Le diagnostic de l’infection au virus de l’immunodéficience humaine (VIH) demeure en France un problème courant de médecine de ville. Outre la déclaration obligatoire de la maladie sida, mise en place il y a plus de 20 ans, la mise en place de la déclaration obligatoire de l’infection à VIH à partir de 2003 nous donne des renseignements précis sur l’évolution de l’épidémie. On estime que le nombre de personnes infectées par le VIH résidant en France est compris entre 90 000 et 160 000 dont environ 30 % ne connaissent pas leur séropositivité. Le test de dépistage du VIH est un examen largement prescrit dans de multiples circonstances : 5,3 millions de tests ont été réalisés en 2005 en France. Cette même année on estime à 6 700 le nombre de personnes ayant découvert leur séropositivité, le quart de ces personnes ayant été contaminées dans les six mois précédant le diagnostic. Parmi les personnes ayant découvert leur séropositivité VIH en 2005, 51 % ont été contaminées par rapport hétérosexuel, 27 % par rapports homosexuels, et seulement 2 % par usage de drogue injectable.
Les personnes contaminées par voie hétérosexuelle sont en majorité des femmes (57 %) originaires d’Afrique subsaharienne (48 %). Sur le plan virologique, les sous-types non-B du VIH qui sont habituels en Afrique représentent 41 % des cas d’infection diagnostiquées en 2005. Le VIH-2 représente 1,5 % des cas.
L’infection à VIH évolue en 3 stades : primoinfection à VIH qui s’accompagne de symptômes cliniques dans plus de la moitié des cas, phase d’infection chronique habituellement pauci ou asymptomatique, et le stade sida. Les personnes découvertes séropositives en 2005 en France étaient au stade de primo-infection dans 9 % des cas, au stade asymptomatique pour 53 %, 12 % étaient au stade symptomatique non-sida et 16 % ont été diagnostiquées au stade sida (les symptômes n’étaient pas renseignés dans 10 % des cas) (2).
CIRCONSTANCES DU TEST :
En l’absence de symptôme :
Le plus souvent le test de dépistage VIH est effectué en l’absence de tout symptôme : soit au cours d’un bilan (examen prénuptial, grossesse) soit à la demande d’une personne qui a eu dans son passé une circonstance d’exposition possible au VIH : rapport sexuel non protégé, piqûre accidentelle, agression…
Dans le cadre d’un accident récent d’exposition au VIH, la sérologie peut être demandée en urgence avant l’éventuelle prescription hospitalière d’une trithérapie prophylactique de l’infection à VIH ; cette prophylaxie n’est indiquée que si l’accident d’exposition au VIH date de moins de 48 heures. Dans les autres cas, le test VIH sera demandé après le délai de 3 mois suivant l’exposition ou bien avant si des symptômes évocateurs de primo-infection surviennent.
Le diagnostic d’infection à VIH doit aussi être évoqué devant toute infection sexuellement transmissible dont la fréquence a considérablement augmenté en France depuis le début des années 2000, notamment la syphilis qui est très souvent associée à une infection à VIH dans la population homosexuelle, mais aussi les autres infections sexuellement transmissibles dont la fréquence est croissante : lymphogranulomatose vénérienne, hépatite B, gonococcie et herpès.
En présence de symptômes :
Stade de la primo-infection :
La primo-infection par le VIH survient de 2 à 6 semaines après la contamination. Elle s’accompagne, dans plus de la moitié des cas, de symptômes cliniques variés qui vont durer en moyenne 2 semaines : initialement il s’agit d’un syndrome pseudogrippal avec une fièvre pratiquement constante, souvent élevée et qui va durer de 2 à 8 jours. Elle s’accompagne souvent de dysphagie, céphalées, myalgies, anorexie et amaigrissement. Une pharyngite est souvent présente ainsi qu’une éruption maculopapuleuse tronculaire, parfois il existe des ulcérations cutanéomuqueuses superficielles buccales ou génitales.
Des adénopathies cervicoaxillaires et inguinales apparaissent après quelques jours.
Une diarrhée et des douleurs abdominales sont présentes dans un tiers des cas ; une candidose buccale est possible et fortement évocatrice.
Dans 10 % des cas des manifestations neurologiques peuvent être présentes ( paralysie faciale, polyradiculonévrite). Il existe très souvent des perturbations biologiques au cours de la primo infection-infection à VIH : thrombopénie (75 % des cas), leucopénie (neutropénie et lymphopénie), syndrome mononucléosique, augmentation modérée des transaminases. Le diagnostic de primo-infection VIH devant un tableau pseudogrippal est difficile surtout s’il survient dans la période d’épidémie saisonnière des virus grippaux. Orienteront le diagnostic les signes cliniques associés (surtout adénopathies, troubles digestifs et signes cutanés) ; ils feront rechercher un contexte orientant vers le risque de contamination (rapport sexuel non protégé avec un nouveau partenaire, accident d’exposition au sang…). Le diagnostic biologique au stade initial de la primo-infection (du 10e au 20e jour après le contage) repose sur la recherche de l’antigénémie P24 présente initialement alors que la sérologie est encore négative ; la recherche de l’ARN-VIH plasmatique peut être demandée mais elle sera mise à défaut en cas de VIH2 et de VIH-O. À partir de la 3e semaine les tests ELISA deviennent positifs, le profil incomplet de positivité du Western blot est caractéristique de la primo-infection.
Stade de la phase chronique :
Chez certains patients, la phase chronique de l’infection à VIH peut être longtemps totalement asymptomatique, la maladie ne se révélant que très tardivement par une infection du stade sida. Pour les autres patients, des manifestations cliniques diverses doivent faire évoquer la possibilité d’une infection à VIH.
L’atteinte ganglionnaire est une circonstance fréquente de découverte du VIH : adénopathies persistantes indolores en général de 1 cm de diamètre (parfois plus importantes) cervicoaxillaires ou inguinales, parfois accompagnées d’une splénomégalie.
Les symptômes cutanéomuqueux sont souvent révélateurs : candidose orale, zona, dermite séborrhéique, infections florides à papillomavirus.
La survenue d’une pneumopathie et/ou d’infections ORL à répétition doit faire systématiquement rechercher l’infection par le VIH.
L’apparition d’une néphropathie avec protéinurie, notamment chez le sujet de race noire, doit faire rechercher l’infection par le VIH.
Une symptomatologie digestive est parfois le mode de découverte de l’infection à VIH : diarrhée chronique, salmonellose.
Les signes d’appel neurologiques : paralysie faciale périphérique, neuropathie périphérique sans cause habituelle, myélopathie, altération des fonctions supérieures, peuvent être des modes de révélation de l’infection à VIH.
Parfois le diagnostic est évoqué devant certaines anomalies biologiques évocatrices : thrombopénie, lymphopénie, hypergammaglobulinémie avec souvent aspect oligoclonal.
Certes, l’âge, l’origine géographique (Afrique sub-saharienne, Haïti) et l’orientation sexuelle du patient pourront constituer des arguments de présomption d’infection à VIH, mais il ne faut pas oublier que ce virus est aujourd’hui largement répandu dans la population française, rendant en partie caduque la notion de « groupe à risque ». Ainsi, aujourd’hui en France, environ 5 % des patients infectés par le VIH sont âgés de plus de 60 ans et, dans cette classe d’âge, l’origine caucasienne et la transmission hétérosexuelle sont les plus fréquentes.
Stade sida :
En 2005, les principales pathologies révélant l’infection à VIH au stade sida sont par ordre de fréquence :
– la pneumocystose pulmonaire qui représente 30 % des pathologies inaugurales sida. Elle réalise une pneumopathie bilatérale interstitielle traduite par une toux, fébrile avec dyspnée s’aggravant de jour en jour ;
– la tuberculose qui représente 17 % des pathologies inaugurales est soit pulmonaire soit ganglionnaire ;
– la toxoplasmose cérébrale représente 15 % des infections opportunistes révélatrices et se présente sous la forme de céphalées fébriles avec souvent convulsions, défi cit neurologique et images d’abcès cérébraux multiples « en cocarde » à l’IRM ou au scanner ;
– la candidose oesophagienne révèle 14 % des cas de sida et se traduit par une dysphagie ; elle s’accompagne pratiquement toujours d’une candidose buccale. L’infection à candida est plus rarement bronchique, trachéale ou pulmonaire ;
– le sarcome de Kaposi est révélateur du VIH dans environ 8 % des cas. Il se traduit par des lésions cutanées et/ou muqueuses violacée et charnues ;
– les lymphomes non hodgkinien sont les tumeurs malignes les plus fréquentes chez les patients infectés par le VIH et ils révèlent la maladie dans 6 % des cas. Il s’agit habituellement de lymphomes de haute malignité avec signes généraux, de phénotype B avec réplication active du virus Epstein-Barr. Ces lymphomes sont le plus souvent périphériques, ganglionnaires, avec souvent un envahissement médullaire et tissulaire. Le lymphome cérébral est plus rare et se rencontre habituellement à un stade d’immunodépression très avancé ;
– l’infection au cytomégalovirus révèle l’infection à VIH dans environ 7 % des cas. Il peut s’agir d’une atteinte rétinienne ou digestive (oesophagienne ou colique).
Les autres infections classantes sont plus rares : encéphalopathie due au VIH, leucoencéphalite multifocale progressive, cryptococcose méningée, infection à mycobactérie atypique, syndrome cachectique, cryptosporisiose, infection herpétique cutanéomuqueuse chronique ou systémique (broncho-pulmonaire, oesophagienne), zona multimétamérique, pneumopathies bactériennes récurrentes Toutes ces infections rendent compte de tableaux cliniques très différents mais évoquent immédiatement l’infection à VIH.
Enfin rappelons que l’infection à VIH au stade sida doit être recherchée devant tout cancer invasif du col utérin.
PRESCRIPTION DU TEST :
La prescription du test de dépistage du VIH doit toujours s’accompagner d’une consultation médicale. L’information du patient est indispensable (sauf en cas d’impossibilité liée à une suspension de la conscience). Le choix du test est fonction du tableau clinique (primo-infection ou stade ultérieur). Lors d’une exposition récente au VIH il faut évaluer ses modalités la date de l’exposition, la connaissance ou non de la présence du VIH chez la personne source…
L’entretien (en anglais counselling) portera aussi sur les conséquences que pourront avoir les résultats du test. Le rendu du test VIH fera aussi l’objet d’une consultation et du rappel des modalités de transmission du virus. Une prise en charge psychologique s’avère souvent nécessaire dans le cadre des expositions au VIH et des découvertes de séropositivités.
Le diagnostic repose sur les examens biologiques : le test de routine de dépistage est la recherche des anticorps anti-VIH effectuée par deux tests ELISA. Le test de confirmation par la méthode de Western blot sera toujours demandé en cas de positivité du test ELISA. En effet le test ELISA peut connaître des faux positifs (environ 1 % des cas) se traduisant habituellement par la positivité faible d’un des deux tests ELISA, l’autre étant négatif. À l’inverse, le test ELISA peut connaître des faux négatifs lorsque le test est demandé trop tôt dans la phase sérologique muette succédant à la contamination ; le délai moyen d’apparition des anticorps anti-VIH est d’environ 24 jours après le contage. La sensibilité des tests ELISA s’est constamment améliorée ces dernières années mais il est décrit de rares cas d’apparition tardive des anticorps anti-VIH après le contage. C’est pourquoi le délai de trois mois après l’exposition au virus reste recommandé pour éliminer à 100 % le risque de contamination. Les tests ELISA dépistent les anticorps dirigés contre le VIH1 et le VIH2. C’est le Western blot qui fait la distinction entre les deux virus. La recherche du virus lui-même peut se faire par la mesure de l’antigène P24 et par la mesure de la charge virale VIH. L’antigénémie P24 est souvent indétectable au cours de l’infection chronique par le VIH mais elle est présente au cours de la primo-infection 15 jours environ après le contage. La mesure de la charge virale VIH n’est pas un test de dépistage ; elle connaît des faux négatifs pour certains virus VIH d’Afrique notamment les virus VIH2 et le VIH-0.
La découverte de l’infection devra faire l’objet d’une déclaration obligatoire anonymisée, initiée par le laboratoire d’analyse, et complétée par le médecin prescripteur. Une demande de prise en charge à 100 % au titre de l’ALD 30 sera remplie par le médecin traitant. Le bilan de l’infection à VIH et des comorbidités sera ensuite prescrit (sérologies hépatite B, hépatite C, toxoplasmose, TPHA-VDRL) ainsi que le typage lymphocytaire CD4/CD8 et la détermination de la charge virale. L’indication et la prescription initiale de la trithérapie seront faites lors d’une consultation hospitalière spécialisée.
En conclusion, l’infection à VIH reste un diagnostic fréquent en médecine générale. Le test de dépistage doit être demandé dans de multiples situations qu’il convient de reconnaître. La prise en charge se fera ensuite en partenariat avec une consultation hospitalière spécialisée.
TRAITEMENT :
La prescription initiale du traitement antirétroviral est faite par un médecin hospitalier.
L’objectif du traitement est l’obtention d’une charge virale inférieure à 50 copies/mL.
L’information, le consentement et l’adhésion du patient sont les préalables indispensables à la réussite du traitement.
Il est recommandé de faire un test de résistance génotypique avant de démarrer le traitement chez les patients naïfs d’antirétroviraux afin de rechercher une résistance primaire du VIH.
Les principaux points sont résumés dans les tableaux suivants issus du Rapport d’expert 2006.
Encadré 1. Quand commencer la trithérapie
Patients symptomatiques classe B ou C quels que soient les CD4 et la charge virale (classe B : affection non classante pour le diagnostic de SIDA ; classe C : affection classante pour le diagnostic de SIDA).
Patients asymptomatiques ayant moins de 350 lymphocytes CD4/mm3.
Patients asymptomatiques ayant des CD4 > 350 mm3 et une charge virale VIH > 100 000 copies/mL (indication possible au cas par cas).
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