La réaction inflammatoire est responsable d’un syndrome à la fois clinique et biologique. Ses mécanismes sont complexes, résultant de phénomènes cellulaires et humoraux. La majorité des auteurs définissent la réaction inflammatoire, qui peut être locale ou générale, comme un phénomène de défense non spécifique répondant à une agression, et qui vise à maintenir l’intégrité du soi. Il faut distinguer la réaction inflammatoire de la réponse immune, bien qu’il y ait un lien étroit avec celle-ci puisque la réaction inflammatoire est impliquée dans l’immunité naturelle et qu’elle favorise l’induction de la réponse immune spécifique.
Toutes les causes d’agression cellulaire peuvent déclencher une réaction inflammatoire. Les agents initiateurs le plus souvent rencontrés sont l’hypoxie (par ischémie le plus souvent), les agents physiques (par exemple les traumatismes, les brûlures, les gelures, les radiations), les agents chimiques (par exemple les substances caustiques), les agents microbiens (par exemple les exotoxines et endotoxines des bactéries, l’effet cytopathogène des virus), les réactions immunologiques (par exemple les maladies auto-immunes). Parfois, la cause de l’inflammation peut être inconnue. Certaines cytokines ont un rôle central dans l’induction de la réaction inflammatoire. Les cytokines sont des polypeptides solubles qui transmettent des messages de cellules à cellules. Elles sont sécrétées par des cellules activées lors de la réaction inflammatoire. Une même cytokine peut être sécrétée par des types cellulaires variés. De même, ses cibles et ses fonctions sont le plus souvent multiples.
Les principales cytokines de la réaction inflammatoire sont l’interleukine 6 (IL-6), l’interleukine 1 (IL-1), le Tumor Necrosis Factor α (TNFα), l’interféron γ (IFNγ) et le Transforming Growth Factor β (TGFβ). Ces cytokines, IL-6 en tête, stimulent la synthèse hépatique des protéines de l’inflammation et sont responsables des signes cliniques du syndrome inflammatoire décrits ci dessous.
DIAGNOSTIC :
Manifestations cliniques :
Réaction inflammatoire localisée :
Depuis plusieurs siècles, rubor, calor, tumor et dolor (rougeur, chaleur, tuméfaction, douleur), les quatre signes cliniques cardinaux de l’inflammation, figurent dans les traités de médecine.
Ces signes cliniques qui répondent à une réaction inflammatoire localisée sont cependant inconstants, et, selon l’étiologie, de nombreuses réactions inflammatoires s’expriment uniquement par des manifestations cliniques générales.
Signes généraux :
La fi èvre qui accompagne de nombreuses réactions inflammatoires peut s’expliquer par l’action directe sur les centres thermorégulateurs hypothalamiques de substances pyrogènes provenant de l’agent agresseur, par exemple le lipopolysaccharide des bactéries à gram négatif. Mais plus souvent, ce sont des cytokines pyrogènes synthétisées dans le contexte de la réaction inflammatoire qui interviennent. Ces cytokines agissent au niveau de certaines structures endothéliales de l’hypothalamus où elles déclenchent la sécrétion de prostaglandine E2 (PGE2).
Les cytokines de la réaction inflammatoire sont également responsables des autres signes cliniques généraux du syndrome inflammatoire : asthénie, somnolence, anorexie, amaigrissement, retard staturo-pondéral chez l’enfant. Enfin, un dépôt tissulaire de protéine AA peut compliquer certaines réactions inflammatoires persistantes (par exemple lors des infections chroniques ou lors de maladies inflammatoires comme la polyarthrite rhumatoïde), aboutissant à une amylose A. La protéine AA dérive de la protéine amyloïde sérique A (SAA) dont la concentration augmente lors de la réaction inflammatoire.
Manifestations biologiques :
Elles s’observent de façon d’autant plus nette que le syndrome inflammatoire évolue depuis longtemps.
Hyposidérémie et hyperferritinémie :
Elles résultent d’une séquestration du fer dans les macrophages. La ferritine augmente lors de la réaction inflammatoire, pouvant même souvent masquer une réelle carence martiale qui serait associée à la réaction inflammatoire (par exemple dans un cancer du colon s’accompagnant à la fois d’une réaction inflammatoire et d’un saignement chronique). Dans ce cas le dosage de la transferrine, ou mieux du récepteur soluble de la transferrine, apportera une information utile.
Anémie :
Elle est arégénérative, normocytaire puis microcytaire si l’inflammation persiste. Il est toutefois rare que le taux d’hémoglobine soit inférieur à 8 g/dL.
Hyperplaquettose :
Elle peut atteindre 106 plaquettes/mm3, et peut atteindre son taux maximum à la phase de convalescence, c’est-à-dire qu’elle peut continuer à se majorer pendant plusieurs jours alors que la maladie est guérie (hyperplaquettose dite « de rebond », ou « postinfectieuse »). Il n’y a pas de recommandation sur l’attitude thérapeutique devant une thrombocytose réactionnelle intense. La majorité des praticiens ne proposent pas de traitement antiagrégant en dehors d’autres facteurs de risques de thrombose associés (par exemple alitement ou antécédents thromboemboliques).
Hyperleucocytose :
Elle est inconstante, souvent peu marquée, et très dépendante de l’étiologie de la réaction inflammatoire. Elle peut être très importante lors des réactions inflammatoires qui accompagnent certaines maladies infectieuses bactériennes (en particulier en cas d’abcédation profonde) ou certaines maladies systémiques (la maladie de Still tout particulièrement). À l’inverse, certaines réactions inflammatoires s’accompagnent d’une leucopénie (par exemple une infection virale ou un lupus érythémateux disséminé).
Perturbations biologiques hépatiques :
Une élévation des phosphatases alcalines d’origine hépatique s’observe au cours de certaines réactions inflammatoires importantes, par exemple en cas d’infection bactérienne, lors de cancers du rein (alors qu’il n’y a pas de métastase hépatique), ou dans la maladie de Horton.
Mise en évidence du syndrome inflammatoire :
Il n’y a pas de règle précise de prescription des examens complémentaires pour établir le diagnostic de réaction inflammatoire. Leur prescription sera souvent fonction des possibilités du laboratoire local. La protéine C-réactive (CRP) est la mesure la plus souvent utilisée, elle est préférée en raison de sa cinétique très rapide et synchrone du processus inflammatoire, et de sa plus grande fiabilité que la vitesse de sédimentation (VS). Pour beaucoup d’auteurs, l’augmentation de la CRP suffit pour affirmer le syndrome inflammatoire. Pour d’autres, il faut, en plus de l’augmentation de ce marqueur, observer l’augmentation d’au moins une autre protéine de la réaction inflammatoire (PRI) : haptoglobine, orosomucoïde, fibrinogène. La VS est également facilement utilisée, mais cet examen a ses limites.
Vitesse de sédimentation des hématies :
La VS normale augmente avec l’âge et est plus élevée dans le sexe féminin. À partir d’une large population d’adultes âgés de 20 à 65 ans, une formule simple a été établie pour calculer la limite supérieure de la VS normale en fonction de l’âge et du sexe :
– pour les hommes : [âge en années]/ 2 ;
– pour les femmes : [âge en années + 10]/ 2.
Si la VS a l’avantage de sa simplicité de réalisation et de son faible coût, cette méthode a l’inconvénient de n’être pas toujours sensible, ni spécifique : il existe des réactions inflammatoires s’accompagnant d’une VS normale, et des augmentations de la VS alors qu’il n’y a pas d’inflammation.
Attention : une VS élevée n’est pas synonyme de réaction inflammatoire, de même qu’une VS normale n’écarte pas de façon certaine l’existence d’une réaction inflammatoire. La VS ne peut donc s’interpréter qu’en recourant à des dosages plus spécifiques : immunoglobulines et protéines de la réaction inflammatoire.
Protéines de la réaction inflammatoire :
Les PRI peuvent se définir comme des protéines dont la concentration plasmatique varie d’au moins 25 % dans les 5 à 7 premiers jours suivant le début de l’inflammation. Il peut s’agir surtout d’augmentation, mais aussi de diminution :
– les PRI les plus utiles à la mise en évidence de la réaction inflammatoire sont celles dont le taux augmente, en pratique clinique la CRP avant tout, mais aussi l’orosomucoïde, l’haptoglobine et le fibrinogène ; du rein (alors qu’il n’y a pas de métastase hépatique), ou dans la maladie de Horton.
Mise en évidence du syndrome inflammatoire :
Il n’y a pas de règle précise de prescription des examens complémentaires pour établir le diagnostic de réaction inflammatoire. Leur prescription sera souvent fonction des possibilités du laboratoire local. La protéine C-réactive (CRP) est la mesure la plus souvent utilisée, elle est préférée en raison de sa cinétique très rapide et synchrone du processus inflammatoire, et de sa plus grande fiabilité que la vitesse de sédimentation (VS). Pour beaucoup d’auteurs, l’augmentation de la CRP suffit pour affirmer le syndrome inflammatoire. Pour d’autres, il faut, en plus de l’augmentation de ce marqueur, observer l’augmentation d’au moins une autre protéine de la réaction inflammatoire (PRI) : haptoglobine, orosomucoïde, fibrinogène. La VS est également facilement utilisée, mais cet examen a ses limites.
Vitesse de sédimentation des hématies :
La VS normale augmente avec l’âge et est plus élevée dans le sexe féminin. À partir d’une large population d’adultes âgés de 20 à 65 ans, une formule simple a été établie pour calculer la limite supérieure de la VS normale en fonction de l’âge et du sexe :
– pour les hommes : [âge en années]/ 2 ;
– pour les femmes : [âge en années + 10]/ 2.
Si la VS a l’avantage de sa simplicité de réalisation et de son faible coût, cette méthode a l’inconvénient de n’être pas toujours sensible, ni spécifique : il existe des réactions inflammatoires s’accompagnant d’une VS normale, et des augmentations de la VS alors qu’il n’y a pas d’inflammation.
Attention : une VS élevée n’est pas synonyme de réaction inflammatoire, de même qu’une VS normale n’écarte pas de façon certaine l’existence d’une réaction inflammatoire. La VS ne peut donc s’interpréter qu’en recourant à des dosages plus spécifiques : immunoglobulines et protéines de la réaction inflammatoire.
Protéines de la réaction inflammatoire :
Les PRI peuvent se définir comme des protéines dont la concentration plasmatique varie d’au moins 25 % dans les 5 à 7 premiers jours suivant le début de l’inflammation. Il peut s’agir surtout d’augmentation, mais aussi de diminution :
– les PRI les plus utiles à la mise en évidence de la réaction inflammatoire sont celles dont le taux augmente, en pratique clinique la CRP avant tout, mais aussi l’orosomucoïde, l’haptoglobine et le fibrinogène ;
– les PRI dont le taux s’abaisse lors de la réaction inflammatoire (les PRI « négatives ») sont l’albumine, la préalbumine, et la transferrine.
Électrophorèse des protéines sériques :
L’augmentation des PRI peut être mise en évidence, de façon assez grossière, par l’électrophorèse des protéines sériques qui montre une augmentation des α1-globulines (comme l’orosomucoïde) et surtout des α2-globulines (comme l’haptoglobine). En fait, cette électrophorèse peut apparaître normale si la réaction inflammatoire est modérée. La CRP migre en zone γ mais ses concentrations sont trop faibles pour que des modifications de son taux soient visibles sur le tracé électrophorétique. Le fibrinogène, composant du plasma, n’est pas étudié par cette technique réalisée avec du sérum.
Attention : un des principaux intérêts de l’électrophorèse des protéines sériques est de permettre la mise en évidence d’une élévation polyclonale ou monoclonale des immunoglobulines qui, comme on l’a vu, peut augmenter la VS à elle seule.
Protéine C-réactive :
La protéine C-réactive se distingue des autres PRI par sa cinétique très rapide : elle augmente dès la 6e heure d’une réaction inflammatoire, et se normalise en quelques jours après sa disparition.
Cette propriété permet d’apprécier rapidement l’efficacité d’une thérapeutique lors d’une réaction inflammatoire, alors que le retour à la normale de la VS, de l’haptoglobine ou du fibrinogène peut demander plus de 2 ou 3 semaines.
Attention : on prête souvent à la CRP une faculté de triage : « élevée dans les infections bactériennes et pas dans les infections virales », ou encore « élevée en cas de complication infectieuse mais pas en cas de poussée de la maladie chez les patients lupiques ». Même si ce type d’assertion peut être intégré dans une démarche diagnostique, il faut utiliser avec prudence ces notions trop caricaturales et surtout ne jamais baser une décision diagnostique (par exemple écarter une appendicite devant une CRP normale) ou thérapeutique (par exemple décider d’une antibiothérapie parce que la CRP est élevée) sur ce seul paramètre. En effet, comme avec tout examen complémentaire, ce sont les données d’anamnèse et d’examen clinique qui priment pour la décision diagnostique et thérapeutique, le résultat d’un dosage biologique pouvant être pris en défaut.
Fraction C3 du complément :
La fraction C3 du complément est une PRI à cinétique lente. Sa concentration augmente lors de la réaction inflammatoire. L’intérêt de son dosage est de rechercher, dans un contexte de réaction inflammatoire déjà établi, une diminution alors « paradoxale » de sa concentration.
Cette diminution oriente alors vers certaines maladies : endocardite d’Osler, lupus érythémateux systémique en poussée, certaines glomérulonéphrites, cryoglobulinémie.
Procalcitonine :
Des études récentes rapportent l’intérêt du dosage de la procalcitonine dans l’évaluation des états inflammatoires. Cette prohormone de la calcitonine n’est actuellement pas partout dosée en pratique courante. La place de son dosage dans l’investigation d’une réaction inflammatoire reste à déterminer. La majorité des publications rapporte une augmentation spécifique du taux sérique de ce marqueur lors des infections bactériennes systémiques. Toutefois, répétons qu’un dosage biologique peut être pris en défaut et que ce sont les données d’anamnèse et d’examen clinique qui priment pour la décision diagnostique et thérapeutique.
Profil protéique :
Le résultat du dosage simultané des PRI peut être présenté de façon groupée, sous forme d’un graphe appelé profil protéique. Les résultats y sont exprimés en pourcentage des valeurs normalisées, ce qui permet de corréler les modifications des taux sériques des protéines les unes aux autres, et d’intégrer les informations apportées par ces modifications de concentration. Ce profil, qualifié « d’orientation étiopathogénique » peut regrouper 10 protéines : 3 protéines de la réaction immunitaire humorale (IgM, IgG, IgA), 4 PRI positives (CRP, orosomucoïde, haptoglobine, complément C3), et 3 PRI négatives (albumine, préalbumine, transferrine). Il s’agit d’un examen très riche en information, mais coûteux et donc prescrit en cas de problème diagnostique.
Modification des protéines de la réaction inflammatoire hors de la réaction inflammatoire :
D’autres causes que la réaction inflammatoire peuvent faire varier la concentration plasmatique des PRI :
– bien que l’albumine puisse descendre jusqu’à 22 g/L lors de la réaction inflammatoire, au dessous de ce chiffre il faut par prudence rechercher une autre cause d’hypoalbuminémie : insuffisance hépatocellulaire, malnutrition, malabsorption ; fuite urinaire, capillaire, digestive ou cutanée ;
– si la transferrinémie augmente (au lieu de baisser parallèlement à l’albuminémie lors de la réaction inflammatoire), il faut rechercher une carence martiale ;
– si l’haptoglobine chute (au lieu d’augmenter parallèlement avec l’orosomucoïde lors de la réaction inflammatoire), il faut rechercher une hémolyse ;
– le fibrinogène peut diminuer lors d’une corticothérapie, s’il est consommé lors d’une activation de la coagulation (par exemple une coagulation intravasculaire disséminée) ou dans le cadre d’un syndrome d’activation macrophagique.
Il peut au contraire augmenter avec une oestrogénothérapie, ou en cas d’insuffisance rénale où il est habituel d’observer une augmentation de la VS ;
– l’insuffisance hépatocellulaire diminue la concentration de toutes les PRI, par défaut de synthèse ;
– le syndrome néphrotique s’accompagne d’une augmentation de synthèse des PRI, mais ne modifie pas la CRP. Les taux d’haptoglobine et de fibrinogène sont donc élevés. En revanche, les taux d’albumine et d’orosomucoïde sont abaissés : l’augmentation de leur synthèse hépatique est masquée par leur fuite urinaire importante, due à leur faible poids moléculaire ;
– l’orosomucoïde se complexe aux molécules basiques, en particuliers certains médicaments : par exemple antibiotiques, β-bloquants ou furosémide. Un effondrement de l’orosomucoïde peut ainsi être observé chez les patients polymédicamentés.
Quand rechercher un syndrome inflammatoire :
En pratique, la recherche d’une réaction inflammatoire se fera dans trois situations cliniques :
– chez un patient présentant un symptôme d’étiologie indéterminée (par exemple des arthralgies, une céphalée, une fièvre, un amaigrissement) : la mise en évidence d’une réaction inflammatoire est un argument en faveur d’une pathologie organique ;
– chez un patient présentant une élévation inexpliquée de la VS : la mise en évidence d’une augmentation des PRI confirme l’origine inflammatoire de l’augmentation de la VS. Une électrophorèse des protéines sériques (ou un profil protéique) est de réalisation indispensable ici pour écarter une élévation de la VS due à une anomalie des immunoglobulines ; chez un patient ayant une maladie inflammatoire déjà connue : les paramètres biologiques de la réaction inflammatoire sont utilisés comme marqueurs évolutifs de la maladie, et permettent en particulier d’apprécier l’efficacité des traitements proposés.
Attention : il n’est pas recommandé d’utiliser les marqueurs de la réaction inflammatoire comme « test de dépistage d’un problème de santé » chez des sujets asymptomatiques, en intégrant une VS ou une mesure de la CRP dans un bilan de santé systématique. En d’autres termes, ces marqueurs ne peuvent se concevoir comme des facteurs de risques d’une éventuelle maladie à venir et encore asymptomatique. Il est par exemple bien démontré que la mise en évidence d’une VS élevée chez un patient asymptomatique n’aboutira à aucun bénéfice diagnostic (mais en revanche les explorations auront gâché du temps et de l’argent, sans parler de l’anxiété qu’induit auprès des patients ce genre de situation).
La ferritine n’est pas non plus à utiliser comme marqueur inflammatoire de dépistage.
CONDUITE À TENIR :
Avec une maladie au diagnostic déjà établi :
Il n’y a bien entendu pas d’autre procédure diagnostique à entreprendre dans ce cas. La surveillance de l’évolution de la réaction inflammatoire permet de confirmer les données cliniques de guérison ou d’aggravation. Si l’évolution clinique est discordante par rapport à celle des marqueurs biologiques de la réaction inflammatoire, en particulier si les signes cliniques de la maladie régressent et que les paramètres biologiques de la réaction inflammatoire persistent ou s’altèrent, on recherchera un problème surajouté (par exemple l’apparition d’une complication infectieuse ou d’un cancer chez une patiente traitée pour une maladie de Horton en rémission clinique).
En l’absence d’orientation diagnostique :
L’identification de l’affection sous-jacente constitue un exercice médical souvent très fastidieux, qui s’apparente ou parfois se superpose à la recherche de la cause d’une fièvre prolongée (voir chapitre Fièvre prolongée, partie I).
La démarche diagnostique peut se décomposer comme suit.
Il faut avant tout contrôler la persistance du syndrome inflammatoire :
En effet, il arrive souvent que le syndrome inflammatoire soit découvert au décours d’une maladie bénigne passée inaperçue ou oubliée par le patient : par exemple une infection saisonnière, une gastro-entérite ou une crise de goutte. Ce syndrome inflammatoire ne sera que transitoire. Si, après interrogatoire et examen clinique, le patient est effectivement asymptomatique, il est donc utile de contrôler la persistance du syndrome inflammatoire, avant d’entreprendre un bilan étiologique sophistiqué. Le dosage de la CRP sera ici plus utile que la VS qui peut rester élevée plusieurs semaines après la disparition de la réaction inflammatoire.
L’enquête commence toujours avec les données d’anamnèse et d’examen clinique :
Si le syndrome inflammatoire persiste, il faut alors toujours commencer l’enquête par le recueil minutieux des données d’anamnèse et d’examen clinique. C’est l’étape première et primordiale de la démarche diagnostique. Cette analyse clinique permet parfois de porter un diagnostic, et surtout est indispensable pour guider la stratégie de prescription des examens complémentaires.
Il ne faudra pas oublier de peser le patient dès la première consultation, l’évolution de la courbe pondérale étant un élément important pour l’appréciation de la gravité et la prise de décision d’éventuels traitements empiriques ou explorations agressives. L’examen clinique sera complet, de la tête aux pieds, incluant les touchers pelviens. Passer en revue l’ensemble des anomalies cliniques qui pourraient être mises en évidence dans le contexte de l’examen clinique d’un patient présentant un syndrome inflammatoire persistant sans cause évidente serait particulièrement indigeste et peu didactique. En revanche, on peut citer certains signes cliniques auxquels il faut tout particulièrement prêter attention (Tableau I), car pouvant facilement passer inaperçus.
Les examens complémentaires sont prescrits en s’appuyant sur l’analyse clinique :
Les examens complémentaires seront orientés par les données cliniques, bien que certains seront systématiquement prescrits (Encadré 1). Il n’est pas pertinent de vouloir citer une liste exhaustive des examens complémentaires qui peuvent être prescrits chez un patient présentant un syndrome inflammatoire persistant d’étiologie indéterminée. Cette liste serait probablement incomplète pour certains patients, mais surtout proposerait des examens inutiles pour la majorité des patients. Il faut ici rappeler que le risque d’obtenir un résultat de test faussement positif est d’autant plus élevé que les investigations se multiplient1. Comme toujours, quand on interprète un résultat d’examen complémentaire, il faut s’assurer qu’il est cohérent avec les données cliniques. Il ne faut donc prescrire que des examens complémentaires qui se justifient par les données de l’interrogatoire et de l’examen physique. Toutefois, si aucune piste ne peut être évoquée et que la réaction inflammatoire persiste, la pratique d’un scanner (thoraco-)abdomino-pelvien sera systématique (recherche de cancer profond ou de lymphome), de même que la réalisation d’une biopsie de l’artère temporale chez un sujet de plus de 60 ans (en raison de la fréquence de la maladie de Horton).
1. Si par exemple les valeurs bornes d’un test sont déterminées de façon à inclure 95 % de la population normale, on peut s’attendre à ce que 1 individu normal sur 20 ait un résultat dont la valeur soit hors de ces bornes, autrement dit un faux positif. Si on multiplie les tests, le risque d’obtenir un faux positif augmente d’autant.
Encadré 1. Examens complémentaires prescrits pour le diagnostic d’une réaction inflammatoire persistante et inexpliquée (liste indicative)
Prescription systématique de première intention
Biologie hépatique
Créatininémie
Examen cytobactériologique des urines
Échographie abdominale
Électrophorèse des protéines sériques
Hémocultures systématiques
Intradermoréaction tuberculine
Lactase déshydrogénase, créatine phosphokinase
Numération formule sanguine et plaquettes, avec frottis
Protéinurie
Radiographie du thorax
Prescription orientée par les données cliniques
Anticorps antineutrophiles cytoplasmatiques
Anticorps antinucléaires, facteur rhumatoïde
Coloscopie
Biopsie médullaire, myélogramme
Écho-Doppler veineux des membres inférieurs
Échographie cardiaque
Examen ophtalmologique
Radiographie des sinus et panoramique dentaire
Fibroscopie bronchique
Fibroscopies oesogastroduodénale
HLA B27 et clichés des sacro-iliaques
Marqueurs tumoraux
Sérologies infectieuses, sans oublier le virus de l’immunodéficience humaine
Transit du grêle
Tubages gastriques (BK)
Scanner thoraco-abdomino-pelvien*
Biopsie d’artère temporale*
* Ces examens peuvent être prescrits d’emblée en l’absence d’éléments d’orientation si la réaction inflammatoire persiste et reste isolée.
Que faire quand tout reste négatif ?
Tout d’abord, il faut savoir reprendre l’interrogatoire et l’examen clinique en entier, car de nouveaux éléments cliniques ont pu apparaître avec le temps. Également, il ne faut pas hésiter à faire appel à d’autres collègues qui apporteront une analyse neuve et souvent utile de la situation, ne serait-ce que pour conforter sa propre démarche. En l’absence de diagnostic étiologique, la conduite à tenir se décidera au cas par cas, guidée par l’état clinique du patient.
Schématiquement, deux attitudes seront envisagées.
Simple surveillance clinique et biologique :
Soit on décide d’une simple surveillance clinique et biologique : c’est possible si l’état clinique du patient est satisfaisant, s’il n’y a aucun signe de gravité, pas d’atteinte de l’état général ni d’atteinte viscérale menaçante. Le temps qui passe sera parfois un « examen complémentaire » utile, permettant de voir émerger de nouveaux signes qui orienteront le diagnostic. Souvent on restera sans diagnostic étiologique, en sachant que le pronostic des réactions inflammatoires persistantes inexpliquées est habituellement satisfaisant, l’évolution se faisant le plus souvent vers la guérison en quelques semaines sans séquelles.
Traitement d’épreuve :
Soit on décide d’instaurer un traitement d’épreuve : c’est l’état clinique du patient qui y contraint, par l’apparition d’une altération de l’état général source d’une impotence fonctionnelle et/ou d’une cachexie qui n’autorise plus l’attente. Deux principaux traitements sont à discuter : une corticothérapie ou un traitement antituberculeux. Le choix n’est jamais aisé, et comporte une part inévitable d’arbitraire, et probablement d’intuition et d’expérience clinique. Il s’aidera des données cliniques et épidémiologiques : par exemple le risque élevé d’exposition à la tuberculose chez un patient originaire d’un pays à bas niveau d’hygiène, ou encore la possibilité d’une maladie de Horton avec biopsie d’artère temporale négative chez le sujet âgé. Pour le traitement antituberculeux, certaines équipes recommandent d’utiliser une trithérapie par isoniazide, pyrazinamide et éthambutol, c’est-à-dire ne comportant que des antituberculeux spécifiques (donc pas de rifampicine qui peut agir sur d’autres bactéries), dans le but d’améliorer l’interprétabilité du test thérapeutique. Ce traitement devra être poursuivi pendant trois mois au moins avant de pouvoir juger de son efficacité. Pour la corticothérapie, elle ne s’envisage qu’après avoir écarté une étiologie infectieuse. Il n’y a pas de recommandation quant à la dose à utiliser, celle-ci sera adaptée à la gravité de la situation clinique. Une posologie d’attaque équivalente à celle utilisée dans la maladie de Horton, soit 0,7 mg/kg/j, pourrait représenter une dose adéquate chez l’adulte. Si elle est favorable, la réponse thérapeutique est habituellement rapide (en quelques jours) ; il n’y a probablement aucun intérêt à poursuivre le traitement plus de 15 jours en l’absence d’amélioration.
Rappelons qu’il faut rester prudent dans l’interprétation de l’amélioration, la corticothérapie ayant de façon non spécifique un effet favorable sur la fièvre et sur le taux des PRI.
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