Introduction :
Un certain nombre de questions doivent être posées avant la prise en charge des coudes séquellaires : lors du bilan du traumatisme initial toutes les lésions ont-elles bien été diagnostiquées ? Les massifs osseux sont-ils consolidés ? Si oui, l’anatomie est-elle rétablie ou existe-il un cal vicieux facteur d’incongruence ? Le coude est-il centré ou en luxation dans le plan frontal, sagittal ou axial ?
Comme nous l’avons vu, un examen clinique minutieux, comparatif et complet reste nécessaire avant toute prise en charge. De même, après un examen radiologique standard, la tomodensitométrie (TDM) reste le meilleur examen iconographique pour analyser au mieux ces grandes lésions que sont la pseudarthrose, les cals vicieux et les instabilités. La notion fondamentale du traitement qui est chirurgical, est de rétablir l’anatomie, associée éventuellement à un geste secondaire de mobilisation.
Les pseudarthroses :
Leurs tolérances fonctionnelles sont toujours médiocres.
Le problème du traitement est avant tout technique, lié à la bonne stabilité de la synthèse et fonction du siège en hauteur du trait ainsi qu’à la raideur du coude sousjacent.
On distingue des pseudarthroses supra-articulaires (métaphysaires hautes, métaphysaires basses) et des intraarticulaires.
Les pseudarthroses supra-articulaires :
Ce sont les plus fréquentes. Elles posent des problèmes proches des cals vicieux quel que soit leur siège, il faut résister à la tentation de traiter simultanément pseudarthrose et enraidissement. Ces pseudarthroses sont, en effet, d’autant plus génératrices d’enraidissement qu’elles sont séquellaires de fractures intra-articulaires ou para-articulaires basses. Le siège para-articulaire du trait de pseudarthrose limite la solidité de la synthèse dans le fragment inférieur, quels que soient les artifices de reconstruction, la qualité de la chirurgie et les progrès du matériel utilisé. La précaution est de s’en tenir aux gestes de consolidation de la pseudarthrose : décortication, excision, éventuelle greffe et synthèse. Au moindre doute quant à la solidité du montage, il faut protéger cette synthèse par un fixateur externe huméro-ulnaire. Cette protection est temporaire et sera maintenue jusqu’à consolidation. Un programme de rééducation s’en suivra. Il n’est pas exceptionnel que la consolidation de la pseudarthrose permette de récupérer une meilleure mobilité qu’avant le traitement de cette dernière. Dans le cas contraire, un programme chirurgical d’arthrolyse sera envisagé à distance, un an au moins après l’obtention de la consolidation.
Les pseudarthroses intra-articulaires :
Il s’agit souvent de fragments de taille limitée se comportant comme des corps étrangers intra-articulaires et qui feront l’objet d’une simple exérèse peropératoire. Cela est vrai pour les fractures frontales de l’humérus, certaines fractures parcellaires de la tête radiale, mais doit être nuancé sur les pseudarthroses de fractures parcellaires sagittales de la palette qui, en règle générale, pourront être avivées et ostéosynthèsées, autorisant une rééducation assez précoce ; il en est de même pour les fractures épiphysaires ulnaires.
Les cals vicieux :
Ils peuvent être supra-articulaires, le plus souvent huméraux, mais également intra-articulaires pouvant alors toucher chacun des trois os du coude.
Les cals vicieux supra-articulaires de l’humérus :
Dans tous les cas, quand un rétablissement de l’axe paraît nécessaire, il doit être effectué dans un temps préalable à la chirurgie mobilisatrice. L’arthrolyse simultanée risque de créer une dévascularisation de l’extrémité osseuse ostéotomisée.
Par ailleurs, les sollicitations de la rééducation risquent d’interférer péjorativement sur la consolidation de l’ostéotomie correctrice.
Les cals vicieux intra-articulaires :
Le bilan en est fait, au mieux par la TDM, avec reconstruction.
La question essentielle est de savoir si le cal vicieux est tolérable ou non :
• soit le cal vicieux est facteur d’incongruence et n’est pas encore compliqué d’arthrose : il justifie une correction ;
• soit le cal vicieux est associé à une arthrose évoluée : l’indication d’ ostéotomie est à peser et peut faire envisager des gestes associés ou alternatifs : retaille osseuse et distraction articulaire, voire dans certains cas prothèse ou arthrodèse.
En règle, l’ostéotomie et la correction du cal vicieux imposent une arthrotomie large associée à un geste de libération articulaire. Sur ces fractures, souvent parcellaires et intra-articulaires, les contraintes sont relativement minimes et peuvent supporter une rééducation efficace.
De ce fait, l’attitude est à la correction du cal vicieux associée simultanément à l’arthrolyse en veillant à la réalisation d’une ostéosynthèse assez solide pour résister à la rééducation, tout en n’étant pas agressive pour les surfaces cartilagineuses, qu’il s’agisse de la reposition d’une fracture parcellaire frontale ou sagittale de la palette ou du rétablissement de la congruence huméro-ulnaire en cas de fracture de l’extrémité supérieure du cubitus. À ce niveau, le geste est aisé si le coude n’est pas en subluxation postérieure. Au niveau du radius, le problème est à la définition des limites d’indication de la régularisation d’un cal vicieux de la tête radiale par remodelage ou de la décision de la résection. Lorsqu’une arthrolyse complète, potentiellement déstabilisante, est associée à un geste de résection ou lorsqu’il existe simultanément d’autres lésions déstabilisantes (coronoïde, plan interne), il est conseillé de remplacer la tête radiale réséquée par une prothèse.
Un point particulier doit être noté dans les cals vicieux de fracture de Monteggia négligée : le cal vicieux est ulnaire, la tête radiale est luxée et sa reposition impose une libération large du compartiment externe. Si la tête est stable après ostéotomie de l’ulna et reposition, une rééducation peut être proposée d’emblée. À l’opposée, si la tête est instable malgré une reposition anatomique par rétablissement parfait de la courbure ulnaire et une libération du compartiment latéral, il est nécessaire de la brocher.
Ce brochage, temporaire, en règle huméroradial, interdit évidemment toute rééducation. Un geste mobilisateur d’arthrolyse est alors reporté ultérieurement.
Les séquelles ostéoligamentaires des luxations :
Il est important de comprendre, une fois de plus, pourquoi le patient est arrivé jusqu’à ce stade évolutif. On recherchera donc une méconnaissance de lésion initiale, une insuffisance de thérapeutique initiale ou de surveillance secondaire.
Les exemples en traumatologie courante sont fréquents : une réparation d’un plan interne associée à une stabilisation approximative non contrôlée, l’association d’une luxation médiale et d’une fracture de la tête radiale, chacun étant facteur d’instabilité. Il ne faut jamais oublier qu’une mauvaise réduction initiale ne se corrige jamais spontanément.
Leurs tolérances sont rarement satisfaisantes et leurs prises en charge difficiles car elles associent un geste technique de recentrage de l’articulation délicat, une rééducation précoce avec des résultats aléatoires.
Dans le plan frontal, elles sont en règle séquellaires d’une fracture de la tête radiale associées à une entorse du ligament collatéral médial dans le cadre d’une luxation du coude. Au plan radiologique, l’existence de calcifications sous le bord inférieur de l’épicondyle médial en est un signe pratiquement pathognomonique. La tête radiale peut avoir été préalablement réséquée, avec souvent un coude instable et déjà des lésions arthrosiques. Il est alors indispensable de rétablir la stabilité latérale par une reconstruction de la colonne huméroradiale en implantant une prothèse de tête radiale.
Dans le plan sagittal, elles sont séquellaires de « triades terribles » responsables d’arthrose extrêmement précoce du coude par incongruence, entraînée par la subluxation postérieure que permet la perte simultanée de la butée coronoïdienne et de la console latérale radiohumérale.
Le potentiel évolutif en est catastrophique.
La chirurgie de ces coudes excentrés et enraidis est une chirurgie de sauvetage qui associera un rétablissement de la console latérale en règle par prothèse de tête radiale, une reconstruction de la coronoïde (butée osseuse vissée selon Milch) et une arthrolyse. Ce geste peut être suffisant.
Une décoaptation persistante du coude par insuffisance ligamentaire, en particulier postéro-interne, doit faire discuter l’implantation d’un distracteur—stabilisateur.
On peut faire rentrer dans ce cadre nosologique les instabilités longitudinales de la diaphyse radiale. Elles se voient dans les syndromes d’Essex-Lopresti et doivent rendre prudente l’indication de résection de la tête radiale.
Conclusion :
Dans tous les cas, les pseudarthroses sont toujours mal tolérées et doivent être consolidées.
La tolérance fonctionnelle d’un cal vicieux est variable ; sa correction est souvent le premier temps d’un programme de réhabilitation où la chirurgie osseuse doit toujours précéder la chirurgie de rémobilisation.
La correction et la stabilisation de toute luxation totale ou partielle est impérative pour recentrer le coude même au prix de la perte temporaire de la mobilité.
Quelle que soit la qualité de la prise en charge des séquelles, le résultat sera toujours moins bon que celui d’un traitement initial optimal.