utérus.
L’interrogatoire permet de caractériser les contractions utérines comme des durcissements généralisés et intermittents de l’utérus d’une durée de 30 à 60 secondes, séparés par des intervalles libres. Il faut préciser le type (crampe, colique), la fréquence, la régularité, et l’évolution.
Sont en faveur d’une MAP des contractions fréquentes et régulières (toutes les 5 à 15 minutes), plus ou moins douloureuses (la douleur peut irradier en avant comme en arrière dans les lombes). On recherche par l’interrogatoire une notion de rupture prématurée des membranes avec un écoulement vulvaire plus ou moins franc, pas toujours accompagné de contractions utérines et habituellement suivi d’un accouchement dans des délais assez courts avec un risque d’infection maternofoetale (pronostic néonatal).
L’interrogatoire permet d’éliminer les diagnostics différentiels que sont les douleurs ligamentaires (syndrome de Lacomme) et les contractions « physiologiques » de fi n de grossesse.
Les douleurs ligamentaires sont caractérisées par des sensations de tiraillement et de traction vers le bas, centrées sur le pubis et les arcades crurales. Elles sont désagréables, tenaces, continues (sans intervalle libre), uni ou bilatérales, de type mécanique, provoquées par la marche, la position débout ou assise et la pesanteur de l’utérus. Elles sont soulagées au repos par une position antalgique allongée ou assise. Elles peuvent être associées à de vraies contractions utérines ou les provoquer. Les contractions utérines physiologiques du 3e trimestre n’excèdent pas 10/jour, prédominent surtout le soir et sont favorisées par les efforts et la fatigue. Elles sont sans tendance à l’aggravation et sans modification cervicale.
Le toucher vaginal permet d’apprécier les caractéristiques cervicales (du normal au pathologique) :
– la longueur (2-3 cm, raccourci de 30 %, 50 %, 80 %, effacé) ;
– la consistance (tonique, ferme, mou) ;
– la position (postérieur, centrable, centré) ;
– la dilatation de l’orifice externe (OE) et de l’orifice interne (OI) (fermé OE, déhiscent = ouvert OE et fermé OI, ouvert OI : pulpe, 1 doigt, 2 doigts larges = 3 cm ; à partir de 2 doigts on parle en cm de dilatation) ;
– la hauteur de la présentation (non perçue, haute mobile, appliquée, fixée, basse) ;
– l’ampliation du segment inférieur (SI) (pas de SI, SI amplié épais, SI amplié fin).
Les membranes sont parfois perçues sur la présentation si le col est ouvert. Normalement le col est long postérieur fermé de consistance ferme.
Chez les primipares le col commence par se raccourcir avant de s’ouvrir. Chez les multipares (accouchées par voie basse) il s’ouvre très tôt au niveau de l’orifice externe avant de perdre de la longueur en fi n de grossesse. Les caractères les plus importants sont : l’ouverture de l’orifice interne, le raccourcissement du col et la hauteur de la présentation.
L’examen au spéculum doit précéder le toucher vaginal. Il permet de visualiser le col et éventuellement les membranes intactes si la dilatation cervicale est importante. Il est indispensable lors d’une rupture prématurée des membranes pour visualiser et prélever le liquide amniotique ou constater l’aspect lavé des parois vaginales. Il permet la réalisation de prélèvements de leucorrhées systématique dans le bilan d’une MAP.
La suspicion de rupture prématurée des membranes (écoulement vulvaire ± franc) doit faire consulter en urgence en maternité. L’examen physique (toucher vaginal et spéculum) est contre-indiqué (risque infectieux), il sera éventuellement fait en milieu hospitalier si la patiente contracte fortement (diagnostic de travail).
Conduite à tenir (Encadré 9) :
Le médecin de ville confronté à une MAP sévère (col ouvert, contractions utérines fréquentes et douloureuses ou rupture prématurée des membranes) doit adresser rapidement la patiente dans la maternité prenant en charge l’accouchement ou vers une maternité de niveau adapté. Une cure de corticoïdes (Célestene® ou Soludécadron®) en sous cutané profond ou intramusculaire peut être débutée en urgences à partir de 25 SA. Un traitement tocolytique par 1 à 2 suppositoires de Salbumol® peut permettre de calmer les contractions utérines en attendant l’arrivée aux urgences.
Encadré 9. Conduite à tenir devant une suspicion de MAP en ville
Adresser aux urgences obstétricales sans faire de toucher vaginal si suspicion de rupture prématurée des membranes
Corticothérapie (+++) pour accélérer la maturation pulmonaire foetale
Célestène Chronodose® : 12 mg (2 ampoules de 6 mg) en sous-cutané profond à renouveler une fois 24 heures plus tard, soit 12 mg par jour pendant 2 jours entre 24 et 34 SA
Transfert in utero (+++) vers une maternité de niveau adapté à l’âge gestationnel :
– vers niveau 3 (avec réanimation néonatale et ventilation assistée) entre 26 et 32 SA
– vers niveau 2 (avec service de prématurés sans assistance ventilatoire) entre 32 et 36 SA
Tocolyse à débuter en ville en attendant le transfert vers la maternité : 1 à 2 suppositoires de Salbumol® en rectal.
L’antibiothérapie sera débutée après les prélèvements faits aux urgences
Traitement :
Après l’hospitalisation initiale, il comprend en premier la mise au repos qui peut aller d’une réduction de l’activité (arrêt de travail) à l’hospitalisation ou l’aide à domicile (enfants dans le foyer). La poursuite d’un traitement tocolytique voire d’une antibiothérapie, est discutée lors de l’hospitalisation initiale. La corticothérapie est systématique entre 24 et 34 SA. Elle améliore significativement le pronostic néonatal en cas de naissance prématurée. Il faut insister sur la prévention par le dépistage des facteurs de risque lors de la première consultation, l’information de la femme enceinte sur les signes d’appel qui doivent l’inciter à consulter et le transfert de la mère vers une maternité de niveau adapté au terme de la grossesse.
HTA et grossesse :
L’hypertension de la grossesse, la prééclampsie, l’éclampsie, la toxémie gravidique, l’éclampsie du post-partum, le HELLP syndrome, les néphropathies gravidiques et le RCIU vasculaire sont autant de manifestations différentes des syndromes vasculorénaux de la grossesse. La définition des désordres hypertensifs survenant au cours de la grossesse amène à distinguer plusieurs types d’atteintes.
L’HTA gravidique associe une HTA (PAS ≥ 140 mmHg et/ou PAD ≥ 90 mmHg) isolée apparue après 20 SA chez une femme jusque-là normotendue, sans protéinurie (PU).
La prééclampsie associe une HTA gravidique et une protéinurie (PU > 300 mg/L ou PU > ++ ou PU > 500 mg/24 heures). La PU peut manquer initialement mais il est licite de suspecter une prééclampsie devant une HTA de novo associée à l’un ou l’autre des signes suivants : oedèmes d’apparition brutale ou rapidement aggravés, thrombopénie < 150 000/mm3, uricémie > 360 μmol/L (60 mg/L), cytolyse hépatique (augmentation des transaminases), RCIU. La prééclampsie sévère se définit soit par une HTA importante (PAS ≥ 160 mmHg et/ou PAD ≥ 110 mmHg), soit une HTA gravidique avec un ou plusieurs des signes suivants : douleurs épigastriques, nausées, vomissements, céphalées persistantes, hyperréflectivité ostéotendineuse, troubles visuels, protéinurie > 3,5 g/j, créatininémie > 100 μmol/L, oligurie < 20 mL/H, hémolyse, cytolyse hépatique, thrombopénie < 100 000/mm3. L’HTA chronique est antérieure à la grossesse.
Elle est parfois méconnue et doit être évoquée lorsqu’une HTA est découverte avant 20 SA.
Diagnostic :
Le diagnostic d’HTA au cours de la grossesse repose sur une PAD > 90 mmHg et/ou PAS > 140 mmHg mesurée deux fois au repos. Les HTA modérées sont confirmées par un enregistrement automatique de la tension artérielle ou la réalisation d’un Holter tensionnel en ambulatoire afin d’éliminer l’HTA de stress ou l’HTA « labile » ou « nerveuse ». Un brassard adapté au bras des patientes obèses est parfois nécessaire.
Signes de gravité :
Les signes fonctionnels d’HTA sont des signes de gravité à rechercher : céphalées, acouphènes, phosphènes, réflexes ostéotendineux vifs, barre épigastrique, vomissements, oedèmes des membres inférieurs et/ou supérieurs, oedème de la face. La présence d’oedèmes est habituelle au cours d’une grossesse normale mais une prise de poids rapide et brutale survient plus généralement chez les femmes qui vont développer une prééclampsie.
Les signes biologiques d’HTA sont des signes de gravité pouvant conduire à l’interruption de grossesse :
– augmentation précoce de l ’uricémie (> 60 mg/L) ou l’élévation de l’uricémie de plus de 30 mg ;
– protéinurie importante ;
– insuffisance rénale inhabituelle, essentiellement chez les patientes ayant une maladie sévère avec une coagulation intravasculaire disséminée ;
– la t hrombopénie et la cytolyse hépatique (HELLP).
Les complications de la prééclampsie en l’absence de traitement sont : la prématurité, la mort néonatale, la prééclampsie sévère, l’éclampsie (définie par la survenue de convulsions) et la mortalité maternelle.
Incidence et facteurs de risque :
Incidence :
La prééclampsie est observée dans 3 à 4 % des grossesses. L’incidence de la prééclampsie au cours d’une 2e grossesse inférieure à 1 % chez les femmes qui ont une première grossesse normale contre 5 à 7 % chez les femmes qui ont déjà développé une prééclampsie.
Facteurs de risque :
On compte différents facteurs de risques :
– génétiques : des antécédents de prééclampsie chez la mère ou une soeur font augmenter l’incidence d’un facteur 3 à 5 ;
– immunologiques : la primiparité, la brève période d’exposition préalable au sperme du père, l’insémination avec donneur ;
– physiologiques : mères âgées de moins de 20 ans ou de plus de 35 ans ;
– environnementaux : la vie en altitude, le stress physique et psychologique, le tabac ± controversé ;
– liés à des pathologies maternelles : l’obésité, le diabète, l’insulinorésistance, les thrombophilies, les affections auto-immunes, l’HTA et les néphropathies chroniques ;
– liés à la grossesse : un intervalle long entre deux grossesses, une grossesse multiple, des anomalies congénitales ou chromosomiques du foetus, l’anasarque foetale…
Traitement :
Plusieurs classes thérapeutiques peuvent être utilisées pendant la grossesse avec HTA.
Classes thérapeutiques :
Des traitements anti-hypertenseurs ont acquis une autorisation de mise sur le marché pour le traitement de la prééclampsie. Il s’agit de la clonidine (Catapressan®) anti-hypertenseur d’action centrale ; de la nicardipine (Loxen®) inhibiteur calcique ; du labétalol (Trandate®) alpha et bêta bloquant. La méthyldopa (Aldomet®) d’action centrale et les bêtabloquants avec activité sympathomimétique (les bêtabloquants purs peuvent augmenter la résistance vasculaire foetale avec pour conséquence un risque d’hypotrophie foetale) est encore utilisé contre les HTA chroniques.
L’Eupressyl®, vasodilatateur artériel, est utilisé en deuxième ligne en association avec l’un des quatre sus-cités.
Sont contre-indiqués pendant la grossesse les diurétiques, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et le régime sans sel. Dans la mesure où la prééclampsie est associée à une hypovolémie, le recours aux diurétiques est contre-indiqué en raison du risque d’aggravation de l’ischémie utéroplacentaire.
Les traitements anticonvulsivants (benzodiazépines) sont utilisés dans le traitement curatif de la crise convulsive en intraveineuse lente. Le sulfate de magnésium est réservé à la prévention de récidive de la crise convulsive et doit être administré en unité de soins intensifs.
L’association avec les inhibiteurs calciques est contre-indiquée (risque cardiaque).
Le traitement antiagrégant par aspirine est utilisé à faible dose (100 mg/j) comme traitement préventif des complications de l’HTA pendant la grossesse.
L’inhibition de l’allaitement par la bromocriptine en post-partum, est contre-indiquée en cas d’HTA sévère pendant la grossesse. L’allaitement est possible avec Népressol® et Loxen®.
Conduite à tenir :
Le traitement médical antihypertenseur a une influence très limitée sur l’évolution de la grossesse.
Le seul véritable traitement est l’arrêt de la grossesse. L’objectif est d’évaluer la gravité de l’HTA pour distinguer : Les formes légères ou modérées qui autorisent une surveillance ambulatoire jusqu’au 9e mois, suivie d’une discussion sur le déclenchement du travail au début du 9e mois (au mieux de manière collégiale et multidisciplinaire) ; Les formes graves qui imposent l’hospitalisation immédiate et une extraction foetale à brève échéance, le plus souvent par césarienne. Le recours à la surveillance en milieu spécialisé doit être systématique et précoce pour évaluer initialement la gravité de l’HTA et discuter le traitement préventif par aspirine qui doit être débuté vers 14 SA. Par la suite, en cas d’HTA modérée, la surveillance pourra s’organiser entre médecin traitant et obstétriciens.
Surveillance :
La surveillance des HTA modérées (Encadré 10) pendant la grossesse nécessite au moins une consultation mensuelle, avec recherche des signes cliniques et biologiques de gravité. Au bilan clinique et biologique de surveillance s’ajoutera un Doppler des artères utérines vers 24 SA (valeur prédictive de sévérité de l’HTA pendant la grossesse).
Encadré 10. Bilan de surveillance d’une HTA modérée
Clinique : recherche des signes fonctionnels d’HTA (phosphènes, acouphènes, céphalées, oedèmes, vomissements), mesure de la tension artérielle, éventuellement Holter, prise de poids (oedèmes), hauteur utérine (RCIU), vitalité foetale (mouvements actifs).
Biologique, en plus des examens classiques de CPN : NFS, plaquettes, transaminases, uricémie, protéinurie sur échantillon.
Échographique : biométrie foetale (RCIU), Doppler des artères utérines vers 24 SA, quantité de liquide amniotique (oligoamnios), aspect placentaire.
Complications :
Trois complications sont à connaître : le HELLP syndrome, l’hématome rétroplacentaire et l’éclampsie.
HELLP syndrome :
Il est défini par la coexistence d’une Hémolyse (Hemolysis), d’une cytolyse hépatique (Elevated Enzym Liver) et d’une thrombopénie (Low Platelet). C’est une complication de la prééclampsie qui menace la mère et le foetus. Le diagnostic est biologique (hémolyse, cytolyse, thrombopénie) avec quelque fois des signes cliniques digestifs (douleur hépatique, vomissements, barre épigastrique). La prise en charge d’une patiente présentant un HELLP syndrome ne peut s’envisager que dans une structure permettant une réanimation de l’enfant (risque de grande prématurité) et de la mère (risque d’insuffisance hépatique, d’hématome sous capsulaire du foie voire de rupture hépatique). Le traitement du HELLP syndrome est l’interruption de grossesse, par césarienne ou par voie vaginale selon les cas. L’évolution se fait en général vers la guérison complète en quelques jours après l’arrêt de la grossesse. La corticothérapie de maturation foetale doit être débutée dès que le diagnostic est évoqué.
Hématome rétroplacentaire :
Il complique 3 à 5 % des prééclampsies sévères.
C’est un décollement placentaire (infarctus placentaire) de survenue brutale et le plus souvent imprévisible (coup de tonnerre dans un ciel serein), dont la symptomatologie clinique est trompeuse : métrorragies isolées, contracture utérine douloureuse, poussée d’HTA. La césarienne en extrême urgence permet de diminuer la mortalité périnatale dans les hématomes rétroplacentaires avec enfant vivant. L’accouchement par voie basse est préconisé dans les hématomes rétroplacentaires avec enfant mort, après correction de l’état de choc hémorragique, des anomalies de l’hémostase et de l’atonie utérine.
Éclampsie :
C’est une crise convulsive survenant dans un contexte d’HTA pendant la grossesse. Elle nécessite un traitement curatif de la crise en urgence par l’injection en intraveineuse lente de benzodiazépines (1 ampoule de Valium® ou de Rivotil®) à renouveler si récidive, associé au transport (SAMU) en extrême urgence vers l’hôpital le plus proche disposant d’un service d’obstétrique et de réanimation maternelle. Dans la plupart des cas l’interruption de grossesse est réalisée en urgence par césarienne.
Pour les grossesses ultérieures :
Un antécédent d’HTA gravidique ou de prééclampsie peut récidiver, en général sur un mode comparable. Un antécédent sévère (hématome rétroplacentaire, éclampsie, mort in utero…) fait craindre un événement similaire. Il faut prévoir une prise en charge précoce par un spécialiste, une surveillance renforcée, avec Doppler utérin dès 5 mois (les altérations du Doppler utérin peuvent précéder de plusieurs semaines l’apparition de l’HTA et du RCIU), un traitement préventif par Aspirine® à faible dose (efficacité prouvée mais limitée) 100 mg/j de 14 SA (voire plus tôt) jusqu’à 34 SA.
Métrorragies :
Dans cette période de la grossesse, toute métrorragie, aussi minime soit-elle, doit entraîner une hospitalisation immédiate. Les causes les plus graves sont le placenta prævia et l’hématome rétroplacentaire.
L’examen clinique est peu contributif et ne doit pas retarder le transfert vers la maternité la plus proche. La prise en charge obstétricale en urgence dépend de la vitalité foetale et des troubles de coagulation maternelle. La césarienne en urgence pour sauvegarde foetale est le traitement de l’hématome rétroplacentaire avec enfant vivant. En cas de mort foetale une césarienne peut être indiquée pour sauvegarde maternelle avant la survenue de troubles de coagulation.
Pour le placenta prævia, le toucher vaginal étant contre-indiqué (risque d’hémorragie cataclysmique), l’examen clé est l’échographie. Le transport doit s’effectuer avec une voie d’abord veineuse. Il n’y a pas de traitement spécifique, sinon le repos et l’extraction foetale en cas d’hémorragie mettant en danger la santé de la mère.
Diabète gestationnel :
Le diabète gestationnel, dont la prévalence est de 5 %, peut s’associer à des complications maternelles et foetales : mort in utero, HTA gravidique, macrosomie, dystocie des épaules, césarienne ; détresse respiratoire et complications métaboliques néonatales. À long terme les enfants sont plus à risque d’obésité, de pathologies cardio-vasculaires et de diabète non insulinodépendant.
Diagnostic :
Diagnostiquer le diabète gestationnel permet de dépister précocement une grande partie des futurs diabètes non insulinodépendants (Encadré 11).
Encadré 11. Tests de dépistage du diabète gestationnel
Test de charge de O’Sullivan (50 g)
Entre 24 et 28 SA lors du bilan prénatal du 6e mois.
Glycémie veineuse 1 heure après l’ingestion de 50 g de glucose.
Test positif : glycémie > 1,30 g/L (7,2 mmol/L).
Hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO 100 g)
Glycémie à jeun H0, ingestion de 100 g de glucose à H0, puis glycémies à H1, H2, H3, au repos.
Normes : H0 < 0,90 g/L ; H1 < 1,80 g/L ; H2 < 1,55 g/L ; H3 < 1,40 g/L.
Cycle glycémique
Glycémies : 8 heures à jeun ; 10 heures postprandiale
H2 ; 12 heures préprandiale ; 14 heures postprandiale
H2 ; 16 heures avant collation.
Normes : à jeun < 0,90 g/L ; préprandiale < 0,90 g/L ; postprandiale 2 heures < 1,20 g/L.
Le dépistage par le test O’Sullivan entre 24 et 28 SA s’adresse à toutes les femmes enceintes y compris celles sans facteurs de risque.
En cas de dépistage positif, il convient de réaliser le test diagnostique (hyperglycémie provoquée par voie orale) HGPO 100 g le plus rapidement possible. Si le test O’Sullivan est supérieur à 2 g/L (11,1 mmol), le diagnostic de diabète gestationnel est posé et ne nécessite pas d’HGPO.
Le diagnostic de diabète gestationnel conduit à la réalisation d’un cycle glycémique qui permet d’adapter le traitement en fonction des glycémies dans des conditions de vie normales (sans charge glucidique). Le cycle glycémique est réalisé le plus souvent au cours d’une hospitalisation de jour en milieu spécialisé, permettant d’éduquer les patientes à l’auto surveillance et à la diététique.
Traitement :
Quel que soit le traitement (régime simple avec ou sans insulinothérapie) une surveillance est instituée en milieu spécialisé associant obstétriciens, diabétologues et diététiciens, à une fréquence variant entre 1/semaine à 1/mois. L’objectif du traitement est d’obtenir une glycémie normale tout au long de la journée : à jeun < 0,95 g/L (5,3 mmol) ; glycémie postprandiale 2 heures après chaque repas < 1,20 g/L (6,7 mmol). Le traitement doit toujours comporter une prescription diététique adaptée après enquête alimentaire, s’appuyant sur les principes suivants : au moins 1 800 Kcal/j dont 50 % de glucides répartis en trois repas et trois collations.
Insulinothérapie :
L’insulinothérapie en cas de nécessité doit être
instaurée sans retard : si la glycémie à jeun lors de l’HGPO est supérieure à 1,30 g/L (7,2 mmol) ou après 1 à 2 semaines (en fonction du terme) de régime diététique adapté, si les glycémies à jeun sont supérieures à 0,95 g/L (5,3 mmol) et/ou si les glycémies mesurées 2 heures après un repas sont supérieures à 1,20 g/L (6,7 mmol).
Il est souhaitable de maintenir la moyenne de l’ensemble des glycémies capillaires en dessous de 1,05 g/L (5,8 mmol). L’insulinothérapie consiste en une injection d’insuline rapide avant chaque repas si les glycémies postprandiales sont élevées et une injection d’insuline d’action intermédiaire au dîner ou au coucher, si la glycémie au réveil est élevée. L’intérêt d’une insulinothérapie systématique, quel que soit le niveau glycémique, n’est pas démontré.
Surveillance :
La surveillance est orientée sur l’équilibre glycémique et sur la survenue de complications.
L’échographie obstétricale apprécie la croissance, la morphologie et de la vitalité du foetus mais est médiocre pour le diagnostic de macrosomie.
L’accouchement avant terme n’a pas d’indication sauf en cas de complications (prééclampsie, RCIU, anomalies de la vitalité foetale). La césarienne d’emblée pour diabète gestationnel n’est pas justifiée (pas de bénéfice néonatal, augmentation de la morbidité maternelle). La voie d’accouchement est fonction de la confrontation foetopelvienne. Lorsque la voie basse est acceptée, les recommandations pour l’accouchement d’un macrosome sont similaires à celles de l’accouchement du siège : analgésie péridurale ; bonne dynamique du travail ; obstétricien et anesthésiste sur place (possibilité de nécessité de manoeuvres obstétricales difficiles).
PATHOLOGIES INFECTIEUSES :
Fièvre et grossesse :
La fièvre, chez une femme enceinte n’est jamais anodine, par ses risques de prématurité et d’infection maternofoetale impliquant le pronostic de la grossesse et du nouveau-né. Une température maternelle supérieure à 38 °C doit faire consulter aux urgences de la maternité pour y effectuer un bilan étiologique et évaluer le retentissement foetal.
Conduite à tenir :
L’antibiothérapie ( pénicilline A) est débutée très rapidement sans attendre les résultats des prélèvements bactériologiques : examen cytobactériologique des urines, prélèvement vaginal, et éventuellement hémocultures si la température est supérieure à 38 °C ou en présence de signes de sepsis (frissons, altération de l’état général, choc, signes cutanés). Des sérologies sont demandées systématiquement ou selon le contexte : toxoplasmose, rubéole, syphilis, hépatites A, B et C, cytomégalovirus, herpès, parvovirus B19. Une NFS et le dosage de la protéine C-réactive complètent le bilan. La vitesse de sédimentation est inutile. Selon le contexte un frottis sanguin, une goutte épaisse ou une intradermoréaction sont demandés.
Le bilan gestationnel complète le bilan étiologique, à la recherche de contractions utérines et de modifications cervicales. Le bilan foetal comporte un enregistrement du rythme cardiaque foetal si le terme est supérieur à 26 SA (bruits du coeur avant 26 SA) et une échographie ± Doppler ± score de Manning (vitalité foetale).
L’hospitalisation est souvent préconisée pour mettre en place l’antibiothérapie par voie veineuse, les antipyrétiques et éventuellement une tocolyse associée à une corticothérapie de maturation pulmonaire foetale.
Étiologie :
Les infections urinaires, de la cystite à la pyélonéphrite nécessitent un traitement rapide dès suspicion clinique ou bandelettes urinaires positives (nitrite, leucocyturie, ± albuminurie). Les amoxicillines ± en association avec l’acide clavulanique permettent de lutter contre la plupart des bacilles Gram négatif.
La listériose (listeria monocytogène bacille gram +) doit être évoquée devant un tableau peu franc pseudogrippal, une fièvre, une conjonctivite, une infection urinaire avec pesanteur pelvienne…
Cette infection a des conséquences néonatales sévères qui incitent à traiter rapidement toute suspicion de listériose avec de l’amoxicilline ou de l’érythromycine en perfusion intraveineuse si allergie, sans attendre les résultats des hémocultures qui sont systématiquement prélevées. Certains laboratoires demandent qu’il soit précisé sur la demande « recherche de listeria ».
L’infection ovulaire est la deuxième cause de fièvre pendant la grossesse, évidente s’il existe une rupture prématurée des membranes ou après un geste invasif comme une amniocentèse. Au moindre doute, l’hospitalisation en milieu spécialisé s’impose. Les risques d’accouchement prématuré et d’infection néonatale en font la gravité.
Le paludisme, si notion de voyage en zone d’endémie, doit être recherché par une goutte épaisse.
La grippe, « la grande avorteuse », présente un risque d’accouchement prématuré.
Les phlébites ne doivent pas être oubliées. Enfin plus difficiles de diagnostic l’appendicite et la nécrobiose aseptique d’un fi brome peuvent s’accompagner de fièvre mais la symptomatologie est souvent dominée par la douleur.
Varicelle :
La survenue pendant la grossesse d’une varicelle nécessite une prise en charge rigoureuse car les risques peuvent être maternels (pneumopathie sévère), foetaux (varicelle congénitale) ou néonatals (varicelle néonatale). Le risque maternel impose de prendre un avis en pneumologie pour discuter une éventuelle hospitalisation pour surveillance voire traitement en présence de signes respiratoires.
Conduite à tenir :
En cas de contage varicelleux chez une femme enceinte : faire une 1re sérologie rapidement.
Si elle est négative, refaire une 2e sérologie 15 jours plus tard et discuter l’utilisation d’un traitement antiviral surtout si le contage a lieu dans les trois semaines précédant l’accouchement. Si la 1re sérologie est positive : aucun risque, la patiente est déjà immunisée (95 % des cas).
En cas d’éruption varicelleuse chez la femme enceinte : un traitement sera discuté en fonction du terme (à éviter au premier trimestre) et de la sévérité de la symptomatologie maternelle. Il n’existe à l’heure actuelle aucun argument épidémiologique pour penser que ces traitements diminuent le risque de transmission maternofoetale ou sa gravité. Les risques foetaux et néonatals changent en fonction du terme de l’éruption varicelleuse maternelle :
– avant 8 SA : risque de fausse couche ;
– avant 20 SA : risque maximal d’embryofoetopathie.
Le meilleur dépistage est assuré par l’échographie foetale. Les anomalies cérébrales peuvent être précisées par l’IRM. L’interruption médicale de grossesse est recevable en présence d’anomalies échographiques foetales. Le traitement médical per os par aciclovir est possible après 15 SA ; après 20 SA : surveillance du risque de prématurité. Pas de suivi échographique renforcé.
L’aciclovir per os peut être utilisé pour diminuer l’intensité de l’éruption et le risque de pneumopathie maternelle ; en fin de grossesse, il faut éviter l’accouchement pendant les 5 à 8 jours suivants le début de l’éruption maternelle. En présence de contractions utérines, une hospitalisation pour tocolyse avec isolement sera proposée. Le repos à domicile est envisageable si l’accouchement n’est pas imminent. Le traitement par aciclovir en intraveineuse pendant 5 à 10 jours et les immunoglobulines sont à discuter ;
– à la naissance, si la mère est contagieuse, il faut l’isoler du nouveau-né. Si la naissance survient dans les sept jours suivants le début de l’éruption, il faut traiter le nouveau-né par aciclovir (20 mg/kg/8 heures) en isolement et discuter les immunoglobulines.
En cas de doute diagnostique sur l’étiologie de l’éruption cutanée maternelle, on confirmera le diagnostic de varicelle par des sérologies anti-VZV avec recherche d’IgM et cinétique des IgG.
Les résultats des sérologies ne doivent pas retarder la prise en charge materno-foetale.
Traitement :
Dès 15 SA, on traite par aciclovir per os débuté 7 jours après le contage pour une durée de 7 jours (pas d’autorisation de mise sur le marché en France) pour diminuer l’intensité de l’éruption maternelle et le risque de pneumopathie varicelleuse :
– Zovirax® 800 mg/5x/j pendant 7 jours ;
– Zelitrex® : 1 g/3x/j pendant 7 jours.
Dans les formes maternelles sévères et/ou tardives : hospitalisation en pneumologie et aciclovir en intraveineuse 10 mg/kg/8 heures pendant 5 à 10 jours.
Traitement symptomatique :
Il est indiqué comme en dehors de la grossesse : ongles coupés courts et régulièrement nettoyés, nettoyages biquotidiens de la peau par des bains antiseptiques (Septivon®, Solubacter®), Hextril® en bain de bouche et en cas de prurit intense : Polaramine®, Atarax®.
Contre-indication absolue :
L’aspirine est contre-indiquée au cours de la varicelle, compte tenu de la survenue de lésions hémorragiques, mais aussi du risque potentiel de survenue de syndrome de Reye. Il convient d’attendre trois mois après la vaccination pour débuter une grossesse. Sa diffusion chez les femmes séronégatives en âge de procréer permettrait d’éviter les formes graves de varicelle maternelle et la complexité de la prise en charge des varicelles pergravidiques.
CONCLUSION :
Le médecin traitant est un acteur indispensable pour le suivi de grossesse. Un de ses rôles principaux est de dépister les patientes à risque et de les adresser rapidement à la maternité (Encadrés 12 et 13). Mais au-delà de cette prise en charge purement médicale, c’est dans cette situation singulière non pathologique que peuvent se tisser des liens forts entre médecin et famille. La proximité et la connaissance de la vie de ses patients lui permettent de s’impliquer dans ce projet de grossesse et d’enfant. En participant à cet épisode de vie d’une famille, le médecin traitant va retrouver sa place de médecin de famille.
Plus d’humanité et d’humanisme est un des axes du plan de Périnatalité 2005 et les médecins de famille doivent être acteurs principaux de cette pièce de vie. Ceci est bénéfique pour les patientes et les couples et permet revalorisation de la fonction de médecin de famille. Cette collaboration est aussi bénéfique et recherchée par les professionnels de la naissance.
Le suivi de femmes enceintes ne doit pas être stressant pour le médecin en ville, car il peut à tout moment prendre conseil auprès de la maternité si la lecture de ce chapitre ne répond pas à ses questions.
En pratique, il est important d’adresser en obstétrique, en début de grossesse, toutes femmes enceintes à risque afin d’établir le calendrier de suivi de cette grossesse. Le suivi s’organisera ensuite en collaboration entre le médecin de famille et la maternité.
Encadré 12. Femmes enceintes à adresser dès le début de grossesse pour avis obstétrical
Femmes avec antécédents de :
Fausses couches à répétition
Grossesse pathologique (HTA, diabète, MAP…)
D’accouchement difficile (césarienne, réanimation néonatale, infection, souffrance néonatale avec ou sans séquelle)
Pathologie foetale : malformation, RCIU, macrosomie Pathologie maternelle préexistante : épilepsie, sclérose en plaques, colites inflammatoires, hémoglobinopathie, vascularites, diabète, HTA, maladies thrombotiques etc.
Grossesse à risque :
Grossesse gémellaire ou multiple
Grossesse avant 18 ans et après 35 ans
Grossesse et contexte psychosocial défavorable ou précaritéEncadré 13. Femmes enceintes à adresser pendant la grossesse ± urgence
Aux urgences
MAP
Métrorragies du 2e et 3e trimestre
Perte de liquide (rupture des membranes)
Baisse des mouvements actifs foetaux
HTA
Vomissements du 2e et 3e trimestre
Diabète gestationnel
Fièvre et maladies infectieuses
Eruptions cutanées
Notion de contage rubéoleux, varicelleux etc.
Séroconversion ou suspicion de toxoplasmose
Vomissements incoercibles du 1er trimestre
En consultation rapide
RAI positive
Difficultés pour l’interprétation de sérologie
Doute sur compte rendu d’échographie
Fin de grossesse sans suivi à la maternité
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