Histoire de la maladie :
Dans le début des années 80, plusieurs publications ont rapporté des observations de gêne fonctionnelle d’effort chez des cyclistes de haut niveau, mises en rapport avec une sténose des premiers centimètres de l’artère iliaque externe. Ces athlètes voyaient leur douleur de cuisse d’effort apparaître à l’effort maximal ou supra-maximal. L’origine artérielle de la douleur était confirmée par la totale disparition des signes fonctionnels après chirurgie vasculaire.
Définition :
L’analyse histologique des pièces opératoires chez ces patients, le plus souvent exempts des facteurs de risque classiques d’athérosclérose, révélait un infiltrat fibreux intimo-médial de la paroi artérielle (2). La plupart des lésions siègent sur l’iliaque externe et apparaissent chez le sportif de haut niveau, mais des localisations noniliaques chez des athlètes d’endurance non-cyclistes ont aujourd’hui été bien documentées. Malgré une publication remettant en cause l’aspect histologique de la maladie, le terme “endofibrose” semble devoir être conservé, ainsi que le caractère “exercice induit” de la maladie.
Prévalence :
La prévalence réelle de la maladie reste mal connue. Elle serait de près de 30 % dans certaines équipes de haut niveau et l’augmentation des cas diagnostiqués ces dernières années reflète plutôt une meilleure connaissance de la maladie par les médecins et le milieu sportif, qu’une augmentation de l’incidence annuelle des nouveaux cas au sein des sportifs.
De fait, des observations d’endofibroses chez d’anciens professionnels sportifs permettent de suggérer que la maladie était certainement non-diagnostiquée il y a maintenant plusieurs dizaines d’années.
Les prévalences qui pourraient être rapportées dans des revues étrangères ne doivent sans doute pas être prises en considération, dans la mesure où la définition proposée par certains auteurs, en particulier hollandais, intègre dans les maladies du cycliste professionnel des lésions sténosantes avec surcharge pariétale à des lésions non-sténosantes, uniquement liées à l’allongement artériel. Pour notre part, nous ne retenons comme pathologiques que les patients présentant des lésions sténosantes significatives, avec image histologique confirmant la fibrose pariétale artérielle.
Examen clinique :
En cas d’endofibrose, il est classique d’observer une aggravation des symptômes au cours des saisons de compétition et une régression des symptômes au début de la saison suivante si l’entraînement cycliste est arrêté.
Il est vraisemblable que cela est uniquement dû au niveau de performance atteint par les athlètes aux différentes périodes de l’année, bien plus qu’à une évolution progressive de la maladie. Les symptômes cliniques restent relativement typés sous forme d’une sensation subjective de grosse cuisse ou de perte de force de la jambe atteinte, apparaissant à effort maximal et régressant en quelques minutes à l’arrêt de l’effort.
Examens complémentaires :
L’imagerie ultrasonore et le Doppler sont largement utilisés dans le diagnostic de maladies vasculaires et ont montré une certaine utilité dans l’endofibrose. La valeur prédictive des ultrasons reste cependant modeste et même si quelques observations montrent des accélérations des vélocités dans le Doppler iliaque au repos, elles correspondent sans doute à des lésions très évoluées qui sont actuellement devenues assez rares du fait que les patients consultent précocement.
La mesure des index de pression systolique de cheville est un élément essentiel du diagnostic des endofibroses, comme elle l’est des artériopathies périphériques, même si les valeurs de normalité des athlètes sont différentes de celles des sujets non-entraînés. Il faut aussi s’attacher à ce que le niveau d’effort fourni en laboratoire corresponde au niveau de performance habituel des athlètes, faute de quoi on ne reproduit pas la douleur et un examen peut rester négatif et ce, d’autant plus que les chutes des index de pression aux chevilles dépendent du niveau de charge effectué sur le cyclo-ergomètre.
De nombreuses valeurs seuil ont été proposées dans la littérature concernant le diagnostic des endofibroses.
Il est intéressant de noter que dans la mesure où les équipes hollandaises intègrent dans leur population des patients présentant des sténoses objectives, mais aussi des patients ne présentant que des artères allongées et flexeuses, il n’est pas étonnant que la valeur diagnostique de mesure de pression de cheville soit faible dans leur groupe.
De même, il est intéressant de noter que si les mesures prenant en compte les différences tensionnelles d’un côté par rapport à l’autre ont sans doute une performance diagnostique élevée, elles peuvent être prises à défaut chez des patients présentant des lésions bilatérales, même s’ils n’ont que des symptômes unilatéraux.
Quels que puissent être les critères choisis, il semble important de respecter quelques points essentiels aux mesures d’index de pression d’effort pour diagnostiquer les endofibroses :
1. le test doit toujours être réalisé sur un sujet très entraîné et non pas après une période de repos ;
2. le niveau d’effort fourni doit correspondre au niveau d’effort reproduisant les symptômes, ce qui nécessite de disposer au laboratoire d’un ergomètre supportant des charges élevées ;
3. si le test d’effort ne reproduit pas la symptomatologie habituelle, le risque de faux négatif des index de pression ne peut être exclu ;
4. plus la mesure des pressions de cheville sera précoce après l’arrêt de l’effort, plus la performance du test sera élevée ;
5. si l’on s’intéresse aux différences de pression entre le côté sain et le côté pathologique, il est préférable de disposer de mesures parfaitement synchrones, soit en réalisant les mesures par plusieurs opérateurs, soit en utilisant des tensiomètres automatiques ;
6. les mesures doivent toujours être réalisées en position de décubitus dorsal strict, car si elles sont réalisées en position assise, les pressions de cheville sont surestimées (grossièrement d’une valeur correspondant à la pression hydrostatique de la colonne de sang du tronc, de la tête et du cou).
L’imagerie par résonance magnétique proposée par les auteurs hollandais est sans doute pertinente et performante pour diagnostiquer l’allongement artériel, mais ne rentre pas, à notre sens, dans la logique diagnostique des sténoses artérielles fixées. D’autre part, à l’issue des examens non-invasifs, si une artériographie est réalisée, il semble préférable qu’elle soit faite par des mains très expérimentées dans cette maladie, car il n’est pas exceptionnel, faute d’expérience, que les examens soient interprétés comme normaux, bien que des lésions radiologiquement mineures soient présentes.
L’artériographie de l’axe suspect devrait idéalement être réalisée en flexion de cuisse, de façon à voir apparaître des plicatures ou des zones de rétrécissement qui sont parfois difficiles à voir sur le cliché jambe tendue.
Les examens d’avenir :
Avec une meilleure connaissance de la maladie, le nombre de sujets d’âge extrême, ainsi que des coureurs à pied adressés pour suspicion d’endofibrose, ne cesse d’augmenter. Il est actuellement difficile de dire si les limites diagnostiques proposées dans la littérature chez les cyclistes sont applicables à d’autres sports. Si de nouvelles techniques devaient être développées, peut-être les mesures transcutanées en oxygène apporteront, comme dans d’autres situations vasculaires, un élément diagnostique.
La spectroscopie en proche infrarouge actuellement en plein essor, supposée mesurer la saturation des muscles profonds, sera peut-être un élément déterminant du diagnostic à l’avenir. Enfin, la scintigraphie au thallium, proposée dans le diagnostic des ischémies proximales, pourrait être utile pour discriminer les patients sains des sujets malades et sa performance diagnostique devra être étudiée dans le futur.
De nombreuses publications ont été faites à propos de l’endofibrose ces 20 dernières années (3, 4, 8), mais il reste beaucoup à apprendre dans un futur proche sur le diagnostic, le traitement et la physiopathologie de la maladie.