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Athérosclérose et reins

Athérosclérose et reins
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Introduction :

L’athérosclérose a une prévalence considérable dans les pays occidentaux, avec des variations liées à l’âge et à des facteurs génétiques et d’environnement. Elle atteint toutes les artères de l’organisme. Sachant que les reins sont vascularisés par deux artères principales de 6 à 8mm de diamètre qui reçoivent 20 à 25 % du débit cardiaque, il est surprenant de constater que depuis deux décennies seulement l’athérosclérose de ces vaisseaux, génératrice d’ischémie rénale, a pris place parmi les premières causes d’insuffisance rénale chronique. Rares pourtant sont encore les traités de néphrologie où, si l’on scrute l’index à la rubrique « athérome » ou « athérosclérose », on ne se voit pas renvoyé au chapitre de l’hypertension rénovasculaire plutôt qu’à celui ou ceux qui traitent de l’insuffisance rénale. Or, si l’hypertension artérielle figure généralement parmi les signes de l’ischémie rénale, elle peut n’y être pas au premier plan. On se trouve en fait ici dans le domaine des néphropathies chroniques conduisant à l’atrophie rénale, le problème posé au néphrologue étant d’éviter la progression de l’ischémie vers la fibrose et l’atrophie des reins, stade préludant aux méthodes d’épuration extrarénale sur un terrain particulièrement défavorable. Cette évolution serait d’autant plus regrettable que, conséquence d’une sténose mécanique, l’athérosclérose des artères rénales est accessible à un traitement mécanique, rétablissant un flux sanguin dans la circulation préglomérulaire.

Cela étant, les plaques athéroscléreuses ne se forment que rarement chez un sujet au parenchyme rénal indemne. L’âge, une hypertension artérielle primaire ancienne, une néphropathie antérieure, telle celle du diabète de type 2, existent déjà chez la plupart de ces patients dont les reins sont le siège d’une sclérose (ou néphroangiosclérose) qui peut faire que la revascularisation, aussi efficace soit-elle en termes d’imagerie, ne modifie pourtant pas le rythme de l’évolution vers l’insuffisance rénale.

Parmi ces lésions parenchymateuses figurent deux complications propres à l’athérosclérose elle-même : les embolies de cholestérol et des altérations plus ou moins liées à la dyslipidémie athérogène.

Il était donc logique de diviser ce chapitre de l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale en trois rubriques sous-tendues par la maladie athéroscléreuse : les sténoses des artères rénales, les embolies de cristaux de cholestérol et les autres lésions parenchymateuses observées chez des patients de cette sorte.

Sténoses athéroscléreuses des artères rénales :

RAPPEL HISTORIQUE ET ÉVOLUTION DES IDÉES :

Les expériences de Goldblatt qui, en 1934, a génialement créé la notion d’hypertension rénovasculaire tout en donnant le signal de la découverte du système rénine-angiotensine, méritent d’être relues. Lorsqu’il posait un clip suffisamment serré sur les deux artères rénales, l’animal d’expérience mourait d’urémie. Aux débuts de la chirurgie des artères rénales pour traiter l’hypertension rénovasculaire, l’équipe de Poutasse à Chicago avait également dans les années 1950 observé que la correction de sténoses bilatérales pouvait améliorer l’insuffisance rénale chez certains de ces malades. Pourtant il fallut attendre le début des années 1980 pour que, sur quelques cas, Hricik, puis Ying, signalent que chez des patients athéroscléreux, souffrant de sténoses des deux artères rénales ou de la sténose d’un rein fonctionnellement unique, la mise en oeuvre d’un traitement par un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC) entraînait une soudaine ascension de la créatinine sérique. Nous verrons plus loin le mécanisme physiopathologique de ce phénomène mais aussi ses limites diagnostiques. L’ischémie rénale d’origine athéroscléreuse atteignait enfin le niveau de conscience des néphrologues et en 20 ans, les publications sur ce sujet se sont chiffrées par centaines. Pendant une dizaine d’années, l’enthousiasme des chirurgiens vasculaires et des radiologistes interventionnels les conduisait à préconiser la revascularisation dans tous les cas où la hauteur du rein était supérieure à 8 cm. Plus récemment sont parues une série de publications tempérant cet activisme et conduisant à une plus grande circonspection dans les indications de la revascularisation.

ANATOMOPATHOLOGIE DES STÉNOSES ATHÉROSCLÉREUSES DES ARTÈRES RÉNALES :

Les plaques athéroscléreuses des artères rénales ne sont pas différentes de celles qui atteignent les autres artères de gros calibre.

Elles sont formées de lipides intra- et extracellulaires, de cellules musculaires lisses, de tissu conjonctif et de glycosaminoglycanes. La composante « athéromateuse » et la composante « fibreuse » varient avec le temps. Les plaques ont tendance à se calcifier, à s’ulcérer et à se couvrir alors d’un caillot qui recouvre la composante athéromateuse, riche en cristaux de cholestérol. Ces données générales sont connues de longue date. Cela étant, dans le domaine propre aux artères rénales, deux relations significatives doivent être soulignées. La première est celle qui relie à l’athérosclérose coronarienne les plaques intéressant les artères rénales. La seconde est la fréquence avec laquelle la maladie occlusive des artères rénales s’accompagne d’embolies cholestéroliques.

La localisation des plaques est importante à connaître, car elle peut expliquer certaines difficultés diagnostiques par l’imagerie radiologique, leur retentissement hémodynamique d’aval et les aléas de leur traitement. Elles siègent, isolément ou associées sur le tronc de l’artère, sur leur ostium (ce sont ici des plaques aortorénales), ou sur les artères polaires. Deux difficultés s’offrent au radiologue : bien dégager par des clichés obliques multiples l’ostium de ces gros troncs et apprécier l’importance de la sténose qui, dans une certaine mesure, conditionne le retentissement hémodynamique. On considère qu’une sténose diminuant le calibre de l’artère rénale de < 50 % n’est pas hémodynamiquement fonctionnelle. Au-delà de 70 %, elle a toutes chances de l’être, mais ce n’est pas une certitude.

Entre les deux, toutes les variétés sont possibles et l’on verra plus loin quels procédés permettent de juger du retentissement de la sténose, qui conditionne l’attitude thérapeutique.

Les sténoses athéroscléreuses rénales sont fréquentes, le plus souvent bilatérales et en général évolutives.

FRÉQUENCE ET TERRAIN :

La notion selon laquelle l’athérosclérose des artères rénales est une cause fréquente et sous-estimée d’insuffisance rénale chronique est ancienne pour les chirurgiens vasculaires, beaucoup plus récente pour les néphrologues. La fréquence des plaques athéroscléreuses siégeant sur le tronc ou à l’ostium de ces vaisseaux est grande, mais difficile à apprécier avec exactitude. Greco et Breyer ont analysé 11 publications parues entre 1975 et 1994, dans le but d’établir le pourcentage de patients ayant une sténose de plus de 50 % du calibre de l’artère rénale. Les résultats allaient de 11 à 42 %. Plouin et al ont repris les dossiers de 824 malades étudiés par angiographie, dont 201 âgés de plus de 60 ans. Des sténoses artérielles rénales étaient objectivées chez 5,5 % de ceux de moins de 60 ans et chez 16,4 % de ceux ayant dépassé cet âge. Dans trois études conduites par des cardiologues et consistant à injecter le produit de contraste dans les artères rénales au terme d’une opacification iodée coronarienne ou cavitaire, des plaques étaient présentes dans respectivement 5 %, 29% et 15 % des cas. La prévalence était de 29 % en cas de sténose coronarienne, de 10 % lorsque les coronaires étaient normales. Une angiographie aortique effectuée chez 385 athéroscléreux montrait un anévrisme dans 109 cas, une maladie aorto-occlusive dans 21 cas et une artérite iliofémorale dans 189 cas. La fréquence des sténoses des artères rénales était respectivement de 38, 33 et 39 % de ces cas.

Soulignons la fréquence de l’association à un anévrisme de l’aorte abdominale. Des études reposant sur l’échographie-doppler chez des malades souffrant de multiples localisations de l’athérosclérose trouvaient une prévalence de 15 % d’atteinte des artères rénales.

Appel et al extrapolant les résultats d’une étude assez limitée chez des malades hémodialysés concluaient que chez les Américains de race blanche, l’ischémie rénale d’origine athéroscléreuse pouvait être responsable de 7 % des cas d’insuffisance rénale terminale, et représenter par ordre de fréquence la quatrième cause d’insuffisance rénale chronique aux États-Unis. Il convient d’observer qu’en revanche cette complication n’est pas fréquente chez les sujets noirs d’ascendance africaine qui, s’ils souffrent fréquemment d’une hypertension précoce et d’une néphroangiosclérose évolutive, sont peu atteints par la maladie athéroscléreuse rénale, pas plus, comme il sera dit plus loin, que d’embolies cholestéroliques.

Les sténoses athéroscléreuses rénales forment un groupe à risque particulier chez les patients athéroscléreux. Il est établi que les plaques siégeant sur les artères rénales surviennent pratiquement toujours chez des sujets atteints d’une maladie vasculaire sévère.

L’atteinte des artères rénales, néanmoins, implique dans un nombre significatif de cas celle d’artères à destinée viscérale dont l’obstruction compromet la survie. Cela est vrai en particulier des coronaires, et la gravité est amplifiée lorsque le terrain est celui d’un diabète de type 2. Des trois travaux cardiologiques cités plus haut ressort une relation significative entre les sténoses des artères rénales et les sténoses coronariennes. Conlon et al ont analysé l’influence de l’atteinte athéroscléreuse des artères rénales sur la survie globale de patients athéromateux dialysés comparée à celle de malades traités pour une néphropathie d’autre nature. Il apparaît une différence inquiétante entre les deux groupes. Par ailleurs, Conlon et al ont étudié 3 987 patients soumis à une aortographie faisant immédiatement suite à une coronarographie. Une sténose significative, définie par une réduction supérieure ou égale à 75 % du calibre de l’artère, était présente chez 4,8 %, bilatérale dans 0,8 % des cas. La survie à 4 ans était de 89 % en l’absence de sténose significative et de 57 % dans le cas contraire.

Selon le degré de sténose, 50 %, 75 % ou supérieure ou égale à 95 %, la survie était respectivement de 70 %, 68 % et 48 %. Les sténoses bilatérales avaient une survie à 4 ans de 47 % contre 59 % en cas de sténose unilatérale. Ces valeurs de mortalité ne contractaient pas de lien avec le mode de traitement de la coronaropathie. On peut voir là, soit un argument supplémentaire pour revasculariser précocement les reins ischémiques soit, au contraire, l’incitation à demeurer très restrictif dans le traitement des sténoses des artères rénales chez les grands athéroscléreux. C’est en tout cas le point de vue maintenant soutenu par l’équipe de Textor, comme par d’autres investigateurs qui soutiennent que le traitement médical seul suffit dans un nombre de cas significatif, et que même après angioplastie, la mortalité reste élevée, non par insuffisance rénale mais par accidents vasculaires, essentiellement coronariens. Nous reviendrons sur cet aspect de la décision thérapeutique.

BILATÉRALITÉ DES STÉNOSES ATHÉROSCLÉREUSES RÉNALES :

L’athérosclérose des artères rénales est très fréquemment bilatérale, quoique rarement symétrique. L’apparition des plaques sténosantes commence d’un côté, pouvant se révéler par une hypertension rénovasculaire qui vient souvent aggraver une hypertension primaire antérieure évoluant de longue date, ou en rendre le traitement médicamenteux plus difficile. La fonction rénale est alors encore normale ou presque. L’apparition de lésions sténosantes de l’autre côté majore l’hypertension artérielle et coïncide avec le début de l’ascension de la créatinine sérique. Sur 549 artères sténosées, 252, soit 46 %, l’étaient des deux côtés. Au point de vue physiopathologique, on conçoit donc que l’on est ici dans un modèle d’hypertension de Goldblatt du type « deux reins, deux clips » (two kidneys, two clips) et qu’au-delà d’un certain degré d’ischémie bilatérale, l’hypertension rénovasculaire, sans pour autant disparaître, laisse progressivement la place à l’insuffisance rénale. Cela est d’autant plus vrai que les sténoses ont dans une majorité des cas tendance à s’aggraver avec le temps.

POTENTIEL ÉVOLUTIF DES STÉNOSES ATHÉROSCLÉREUSES RÉNALES :

Le potentiel évolutif d’une sténose athéroscléreuse rénale est difficile à établir avec certitude, faute de grandes séries de patients suivis au fil des années, entre le moment où une sténose non hémodynamiquement fonctionnelle est diagnostiquée et celui où l’ischémie retentit sur la fonction et la survie du rein. L’analyse de la littérature montre cependant que dans une majorité de cas, l’ischémie rénale progresse au rythme de l’évolution de la plaque d’athérome, entraîne une atrophie du rein et finit par se compliquer d’une thrombose de l’artère rénale.

C’était le cas dans les premières observations de Ying et al et de Hricik et al, qui avaient attiré l’attention des néphrologues sur l’ischémie rénale, cause d’insuffisance rénale chronique dévoilée par un traitement par un IEC. La moitié de leurs malades environ avaient une atteinte bilatérale de leur circulation rénale, avec une sténose d’un côté et une thrombose ancienne de l’autre, démonstration éloquente du caractère évolutif dans le temps de la maladie athéroscléreuse rénale et de la gravité du retard diagnostique.

Peu après, l’équipe de Novick à Cleveland (Ohio) insistait sur l’évolutivité des sténoses athéroscléreuses des artères rénales. Ces chirurgiens vasculaires montraient que lorsque l’on suit une sténose par des angiographies successives, le risque de thrombose dépend de la sévérité de la sténose initiale. Lorsque la sténose est de 50 %, le risque est de 5 % dans un délai de 56 mois. Lorsqu’il est de 50 à 75 %, il est de 10 % à 24 mois. Lorsqu’elle est supérieure à 75 %, il est de 39 % à 13 mois. Ces chiffres parlaient d’eux-mêmes, et la conclusion était clairement qu’une sténose athéroscléreuse diagnostiquée doit faire l’objet d’une surveillance régulière, et que toute évolutivité impose une intervention angioplastique ou chirurgicale pour éviter la perte du rein.

Rimmer et Gennari ont entrepris en 1993 une revue de la littérature pour déterminer le rythme de progression de l’athérosclérose rénale. Wollenweber et al, dès 1968, avaient rapporté une grande série de patients de la Mayo Clinic suivis par angiographie et montraient également l’évolutivité des sténoses athéroscléreuses des artères rénales. De plus, ils documentaient la grande prévalence de lésions d’athérosclérose diffuse chez de tels patients. Au moment du diagnostic, 33 % d’entre eux avaient une cardiopathie, 11 % une atteinte cérébrovasculaire et 32 % une artérite périphérique. Chez les patients chez qui n’existait pas initialement de coronaropathie, des signes d’atteinte coronarienne apparaissaient dans un délai de 5 ans chez 47 % d’entre eux.

On constate que sur 237 malades, la moitié avaient une aggravation des sténoses avec le temps et que dans 14 % des cas survenait une thrombose.

Chacun de ces rapports montre l’aspect progressif de la maladie.

Cependant l’incidence de la progression varie dans de larges mesures. En moyenne, chez 49 % des patients, la maladie progresse, mais avec un écart de 29 à 71 %. Pour une part, ces variations tiennent aux raisons pour lesquelles a été faite une angiographie de contrôle. En rassemblant les quatre études dans lesquelles les sténoses étaient progressives, la prévalence moyenne d’une occlusion était de 14 %. Le contrôle d’une hypertension artérielle avait peu d’effet sur la progression des lésions sténosantes et la créatinine sérique paraissait être un mauvais reflet de la progression de la maladie anatomique.

Dans deux de ces cinq rapports, les investigateurs ont tenté de quantifier le rythme de progression de la maladie rénovasculaire.Schreiber et al ont montré que la progression des sténoses était de 1,5 % par mois. Elle était de 0,38 % par mois dans le rapport de Tollefson et al. En fait, la variabilité de l’évolution d’un malade à l’autre était grande, et les auteurs notent qu’il n’est pas possible de quantifier le rythme de progression en raison d’une telle variabilité.

Certains malades restent stables pendant de longues périodes tandis que d’autres progressent rapidement. Les facteurs influant sur la rapidité de cette progression ne sont pas identifiés. Il convient de remarquer que ces études ont été faites avant que l’on ne dispose de traitements médicaux destinés à contrôler les facteurs de risque lipidiques, c’est-à-dire les statines. Il a en effet été montré que ces agents pharmacologiques, seuls ou associés à d’autres hypolipémiants, obtiennent non seulement une stabilisation mais aussi une régression des plaques athéroscléreuses et un remodelage vasculaire des artères rénales comme des autres artères de gros calibre.

REIN ISCHÉMIQUE :

L’ischémie rénale conduit à une riposte hémodynamique destinée à maintenir le débit de filtration glomérulaire face à une baisse de débit et de pression en aval de la sténose. Dans un second temps, l’ischémie conduit à une atrophie de tous les éléments du parenchyme rénal envahi par la fibrose. Enfin sur ce terrain habituellement fait d’hypertension ancienne, de tabagisme, de dyslipidémie, d’intolérance au glucose et de plaques disséminées depuis l’aorte ascendante, l’association aux embolies cholestéroliques est courante. On est donc loin ici de la pure hypertension rénovasculaire, comme celle d’une maladie fibromusculaire de la jeune femme dont le parenchyme rénal est initialement parfaitement sain.

Conséquences fonctionnelles :

Cette rubrique implique un nécessaire rappel des conditions qui maintiennent un débit de filtration glomérulaire dans des conditions normales, et la défense du

débit de filtration glomérulaire en cas de baisse de débit et de pression en amont. Ces mécanismes sont les mêmes qu’en cas de déshydratation extracellulaire avec hypovolémie, mais leur effet, en l’espèce une bascule de l’équilibre glomérulotubulaire vers une réabsorption accrue de sodium, est inapproprié car il entraîne une hypervolémie. On verra plus loin que ce phénomène explique un des signes cliniques de l’ischémie rénale d’origine vasculaire : les oedèmes pulmonaires dits « flash ».

L’ischémie conduit à une sécrétion de rénine avec libération proportionnelle d’angiotensine II (Ang II). L’artériole efférente glomérulaire est riche en récepteurs de l’Ang II et sa vasoconstriction préserve la pression hydrostatique dans le flocculus. On conçoit que tout agent pharmacologique s’opposant à cette vasoconstriction entraîne un collapsus du flocculus qui diminue le débit de filtration glomérulaire et conduit à une apparition ou une majoration de l’insuffisance rénale. C’est le cas des IEC et c’est la base du test au captopril destiné à déterminer le caractère hémodynamiquement fonctionnel d’une sténose. Cela étant, l’ascension de la créatinine sérique sous IEC n’est pas spécifique des sténoses des artères rénales. On peut l’observer dans des néphropathies chroniques mais aussi en tant que conséquence de la baisse de la pression artérielle induite par tout antihypertenseur. Cette notion de « baisse d’une pression de perfusion critique » a été élégamment démontrée par Textor et al. Leur protocole a consisté à perfuser un vasodilatateur, le nitroprussiate, et à mesurer simultanément la pression artérielle d’une part, le flux plasmatique rénal et le débit de filtration glomérulaire d’autre part. On constate que pour un degré donné de baisse de la pression artérielle, la perfusion rénale décline rapidement. Il est clair que le phénomène s’explique par le fait qu’une sténose serrée ne peut être franchie que sous l’effet d’une pression sanguine suffisante.

Conséquences organiques :

Le rein normal reçoit à chaque minute 20 à 25 % du débit cardiaque.

Pourtant il ne requiert qu’environ 7 % de l’oxygène et des globules rouges ainsi délivrés pour les besoins de son métabolisme. On connaît des cas de thrombose complète de l’artère rénale où le maintien d’une vascularisation par la maigre circulation collatérale périrénale préserve un certain temps la survie de l’organe. Or une sténose artérielle entraîne une atrophie progressive du rein que l’on peut suivre par des méthodes scanographiques fines ou par échographie-doppler. L’aspect anatomopathologique des reins ischémiques a été étudié expérimentalement et constaté chez l’homme. Le rein ischémique s’atrophie. Sous le microscope s’observent des lésions complexes de néphroangiosclérose, d’embolies cholestéroliques, de fibrose interstitielle, de lésions d’atrophie tubulaire et d’obsolescence glomérulaire. L’aspect est proche de celui d’une néphrite interstitielle chronique, associant une atrophie des cellules tubulaires avec formation de cylindres protéiques dans la lumière des tubes, leur donnant un aspect dit « microkystique », des infiltrats inflammatoires de l’interstitium, une fibrose interstitielle, des glomérules d’aspect ischémique et leur obsolescence, avec des lésions de hyalinose segmentaire et focale puis globale.

On voit que l’on est loin ici de l’ancienne notion de « rein endocrine » protégé, au contraire du rein adelphe, de l’hypertension qu’il crée par la sténose qui l’ischémie.

La physiopathologie de cette dégénérescence et de la fibrose qui l’accompagne a été l’objet de travaux expérimentaux. Chez l’animal, un modèle de réduction chronique de la pression de perfusion rénale entraîne des lésions parenchymateuses sévères en dépit de pressions de perfusion poststénotiques de 60 mmHg. Le mécanisme des lésions tubulaires a été étudié chez le rat. Truong et al ont observé dans le rein ischémique des phénomènes laissant entendre qu’une réaction immune locale affecte les tubes. On a aussi montré que l’épithélium tubulaire subit des phénomènes d’apoptose suivis d’une multiplication des cellules restées viables, peut-être sous l’effet de la « rénotropine », facteur de croissance responsable de l’hypertrophie compensatrice après néphrectomie unilatérale.

Cela suggère que le rein ischémique reste doté de puissantes capacités de régénération tubulaire si sa vascularisation est rétablie par la chirurgie ou l’angioplastie endoluminale. Ainsi s’expliquent les observations où, chez l’homme, après revascularisation, la fonction rénale s’améliore dans 55 % des cas, se stabilise dans 31 % des cas et ne s’aggrave que dans 14 % des cas. Il est intéressant d’observer que ces résultats sont pratiquement comparables pour le traitement chirurgical et l’angioplastie.

L’association à des lésions tubulo-interstitielles de lésions glomérulaires de hyalinose segmentaire et focale a été également signalée. On ignore si ces lésions, non spécifiques, sont dues à l’ischémie elle-même ou si, à l’inverse, elles se constituent dans des zones du rein protégées et soumises à un régime d’hyperfiltration glomérulaire. Quoi qu’il en soit, elles expliquent sans doute la possibilité d’une protéinurie abondante, parfaitement connue dans la maladie ischémique rénale et dont Conlon et al ont analysé les relations avec le degré de sténose et avec la sévérité de l’’insuffisance rénale.

L’ischémie conduit à la fibrose. Cette fibrose intéresse la médullaire rénale, et en particulier les capillaires péritubulaires qui, enserrés dans le collagène, contribuent à pérenniser le processus sclérosant.

La physiopathologie de la fibrose rénale ischémique fait intervenir au premier chef l’Ang II et l’endothéline, mais aussi le transforming growth factor (TGF)-b et le platelet derived growth factor (PDGF)-b. Chez le rat, on constate que la perfusion prolongée d’Ang II à doses peu pressives entraîne des lésions très comparables à celles des maladies rénales humaines ischémiques, que dans ce protocole, l’interstitium est parsemé d’ostéopontine, chimioattractant des macrophages qui parsèment l’interstitium, envahi de cellules interstitielles qui subissent une transformation phénotypique en myofibroblastes exprimant les épitopes de l’a-SMA, et qu’enfin l’Ang II renforce l’expression du TGF-b sur les fibroblastes.

INSUFFISANCE RÉNALE CHRONIQUE AU COURS DES STÉNOSES ATHÉROSCLÉREUSES :

Le diagnostic d’une ischémie d’origine vasculaire n’est pas toujours évident. Ces patients d’un certain âge sont souvent hypertendus de longue date, atteints sans doute d’une néphroangiosclérose, parfois obèses et diabétiques, pouvant également souffrir d’une néphropathie ancienne méconnue, glomérulaire ou urologique. Cela étant, le seul fait d’avoir affaire à un malade athéroscléreux et polyvasculaire, aux antécédents coronariens, artéritiques, cérébrovasculaires suffit pour attirer l’attention. Des lésions cutanées des pieds compatibles avec des embolies cholestéroliques ont une excellente valeur d’orientation. Le fait qu’une ascension inopinée de la créatinine sérique ait fait suite à un traitement antihypertenseur nouveau ou renforcé, plus particulièrement par un antagoniste de l’angiotensine, est très évocateur.

Une manifestation clinique particulière aux sténoses intéressant les deux reins ou l’artère d’un rein fonctionnellement unique est représentée par les oedèmes pulmonaires subits (flash pulmonary oedema) décrits par Pickering et al en 1988 et par beaucoup d’autres à sa suite. Il s’agit d’oedèmes pulmonaires d’apparition brutale chez des patients dont la fonction myocardique n’est pas particulièrement compromise. En fait, si l’on se rappelle que l’ischémie des modèles de Goldblatt two kidneys, two clips et one kidney, one clip conduit à une rétention progressive d’eau et de sel, on conçoit que cette hypervolémie finisse par entraîner un oedème pulmonaire, qui n’a de flash que son mode d’apparition clinique, mais qui en fait n’est que l’expression de « la dernière goutte d’eau qui fait déborder le vase ». Ces épisodes d’oedème pulmonaire représentent l’indication formelle d’une angioplastie endoluminale.

Celle-ci est immédiatement suivie d’une polyurie riche en sodium, qui peut d’ailleurs se comporter comme une levée d’obstacle et nécessiter, une fois l’oedème pulmonaire jugulé, une perfusion de soluté salé pour éviter une hypovolémie dangereuse.

Une fois évoqué, l’élaboration du diagnostic est simple et doit aller des investigations les moins invasives aux plus risquées sur ce terrain. La découverte d’une asymétrie des reins à l’échographie est d’importance majeure. Rares sont en effet les sténoses au cours desquelles l’atrophie rénale est absolument symétrique. L’étape non invasive suivante est l’échographie-doppler, dont on a vu l’intérêt majeur et les limites techniques. Le scanner spiralé sans injection d’iode passant par le carrefour aortorénal peut montrer des images exploitables. L’imagerie par résonance magnétique (IRM)  après injection de gadolinium est également bien supportée, mais les images majorent quelque peu l’importance apparente des sténoses. Finalement, le scanner spiralé après injection d’iode comporte les risques liés à la toxicité du produit de contraste mais les images qu’il obtient sont souvent remarquables. En fait, l’étalon-or de l’imagerie reste l’angiographie par un cathéter de Seldinger, généralement par voie fémorale, parfois par voie humérale. Elle montre la sténose et permet dans le même temps de la traiter par angioplastie avec le plus souvent pose d’un ressort (stent). Cependant, cette méthode expose à la fois à la toxicité de l’iode et au risque d’embolies de cholestérol. Certaines aortites ulcérées majeures doivent faire soigneusement peser le risque d’embolies cholestéroliques par rapport au bénéfice thérapeutique attendu.

INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË AU COURS DES STÉNOSES ATHÉROSCLÉREUSES :

Il est trois circonstances dans lesquelles des sténoses bilatérales, ou la sténose d’une artère vascularisant un rein fonctionnellement unique, peuvent se compliquer d’une insuffisance rénale aiguë.

L’une est fonctionnelle, les deux autres organiques.

Insuffisance rénale fonctionnelle :

La circonstance essentielle est la mise en oeuvre d’un traitement antihypertenseur. Les IEC et les antagonistes des récepteurs de l’Ang II en sont la cause principale, mais non exclusive. On se rapportera pour les premiers à la rubrique physiopathologique relative aux conséquences hémodynamiques d’une baisse de débit et de pression dans la circulation préglomérulaire. La pression de filtration dans la chambre urinaire, limitée par la capsule de Bowman, est le déterminant principal du débit de filtration glomérulaire. La vasoconstriction progressive de l’artériole efférente, riche en récepteurs de l’Ang II est la riposte normale à toute menace de collapsus du flocculus. On conçoit facilement qu’abolir cette dernière défense par un procédé pharmacologique conduise à une chute du débit de filtration glomérulaire avec ascension proportionnelle de la créatinine sérique. Cela étant, nous avons vu plus haut que toute baisse tensionnelle au-dessous d’une pression de perfusion critique peut aussi diminuer le débit de filtration glomérulaire, de même que la mise en oeuvre d’un traitement par IEC peut réduire le débit de filtration glomérulaire dans nombre de néphropathies sans insuffisance rénale. Enfin une insuffisance rénale aiguë peut, sur ce terrain, être également due à un traitement diurétique excessif avec hypovolémie ou aux effets toxiques d’un examen iodé.

Occlusion d’une artère rénale restante :

Les sténoses athéromateuses sont bilatérales et évolutives. Nous avons vu que dans 14 % des cas elles conduisent à une occlusion complète. La perte d’un rein est en général muette, du moins cliniquement. Dès lors la progression d’une sténose sur un rein fonctionnellement unique peut conduire à une anurie. Dans notre expérience, le stade précédant la thrombose est marqué par un contrôle de plus en plus difficile de l’hypertension artérielle, l’apparition d’un oedème pulmonaire subintrant et une ascension rapide de la créatinine sérique. L’anurie se constitue brutalement et a la particularité d’être complète, ce qui n’est pas habituel dans les tubulopathies aiguës où persiste une diurèse même minime, riche en sodium. L’échographie permet d’écarter l’hypothèse d’un obstacle urologique sur rein unique puisque les cavités excrétrices ne sont pas dilatées. Une telle anurie totale sur fond d’athérosclérose, d’hypertension artérielle et d’oedème pulmonaire n’est pas de diagnostic difficile pourvu que l’on y pense.

L’échographie-doppler et l’artériographie doivent être demandées sans délai, car si le parenchyme rénal reste un certain temps viable en raison d’une circulation collatérale, la poursuite de cette ischémie chaude, qui entraîne d’abord une nécrose tubulaire réversible, ne tarde pas à conduire à des lésions irréversibles. Le traitement peut être envisagé par angioplastie ou revascularisation chirurgicale sans le moindre délai. La reprise de diurèse peut être rapide, ou se produire après plusieurs semaines d’hémodialyse.

Embolies de cristaux de cholestérol :

Nous avons montré que les sténoses athéroscléreuses des artères rénales sont fréquemment associées à des embolies cholestéroliques.

Ce sont elles qui peuvent être responsables de l’insuffisance rénale aiguë, qu’elles soient spontanées ou consécutives aux facteurs déclenchants analysés plus loin.

REVASCULARISATION OU ATTENTISME ?

Les éléments épidémiologiques que nous avons analysés illustrent un problème majeur de santé publique : celui d’une cause remarquablement fréquente d’urémie chronique, mais, contrairement aux néphropathies parenchymateuses, accessible à un traitement simple dans son principe, puisqu’il consiste à rétablir le calibre d’un vaisseau de grand diamètre pour supprimer l’ischémie d’aval.

Cette simplicité de principe avait suscité une série de publications frappantes, émanant pour la plupart du groupe de Novick à la Cleveland Clinic, relatives à l’intérêt de la revascularisation dans un but de protection néphronique. Chez certains malades traités par hémodialyse, la revascularisation obtenait un rétablissement de la fonction rénale permettant le retour à un traitement conservateur.

En 1995, Bonelli et al observaient que l’angioplastie améliorait la fonction rénale chez 70 % de ces patients.

Curieusement, 10 ans plus tard, Textor, qui fut membre de cette équipe médicochirurgicale, adopte une attitude plus nuancée à propos de la nécessité d’intervenir (chirurgicalement ou par angioplastie) sur une sténose athéroscléreuse rénale. Après avoir énuméré les revues de la littérature relatives à l’évolutivité des sténoses et au risque d’insuffisance rénale terminale, il défend une position relativement attentiste, fondée sur deux arguments : la stabilité de la fonction rénale dans la moitié des cas, et l’impression tirée de communications préliminaires sous forme d’abstracts, selon lesquelles depuis 1991 il semblerait que l’évolutivité de ces lésions soit moindre qu’auparavant. S’ajoute dans son argumentation un élément incontestable, celui du risque d’embolies cholestéroliques provoquées par une intervention chirurgicale ou de radiologie interventionnelle.

Chabova et al, de l’équipe de Textor, ont ainsi étudié 68 patients âgés de, 71,8 ± 0,9 ans, ayant une sténose > 70 %, traités sans revascularisation, suivis pendant au moins 6 mois après l’angiographie, avec un recul de 38,9 ± 2,8 mois. Les autres lits vasculaires étaient affectés chez 66/68 d’entre eux. La créatinine sérique était comprise en moyenne entre 125 et 180 μmol/L. Cinq patients ont dû être revascularisés. Cinq autres ont évolué vers l’insuffisance rénale terminale. Durant la période d’observation, 19 malades sont morts de causes sans rapport avec leur maladie rénale, dont une majorité d’infarctus du myocarde. Les auteurs en tirent la conclusion pessimiste que les athéroscléreux ayant des sténoses des artères rénales ne meurent pas du rein mais en majorité de comorbidités, essentiellement coronarienne.

De même, Dejani et al, d’après une série de 20 sujets âgés souffrant d’une maladie ischémique par atteinte proximale de leurs artères rénales et dont la créatinine sérique est supérieure à 180 μmol/L, insistent sur le fait que 25 % seulement sont améliorés par l’angioplastie et que les complications de cette procédure sont nombreuses et graves.

On trouvera une discussion documentée pour et contre la décision de traiter dans une revue critique de Plouin et al assortie d’un algorithme décisionnel simple et une discussion par les membres de la même équipe sur ce sujet encore controversé.

Confrontés à des points de vue contradictoires, émanant de ceux-là même qui prônaient l’activisme dans le traitement des sténoses athéroscléreuses des artères rénales, se pose donc aujourd’hui la question de savoir quelle est l’évolutivité d’une sténose de cette sorte récemment diagnostiquée, et celle de supputer les risques d’une approche attentiste, dans le cadre de la préservation néphronique, qui reste le but essentiel de la chirurgie comme de l’angioplastie.

En fait, trois éléments doivent manifestement être pris en considération dans toute décision de revasculariser. Le premier est le retentissement hémodynamique d’aval sur la circulation préglomérulaire. Il n’est pas toujours proportionnel à l’importance de la sténose. Certaines sténoses de l’ordre de 60 % entraînent déjà une baisse de la filtration glomérulaire. D’autres, sévères, de l’ordre de 80 %, sont étonnamment bien supportées. Le second est l’évolutivité de l’atrophie rénale avec le temps. Le troisième est l’importance des lésions scléreuses du rein déjà constituées, qui en termes de fonction rénale ne sont susceptibles d’aucune amélioration après revascularisation. Nous envisagerons successivement ces trois rubriques.

Comment évaluer le retentissement hémodynamique d’une sténose découverte par les méthodes d’imagerie ?

Il est des cas où le seul aspect de la sténose laisse non seulement entendre qu’elle est hémodynamiquement fonctionnelle, mais qu’elle comporte un risque certain de thrombose. Un défilé filiforme suivi d’une dilatation poststénotique, est très évocateur d’une telle éventualité. À ce propos, il est bon de rappeler que l’IRM après injection de gadolinium a souvent tendance à majorer le degré apparent de la sténose.

La scintigraphie rénale avant et après administration orale de 25 mg de captopril est une méthode non invasive, depuis longtemps appliquée dans le domaine de l’hypertension rénovasculaire, et qui produit des courbes caractéristiques indiquant que l’hémodynamique glomérulaire n’est plus maintenue que par l’action de l’Ang II sur l’artériole efférente. Cette méthode, considérée comme fiable et reproductible, implique que l’on dispose d’un laboratoire de médecine nucléaire, ce qui n’est pas le cas partout. Il semble enfin que pour des réductions de la fonction rénale importantes, avec une clairance de la créatinine inférieure à 40 mL/min, la sensibilité de la méthode pour prédire une réversibilité de l’insuffisance rénale après revascularisation soit médiocre. Il a été également proposé de suivre l’évolution de la créatinine sérique après la mise en oeuvre d’un traitement par les IEC. Ainsi, Krijnen et al ont rassemblé un certain nombre de critères cliniques et biologiques, dont le degré d’ascension de la créatinine sérique sous IEC, pour élaborer un index de suspicion de la maladie ischémique, avec un pouvoir de discrimination fiable entre l’hypertension essentielle et l’hypertension rénovasculaire.

Cette approche a été l’objet de critiques nombreuses. De plus elle s’applique beaucoup plus à l’hypertension rénovasculaire qu’à la maladie ischémique par atteinte des deux artères rénales. En fait, l’échographie-doppler semble bien être la méthode la plus fiable, avec cependant deux réserves : elle implique de bonnes conditions techniques, c’est-à-dire l’absence d’obésité marquée ou d’interpositions digestives, et elle est tributaire de l’expérience de l’investigateur.

Comment apprécier l’évolutivité ?

Un travail de Caps et al a évalué le risque d’atrophie de reins atteints de sténose athéroscléreuse des artères rénales. Le but était de déterminer l’incidence et les facteurs de risque de réduction néphronique chez des patients dont une artère rénale au moins était atteinte. Les participants ont été suivis prospectivement par échodoppler effectué tous les 6 mois. L’atrophie rénale était définie par une diminution de la longueur du rein supérieure à 1 cm. Un total de 204 reins chez 122 sujets ont été suivis pendant en moyenne 33 mois. L’incidence cumulative d’atrophie rénale sur une période de 2 ans était de 5,5 %, 11,7 % et 20,8 % dans des reins où le degré de sténose de l’artère rénale était respectivement classé comme nul, inférieur à 60 %, et supérieur ou égal à 60 %. Les autres facteurs contribuant à un risque élevé d’atrophie rénale comprenaient une pression artérielle systolique supérieure à 180 mmHg, un pic de vitesse systolique dans l’artère rénale supérieur à 400 cm/s et une vitesse diastolique rénale inférieure ou égale à 5 cm/s. Le nombre de reins progressant vers l’atrophie, par malade, était corrélé à l’élévation de la créatinine sérique. Chez des patients souffrant de sténoses athéroscléreuses de l’artère rénale, ce travail permettait d’identifier un risque significatif d’atrophie rénale en fonction de trois facteurs. Le risque était le plus grand lorsque la pression artérielle systolique était élevée, chez les patients dont la sténose était la plus importante et chez ceux dont le flux sanguin cortical était le plus bas. Il apparaît donc qu’entre des mains exercées, un critère hémodynamique (l’échodoppler), un critère clinique (l’hypertension artérielle) et un critère biologique (la créatinine sérique), permettent d’identifier prospectivement les patients souffrant d’une sténose athéroscléreuse rénale chez qui la progression risque de conduire à la perte du rein.

Comment juger du degré de sclérose rénale ?

Muray et al ont signalé qu’un déclin rapide de la fonction rénale a une bonne valeur prédictive sur l’amélioration que l’on peut attendre de l’angioplastie. Toutes les publications récentes soulignent le fait qu’une fonction rénale altérée mais non évolutive présage le plus souvent d’un échec de la revascularisation.

Il est admis que lorsque la hauteur d’un rein est inférieure à 8 cm, l’atrophie et la sclérose ne laissent présager aucune amélioration de la fonction de l’organe ischémique. Les critères obtenus par échographie-doppler semblent les plus fiables pour prédire le succès ou l’inutilité d’une revascularisation. Radermacher et al ont déterminé que lorsque l’index de résistance est supérieur à 80, la dilatation n’influe en rien sur la progression de l’insuffisance rénale.

Au-dessous de 80, elle produit une décroissance certaine de la créatinine sérique avec le temps. Une fois encore, l’échodoppler se révèle être une méthode remarquable pour diagnostiquer et guider les indications thérapeutiques de la maladie ischémique rénale.

Wright et al parviennent aux mêmes conclusions : le succès de la revascularisation dépend, très logiquement, du degré de sclérose du rein ischémique.

CONCLUSION :

Les sténoses athéroscléreuses des artères rénales ont depuis 20 ans acquis droit de cité parmi les causes majeures d’insuffisance rénale chronique chez les sujets âgés de plus de 50 ans, atteints d’une maladie athéromateuse diffuse. La fréquence de ces artériopathies et le vieillissement de la population en font, ou pourraient en faire, comme aux États-Unis, la quatrième cause par ordre de fréquence d’urémie chronique conduisant à la dialyse. Contrairement aux autres néphropathies, cette cause d’insuffisance rénale terminale est accessible à un traitement par chirurgie vasculaire ou radiologie interventionnelle, traitement capable d’améliorer la fonction rénale ou de la stabiliser dans la majorité des cas. Tout ici dépend de trois facteurs : la précocité du diagnostic, le degré de sclérose du rein et la décision du moment opportun pour agir. Ce moment dépend essentiellement de l’évolutivité des sténoses et du retentissement sur la circulation rénale d’aval. Alors qu’il y a 10 ans l’indication de soulager l’ischémie rénale dans un but de protection néphronique paraissait acquise, le doute a semblé s’installer dans les esprits, en fonction des cas non évolutifs et où un traitement médical (contrôle tensionnel et médications hypolipémiantes) est crédité de succès.

S’ajoutent des considérations basées sur le risque redoutable d’embolies cholestéroliques, qui est le plus grand chez les patients qui bénéficieraient le plus de ces thérapeutiques.

Les moyens actuels d’évaluation de l’évolutivité des plaques d’athérosclérose rénale, de même que l’amélioration des techniques chirurgicales et angioplastiques, comme d’ailleurs du traitement des embolies de cholestérol, plaident en faveur d’une approche activiste de l’ischémie rénale lorsque des investigations itératives en ont démontré le caractère évolutif et que la sclérose rénale n’est pas trop importante. Dans ce domaine comme dans d’autres, le dogmatisme n’est pas de mise et chaque malade doit être évalué pour son propre compte.

Les conclusions d’une revue de 1993 citée dans ce texte nous semblent donc, avec toutes les réserves exprimées plus haut, toujours d’actualité : « En fonction des informations disponibles, le diagnostic et l’intervention devraient être considérés avec conviction chez les patients à haut risque de maladie rénovasculaire, dont l’insuffisance rénale est manifestement progressive ».

Maladie des embolies de cholestérol :

La migration de matériel athéromateux, comprenant des cristaux de cholestérol et quelques débris calcaires, est un accident grave de la maladie athéroscléreuse. La première référence digne d’intérêt date d’une série autopsique publiée en 1945. Une revue générale plus clinique a été publiée en 1969. En fait, la fréquence de l’affection a manifestement augmenté après les débuts de la chirurgie vasculaire, puis la radiologie interventionnelle et enfin l’usage libéral des anticoagulants et des fibrinolytiques. L’affection est protéiforme. Ses manifestations vont de la découverte autopsique ou biopsique de quelques cristaux distillés chroniquement chez un athéroscléreux, sans grande traduction clinique, au tableau très grave des embolies multiviscérales menaçant la vie et dont l’insuffisance rénale aiguë n’est qu’une des manifestations. De plus les cristaux logés dans les petites artères induisent une réaction inflammatoire qui comporte des signes proches de ceux d’une angéite.

La plaque ulcérée, qui peut siéger de l’origine de la crosse au reste de l’aorte, est couverte d’un caillot « pansement » qui recouvre un nid de cristaux de cholestérol. On conçoit que l’écrasement par un clamp chirurgical, le passage d’un cathéter de Seldinger, d’un ballon d’angioplastie, ou encore la dissolution du caillot durant un traitement anticoagulant ou fibrinolytique, en supprimant cette dernière protection, libèrent les cristaux dans la circulation. Ils migrent dans les artères viscérales de grand calibre et se logent dans les artères viscérales de 150 à 200 μm de diamètre.

Dans le rein, c’est le cas des artères arquées. Cependant, on trouve aussi des cristaux dans des artères de plus petit calibre : artères interlobulaires, artériole glomérulaire afférente et même jusque dans les capillaires du flocculus glomérulaire.

FRÉQUENCE :

La fréquence exacte de la maladie des emboles de cholestérol est difficile à apprécier. En effet celle qui figure dans les séries autopsiques est de loin supérieure à celle diagnostiquée cliniquement, sans pour autant que la sévérité clinique de l’affection ait toujours été notable. En 1957, Thurlbeck et Castleman en trouvaient 4 % chez des sujets de plus de 65 ans modérément athéroscléreux, mais l’incidence atteignait 77 % chez des malades plus âgés et souffrant d’une athérosclérose diffuse. La plupart avaient été opérés d’un anévrisme de l’aorte abdominale. Si l’on considère la fréquence de découverte de cristaux de cholestérol sur une biopsie rénale (biais de sélection évident), dans une revue récente Modi et Rao rassemblant les résultats de 755 biopsies ne trouvent que 1,1 % d’embolies cholestéroliques. Greenberg et al, analysant les résultats de 500 biopsies rénales, ne signalent des cristaux que dans 1,6 % des cas. Un autre biais s’introduit selon que l’on porte le diagnostic au cours d’une insuffisance rénale chronique sans grandes particularités, ou au contraire chez un patient atteint d’une forme clinique sévère, avec atteinte pluriviscérale et signes cutanés. Ici la biopsie rénale n’est pas toujours effectuée, mais quand elle est faite, trouve des cristaux dans la majorité des cas.

Fine et al ont, après une analyse de la littérature, montré combien le diagnostic clinique sous-estime les atteintes viscérales trouvées à l’autopsie : sur 75 cas, la fréquence du diagnostic clinique de l’atteinte de l’estomac, de l’intestin et du pancréas était de 26,7 % ; celle de la rate, du foie et des surrénales de 1,33 % ; celle des reins de 22,7 %. À l’autopsie, sur 92 cas, les valeurs correspondantes étaient respectivement de 95,6 %, 100 % et 83,7 %. Le tronc coeliaque et les artères rénales sont donc des territoires particulièrement vulnérables, ce qui se conçoit en considérant la part du débit cardiaque qu’ils reçoivent. En fait, tout l’organisme peut être intéressé par des embolies cholestéroliques. On a décrit, parmi les conséquences graves, des embolies myocardiques et des paraplégies par migration dans la grande artère spinale antérieure d’Adamkiewicz. Les embolies rétiniennes sont fréquentes, de l’ordre de 20 % des cas, et souvent associées à des accidents vasculaires cérébraux.

Les autres tissus de l’organisme sont également pratiquement tous la cible des embolies cholestéroliques. C’est le cas avant tout de la peau, de la rétine, du muscle, de la moelle osseuse. Nous citons là les localisations accessibles à l’examen clinique pour les deux premières, comme à des biopsies peu invasives pour les deux autres.

Elles sont précieuses pour étayer le diagnostic sans aller jusqu’à la ponction-biopsie rénale, dont les risques doivent être sérieusement pesés sur ce terrain.

CIRCONSTANCES D’APPARITION :

Le terrain habituel de la maladie des emboles de cholestérol est représenté par un homme de plus de 55 ans, fumeur et hypertendu, de race blanche, souvent maigre. L’affection est rare chez les sujets noirs.

Les facteurs provoquant l’essaimage de cristaux dans la circulation générale sont nombreux, mais réunis par deux éléments communs, isolés ou associés : le traumatisme d’une plaque d’athérome, ulcérée ou non, et la disparition du caillot recouvrant la bouillie athéromateuse d’une plaque ulcérée. Les facteurs non iatrogènes restent une cause possible de la maladie mais dans une minorité de cas. La rupture d’une plaque peut en effet être spontanée.

L’existence d’une aortite ulcérée étendue peut aussi conduire à un essaimage chronique de cristaux, distillés dans la circulation au fil du temps. Dans l’excellente revue de Scolari et al, les embolies étaient spontanées dans 21 % des cas et iatrogènes dans 79 % des autres.

Les facteurs iatrogènes l’emportent donc, mais surtout dans les formes aiguës menaçant la fonction rénale et souvent la vie. Le plus anciennement identifié est la chirurgie vasculaire, coronarienne en particulier, mais aussi de l’aorte et de ses branches. L’effet d’un clamp sur une artère athéromateuse est d’écraser les plaques. De plus cette chirurgie comporte le plus souvent une angiographie préalable et elle est suivie de l’administration d’héparine. Les angiographies par cathéter de Seldinger et les angioplasties sont devenues une cause majeure de l’affection. Il semble que la voie fémorale soit plus dangereuse dans ce domaine que la voie humérale. Parmi les facteurs médicamenteux les plus fréquents actuellement figurent les traitements anticoagulants par les antivitamines K, les héparines et les fibrinolytiques.

CLINIQUE :

Les six revues les plus complètes sur cette affection, qui rassemblent 521 cas, concordent dans leur analyse des signes diagnostiques de la maladie rénale des embolies de cholestérol.

Signes extrarénaux :

Les signes extrarénaux sont fréquents et largement contributifs au diagnostic. Il s’agit de signes cutanés, musculaires, oculaires, neurologiques et digestifs.

Les signes cutanés, observés selon les séries dans 35 à 96 % des cas, sont faits d’orteils pourpres, de livedo reticularis qui peut aller jusqu’aux lombes, de nécroses parcellaires des orteils.

Chez un sujet athéroscléreux, ces anomalies qui prédominent aux membres inférieurs ne sont que trop facilement rattachées à une artérite ; pourtant les pouls tibiaux postérieurs et pédieux ne sont pas nécessairement abolis, ce qui doit orienter vers des lésions ischémiques de la microcirculation. La biopsie cutanée orientée par une zone de livedo ne doit pas porter sur les pieds : la plaie ne cicatriserait pas. Plus haut située, elle trouve des cristaux dans l’hypoderme. Falanga et al, dans une courte série de 24 malades, font un diagnostic d’embolies cholestéroliques chez 22 d’entre eux (92 %). Dans leur revue portant sur 52 malades, Scolari et al trouvent des cristaux dans la peau chez 100 % de leurs malades.

Les douleurs musculaires peuvent simuler une polymyosite. Le muscle est une localisation facile à biopsier, avec cependant un rendement plus faible : 21 fois sur 129 dans la série de Lye et al.

Des cristaux sont trouvés au fond d’oeil dans 6 à 25% des cas.

Les douleurs abdominales sont fréquentes et parfois accompagnées d’hémorragies digestives. Elles traduisent l’atteinte du territoire mésentérique et pancréatique. Elles s’accompagnent d’une dénutrition. De la fièvre peut accompagner l’altération de l’état général.

Signes biologiques :

Les embolies de cholestérol ne provoquent pas qu’une occlusion mécanique des vaisseaux dans lesquels elles sont logées. Elles suscitent également une réaction inflammatoire à corps étrangers. Il s’agit bien d’une angéite microcristalline. Ainsi s’expliquent trois anomalies biologiques, inconstantes mais suggestives quand elles existent : une hypocomplémentémie, une éosinophilie et une éosinophilurie objectivée par la coloration de Hansel.

Atteinte rénale :

La fréquence de l’atteinte rénale n’est pas clairement établie.

Considérant qu’en cas d’embolies de cholestérol la circulation rénale est intéressée dans plus de 80 % des cas, on peut estimer qu’elle est histologiquement d’une extrême fréquence. Cela dit, il faut distinguer les formes dans lesquelles quelques cristaux sont logés dans le rein, sans traduction clinique, des embolies rénales massives, accompagnées d’une insuffisance rénale, d’une hypertension artérielle et d’une défaillance cardiaque. Ce sont elles qui posent un réel problème au néphrologue et au réanimateur et dont il sera question ici.

L’apparition dans le temps de cette néphropathie microcristalline après l’événement déclenchant, s’il existe, est variable. On peut aussi dire que son diagnostic est souvent retardé. Trois formes doivent être distinguées. Les embolies massives se révèlent tôt après chirurgie, angiographie ou angioplastie. Ailleurs, il s’écoule plusieurs semaines avant que le diagnostic ne soit évoqué : en moyenne 5,3 semaines après artériographie dans l’expérience de Frock et al. Une troisième variété est caractérisée par une insuffisance rénale de type subaigu ou chronique, évoluant par poussées successives qui sans doute coïncident avec des vagues d’embolies, survenant chacune après un élément déclenchant : angiographie, reprise chirurgicale, nouveau traitement anticoagulant. Il est alors difficile de faire le départ entre des embolies de cholestérol, une néphroangiosclérose, diagnostic de facilité sur ce terrain, ou la toxicité de l’iode.

Les signes rénaux purement cliniques, en dehors de l’hypertension, sont assez limités. Il peut y avoir des douleurs d’infarctus rénal accompagnées d’hématuries macroscopiques, en fait rares. Le tableau habituel est celui d’une insuffisance rénale de gravité variable. Elle peut être aiguë, oligoanurique, nécessitant d’emblée une épuration extrarénale et survenant immédiatement après un geste invasif, ce qui est le cas d’environ un tiers des patients. Il convient cependant de se rappeler qu’après l’événement déclenchant, les signes et symptômes de la maladie des embolies de cholestérol peuvent n’apparaître qu’après plusieurs semaines.

L’évolution peut ensuite être progressive et se faire par poussées entrecoupées de paliers successifs sur plusieurs semaines ou mois.

Bien souvent on arrive à comprendre que chacune de ces poussées évolutives coïncidait avec une nouvelle agression des plaques emboligènes : nouvelle angiographie, réintervention vasculaire, reprise d’un traitement anticoagulant. L’évolution peut enfin ne se marquer que par une insuffisance rénale chronique et lentement évolutive. Les manifestations cliniques de l’affection, chez un sujet âgé, sont marquées par de la fièvre, un état inflammatoire, une éosinophilie, une altération de l’état général, un amaigrissement, des signes cutanés et une détérioration de la fonction rénale accompagnée d’une protéinurie. On conçoit dès lors que pour un esprit non prévenu se trouvent soulevés divers diagnostics différentiels : toxicité d’un produit de contraste iodé, insuffisance rénale par ischémie des gros troncs, angéite, endocardite bactérienne, microangiopathie thrombotique, fibrose rétropéritonéale compliquant un anévrisme de l’aorte abdominale.

L’hypertension est presque constante, sévère et parfois maligne.

Elle entraîne ou favorise une insuffisance cardiaque et un suboedème pulmonaire qui ajoutent aux difficultés du traitement.

Jusqu’à une date récente, la maladie des embolies de cholestérol était considérée comme au-delà de toute ressource thérapeutique. Une série personnelle de 67 malades a permis à Belenfant et al d’analyser les principales causes de mort chez ces patients dont la créatinine sérique à l’admission était en moyenne de 540 ± 225 μmol/L ; 61 % des patients étaient en oedème pulmonaire, 33 % avaient une ischémie gastro-intestinale, 90 % des signes cutanés et 22 % des embolies rétiniennes. Les causes déclenchantes étaient une angiographie (85 %), un traitement anticoagulant (76 %) et/ou un acte de chirurgie vasculaire (33 %). Le protocole adopté était fondé sur :

– l’arrêt de tout traitement anticoagulant et de tout geste de radiologie interventionnelle ou de chirurgie ;

– un traitement intensif de l’hypertension, de la défaillance cardiaque et de l’oedème pulmonaire par un vasodilatateur, des diurétiques de l’anse et une ultrafiltration par le rein artificiel ;

– les hémodialyses itératives et une nutrition parentérale ;

– la prednisone.

La mortalité durant l’hospitalisation fut de 16 %. Parmi les survivants, 32 % durent continuer les hémodialyses en raison d’une insuffisance rénale irréversible. La survie à 1 an était de 87 %, ce qui se compare favorablement aux séries les plus récentes où elle était de 64 à 81 %. La survie à 4 ans était de 52 %.

Bien que d’autres séries de la littérature ne fassent pas état d’un protocole thérapeutique particulier et ne relèvent pas une mortalité significativement pire, il est possible que les malades de Belenfant et al, tous admis dans une unité de soins intensifs néphrologique, aient comporté un biais de sélection parmi les cas les plus graves.

La notion récente selon laquelle les statines exercent un effet stabilisant sur les plaques d’athérome et sont dotées d’effets antiinflammatoires incite vivement à les inclure dans tout protocole thérapeutique de cette affection à titre de prévention primaire et secondaire.

Lésions parenchymateuses rénales et maladie athéroscléreuse :

Il est difficile de dissocier les lésions du rein dues à l’âge, à une hypertension ancienne compliquée de néphroangiosclérose, à des sténoses artérielles avec ischémie d’aval et à des embolies cholestéroliques, de celles contractant un lien de causalité avec la maladie athéroscléreuse. Néanmoins, deux éléments doivent être versés au débat.

Le premier est un travail de Kasiske qui, pour dissocier les lésions du tissu rénal liées à l’âge de celles de l’athérosclérose, a conduit une étude autopsique chez 57 patients atteints d’une athérosclérose modérée (groupe I) et 57 autres ayant une athérosclérose sévère (groupe II). Les deux groupes étaient appariés pour l’âge, le sexe, l’hypertension, la conformation corporelle, le poids des organes et l’étendue des lésions coronariennes. La surface des coupes glomérulaires, l’épaisseur des artères arquées et interlobulaires et la fibrose interstitielle ont été mesurées par histomorphométrie.

Dans le groupe I, l’incidence de glomérules sclérosés était de 8,3 ± 7,0 % contre 15,4 ± 16,3 % dans le groupe II (p < 0,01). La surface relative des parois vasculaires était de 60 ± 12 % dans le groupe II contre 55 ± 11 %, (p < 0,05) dans le groupe I. La surface moyenne des glomérules non scléreux était supérieure dans le groupe II (23 700 ± 6 000 μm2) par rapport au groupe I (19 600 ± 3 700 μm2, p < 0,01), suggérant une hypertrophie compensatrice. La fibrose interstitielle était similaire dans les deux groupes. L’impact relatif de l’âge, du sexe de la conformation corporelle de l’athérosclérose systémique, de l’hypertension, de la néphroangiosclérose et de la fibrose interstitielle sur la glomérulosclérose et l’hypertrophie glomérulaire a été étudié par analyse multivariée. L’âge et la néphroangiosclérose contractaient un lien significatif avec la glomérulosclérose. La surface des coupes glomérulaires était corrélée avec le poids du coeur et les lésions coronariennes. En revanche, il n’y avait pas de corrélation entre la surface des aires glomérulaires et la glomérulosclérose.

Ce travail laisse entendre que la maladie athéroscléreuse diffuse s’accompagne de lésions glomérulaires qui, plus qu’avec l’étendue des plaques vasculaires, pourraient contracter un lien avec les causes mêmes de la maladie athéroscléreuse, c’est-à-dire les désordres lipidiques.

Il existe de nombreux protocoles expérimentaux relatifs à des souches de rats génétiquement hyperlipidémiques et qui constituent des lésions glomérulaires. On trouvera les références utiles dans l’article de Poirier et al.

Chez l’homme, les études relatives aux liens entre lipides athérogènes et rein ont été pour la plupart consacrées à la dyslipidémie des néphropathies constituées, mais il est plus que probable que les désordres lipidiques qui accélèrent le cours des maladies rénales ne sont pas anodins sur un rein âgé et atteint de néphroangiosclérose.

Le rein normal produit des lipides oxydants dont la source est la cellule mésangiale glomérulaire. L’insuffisance rénale diminue la production d’antioxydants, s’accompagne d’une hypertriglycéridémie qui accroît la production de radicaux libres et modifie la structure des low density lipoproteins. L’intolérance au glucose et/ou l’existence d’un syndrome néphrotique augmentent ces facteurs de risque de lésions glomérulaires. De récents travaux sur le rôle protecteur des statines sur ces divers phénomènes sont en cours qui font état de résultats très intéressants. Il est très vraisemblable que cette classe thérapeutique jouera un rôle très favorable, non seulement sur l’évolution de la plaque d’athérome et ses conséquences, ischémie et embolies cholestéroliques, mais aussi sur celle de la néphropathie qui en résulte.

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