Introduction :
Dans le monde du sport, l’usage veut que tout traumatisme sans perte de connaissance soit considéré comme bénin.
La commotion cérébrale en est un exemple : « il est sonné, mais c¸a va ! ». En effet, le KO sans perte de connaissance n’apparaît pas comme synonyme de commotion cérébrale aux yeux des joueurs ou des entraîneurs.
Une commotion cérébrale est un trouble du fonctionnement du cerveau consécutif à un traumatisme se traduisant par un état anormal du sujet, allant d’une simple confusion à une perte de connaissance. Elle appartient aux traumatismes crâniens dits légers (TCL, mild traumatic brain injury ou acute single concussion). Elle est caractérisée par une altération immédiate et transitoire des fonctions supérieures. Le syndrome post-commotionnel en demeure la principale complication à court et à moyen termes. Malheureusement, seul le traumatisme crânien avec perte de connaissance est considéré, le plus souvent, comme un accident sérieux. Lors des traumatismes crâniofaciaux ou cervicaux de gravité modérée associés à une commotion, cette dernière est aussi souvent ignorée. Par ailleurs, de peur de ne pas jouer le match suivant, de rater une sélection ou du fait d’enjeux financiers, le sportif a tendance à masquer les symptômes et, en particulier, une brève période de perte de connaissance ou de confusion.
Les effets délétères des commotions sont documentés et il apparaît que dans de nombreux pays (États-Unis, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande) des recommandations sont établies et transmises à l’encadrement médical et sportif et accessibles sur les sites des groupements sportifs.
Ces recommandations mettent surtout en avant la prudence dont il faut faire preuve vis-à-vis des commotions, tout particulièrement chez les enfants et les adolescents. Cela est fondé lorsque cette commotion est unique, mais est fondamental en cas de commotions répétitives et, en particulier, lors du même événement sportif (match ou tournoi).
Au vu du dernier consensus international sur les commotions cérébrales de Zurich, peu diffusé, et de la faible prise de conscience en France des séquelles possibles après des commotions cérébrales simples ou modérées sans perte de connaissance (mais aussi dans les formes complexes), la Société franc¸aise de médecine du sport souhaite produire un document à paraître sur son site en accord avec le mouvement sportif.
Ce document comporte deux volets, l’un destiné aux médecins avec son volet scientifique et l’autre destiné à un usage pratique sur le terrain. Son objectif est d’alerter l’entourage du sportif sur les conséquences possibles à court, moyen et long termes des commotions cérébrales lors de la pratique du sport.
Définition :
La commotion cérébrale est caractérisée par une perte temporaire des fonctions cérébrales normales en raison d’un traumatisme direct ou indirect, avec une force impulsive transmise à la tête, accompagnée ou non de perte de connaissance. Elle se caractérise par un seuil de dysfonctionnement des fonctions neurophysiologiques avec déficience immédiate et temporaire de la fonction mentale, spontanément réversible.
On retient comme principaux signes, entre autres :
• une altération de la conscience et de la mémoire ;
• une confusion ou désorientation des difficultés de concentration (groggy) ;
• une amnésie antérograde ou rétrograde qui a toute sa valeur et des signes fonctionnels ;
• céphalées, troubles inhabituels du sommeil, troubles de la coordination visuelle et gestuelle, troubles de l’équilibre.
Son diagnostic pratique repose sur l’examen neurologique et, en particulier, sur l’interrogatoire du sujet et des observateurs. Il faut tenir compte dans l’évaluation de l’âge du sujet, du degré de gravité et du nombre de commotions subies par ce sujet.
Définition du consensus de Zurich :
Lors de la deuxième conférence internationale de Prague sur les commotions cérébrales en 2004, un consensus sur la définition a été obtenu puis mis à jour en 2008 (troisième conférence du consensus à Zurich) :
La commotion peut être provoquée par un traumatisme direct à la tête, la face et le cou ou à tout autre endroit du corps transmettant un impact à la tête.
La commotion se traduit par une perturbation brève des fonctions neurologiques régressant spontanément.
Elle peut être le fait de perturbations neurologiques, mais les signes aigus traduisent plus un dysfonctionnement qu’une atteinte structurelle.
La commotion se traduit par une échelle de symptômes et peut ou non évoluer vers la perte de connaissance.
La régression des symptômes cliniques et des fonctions cognitives suit habituellement un schéma standardisé.
Typiquement, la commotion est accompagnée d’une imagerie sans anomalie.
La conférence de Prague proposait deux stades de commotion : commotion simple, résolutive entre sept et dix jours et commotion complexe avec symptômes persistants.
À Zurich, les auteurs abandonnent ces deux stades pour en conserver le concept. Ils précisent que 80 à 90 % des commotions se résolvent en sept à dix jours, sans préciser s’ils incluent le délai de retour au jeu. Ils précisent que ce délai est plus long chez l’enfant et l’adolescent.
Il semble également que les commotions soient plus graves chez la femme sportive. Par ailleurs, le sportif bien entraîné et bien préparé serait moins sujet aux complications et guérirait plus rapidement.
Sur le terrain, et pour plus de facilité de communication avec l’environnement des sportifs, c’est toujours la classification en trois degrés de gravité reposant sur l’observation immédiate qui est la plus utilisée, mais qui devra être remplacée à terme.
Les grades 1 et 2 sont assimilés à une commotion simple ou modérée et le grade 3 à une commotion complexe.
La perte de connaissance est loin d’être omniprésente (10 %) et n’est donc pas indispensable au diagnostic de commotion. La disparition des signes est progressive.
Il est essentiel pour fixer ce degré de gravité formel d’examiner à nouveau le sujet à 48 ou 72 heures afin de le déterminer avec plus de précision. Cette précision repose essentiellement sur la persistance ou non des signes cliniques et du temps pendant lequel ils persistent. Pour Cantu, la gravité est certes fonction de la durée de la perte de connaissance mais aussi de la durée pendant laquelle persistent l’amnésie post-traumatique et le syndrome postcommotionnel.
C’est pourquoi sa cotation n’est réalisée qu’une semaine plus tard.
En pratique de terrain, la classification de Zurich est rétrospective, tenant compte de cet élément. Cependant, le délai de dix jours est contestable ; des études récentes montrent en effet que ce délai semble insuffisant.
L’évaluation clinique et neuropsychologique en deux temps permet de résoudre ce problème.
Épidémiologie :
Aux États-Unis, on compte environ 300 000 commotions par an chez les sportifs, ce qui représente 20 % des commotions totales. Celles-ci ne sont le plus souvent déclarées que lorsqu’elles sont associées à une perte de connaissance.
Près de 75 % sont des commotions simples et 15 % conservent des séquelles à un an. L’étude franc¸aise Epac montre une atteinte céphalique dans 13 % des accidents de sport. Dans la pratique du rugby, en particulier, entre 10 et 15 % des blessures sont localisées au niveau du segment céphalique, essentiellement lors des placages (plaqueur et plaqué) et environ 5 % sont accompagnées de commotion, un bon nombre étant ignorées. Le ski est un pourvoyeur de commotions chez l’enfant et des recommandations sont faites par les médecins de montagne.
Toth reprend l’épidémiologie et les localisations des atteintes neurologiques dans chaque sport pratiqué au Canada et précise ainsi les sports à risque : hockey, football américain et sports d’équipe, boxe et sports d’hiver.
Les signes rencontrés sont dans 17 % des cas une perte de connaissance. Concernant la répétition des commotions, sur 104 commotions rencontrées chez des universitaires, on trouve 67 % de première commotion, 32 % de seconde et 12 % avec plus de deux.
Guskievicz a suivi 2905 collégiens joueurs de football américain de 1999 à 2001. La majorité des commotions rapportées (69,8 %) était de grade 2 (échelle des neurologues américains). Les symptômes les plus fréquemment constatés étaient : les céphalées (85,2 %) suivies des troubles de l’équilibre et de la démarche (77 %), tandis que les troubles mnésiques et la perte de connaissance n’étaient rencontrés que dans seulement 24,1 % et 6,2 %. La moyenne de la durée des symptômes post-commotionnels était de 82 heures.
La forte inconstance de la perte de connaissance a aussi été notée dans le rugby où les signes les plus souvent retrouvés sont l’amnésie, les céphalées et les troubles de l’équilibre.
Si l’on compare les études mesurant la durée du syndrome post-commotionnel, on constate une différence majeure selon que les patients sont des sportifs de haut niveau ou non. En effet, selon Guskiewicz seulement 8,1 % des joueurs de haut niveau commotionnés ont vu leur syndrome post-commotionnel persister plus d’une semaine et 1,6 % plus de 15 jours.
Réglementation :
Dans la pratique de la boxe et dans d’autres sports de combat (savate), la réglementation précise la durée d’arrêt de pratique après commotion cérébrale (KO en boxe anglaise : 30 jours ; hors combat en boxe savate : 60 jours) avec interdiction écrite sur le passeport sportif.
L’International Rugby Board (IRB) recommande un arrêt de 21 jours, sans obligation écrite, adaptable après avis spécialisé écrit d’un neurologue ou d’un neurochirurgien et à condition que les sportifs soient asymptomatiques. Ces recommandations sont reprises dans les règlements de la Fédération franc¸aise de rugby et de Ligue nationale de rugby. Cela n’est pas défini de fac¸on précise dans les autres sports.
Le Comité international olympique, la Fédération internationale de football amateur, l’International Ice Hockey Federation et l’IRB ont participé à la troisième conférence de Zurich et ont incité à la diffusion du Sport Concussion Assessment Tool 2 (SCAT 2).
Échelles de gravité :
Lors du traumatisme initial, on est amené à utiliser, pour suivre l’évolution et classer les traumatismes, des échelles de niveau général comme celles des médecins de montagne ou le score de Glasgow, des questionnaires de terrain tel celui adapté de Patel ou celui de Maddocks. En cas de troubles associés, on utilise des fiches de recherche de symptômes associés et de suivi des signes neurologiques (graded symptom checklist [GSC], Galveston orientation amnesia test [GOAT], balance error scoring system [BESS]. . .). Des recommandations précisent les signes nécessitant une hospitalisation.
En pratique, de nombreuses fiches standardisées sont proposées, et plus récemment des questionnaires « en ligne », pas toujours faciles d’usage sur le terrain.
De fait, deux types de questionnaires existent : ceux évaluant l’existence ou le degré de gravité de la commotion avec les signes associés et ceux étudiant la présence ou non d’atteintes des fonctions neurocognitives et posturales et le délai de résolution des symptômes.
Nous retenons dans la littérature certains de ces bilans, le plus souvent inclus dans le SCAT2, et détaillons celles et ceux qui nous semblent le plus utilisables.
Outils utilisables :
Les outils utilisables sont décrits comme suit :
• échelle de terrain des médecins de montagne classant la gravité générale des traumatismes sur une échelle de 1 à 10 et échelle de Glasgow moins utilisée en traumatologie du sport, pathologique en dessous de 15/15 ;
• questionnaire de terrain de Patel ;
Les questions s’adressent au sportif commotionné sur le terrain.
• fiche clinique initiale post-traumatique ;
• critères d’hospitalisation ;
Après la synthèse de nombreux articles et après avis des experts, il semble que les critères ci-dessous soient pertinents et recommandables. Ils précisent que toute suspicion de lésion intracrânienne ou tout risque d’hématome cérébral justifie d’emblée une hospitalisation.
• GSC ; GSC recherche les signes neurologiques inhabituels associés lors du suivi du traumatisé et leur évolution dans le temps. La cotation de 1 à 6 des items selon la gravité de chaque signe est cependant aléatoire car fonction de l’observateur, mais précise déjà le recours à un avis spécialisé si nécessaire.
• GOAT : test de déficience mnésique;
• BESS ou test d’équilibre, complexe sur plateforme d’équilibre ;
• standardized mental assessment of sports concussion (SAC), test global de fonctionnement mental. Mc Crea et son équipe se sont intéressés aux anomalies cognitives décelées précocement après la commotion afin de voir si des éléments pronostiques pouvaient être établis.
Sur 2385 joueurs sélectionnés, 91commotions cérébrales (3,8 %) ont été recensées. L’échelle standardisée de commotion cérébrale (SAC) a été établie pour évaluer le degré de gravité de l’atteinte lors de la première commotion.
Le SAC comprend au total quatre items : deux de mémoire (immédiate et retardée), un de concentration et un d’orientation. Le score total doit être de 30. Il y est associé une étude neurologique (force, coordination, sensibilité et mouvements complexes coordonnés).
La SAC a été réalisée chez tous les sujets avant, immédiatement, 15 minutes, 48 heures et 90 jours après la commotion. Le score du SAC était immédiatement diminué chez les sujets commotionnés et ce, même en cas d’absence de perte de connaissance (PC) ou d’amnésie.
Trois groupes ont été individualisés au moment de la commotion : ceux victimes d’une PC, ceux sans perte de connaissance, ceux sans amnésie. Au moment du traumatisme, les joueurs victimes d’une perte de connaissance avaient une SAC plus altérée. Les différences significatives allaient dans le même sens à 15 minutes, mais à 48 heures aucune différence n’était constatée entre les trois groupes. La présence d’une PC entraîne initialement des perturbations neuropsychologiques non retrouvées en cas d’absence de PC ou d’amnésie. McCrea souligne l’intérêt de réaliser au plus tôt la SAC, ce test pouvant se normaliser à la 48e heure ;
• sport concussion assessment tool 2 (SCAT 2) défini à Zurich et accessible en ligne regroupe la majorité de ces tests. Il est très complet et réalisable en 20 minutes, mais il nécessite une évaluation initiale de l’effectif en début de saison pour servir de référence ;
• de nombreux tests « en ligne » avec abonnement permettent de définir le profil des joueurs en début de saison, puis, en cas de commotion, d’évaluer leur degré de gravité et, par tests successifs, de permettre, en association avec la clinique, la reprise sportive. Ils durent de 15 à 20 minutes et doivent être réalisés et validés en début de saison. Ils sont incontestablement complets et permettent un suivi performant. Ils permettent également une orientation adaptée en cas de symptômes persistants.
Classifications selon le degré de gravité de la commotion :
Il paraît indispensable et fondamental aux experts de revoir le sportif commotionné sous 48 à 72 heures afin de confirmer le degré de gravité et de guider le programme de prise en charge. Ils leur semblent que la persistance des signes est l’élément essentiel de la classification en degré de gravité, laquelle est aggravée par la durée de persistance des symptômes cliniques et neuropsychologiques.
Ces classifications comportaient jusque-là, trois niveaux d’échelle reconnus. À Zurich, les recommandations sont de retenir deux niveaux de commotion. Nous citons pour mémoire :
• échelle de Cantu, référence du football américain :
◦ grade 1 : pas de perte de connaissance (PC) et amnésie post-traumatique de moins d’une heure,
◦ grade 2 : PC de moins de cinq minutes et/ou amnésie de moins de 24 heures,
◦ grade 3 : PC de plus de cinq minutes et/ou amnésie de plus de 24 heures,
◦ avec la réserve d’un examen de suivi ;
• échelle des neurochirurgiens américains :
◦ grade 1 : commotion légère, pas de PC, troubles neurologiques passagers,
◦ grade 2 : commotion modérée, PC suivie d’un rétablissement en moins de cinq minutes,
◦ grade 3 : PC supérieure à cinq minutes ;
• échelle des neurologues américains, relativement plus sévère et reprise par l’association des entraîneurs :
◦ grade 1 : confusion passagère, pas de PC, disparition des symptômes en moins de 15 minutes,
◦ grade 2 : confusion passagère, aucune PC, durée des symptômes de plus de 15 minutes,
◦ grade 3 : toute PC, brève ou prolongée ;
• définition de Zurich 2008 :
◦ commotion simple : commotion récupérant entre sept et dix jours,
◦ commotion complexe,
◦ cette dernière définition intègre parfaitement le suivi à court terme et rétrospectif du patient et permet une approche diagnostique conforme à l’avis des experts.
Commotions particulières :
Commotion cérébrale chez l’enfant et l’adolescent de moins de 20 ans et syndrome du second impact
Les commotions du jeune sont plus fréquentes que chez l’adulte, en particulier chez l’adolescent, avec un risque de 180 à 250 pour 100 000, soit cinq fois plus que chez l’adulte.
Seulement 6 % des commotions chez les jeunes, considérées comme graves, requièrent des soins intensifs, la majorité restant, de ce fait, non évaluée.
Le syndrome du second impact, quoique discuté, est pourtant responsable du décès de 19 enfants ou adolescents. Le délai entre les deux commotions causales peut aller jusqu’à quatre jours.
Le cerveau en période de croissance est particulièrement vulnérable et l’enfant a toujours tendance à minorer les signes et à ne pas avoir conscience de la gravité potentielle des lésions, négligence parfois dangereuse. De nombreux auteurs rapportent les risques majorés de détérioration des fonctions cognitives et mnésiques lors des commotions répétitives de l’enfant et de l’adolescent, en particulier pour des structures particulièrement sensibles comme l’hippocampe (apprentissage et mémoire).
L’atteinte cognitive aux tests est fonction de l’âge et du nombre de commotions du sujet. Plus le sujet est jeune et plus le risque de troubles cognitifs est marqué après une commotion.
Les experts insistent sur la nécessité d’un programme rigoureux chez les moins de 20 ans : arrêt complet des activités pendant une semaine quel que soit le grade, puis un retour progressif sans contact, et un retour au jeu au-delà de 21 jours, si le sujet est asymptomatique.
Commotions répétitives :
La dernière conférence de Zurich n’a pas trouvé de consensus sur ce sujet. Cependant, certains auteurs considèrent qu’il existe un effet cumulatif des lésions et que la répétition de celles-ci a des effets délétères à long terme.
D’autres ne trouvent pas de corrélation entre le degré de gravité de la commotion et la durée de récupération des fonctions cérébrales. Il est montré qu’un sujet commotionné a plus de chance de refaire des commotions et que ce risque de récidive augmente avec le nombre. Dans la même saison, 92 % des deuxièmes commotions sont survenues moins de dix jours après la première, confortant la nécessité d’un repos d’au moins une semaine après le premier épisode. Iverson montre que des athlètes ayant subi des commotions répétitives ont sept fois plus de troubles mnésiques que ceux n’ayant subi qu’une commotion et qu’ils ont une susceptibilité à répéter les commotions ; si un joueur avait dans son passé plus de trois commotions, son risque de développer une nouvelle commotion était multiplié par trois.
Pour les experts, les commotions de grade 3 ou de grade 2 avec antécédents de commotion doivent être mises au repos strict au moins une semaine et le sportif doit être revu avant toute reprise de sport. Lorsque le sportif présente deux commotions lors de la même saison, quel qu’en soit le grade, il doit être au repos strict pendant un mois.
Enfin, en cas de troisième commotion dans la même saison, il doit être mis au repos complet pour toute la saison, et être examiné par un neurologue avant toute décision de reprise du sport.
Effets délétères des commotions :
Syndrome dépressif :
Des travaux anciens et repris récemment attirent l’attention sur le syndrome secondaire des commotions, parfois consécutif à une commotion unique, avec à court ou moyen terme l’apparition d’un syndrome dépressif chronique (core syndrome d’Auerbach). Des constatations récentes le montrent chez des joueurs de haut niveau. Cela impose un suivi des sportifs commotionnés et une attention particulière en cas d’apparition de syndrome dépressif ou de contre-performance étiquetée « mentale » avec des réflexions de type : il n’a plus envie !
Atteinte hypophysaire :
Les effets délétères à moyen terme et à long terme peuvent dans certains cas (20 % selon les auteurs) conduire à une atteinte anté-hypophysaire avec insuffisance en hormone de croissance principalement, ou globale exceptionnellement.
Ces troubles nécessitent un bilan ciblé sur ces atteintes à trois et à 12 mois après la commotion, quel qu’en soit le degré (TSH, prolactine, TSH, FSH et LH, GH, IGF1, ACTH). Ce dépistage est plus essentiel encore chez le jeune enfant en croissance. Un suivi de la courbe de croissance et de l’IGF-1 semble nécessaire. Behan et al. montrent qu’en phase aiguë, 80 % des commotionnés ont des troubles hypothalamo-hypophysaires, en partie réversibles et que, à un an, 25 % présentent des signes de déficience à dominante somatotrope.
Les recommandations de suivi sont de faire une courbe de croissance chez l’enfant, de dépister précocement les anomalies biologiques en aigu, même si elles n’ont pas de valeur prédictive, et de faire en cas de signes d’appel d’hypopituitarisme les dosages utiles à trois mois et à un an. Ils recommandent un suivi prolongé des traumatisés ou pour le moins recommandent de leur faire prendre conscience des effets délétères possibles de la commotion qu’ils ont subi et de consulter en cas de troubles cliniques.
Chez les boxeurs, sport dont le but est de provoquer une commotion (KO) chez l’adversaire, Tanriverdi et al. montrent qu’ils ont un fort risque de dysfonctionnement hypophysaire (25 %) et majoritairement sur l’hormone de croissance. Nous avons constaté lors de contrôles urinaires des élévations de LH après les combats dits « durs », traduisant cette atteinte.
Déclin des fonctions cérébrales :
Dans une étude contestée, De Beaumont et al. constatent un déclin à long terme des fonctions chez d’anciens jeunes commotionnés. Chermann évoque chez les sportifs des groupes de patients souffrant d’encéphalopathies post-traumatiques (démence pugilistique, Parkinson, Alzheimer, certaines dépressions). Une entité plus large connue sous le nom de chronic traumatic brain injury (CTBI) ou troubles cognitifs liés à des traumatismes crâniens répétés a été individualisée. Elle englobe aussi bien la classique démence pugilistique que la maladie d’Alzheimer mais aussi les atteintes cognitives légères, les troubles du comportement et la dépression chronique. La démence pugilistique se caractérise par la survenue de troubles cognitifs précoces avec troubles mnésiques, ataxie et syndrome parkinsonien constitué d’une akinésie, d’un ralentissement idéo-moteur et d’une dysarthrie.
Des tremblements de la tête et des extrémités, un syndrome pyramidal et des troubles comportementaux y sont volontiers associés.
Imputabilité des troubles :
Un certain nombre de cas sont évalués par la suite en expertise du fait de séquelles imputées aux commotions, ce qui n’est pas sans poser de problèmes d’imputabilité, en particulier dans le sport professionnel où il s’agit d’un accident de travail. Il n’est pas, en l’état, possible de reconnaître, comme pour le « syndrome du nourrisson secoué », une responsabilité tierce causale à ces pathologies. Le sujet doit donc être informé des conséquences des commotions et l’encadrement (entraîneur, éducateur, dirigeant, président) doit appliquer les recommandations des instances sportives selon chaque discipline, assurer la sécurité des pratiques et recommander les règles de Fair Play (Play Hard — Play Smart du football américain) et de sauvegarde de l’intégrité physique de ses joueurs.
Examens complémentaires utilisables :
Ces examens tentent de rechercher les conséquences anatomiques, d’une part, et fonctionnelles, d’autre part. Ils essayent en particulier d’apprécier le retentissement sur la fonction cérébrale. Ils sont décidés par le médecin du sport ou le spécialiste neurologue concerné.
Examen neurologique :
Il est essentiel, simple et reproductible. Il repose sur les tests usuels d’équilibre et de coordination : marche avec demi-tour, test de Romberg, test de déviation des index, test cérébelleux des marionnettes, test doigt—nez les yeux ouverts puis fermés, test de Fukuda ou de marche en étoile, test d’équilibre de Broglio ou double leg stance en appui unipodal, main sur les hanches genou fléchi à 45◦, recherche de nystagmus, examen pupillaire.
Les fiches de type GSC de même que celles du fonctionnement cérébral (équilibre, cognition, mémoire) permettent le suivi clinique essentiel, en particulier en vu du retour sur le terrain.
Imagerie :
Elle sera utilisée en cas de signes de gravité, ou d’aggravation, lors de lésions associées et au moindre doute chez l’enfant. Parfois ces examens sont réalisés chez l’adulte de haut niveau pour autoriser une reprise « sécurisée » dans des délais plus courts. Les protocoles d’examen sont spécifiques à chaque unité d’urgence. Ils ont pour but d’éliminer une complication possible et de prévenir tout problème médicolégal. Il est à noter que les boxeurs professionnels franc¸ais doivent réaliser une angio-IRM pour obtenir leur licence.
D’après les experts, excepté en cas de certitude de bénignité confirmée lors du deuxième examen médical, une imagerie (TDM, IRM) est nécessaire dans un délai acceptable estimé à une semaine.
De nombreux autres examens sont réalisables mais n’ont pas apporté de renseignements pertinents pour manager la commotion cérébrale. Il faut noter cependant que l’IRM fonctionnelle et la tomoscintigraphie cérébrale de perfusion peuvent montrer des anomalies, mais ces examens ne sont pas réalisables à grande échelle.
Habituellement et par définition, il n’existe pas d’anomalie d’imagerie visible dans la commotion cérébrale simple. Une imagerie normale est insuffisante pour décider d’une reprise sportive et seuls les tests de performance mentale permettent de prendre cette décision, en accord avec les résultats de l’examen clinique.
Biologie :
Certaines études ont montré une sécrétion de protéines tau et de protéines bêta amyloïde dans le liquide céphalorachidien au décours de combats chez les boxeurs (marqueurs de la maladie d’Alzheimer) témoignant bien de la non innocuité du traumatisme. Un polymorphisme de restriction à l’endroit de l’apolipoprotéine E, comme dans la maladie d’Alzheimer, semble exister. Le nombre d’allèles epsilon 4 est un facteur de risque de développer une encéphalopathie chronique post-traumatique. Des études sont en cours à plus grande échelle pour savoir si dans l’avenir des tests génétiques concernant cette protéine seront ou non nécessaires dans les sports à risque chez les sportifs commotionnés.
Il pourrait être intéressant dans une consultation spécialisée de rechercher ces anomalies. La présence de ces marqueurs traduirait une sensibilité accrue aux effets délétères des commotions et pourrait aider à prendre une décision d’arrêt de carrière.
Test de mémoire et d’apprentissage :
Les auteurs insistent sur la nécessité de valider des tests de fonctionnement cérébral pour évaluer l’état et le degré de récupération des fonctions mnésiques, cognitives et exécutives.
Il est vrai que le SCAT 2 contient certains d’entre eux (SAC). Ils pensent nécessaire d’utiliser des tests des fonctions exécutives comme les tests papiers et crayons, le Trail Making test A et B ou le test des commissions ainsi que des tests évaluant la mémoire comme le test de Hopkins.
Le critère de guérison est la récupération de fonctions neurocognitives, exécutives et d’apprentissage, guérison qui autorisera le retour au jeu progressif sous contrôle.
Programmation du retour à la compétition :
Une fois la commotion diagnostiquée et sa gravité quantifiée, se posent les questions de la durée de l’arrêt sportif, des modalités de reprise et de l’autorisation de retour à la compétition.
Il est fondamental, pour les experts, d’évaluer à distance le sportif commotionné dans les 48 à 72 heures, afin de rechercher les symptômes persistants malgré le repos et de classifier avec certitude le degré d’atteinte du fonctionnement cérébral. De cette analyse rétrospective dépendra le pronostic et le programme de reprise. Quelque soit le grade de la commotion, il est hautement souhaitable qu’un examen des fonctions neurocognitives et fonctionnelles soit réalisé par un neurologue formé aux commotions cérébrales.
Cela est formel lorsqu’une demande de reprise anticipée est faite par l’encadrement sportif, en particulier à haut niveau. En effet, les recommandations de l’IRB sont de 21 jours d’arrêt de compétition, et souvent cette demande est faite par l’encadrement sportif, et dans ce cas, il nous semble fondamental d’appliquer cette recommandation.
Durée d’arrêt :
Les différents travaux réalisés dans les commotions simples sont contradictoires quant aux délais de repos relatif allant du retour immédiat chez l’adulte de haut niveau (conférence de Zurich) à un délai de sept à dix jours pour d’autres et avec des précautions chez l’enfant et l’adolescent. Ce délai est guidé par le degré de gravité de la commotion, simple ou complexe.
Un repos strict de 48 heures est formel pour les experts, suivi d’une nouvelle évaluation clinique. Pour Collie et al., les sujets avec une commotion simple mais avec des signes fonctionnels n’ont jamais récupéré avant 11 jours, 14 jours lors du suivi par impact test. Cette étude par télétransmission montre que, bien que le sujet semble « bien » à sept jours, les fonctions cognitives restent perturbées au moins 14 jours.
Il faut tenir compte de l’âge du sujet et de l’effet cumulé des commotions.
Il reste certain pour les auteurs que l’enfant et l’adolescent doivent rester hors compétition 21 jours pour le rugby et les sports de combat ou d’équipe.
Commotion simple de l’adulte (grade 1 ou 2) :
Après un repos complet de 48 heures, une reprise d’une activité modérée pendant une semaine, une reprise sous condition est autorisée s’il n’y a plus de symptômes : céphalées, troubles de le concentration, impression d’être dans le coton, maladresse, somnolence ou troubles inhabituels du sommeil. En leur présence, un nouveau repos de 48 heures est demandé, avec à nouveau une reprise d’un programme progressif de retour à la compétition.
Commotion complexe de l’adulte ou grade 3 :
Après un repos strict, intellectuel et physique d’une semaine, programme de reprise comme lors d’une commotion simple avec une impossibilité formelle de reprendre la compétition avant 15 jours, si les examens cliniques et neuropsychologiques sont normaux.
Commotions répétitives :
Pour les experts, les commotions de grade 3 ou de grade 2 avec antécédents de commotion doivent être mises au repos strict au moins une semaine et être revues avant toute reprise de sport. Lorsque le sportif présente deux commotions lors de la même saison, quel qu’en soit le grade, il doit être mis au repos strict pendant un mois. Enfin, en cas de troisième commotion dans la même saison, il doit être mis au repos complet pour toute la saison, et être examiné par un neurologue avant toute décision de reprise du sport.
Commotions de l’enfant et des moins de 20 ans :
• Interdiction formelle de retour au jeu immédiat.
• Examen médical à 48 ou 72 heures et repos physique et intellectuel d’une semaine.
• Arrêt formel de compétition et de contact de 21 jours, puis reprise selon un programme progressif.
Conditions du retour programmé :
Elles reposent sur un avis médical et une information claire du sportif sur les risques liés aux commotions. Le sportif est également informé qu’en cas de symptômes récidivants ou particuliers à quelques mois du traumatisme, il doit demander un avis médical.
Le sportif asymptomatique et ayant une fonction cérébrale normale reprend les activités de fac¸on progressive, pas à pas, et si lors d’un degré d’effort les symptômes réapparaissent, il revient au degré antérieur d’activité.
Les propositions de délais de reprise sont des maquettes qui permettent de répondre aux demandes des sportifs, des parents et de leurs entraîneurs. Il est malheureusement impossible de ne pas leur donner une estimation sur la durée probable d’arrêt sportif, dans le cadre de « la pression de compétition ». Encore une fois, cette autorisation repose sur la normalisation de l’examen clinique et la normalité des fonctions mnésiques, de concentration, de coordination et d’équilibre. L’examen neurologique et neuropsychologique à 48 ou 72 heures est essentiel pour pouvoir se prononcer.
Les préparateurs physiques peuvent également, par la suite, constater lors de la reprise sans contact, la persistance de troubles de la coordination ou de l’efficience motrice avec des maladresses inhabituelles ou des problèmes de concentration. Ils doivent en tenir compte dans les étapes de retour au jeu.
Il est clair que le sujet adulte est informé des conséquences d’une reprise anticipée et qu’il doit en avoir compris les risques potentiels. Ces informations lui permettront de prendre une décision dont il assumera la responsabilité. Cela est complètement différent pour un mineur.
Protocole de reprise :
Il s’agit d’un programme progressif se déroulant par étape de durée adaptée au traumatisme (48 heures par étape en général), ce qui permet de revenir au niveau précédent lors de la réapparition de symptômes décrits antérieurement (fatigue anormale, somnolence, troubles du sommeil inhabituels, céphalées, défaut de concentration, troubles de mémorisation, maladresse. . .) :
• phase 1 : repos complet 48 heures, puis s’il n’y a aucun symptôme au repos, pas de trouble de la mémoire, ni de l’équilibre ;
• phase 2 : travail aérobie doux (vélo, piscine, marche) ;
• phase 3 : entraînement physique normal ;
• phase 4 : entraînement sans contact ;
• phase 5 : entraînement avec contact après avis médical et examen clinique complet, après environ dix jours ;
• phase 6 : retour au jeu, avec le moins de contacts possibles.
Conclusion :
Suite à la dernière conférence de consensus de Zurich donnant une évaluation rétrospective du degré de gravité des commotions cérébrales chez l’adulte, simple en dec¸à de dix jours et complexe pour tout autre tableau, nous pensons que sur le terrain il faut des indicateurs d’alerte précis et des guides de conduite pratiques pour les très nombreux sportifs pratiquant sur des terrains non médicalisés et pour leur encadrement.
Les fiches d’évaluation clinique de type CSG sont pertinentes, une fois le concept de commotion accepté. La commotion simple sera effectivement définie par la présence de symptômes de désorientation, sans troubles de mémoire, ni perte de connaissance. La commotion complexe ou traumatisme crânien sera définie dès qu’il existe une perte de connaissance, même très brève, ou des signes associés manifestes.
Elle sera traitée selon l’avis médical sur le terrain ou en milieu spécialisé en l’absence d’avis médical immédiat.
La surveillance et les recommandations de suivi et de prise en charge sont un élément déterminant du pronostic de la commotion. Un examen à 48 ou 72 heures du traumatisme est fondamental aux yeux des experts et une imagerie devrait être envisagée devant toute commotion pour des raisons médicolégales.
La connaissance par le sujet traumatisé des effets délétères possibles à court ou moyen terme est importante.
L’élément spécifique de la commotion cérébrale simple est le fait qu’il s’agit d’un trouble du fonctionnement, de la connectique du cerveau en dehors de toute lésion anatomique.
C’est cette fonction qu’il faut évaluer et surveiller, en particulier chez l’enfant et l’adolescent de moins de 20 ans dont le cerveau est en croissance. Cette surveillance repose sur une évaluation des performances de concentration, de mémorisation, d’efficience, d’apprentissage et des fonctions exécutives lors de la commotion, mais surtout à distance de celle-ci.
Cette pathologie est fréquente mais trop souvent négligée et considérée comme « banale ».
Il est fortement recommandé de faire des tests neuropsychologiques en début de saison à tous les joueurs.
Ces données initiales permettront de les comparer avec les résultats obtenus après la commotion, cette confrontation permettra, le cas échéant, d’autoriser le joueur à reprendre l’activité potentiellement traumatisante.
Il n’existe encore que très peu de consultations spécialisées pouvant répondre aux problématiques des commotions cérébrales. Il n’y a pas de recommandations sur les sites franc¸ais ni sur les sites fédéraux. C’est l’objet de ce travail que de proposer une maquette de conduite pratique pour cette pathologie traumatique.