Le syndrome du défilé thoraco-brachial (thoracic outlet syndrome) est l’association, plus ou moins complète, de l’irritation et/ou la compression du pédicule vasculo-nerveux du membre supérieur lors de son passage dans le défilé des scalènes, puis le défilé costo-claviculaire et, enfin, en arrière du muscle petit pectoral avant l’espace axillaire.
En fonction du niveau de la compression, l’expression clinique sera soit neurologique pure, soit vasculaire pure (artérielle et/ou veineuse), soit mixte.
L’étiologie :
L’étiologie de la compression/irritation est souvent constitutionnelle (côte surnuméraire, apophysomégalie de C7, tractus fibreux…), mais son association avec un facteur favorisant acquis (fonte musculaire, hypertrophie musculaire, cal osseux sur fracture…), permet une expression clinique plus ou moins bruyante.
Dans certains cas, les sujets ont une faible musculature avec affaissement de la ceinture scapulaire et chute de l’omoplate ou, à l’opposé, un travail en hyperabduction comme chez les électriciens ou les plâtriers.
Mais le plus fréquent est l’hypertrophie des scalènes chez les travailleurs de force (manutention, port de charges lourdes…), les travailleurs avec les épaules en suspension (coiffeurs, musiciens, dentistes…) ou certains sportifs (nage, handball, volley-ball, base-ball, tennis…).
La prévalence du syndrome est inconnue en France et la variabilité de son expression clinique rend difficile son diagnostic. Cependant, l’augmentation de certains loisirs (bricolage, sport…) doit rendre vigilant le clinicien.
La clinique :
C’est l’élément le plus comprimé du pédicule vasculo-nerveux qui donnera le “ton” de l’atteinte.
Les troubles peuvent être chroniques et sont le plus souvent dominés par l’atteinte neurologique associant radiculalgies C8-D1 (douleurs, paresthésies) ou alors frustres, avec des épisodes d’oedèmes ou d’engourdissements positionnels.
Plus rarement, ils peuvent être bruyants lors de la “phlébite d’effort” (thrombose veineuse sous-clavière), gravissimes en cas d’ischémie artérielle par oblitération de l’artère sousclavière.
L’examen clinique au repos, et surtout lors des manoeuvres de facilitation, est le temps capital en insistant sur l’étude systématique des deux membres.
Les signes seront fonction de l’ancienneté de l’atteinte :
* atteinte neurologique prédominante: douleur provoquée du creux sus-claviculaire, abolition des ROT, hypotrophie de l’éminence hypothénar ;
* atteinte veineuse prédominante : oedème positionnel, présence d’une circulation veineuse collatérale ;
* atteinte artérielle prédominante : auscultation d’un souffle susclaviculaire, abolition d’un ou plusieurs pouls, claudication, phénomène de Raynaud ou encore troubles trophiques unguéaux.
Les manoeuvres positionnelles exacerbent la symptomatologie en majorant la compression et permettent parfois de situer le niveau de l’obstacle :
* test de Roos : l’apparition de paresthésies lors du maintien des bras en abduction à 90°, poignets en rotation externe (“mains en l’air”), avant 3 minutes est hautement évocatrice d’une atteinte neurologique prédominante ; l’association de la disparition d’un pouls ou de l’apparition d’un souffle évoque une composante artérielle ;
* test d’Adson : l’inspiration forcée avec rotation de la tête du côté suspect contracte les scalènes ou peut mobiliser une côte cervicale ;
* manoeuvre de Wright : l’élévation complète du bras tend le petit pectoral;
* manoeuvre de Sander : la position au garde-à-vous ferme la pince costo-claviculaire.
Cependant, il faut garder à l’esprit que la disparition d’un pouls n’a aucune spécificité (50 à 70 % de tests positifs dans la population générale).
Les examens complémentaires :
Après un interrogatoire et un examen clinique bien conduit, les examens complémentaires sont réalisés au repos, mais également lors de manoeuvres de facilitations. Ils confirment l’obstacle ou bien sa répercussion.
La radiographie cervicale :
La radiographie cervicale centrée sur C7 (+++) : apophysomégalie de C7, côte surnuméraire, cal osseux.
L’électromyogramme :
La diminution des vitesses de conduction nerveuse permet surtout d’éliminer d’autres diagnostics différentiels (canal carpien…). Certains auteurs préconisent l’étude des potentiels évoqués somesthésiques.
L’examen Doppler et/ou écho-Doppler :
Il doit être systématiquement bilatéral et symétrique.
L’utilisation d’une petite sonde convexe avec fréquence d’émission entre 5 et 8 MHz est adaptée à l’étude du creux sus-claviculaire et de l’espace sous-claviculaire. L’idéal est de placer la sonde sous la clavicule et de l’orienter en haut et en dedans. Il faut, de façon longitudinale, visualiser la veine puis l’artère qui passent entre la clavicule en haut et la côte en bas (on ne visualise que rarement les deux vaisseaux sur la même incidence).
Les mouvements de facilitation, effectués de manière lente, objectivent la compression de l’artère et/ou de la veine le cas échéant.
La compression veineuse se manifeste par une réduction quasi-complète de son calibre (mieux visualisée par l’utilisation du Doppler couleur), jusqu’à la disparition de la veine.
La compression artérielle est visible et audible. Cependant, si l’analyse spectrale (pic de vitesses supérieur à trois fois la normale, comblement de la fenêtre claire, enveloppe
irrégulière, turbulences jusqu’au flux diastolique permanent, voire abolition complète du signal) confirme la sténose ou l’oblitération dynamique, il n’y a pas à proprement parlé de critères vélocimétriques déterminant un seuil de positivité, puisque :
* la compression que l’on peut visualiser est fréquente dans la population générale ;
* il n’y a pas de rapport de proportionnalité entre l’intensité des symptômes cliniques et la compression ;
* l’atteinte peut être neurologique sans participation vasculaire !
Au stade de lésions constituées, on peut observer :
* au niveau artériel : un épaississement pariétal ou une plaque localisée, voire un anévrisme fusiforme avec une thrombose pariétale jusqu’à l’oblitération complète et ancienne ;
* au niveau veineux : une thrombose constituée ou des séquelles avec rétraction, circulation collatérale jusqu’à la disparition complète de la veine.
Le scanner ou l’IRM :
Sans injection, ils permettent de mettre en évidence une compression du pédicule vasculo-nerveux, par les muscles ou par un tractus fibreux.
L’angiographie :
Elle utilise, le plus souvent, les moyens peu invasifs, en particulier l’IRM, et permet de visualiser les répercussions vasculaires des obstacles (compression artérielle, compression veineuse, sténose, oblitération, anévrisme…).
En conclusion :
Au terme de ce bilan, l’indication thérapeutique est le résultat d’une confrontation multidisciplinaire (médecin vasculaire, neurologue, rééducateur, chirurgien vasculaire…). En dehors des complications nécessitant un traitement spécifique (thrombose veineuse, ischémie artérielle…), le traitement fait appel soit à la kinésithérapie avec rééducation posturale (PEET), soit à la chirurgie (résection de côte ou de tractus fibreux…).