Introduction :
Les courbatures sont fréquentes lors de la pratique des activités physiques et sportives. Elles surviennent après un exercice musculaire excentrique intense et/ou inhabituel, dans un délai de 12 à 48 heures. Le terme exact utilisé dans la littérature est celui de DOMS (Delayed Onset Muscle Soreness) ou douleurs musculaires d’apparition retardée.
Signes cliniques :
Interrogatoire :
Les douleurs apparaissent 12 à 48 heures après une activité physique comprenant un exercice excentrique inhabituel ou intense et vont persister pendant deux à cinq jours. Elles vont s urvenir le plus souvent lors de la reprise d’ une activité sportive, ou à l’ occasion d’ une augmentation ou d’ une modification du type d’ entraînement. Ces douleurs vont s’ atténuer avec la répétition des entraînements et parfois dès la deuxième séance.
La réalisation d’ un effort inhabituel excentrique est donc le facteur déclenchant principal même chez un sujet sportif.
On ne retrouve pas de notion de douleur brutale au cours de l’ effort qui orienterait vers une lésion traumatique de type « élongation ou claquage ».
Examen clinique :
Les douleurs peuvent concerner tous les groupes musculaires mais sont plus fréquemment marquées au niveau des groupes musculaires volumineux comme le quadriceps et les triceps suraux, mais parfois aussi au niveau des ischiojambiers. Elles sont plus rares au niveau des membres supérieurs sauf en cas de travail intense et spécifique comme la musculation. La palpation du muscle est sensible de façon diffuse avec parfois un point douloureux plus précis à la jonction myotendineuse ou dans la partie la plus pennée du muscle pouvant alors entraîner une confusion avec une lésion musculaire traumatique. Il s’ y associe également un déficit de force musculaire avec, dans certains cas, une diminution des amplitudes articulaires.
Plus rarement, on peut constater un oe dème de faible abondance.
Le muscle courbaturé est gonflé et douloureux au repos ainsi qu’ à l’ étirement passif, ou lors de tests isométriques ou dynamiques. Dans ces derniers, la douleur est beaucoup plus nette lors d’ un exercice excentrique (étirement actif) plutôt que concentrique.
Examens complémentaires :
Sur le plan biologique, on retrouve, mais de façon retardée, une élévation plasmatique des enzymes musculaires telle que la créatine-kinase et une élévation des composants du collagène dans les urines.
Les examens complémentaires de type imagerie (échographie ou IRM) sont inutiles en pratique courante compte tenu de la labilité de cette affection. Ils n’ ont un intérêt que dans la recherche de diagnostics différentiels comme, par exemple, celui d’ une lésion traumatique.
En matière de recherche, l’ IRM a permis de mettre en évidence que la durée des modifications intramusculaires était nettement plus longue que le délai des manifestations cliniques avec une majoration de signal allant jusqu’ à j3 ou j6 et une augmentation de volume jusqu’ à trois semaines.
Physiopathologie des DOMS :
Toutes les formes d’ exercices, lorsqu’ elles sont réalisées de façon intense, peuvent engendrer des douleurs musculaires.
Mais seul le travail excentrique, surtout s’ il est inhabituel, se traduit par des douleurs et des raideurs musculaires d’ apparition retardée.
Caractéristiques du travail musculaire excentrique :
L’ exercice musculaire excentrique présente des caractéristiques biomécaniques et métaboliques différentes de celles du travail statique ou concentrique. Lors d’ un travail de type excentrique, le muscle sollicité résiste à une force externe supérieure à la force développée par les unités motrices engagées.
Cela s’ explique notamment par le fait qu’ il existe un gain de force associé à la résistance à l’ étirement des composantes élastiques qui sont parallèles (épimysium, périmysium et endomysium) et en séries (tendons, aponévroses). Cela inclut la résistance des protéines structurales intra- et intersarcomériques et celle des ponts d’ actomyosine, de façon probablement combinée au réattachement en cascade de ces derniers une fois rompus. Lorsque toutes les unités motrices sont recrutées, la force maximale développée est ainsi supérieure à celle obtenue lors d’ un travail maximal réalisé sur un mode isométrique ou sur un mode concentrique dans des conditions équivalentes c’ est-à-dire à la même vitesse angulaire. En condition de force sous-maximale, la production d’ un niveau de force donné nécessite un niveau d’ activation moins élevé en excentrique qu’ en concentrique. Ajouté à la rupture dite mécanique de certains ponts d’ actomyosine provoquée par la force d’ étirement et dès lors sans besoin d’ ATP, cela se traduit par un moindre coût énergétique.
Le travail sur un mode excentrique présente donc des avantages biomécaniques et bioénergétiques très intéressants, mais il faut souligner que, pratiqué de façon intense ou inhabituelle, il peut conduire à des altérations structurales et fonctionnelles des muscles sollicités. Celles-ci peuvent persister plusieurs jours à plusieurs semaines. En effet, la résorption des microlésions musculaires engendrées par l’ exercice nécessite généralement le développement d’ un processus inflammatoire nécessaire à leur résorption. Celui-ci s’ accompagne typiquement d’ altérations transitoires de la fonction neuromusculaire et d’ une sensation de douleurs diffuses et retardées qualifiée par Miles et Clarkson de « Delayed Onset Muscle Soreness » (DOMS) et que l’ on appelle communément des « courbatures ».
Les DOMS débutent 12 à 48 heures après un exercice excentrique et disparaissent progressivement en trois à cinq jours. Toutefois, selon Howell et al. les DOMS ne seraient corrélées ni avec l’ ampleur ni avec le « timing » des microlésions musculaires. Pour Newham et al., les lésions initiales seraient néanmoins les prodromes de lésions musculaires plus étendues associées au mécanisme inflammatoire. Bien que celui-ci semble expliquer en partie les DOMS, les mécanismes sous-jacents exacts sont complexes et restent au centre de nombreux travaux scientifiques.
Microlésions des tissus musculaire et conjonctif :
Cette théorie a été la première évoquée pour expliquer les DOMS. Depuis, de nombreux travaux ont démontré la présence de microlésions prolongées mais réversibles d’ un petit nombre de myocytes faisant suite à un travail excentrique intense. Les étirements actifs propres au travail excentrique se traduisent par des lésions minimes et très localisées du cytosquelette entraînant une désorganisation de certains sarcomères, avec de possibles lésions du sarcolemme, des tubules transverses et du réticulum sarcoplasmique. Bien qu’ évoquée, l’ hypothèse de lésions associées des fuseaux neuromusculaires a été récemment remise en cause par les travaux de Gregory et al..
Le travail excentrique provoque, en effet, un stress mécanique qui a été suggéré par Asmussen dès 1956 et qui serait la cause majeure des signes observés. Pour Lieber et Friden, le degré d’ étirement serait le principal facteur mécanique responsable de l’ apparition de microlésions. Par ailleurs, les données obtenues chez l’ animal et chez l’ homme suggèrent une atteinte préférentielle des fibres musculaires de type II. Ces fibres se caractérisent par des stries Z plus étroites et par une matrice extracellulaire moins développée que celles de type I. Il semblerait aussi que leur fatigabilité accrue puisse se traduire par un état de contraction prolongée de certains sarcomères, créant ainsi une hétérogénéité intersarcomères et interfibres dans la résistance à l’ étirement. Plus récemment, Brockett et al. ont proposé que le degré d’ étirement respectif des fibres de type I et II dans un effort excentrique donné soit examiné au regard de celui du muscle auquel elles appartiennent. Selon cette hypothèse, un écart important entre leurs longueurs optimales respectives devrait engendrer un degré d’ étirement accru de certaines fibres musculaires en excentrique, favorisant ainsi l’ apparition de microlésions.
Bien qu’ elles soient observées à la suite d’ un exercice excentrique, les microlésions ne peuvent être directement responsables des DOMS puisqu’ elles surviennent pendant l’ effort alors que les douleurs n’ apparaissent que dans les 12 à 48 heures qui suivent.
Suite à la phase dite « initiale » de lésion, Armstrong et al. ont différencié trois phases, dites « autogénique », « phagocytaire » et de « régénération », propres au processus inflammatoire :
* le stade « autogénique » se déroule durant les trois premières heures après l’ exercice et correspond au début de l’ autodégradation des structures membranaires lésées ;
* au stade « phagocytaire », la lésion est envahie par de nombreux monocytes qui se transforment en phagocytes. On observe une augmentation de la température interne du muscle qui traduit les réactions de catabolisme et d’ anabolisme.
La libération par les tissus lésés de médiateurs chimiques provoque une extravasation plasmatique qui accroît la pression interne du muscle. La sensation de douleur diffuse peut être expliquée par ces modifications chimiques, thermiques et mécaniques ;
* enfin, le stade de « régénération » qui débute quatre à six jours après la lésion initiale et qui pourrait persister une à plusieurs semaines selon la gravité des dommages.
Mécanismes algiques :
Les douleurs musculaires sont en partie attribuées à la sensibilisation d’ afférences nociceptives appartenant au groupe des afférences de type III et IV (de petit diamètre). Celles-ci sont issues de terminaisons nerveuses libres, situées dans l’ ensemble des tissus musculaires et conjonctifs, en particulier à la jonction myotendineuse.
Ces afférences sont qualifiées de polymodales, car elles peuvent varier en fonction de plusieurs paramètres physicochimiques liés aux dommages musculaires et/ou à la fatigue métabolique.
Lorsque se produit une inflammation musculaire, l’ augmentation de la pression, de la température interne du muscle et la synthèse de bradykinine et de prostaglandines augmentent la décharge spontanée des récepteurs appartenant au groupe des afférences de type III et IV. Clarkson et Newham ont toutefois décrit un pic d’ augmentation de la circonférence du membre fatigué au cinquième jour postexercice, soit près de trois jours après le pic des DOMS. Ce décalage dans le temps fait supposer que l’oe dème musculaire n’ est qu’ un facteur de la majoration des DOMS et non un responsable de leur déclenchement initial.
Une fois stimulées, les terminaisons nerveuses libres situées au niveau des tissus lésés libèrent des neuropeptides (en particulier de la substance P), ce qui aboutit à une amplification de la réponse inflammatoire et à un « auto-entretien » de l’ activation de ces mêmes terminaisons nerveuses. D’ après Grigg, certaines de ces terminaisons nociceptives qui étaient jusqu’ alors silencieuses se trouveraient ainsi sensibilisées.
Cela se traduit par une augmentation de la réponse nociceptive globale contribuant ainsi au phénomène d’ hyperalgie. En ce qui concerne les nocicepteurs, ceux de type III induiraient plutôt une douleur aiguë et localisée, alors que ceux de type IV conduiraient à une douleur sourde et diffuse. En conséquence, il est légitime de penser que les fibres nerveuses de type IV sont les principales responsables des phénomènes douloureux.
De récents travaux soulignent, par ailleurs, l’ implication de mécanorécepteurs de gros diamètre (issus des fuseaux neuromusculaires) qui pourrait expliquer en partie l’ absence de corrélation des DOMS avec l’ ampleur des microlésions musculaires.
Activation du « pool » des motoneurones :
Lorsque la fatigue découle d’ un travail isométrique réalisé volontairement ou par électrostimulation, l’ activation des afférences de petit diamètre qui en résulte semblerait induire une inhibition partielle du « pool » des motoneurones α innervant le muscle sollicité. Certains auteurs ont alors émis l’ hypothèse que les afférences de type III et IV seraient à l’ origine d’ une inhibition présynaptique des afférences fusoriales, ainsi que d’ une inhibition d’ interneurones spinaux impliqués dans les voies oligosynaptiques de ces mêmes afférences. Bien que récemment remise en question par Löscher et al., cette régulation réflexe pourrait expliquer les modifications retardées de l’ activation suite à l’ occurrence de microlésions musculaires.
Les données de la littérature relative à l’ influence des afférences III et IV sur les activations centrale et réflexe restent cependant contradictoires en cas d’ inflammation et/ou de douleur.
L’ hypothèse d’ une protection du muscle fatigué par une inhibition de l’ activation centrale et/ou réflexe du « pool » des motoneurones repose sur de nombreux travaux effectués chez l’ homme et chez l’ animal. Lorsque le stimulus se résume à la douleur musculaire, celle-ci semble s’ accompagner d’ une diminution de l’ activation maximale volontaire et de modifications des coordinations intermusculaires lors d’ exercices dynamiques. D’ autres études rapportent une moindre activité des muscles synergistes et une coactivation accrue des muscles antagonistes. D’ autres auteurs évoquent l’ hypothèse inverse d’ un « cercle vicieux » dans lequel les afférences de type III et IV activeraient les motoneurones γ augmentant dès lors la sensibilité fusoriale, ce qui aurait pour effet d’ augmenter l’ activité des motoneurones α et ainsi d’ accélérer le développement de la fatigue. Plusieurs travaux confirment cette hypothèse chez l’ animal en rapportant une augmentation de la fréquence de décharge fusimotrice à la suite d’ injection intra-artérielle de substances pro-inflammatoires. La littérature reste toutefois controversée quant à la validité de cette hypothèse chez l’ homme.
Il faut ajouter à ces mécanismes l’ existence de modulations au niveau supraspinal de ces afférences. Par exemple, l’ influence de la sensibilisation des afférences de types III et IV sur le niveau d’ excitabilité des cellules de Renshaw (inhibition récurrente des motoneurones) varie selon l’ état du muscle (actif ou au repos). Illustrant aussi cette complexité, Martin et al. ont récemment démontré chez l’ homme que la sensibilisation d’ afférences de petit diamètre de muscles agonistes ou antagonistes tendait à inhiber les motoneurones des muscles extenseurs et à faciliter ceux des fléchisseurs. En cas de douleurs musculaires, Qerama et al. rapportent, par exemple, une réduction de la fréquence de décharges des unités motrices. Les données issues de l’ utilisation de la TMS révèlent également une moindre excitabilité du cortex moteur. En ce sens, il convient de souligner combien les ajustements périphériques et centraux semblent dépendants du stade de régénérescence musculaire, de la présence ou non de douleurs et de la tâche de test choisie. De récents travaux s’ attachent en ce sens à étudier la possibilité d’ effets controlatéraux d’ une fatigue unilatérale.
En conséquence, l’ ensemble de ces travaux met en évidence l’ importance mais aussi la complexité de phase de travail excentrique sur la production de force et sur les modulations d’ origines centrale et périphérique de l’ activation des muscles impliqués.
D’autres étiologies ont été souvent évoquées :
Acide lactique :
L’ acidose lactique peut expliquer en partie les douleurs qui surviennent à la fin d’ un effort intense mais, en aucun cas, elle ne peut contribuer à celles qui apparaissent de manière différée plusieurs heures après. En effet, l’ élimination de l’ acide lactique ne nécessite qu’ une vingtaine de minutes en récupération active et aux alentours de deux heures en récupération passive.
Par ailleurs, la production d’ acide lactique pour un même niveau d’ effort est nettement supérieure en isométrique et en concentrique qu’ en excentrique alors que les DOMS apparaissent après un travail excentrique. En ce sens, la diminution de force mise en évidence après un exercice intense isométrique ou concentrique se normalise en grande partie dans les deux heures qui suivent l’ activité sportive. En revanche, lorsqu’ il s’ agit d’ un exercice excentrique, les altérations structurales et fonctionnelles sont maximales au deuxième jour après l’ exercice et peuvent persister jusqu’ à une à deux semaines.
Spasme musculaire :
À la suite de l’ observation de niveaux d’ activation musculaire de base accrus après un travail excentrique, le spasme musculaire a été soupçonné d’ être à l’ origine d’ une ischémie vasculaire se traduisant par l’ accumulation de substances susceptibles d’ activer des afférences nociceptives. L’ activation de ces afférences amplifierait par voie réflexe l’ état de spasme et prolongerait dès lors l’ ischémie d’ après la théorie du « cercle vicieux ». Les données électromyographiques ne tendent pas pour l’ instant à confirmer cette hypothèse.
Conséquences fonctionnelles des microdommages musculaires :
Ce type de lésions est propre à de nombreuses formes de locomotion (marathon, course de 10 km, exercices de rebonds) en raison de la répétition des impacts au sol suivis de phases de travail excentrique qu’ elles comportent. Une revue récente de la littérature souligne le caractère biphasique de la récupération fonctionnelle, avec de fortes réductions immédiates des performances neuromusculaires, suivie d’ une récupération partielle ou totale dans les deux à trois heures qui suivent l’ exercice, avant de nouvelles baisses perdurant sur plusieurs jours.
La raideur passive à l’ étirement se caractérise par une baisse immédiate qui contraste avec son augmentation retardée.
La phase retardée de la récupération se caractérise également par une réduction de l’ amplitude articulaire avec altération du sens de la force et de la position. Nos derniers travaux (en cours) confirment au deuxième jour postexercice une détérioration du sens de la position ainsi qu’ une altération du sens du mouvement.
Lorsque l’ on veut quantifier la fatigue neuromusculaire engendrée par différents modes de contraction, on effectue généralement des tests de force isométrique maximaux et sous-maximaux. On sait ainsi qu’ à travail égal, les baisses de force induites par un travail excentrique sont plus élevées que celles générées par un travail concentrique ou isométrique.
L’ analyse des performances isométriques maximales souligne l’ importance des chutes de force et d’ activation maximales, en moyenne de 40 %, et confirme l’ évolution biphasique de leur récupération. On retrouve une inhibition partielle de l’ acti vation lors de la phase de production de force maximale et un accroissement du niveau d’ activation lors d’ un travail de maintien de force isométrique sous-maximale, ce qui est en faveur d’ une compensation de la fatigue musculaire par le système nerveux central.
Lors de tests propres à la locomotion, on retrouve une baisse de performance maximale associée à une diminution de la tolérance aux impacts au sol. Cela s’ explique certes par l’ affaiblissement du système contractile mais aussi par des modifications de l’ activation, tant centrale que réflexe. Plusieurs études ont démontré l’ existence d’ un ajustement de la commande centrale avant même l’ impact. En ce sens, les données récentes enregistrées au cours d’ exercices épuisants de rebonds et aux différents stades de la phase de récupération soulignent l’ adaptation progressive et spécifique des stratégies d’ activation musculaire dans chacune des phases de préparation, de freinage et de poussée au sol. On note ainsi une préactivation accrue lors de rebonds sousmaximaux (compensation de la fatigue contractile) mais diminuée lors de rebonds maximaux (atténuation de la raideur du système musculotendineux et par là même du pic d’ impact au sol). Lorsque le niveau de performance imposé est sousmaximal, la phase de freinage qui fait suite à l’ impact est inhibée alors que la préactivation était accrue. Cela pourrait refléter une tentative de protection du muscle fatigué lors de son étirement actif. Cet « amorti » se traduit par une perte d’ énergie élastique et par la nécessité d’ un travail accru pendant la phase de poussée. L’ activation accrue lors de dernière phase reflète d’ ailleurs une tentative de compensation par la commande centrale de l’ affaiblissement de l’ appareil contractile.
L’ ensemble de ces observations souligne l’ existence d’ ajustements distincts de l’ activation des motoneurones aux contraintes de la tâche imposée et tout au long de la lente régénérescence structurale. La possibilité d’ ajustements sur le moyen terme par voies réflexes de l’ activation des motoneurones conforte l’ hypothèse d’ une intervention des afférences de type III et IV.
La constatation des baisses de performances (courses, sauts) typiquement associées à un écrasement (moindre tolérance) à l’ impact a conduit à la recherche de l’ influence potentielle de ce type de fatigue sur la sensibilité réflexe spinale et sur la contribution de cette dernière à la raideur du système musculotendineux. La sensibilité de la composante monosynaptique du réflexe myotatique à ce type de fatigue a été évaluée pour certains muscles extenseurs des membres inférieurs dans la phase de freinage après l’ impact (étirement actif), mais également lors de dorsiflexions passives engendrées par un ergomètre spécifique. La latence et l’ amplitude des réponses électromyographiques (EMG) et mécaniques réflexes ont été enregistrées pendant une durée de quatre à sept jours.
L’ influence d’ un travail excentrique sur le réflexe myotatique pouvant être affectée par la présence de dommages au niveau des fibres intrafusales. Ce test a été complété par le test du réflexe de Hoffman (H). Pour limiter l’ influence d’ un ralentissement de la conduction musculaire des potentiels d’ action avec la fatigue, les réponses réflexes H ont été normalisées par rapport à l’ onde M (H/M). Ces travaux révèlent une forte réduction immédiate suivie d’ une lente récupération sur plusieurs jours de la réponse réflexe H/M et des réponses EMG et mécaniques réflexes à des étirements passifs. En ce qui concerne les effets immédiats d’ un exercice, il convient de rajouter aux influences (directe et indirecte) immédiates des dommages précédemment décrits, ceux d’ ordre métabolique. Il est rare en effet qu’ un travail musculaire ne comprenne que des actions de type excentrique. La plupart des activités de la vie quotidienne ou sportive comprennent une succession d’ actions excentriques et concentriques. Le mode concentrique étant moins économique que l’ excentrique, l’ augmentation de l’ intensité de l’ effort se traduit fréquemment par une acidose musculaire. De récents travaux tendent à suggérer que la réalisation d’ efforts excentriques intenses par un muscle en état d’ acidose puisse aggraver son manque de tolérance aux impacts et se traduire par une récupération structurale et fonctionnelle plus longue. Outre la sensibilisation des afférences de type III et IV, l’ acidose pourrait également limiter la contribution des fuseaux neuromusculaires aux régulations réflexes spinales.
En ce qui concerne la phase retardée de la récupération, la lente récupération des réponses EMG et mécaniques réflexes semble liée à l’ évolution de divers indices de résorption de microlésions musculaires. La récupération du réflexe passif d’ étirement est, par exemple, corrélée à la baisse plasmatique de créatine-kinase et évolue en parallèle avec la réduction du gonflement musculaire [ED]. Ces données confortent l’ existence d’ une inhibition de l’ activation des muscles lésés, probablement via l’ activation de terminaisons nerveuses libres de type III et IV sensibilisées par les variations thermiques, chimiques et mécaniques qui se produisent au sein des muscles sollicités.
On peut dire en résumé que des phases de travail excentrique intenses et/ou inhabituelles peuvent engendrer une baisse des qualités proprioceptives, une diminution des amplitudes articulaires et une baisse de force musculaire et de l’ activation maximale en condition maximale statique comme dynamique.
Ces déficits persistent en général deux à dix jours de plus que les simples manifestations douloureuses (DOMS). Cela représente un risque non négligeable pour les articulations puisque l’ affaiblissement des « ligaments actifs » que constituent les muscles est systématiquement et très nettement sous-estimé lorsque la douleur disparaît (notamment au troisième jour) et peut donc contribuer à la survenue de blessures.
Diagnostics différentiels :
Les DOMS sont à distinguer des douleurs qui surviennent lors d’ un accident aigu traumatique au cours de l’ effort.
L’ intolérance musculaire à l’ effort peut avoir des étiologies diverses.
Devant un tableau de faiblesse et/ou myalgies, il faut éliminer les étiologies « non mécaniques ». La première étape consiste à affirmer l’ origine musculaire, puis à évoquer des myalgies pathologiques comme des myopathies d’ origine virale, inflammatoire ou infectieuse, ou un déficit des enzymes glycolytiques ou mitochondriales. Il faudra éliminer également un syndrome de loge, une rhabdomyolyse dont les mécanismes de survenue peuvent être proches des douleurs d’ origine vasculaire ou neurologique.
Traitement des DOMS :
De nombreux traitements ont été proposés sans qu’ ils soient pour autant validés :
* la cryothérapie, les étirements, les anti-inflammatoires, les ultrasons (et autres techniques de physiothérapie), l’ homéopathie, les massages, la compression et l’ oxygénothérapie hyperbare ;
* les TENS (stimulations électriques transcutanées antalgiques) ou les AINS n’ ont démontré aucune efficacité dans ce domaine ;
* d’ autres traitements sont possiblement efficaces comme les massages précoces réalisés moins de deux heures après l’ effort ou l’ apport de L. Carnitine. Il semblerait également que l’ estrogénothérapie de la contraception orale ait un effet protecteur, mais ces données nécessitent d’ être confirmées.
Prévention des DOMS :
Les microlésions ou lésions musculaires des DOMS étant engendrées par un exercice excentrique inhabituel ou réalisé à une intensité élevée, la répétition de l’ exercice serait la meilleure prévention connue des DOMS au travers d’ une atténuation réelle les dommages musculaires.
L’ adaptation qui fait suite à un premier exercice se traduit par de très nettes atténuations de la symptomatologie lors de la répétition de l’ exercice. On observe ainsi moins de baisse de force, de douleurs, de gonflement et de raideur après un deuxième exercice de même type. C’ est l’ effet de répétition ou repeated bout effect . Ce processus d’ adaptation est également appelé « effet protecteur ». Des hypothèses d’ origines structurale et nerveuse ont été mises en avant.
Au niveau structural, Rathbone et al. ont récemment montré que la prolifération des cellules satellites était responsable de la moitié de la récupération de la force maximale chez la souris. L’ activation des cellules satellites va en effet provoquer la synthèse de protéines du cytosquelette qui se traduit par une addition de sarcomères en série. Au niveau fonctionnel, cela engendre une meilleure force de résistance à un étirement donné c’ est-à-dire un décalage de la relation force– longueur. Cela semble refléter un mécanisme de protection musculaire au travers de l’ ajout de sarcomères au sein des myofibrilles musculaires lésées. Certains auteurs ont également suggéré que le contenu du muscle en tissu conjonctif pourrait augmenter.
L’ hypothèse d’ une adaptation nerveuse a été avancée par les études qui ont répété un exercice excentrique dans les deux ou trois jours qui suivaient un premier exercice excentrique. Le deuxième exercice bénéficiait d’ un effet protecteur, induit de façon très rapide, alors que la récupération était incomplète. Les auteurs ont alors suggéré qu’ une adaptation nerveuse pouvait expliquer une adaptation aussi rapide.
Indépendamment des mécanismes impliqués, ces adaptations sont extrêmement intéressantes puisque l’ on n’ aggrave pas la symptomatologie lorsque l’ on répète un deuxième exercice excentrique après un premier ayant entraîné des DOMS.
Chez des sujets peu entraînés, il est toutefois conseillé de respecter la semaine de récupération qui fait suite au premier exercice excentrique afin d’ obtenir une récupération totale de l’ activation et de la force. Cela ne semble plus nécessaire pour les sollicitations suivantes et, de moins en moins, pour des sujets entraînés.
Si les DOMS sont désagréables, elles ne présentent donc aucun caractère de gravité puisqu’ elles ne font que refléter l’ existence d’ une inflammation en parallèle d’ un remodelage structural qui contribuera à augmenter la force musculaire. De surcroît, la sensation de DOMS conduit généralement à une surprotection du muscle lésé qui favorise dès lors la régénérescence de ce dernier.
Ils vont s’ atténuer à l’ exercice (de nombreux stimuli mécaniques et thermiques inhabituels au repos devenant normaux à l’ exercice) et disparaître avant le retour de l’ intégrité structurale et fonctionnelle. Au regard du rôle majeur de « ligaments actifs » joué par les muscles squelettiques, l’ atténuation des DOMS, alors que perdurent diverses perturbations neuromusculaires, favorise dès lors la survenue de blessures. La fréquence élevée de rupture du ligament croisé antéro-externe au troisième jour de ski en est probablement l’ une des illustrations.
Conclusion :
Le travail musculaire excentrique intense et/ou inhabituel peut engendrer des microlésions musculaires qui seront suivies d’ une récupération lente de l’ intégrité des tissus lésés. Ces microlésions musculaires s’ accompagnent généralement d’ une sensation caractéristique de douleur diffuse et d’ inconfort, appelée « DOMS » (Delayed Onset Muscle Soreness). Ces microlésions se produisent en quelques heures, mais la régénération comporte une phase inflammatoire d’ environ quatre jours et ce n’ est qu’ après une à deux semaines que le muscle aura retrouvé non seulement son intégrité structurale mais surtout ses capacités fonctionnelles. Si les DOMS conduisent à une surprotection du muscle lésé, elles ont comme inconvénient majeur de disparaître avant le retour à l’ intégrité structurale et fonctionnelle. Il faut donc mettre en garde le sportif sur cette période « postcourbatures » au cours de laquelle on tend fréquemment à surestimer ses capacités.