L’hépatite C est une maladie relativement fréquente.
On estime que 3 % de la population mondiale a une infection chronique par le virus de l’hépatite C ( VHC) et que le VHC est responsable d’environ 20 % des cas d’hépatites aiguës et de 70 % des cas d’hépatites chroniques.
L’hépatite chronique C est une cause majeure de cirrhose et de cancer primitif du foie (carcinome hépatocellulaire). En outre, la cirrhose décompensée liée à l’hépatite C est la première cause de transplantation hépatique en Europe.
L’évolution silencieuse de la maladie et la fréquence élevée de passage à la chronicité expliquent l’existence d’un grand réservoir de sujets infectés. Ainsi, bien que le VHC ne soit pas très contagieux, il est transmis largement, essentiellement par voie parentérale.
L’hépatite aiguë C est habituellement asymptomatique, ce qui explique que le diagnostic soit rarement fait au stade aigu de la maladie.
L’hépatite chronique est également généralement asymptomatique et son diagnostic est fortuit dans la plupart des cas, parfois à un stade tardif de la maladie. La sévérité de la maladie hépatique liée au VHC est très variable mais peut, dans certains cas, être responsable d’une cirrhose puis d’un carcinome hépatocellulaire, dans un délai qui varie de quelques années à plusieurs décades.
DIAGNOSTIC :
Hépatite aiguë :
Le VHC est essentiellement transmis par le sang.
L’hépatite aiguë C post-transfusionnelle est devenue extrêmement rare et la plupart des sujets sont maintenant infectés par usage de drogues par voie intraveineuse. Le tableau clinique de l’hépatite aiguë C a surtout été décrit chez les patients transfusés. Aussi, les caractéristiques de l’hépatite aiguë C liée à d’autres modes d’infection, comme l’usage de drogues par voie intraveineuse ou l’exposition nosocomiale ou professionnelle, sont mal connues.
La période d’incubation et la sévérité de l’hépatite aiguë pourraient être liées à l’importance de l’inoculum. L’incubation moyenne, d’après les études prospectives post-transfusionnelles, est de 7 à 8 semaines, mais elle peut être très variable (2 à 26 semaines). La phase prodromique est rare. L’hépatite aiguë C n’est ictérique que dans une minorité de cas (20 %) et est anictérique avec absence ou peu de symptômes dans la plupart des cas (80 %).
Les symptômes ne sont pas spécifiques : fatigue, nausées, douleurs de l’hypochondre droit, suivies par l’apparition d’urines foncées et d’un ictère.
Ils sont semblables à ceux observés au cours d’autres hépatites virales. Ainsi, le diagnostic clinique de l’hépatite aiguë C est rarement fait.
Le diagnostic est fondé sur la sérologie virale.
L’hépatite aiguë sévère est rare. Dans les formes symptomatiques, la maladie dure généralement de 2 à 12 semaines.
Le premier marqueur de l’infection par le VHC est l’apparition d’ARN viral détectable dans le sérum par PCR (Polymerase Chain Reaction) dès la première semaine après la contamination (5-7). Les anticorps anti-VHC sont détectables au stade aigu de l’hépatite dans la plupart des cas mais, dans certains cas, la séroconversion survient tardivement, une à plusieurs semaines après le pic des transaminases. Les transaminases s’élèvent avant l’apparition des symptômes.
Le pic des transaminases est le plus souvent supérieur à 10 fois la normale, même si des valeurs plus basses peuvent être observées.
En cas de guérison de l’hépatite aiguë C, les transaminases se normalisent et l’ARN viral devient indétectable ; les anticorps anti-VHC diminuent très progressivement mais restent détectables pendant de nombreuses années. En cas de passage à la chronicité, les transaminases peuvent se normaliser ou rester discrètement ou modérément élevées. Cependant, l’ARN viral reste détectable (Fig. 1).
La guérison spontanée de l’hépatite aiguë C n’est observée que dans 20 % des cas environ.
Chez la plupart des patients, l’infection devient chronique. La fréquence du passage à la chronicité est de l’ordre de 80 %. La grande fréquence du passage à la chronicité est liée à la forte variabilité génomique du VHC. La multiplication du virus, dont le génome est un ARN, entraîne des mutations permanentes qui lui permettent d’échapper à la réponse immunitaire.
Hépatite chronique :
On peut distinguer trois formes d’hépatite chronique C : l’hépatite chronique avec transaminases normales ;
– l’hépatite chronique minime ;
– l’hépatite chronique modérée ou sévère.
Hépatite chronique avec transaminases normales :
Un certain nombre de patients, ayant une infection chronique par le VHC, ont des transaminases normales en permanence malgré la présence d’une virémie détectable (ARN viral détectable par PCR dans le sérum). Ces patients sont souvent identifiés lors d’un dépistage. Ce groupe représente environ 25 % des patients porteurs chroniques du VHC. La définition de ce groupe de patients doit être stricte : positivité des anticorps anti-VHC, positivité de l’ARN VHC par PCR et transaminases strictement normales. Cela nécessite au moins trois dosages des transaminases sur une période d’au moins 6 mois.
Ces patients n’ont habituellement aucun symptôme, mais environ 90 % d’entre eux ont des lésions d’hépatite chronique à la biopsie hépatique.
Cependant, les lésions histologiques hépatiques sont généralement minimes et les lésions sévères, en particulier la cirrhose, sont rares en l’absence d’autres facteurs hépatotoxiques (antécédents de consommation excessive d’alcool, co-infection VIH). Les caractéristiques virologiques de ces patients (génotype et charge virale) ne semblent pas différentes de celles observées chez les patients atteints d’hépatite chronique C avec transaminases élevées. L’évolution à long terme de ce groupe de patients n’est pas connue, et une surveillance régulière des transaminases (deux fois par an) est recommandée, bien que le pronostic paraisse a priori tout à fait favorable.
Hépatite chronique minime :
Un autre groupe de patients atteints d’hépatite chronique C est caractérisé par une maladie du foie minime avec de l’ARN viral détectable dans le sérum par PCR et des transaminases très modérément élevées, parfois fluctuantes et transitoirement normales. La biopsie hépatique montre des lésions d’activité et de fibrose minimes.
Ce groupe de patients représente actuellement environ 50 % des patients atteints d’hépatite chronique C.
Ces patients sont généralement asymptomatiques mais peuvent se plaindre, dans certains cas, d’une fatigue anormale. Ce type d’hépatite chronique C évolue généralement très lentement et le risque, à long terme, de développer une cirrhose est faible. L’hépatite chronique minime est la forme la plus fréquente d’hépatite chronique C chez les patients jeunes. Cependant, une minorité de ces patients peut éventuellement développer ultérieurement une maladie plus évolutive.
Hépatite chronique modérée ou sévère :
Le troisième groupe de patients atteints d’une hépatite chronique modérée ou sévère représente environ 25 % des patients atteints d’hépatite chronique C. Ces patients sont difficiles à distinguer de ceux atteints d’une hépatite chronique minime. Cliniquement, bien que la maladie hépatique soit plus sévère, la plupart des patients sont asymptomatiques et, s’il existe une fatigue, l’intensité de celle-ci n’est pas corrélée à la sévérité de la maladie.
L’examen clinique est généralement normal. En outre, bien que ces patients aient tendance à avoir des transaminases plus élevées que les patients atteints d’hépatite chronique minime, le taux des transaminases n’est pas un facteur pronostique pour un malade donné. Une augmentation de la gamma-GT, de la ferritine ou des immunoglobulines, ou une thrombopénie sont les indices d’une maladie plus sévère, mais ils ne sont pas toujours présents. L’échographie hépatique peut apporter des informations utiles mais elle est le plus souvent normale. Ainsi, la biopsie hépatique est l’examen le plus fiable pour distinguer l’hépatite chronique modérée ou sévère de l’hépatite chronique minime. Elle permet d’établir le pronostic et l’indication du traitement.
La biopsie hépatique montre des lésions plus marquées d’activité et une fibrose plus ou moins extensive. Cette forme d’hépatite chronique C est plus fréquente et progresse plus vite chez les patients âgés, chez les hommes et chez les patients ayant un cofacteur tel que l’alcool ou un déficit immunitaire. En particulier, chez les patients ayant une co-infection VIH-VHC, la fibrose progresse plus rapidement. On estime qu’environ 20 % des malades atteints d’hépatite chronique développeront une cirrhose en 20 ans (Fig. 2). Dans certains cas, la biopsie faite lors du premier bilan met déjà en évidence l’existence d’une cirrhose. La fiabilité des marqueurs sériques de fibrose est en cours d’évaluation.
Cirrhose et carcinome hépatocellulaire :
La cirrhose induite par l’hépatite chronique C peut rester silencieuse pendant de nombreuses années. Les signes d’hypertension portale ou d’insuffisance hépatocellulaire apparaissent tardivement. Ainsi la cirrhose, habituellement asymptomatique, est le plus souvent découverte lors de la biopsie hépatique. Dans d’autres cas, la cirrhose est diagnostiquée à l’occasion d’une complication (hémorragie par rupture de varices oesophagiennes, ascite, ictère, encéphalopathie).
Dans certains cas, le diagnostic de cirrhose est fait au stade de carcinome hépatocellulaire.
L’examen clinique, l’échographie et les tests hépatiques peuvent suggérer l’existence d’une cirrhose.
Chez les patients ayant une cirrhose liée à une hépatite chronique C, la mortalité liée à l’hypertension portale, l’insuffisance hépatocellulaire ou le carcinome hépatocellulaire est de l’ordre de 2 % à 5 % par an. La cirrhose décompensée due à l’hépatite chronique C est la deuxième cause de transplantation hépatique en France (après la cirrhose alcoolique) et la première cause en Europe. En cas de cirrhose, l’incidence du carcinome hépatocellulaire est élevée (3 % à 10 % par an) et justifie un dépistage systématique par échographie et dosage de l’alphafoetoprotéine tous les 6 mois. Le carcinome hépatocellulaire est exceptionnel en l’absence de cirrhose ; il survient habituellement sur une cirrhose compensée et reste asymptomatique longtemps.
Manifestations extrahépatiques :
De nombreuses manifestations extrahépatiques ont été décrites en association avec l’infection par le VHC. Certaines sont bien démontrées alors que d’autres pourraient être fortuites (Tableau I).
La maladie la plus clairement liée au VHC est la cryoglobulinémie mixte. Bien qu’une cryoglobulinémie détectable soit fréquente chez les patients atteints d’hépatite chronique C (50 % des cas), celle-ci est habituellement asymptomatique.
Le syndrome clinique de cryoglobulinémie avec arthralgies, syndrome de Raynaud et purpura (jambes) est rare (1 % à 5 % des cas). La glomérulonéphrite et la neuropathie sont rares et peuvent être sévères. L’infection par le VHC favorise l’expression clinique de la porphyrie cutanée tardive. Le VHC pourrait également jouer un rôle dans certains lymphomes non hodgkiniens de bas grade de malignité. Pour d’autres associations, comme la thyroïdite auto-immune et le lichen plan, le lien de cause à effet avec le VHC n’a pas été prouvé.
TRAITEMENT :
Principes du traitement :
Actuellement, chez le malade avec hépatite C, l’utilisation d’une bithérapie associant l’interféron alpha pégylé et la ribavirine permet d’obtenir une réponse prolongée dans environ 55 % des cas. Avec le recul, il apparaît que la réponse virologique prolongée est durable et qu’elle est associée à un bénéfice histologique et probablement à une diminution du risque de cirrhose et de carcinome hépatocellulaire. L’optimisation des traitements de ces malades passe par une meilleure connaissance des traitements antiviraux actuellement disponibles (interféron pégylé et ribavirine).
Objectifs du traitement :
L’objectif premier du traitement est l’éradication du virus, permettant la guérison de l’infection.
L’autre objectif est de prévenir, stabiliser voire faire régresser les lésions de fibrose hépatique.
Les indications du traitement reposent principalement sur l’évaluation de la sévérité des lésions histologiques du foie et le risque d’évolution vers la cirrhose. Les indications du traitement doivent être modulées par la prise en compte de facteurs individuels tels que l’âge du malade, son état général, les chances de réponse, les comorbidités (Fig. 3). Par ailleurs, les effets secondaires et la diminution de la qualité de vie pendant le traitement doivent être pris en compte. Le bénéfice du traitement n’est pas prouvé pour les malades atteints d’hépatite chronique minime.
Le traitement de maintenance peut être discuté chez les malades avec absence de réponse virologique mais avec réponse biochimique.
Les indications du traitement reposent principalement sur l’évaluation de la sévérité des lésions histologiques (pronostic). Les indications du traitement doivent être modulées par la prise en compte de facteurs individuels tels que l’âge physiologique de patient, les comorbidités, les chances de réponse (génotype). Par ailleurs, les effets secondaires et la diminution de la qualité de vie pendant le traitement doivent être pris en compte.
Résultats du traitement : réponse virologique prolongée
Association interféron pégylé et ribavirine :
Des études récentes ont montré la supériorité de l’association interféron pégylé (IFN-PEG) et ribavirine par rapport à l’association IFN et ribavirine.
Deux essais randomisés incluaient au total 2 651 malades avec une réponse virologique prolongée globale d’environ 55 %. Pour ces deux études, le taux de réponse virologique prolongée est de l’ordre de 80 % en cas d’infection par un génotype 2 ou 3, et de l’ordre de 50 % en cas d’infection par un génotype 1. En cas d’infection par un génotype 2 ou 3, un traitement de 24 semaines avec une posologie de ribavirine de 800 mg par jour, entraîne une réponse virologique prolongée de l’ordre de 80 % sans différence par rapport à un traitement de 48 semaines. En cas de génotype 1, si la mesure de la charge virale à la 12e semaine de traitement a montré une disparition ou une réduction de plus de 2 log de l’ARN viral initial. Dans le cas contraire, si l’objectif est l’éradication virale, ce traitement peut être arrêté en raison de la forte probabilité d’échec virologique.
Facteurs prédictifs de réponse au traitement :
Les facteurs préthérapeutiques prédictifs de l’efficacité du traitement sont principalement liés au virus (génotype non-1 et charge virale faible) et à moindre degré au malade : sexe féminin, âge jeune et maladie hépatique peu sévère (fibrose minime ou modérée).
Effets secondaires des interférons et interférons pégylés :
Les effets secondaires sont fréquents, nombreux, mais généralement peu graves et réversibles à l’arrêt du traitement. Le plus fréquent est le syndrome pseudogrippal (fièvre, arthralgies, céphalées, frissons). Il est habituellement modéré et bien contrôlé par le paracétamol. Les autres effets secondaires possibles sont : une asthénie, un amaigrissement, une perte de cheveux, des troubles du sommeil, des troubles de l’humeur avec une irritabilité qui peut avoir des répercussions dans la vie quotidienne, des difficultés de concentration et une sécheresse cutanée.
Certains effets secondaires rares peuvent être graves et doivent être anticipés comme les troubles psychiatriques. Une dépression peut survenir dans environ 10 % des cas. Celle-ci doit être dépistée et traitée car elle peut avoir des conséquences graves (tentative de suicide).
Des décompensations de psychose préexistante peuvent survenir. Une hypo ou une hyperthyroïdie peut se déclarer. Le traitement par IFN est contre-indiqué pendant la grossesse.
La tolérance de l’IFN-PEG en monothérapie est globalement comparable à celle de l’IFN standard.
Les effets secondaires sévères, en particulier psychiatriques, ne sont pas plus fréquents.
Le syndrome grippal et les signes cutanés inflammatoires au point d’injection ainsi que la neutropénie sont un peu plus fréquents. La posologie est diminuée un peu plus souvent avec l’IFN-PEG qu’avec l’IFN essentiellement en raison de l’apparition d’une neutropénie.
Prendre en charge l’anémie associée à la ribavirine :
Le principal effet secondaire de la ribavirine est l’anémie. Une anémie conduit à un arrêt du traitement dans environ 5 % des cas. Une décompensation d’une coronaropathie ou d’une cardiopathie sous jacente, liée à l’anémie, peut survenir. Une consultation de cardiologie est recommandée avant l’instauration du traitement en cas d’antécédent de cardiopathie, voire systématiquement si l’âge est supérieur à 50 ans.
Le traitement par ribavirine est contre-indiqué pendant la grossesse. Un moyen de contraception efficace est nécessaire avant la mise en route et pendant le traitement. Les effets indésirables survenant lors de l’association IFNribavirine apparaissent modérés et semblent correspondre à l’addition des effets indésirables connus pour chacune des 2 molécules. Toutes causes confondues l’arrêt du traitement est nécessaire dans moins de 10 % des cas. La tolérance de la bithérapie avec l’IFN-PEG semble peu différente de celle de la bithérapie standard. La diminution de dose est un peu plus souvent observée sans que l’arrêt du traitement ne soit plus fréquent.
Le maintient de la dose adéquate de ribavirine au cours du premier trimestre de traitement est essentiel pour l’obtention d’une bonne réponse virologique prolongée. La diminution de ribavirine dans les 12 premières semaines n’a d’impact sur la réponse virologique prolongée uniquement si la dose de ribavirine est inférieure à 60 %.
CONCLUSION :
La prise en charge d’un malade atteint d’hépatite chronique C doit être globale, en recherchant tous les facteurs associés à une moins bonne réponse au traitement (telle la consommation excessive d’alcool, l’obésité, l’insulinorésistance) afin de la traiter. Il semble que la probabilité que le traitement soit efficace augmente s’il est débuté à dose optimale avec une surveillance rapprochée permettant d’adapter rapidement les doses afin d’éviter l’arrêt du traitement. Une bonne observance du traitement est fondamentale.
Il faut savoir anticiper de potentielles difficultés psychologiques (état dépressif). Il faut diagnostiquer rapidement les effets indésirables amenant trop souvent une baisse des doses. Les facteurs de croissance et l’érythropoïétine sont une solution pour l’anémie.
Il convient aussi d’améliorer l’efficacité des traitements.
Bien que l’association de la ribavirine à l’IFN-PEG soit sans aucun doute un progrès important, les résultats restent insatisfaisants avec une tolérance mauvaise. Il est probable qu’une meilleure utilisation des drogues disponibles peut permettre d’obtenir des résultats supérieurs.
Le développement de nouvelles molécules s’avère nécessaire, comme les inhibiteurs des enzymes virales (protéases, hélicases et polymérases).