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Conduite de l’hémodialyse

Conduite de l’hémodialyse
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Introduction :

L’efficacité et la qualité du traitement de suppléance extrarénal par hémodialyse conditionnent la survie des patients insuffisants rénaux chroniques au stade ultime. Le terme « hémodialyse » décrit l’ensemble des méthodes d’épuration extrarénale (EER) comportant une circulation sanguine extracorporelle mettant en relation le « milieu intérieur » du patient et le « milieu extérieur » avec une solution électrolytique d’échange produite par un générateur de dialysat. Cette méthode corrige de façon efficace les anomalies métaboliques de l’urémie et restaure périodiquement l’homéostasie du patient insuffisant rénal chronique. Le caractère intermittent du traitement de suppléance n’offre cependant qu’une correction partielle et périodique de ces désordres et provoque des variations cycliques du milieu intérieur de l’urémique. C’est la raison pour laquelle, le terme « adéquat », qui caractérise l’efficacité de l’hémodialyse, doit toujours être considéré comme relatif.

L’adéquation de l’hémodialyse repose sur une série d’objectifs d’appréciation parfois délicate. Le programme de dialyse doit être en mesure de satisfaire les besoins métaboliques vitaux du patient tout en lui assurant une qualité de vie correcte et en prévenant la survenue de complications. Le traitement repose sur des séances périodiques d’épuration (trois par semaine habituellement) dont l’efficacité globale augmente avec le temps. L’optimisation du programme requiert des schémas thérapeutiques personnalisés et un contrôle de qualité permanent.

Dans tous les cas, le caractère adéquat de la dialyse comporte une notion quantitative qui traduit les transferts de masse de solutés réalisés au cours des séances de dialyse  et une notion qualitative qui inclut la tolérance clinique, la qualité de vie et la prévention de toute morbidité spécifique. La complexité des désordres métaboliques de l’urémie est telle qu’elle ne permet pas l’utilisation d’un marqueur unique et universel pour juger de l’efficacité du programme de suppléance.

C’est la raison pour laquelle les néphrologues ont établi, dans les années 1970, une série d’objectifs thérapeutiques regroupant les besoins vitaux des patients dialysés. Ces cibles thérapeutiques servent de cadre à la « dialyse adéquate » et représentent les indicateurs de « qualité » chez les patients dialysés. L’utilisation de ces critères a permis le développement de la dialyse contemporaine et a assuré la survie à des milliers de patients insuffisants rénaux chroniques. Les complications de la dialyse « au long cours », rapportées au cours de ces deux dernières décennies, sont là néanmoins pour nous rappeler les limites d’efficacité des méthodes de suppléance. La survenue de cette pathologie spécifique du dialysé suggère que  les critères de dialyse adéquate initialement établis ne sont plus suffisants. Si les critères initiaux demeurent nécessaires à la survie des patients dialysés, ils ne sont plus suffisants à l’heure actuelle pour affirmer le caractère optimal de la suppléance rénale.

Prescrire un programme d’hémodialyse nécessite donc une parfaite connaissance des performances du système d’épuration extrarénale et des caractéristiques métaboliques du patient traité. Le choix de la modalité thérapeutique dépend :

• des caractéristiques individuelles (comorbidité, accès vasculaire, mode de vie, retentissement psychologique, degré d’autonomie) ou de son environnement familial ;

• des habitudes et du savoir-faire de l’équipe soignante ;

• des contraintes logistiques et techniques locales (développement des structures thérapeutiques, capacité d’accueil, distance).

La prescription d’une séance de dialyse s’inscrit dans une perspective stratégique globale et ne doit pas rester un acte thérapeutique isolé. D’un point de vue général, la prescription d’un programme de dialyse comporte deux temps :

• un premier temps, qui consiste à faire une prescription empirique à partir des caractéristiques anthropométriques et métaboliques du patient ;

• un second temps, qui consiste à ajuster le programme en fonction des résultats cliniques et biologiques et de l’obtention ou non des « cibles » fixées.

Objectifs du traitement de suppléance rénale par dialyse :

La prescription du programme thérapeutique de dialyse doit répondre à une série d’objectifs : 1) garantir l’efficacité du programme de suppléance en administrant la « dose de dialyse » adéquate ; 2) prévenir la mauvaise tolérance clinique des séances de dialyse ; 3) corriger les anomalies biologiques ; 4) prévenir les complications de la dialyse au long cours.

Administrer la « dose de dialyse » adéquate :

La notion de « dose de dialyse » a été introduite dans les années 1980 par F. Gotch pour quantifier l’efficacité de la séance et du programme de dialyse. Elle repose sur l’analyse cinétique modélisée de l’urée au cours d’un cycle de dialyse.

Bien que critiquable, cette approche a eu le mérite de démontrer que la morbimortalité des patients hémodialysés dépendait de la « dose de dialyse » administrée. La National Cooperative Dialysis Study (NCDS) américaine fut ainsi la première étude prospective randomisée montrant que la « dose de dialyse » conditionnait le degré de rétention azotée et le catabolisme protidique et influençait la morbimortalité des patients dialysés. De nombreuses études ultérieures ont confirmé que la morbimortalité des patients dialysés était inversement corrélée à la « dose de dialyse », suggérant que l’urée pouvait être considérée comme un « substitut » des toxines urémiques. Notons cependant que dans toutes ces études, l’impact de la « dose de dialyse » sur la morbimortalité des patients est toujours apparu beaucoup plus délétère dans ses valeurs basses que dans ses valeurs hautes. Les limites de cette approche ont été récemment mises en évidence par l’étude HEMO-Study qui a montré qu’au-delà d’une valeur seuil minimum, l’augmentation de la « dose de dialyse » n’apportait pas de réduction significative de morbimortalité chez les patients dialysés. En dépit de ces limites, l’urée demeure un marqueur intéressant, simple, universel, peu onéreux qui permet de vérifier l’efficacité des séances de dialyse et d’évaluer les apports protidiques des patients. Les guides de bonne pratique clinique internationaux recommandent l’utilisation régulière de cet indicateur dans le cadre d’un contrôle de qualité de l’efficacité du programme de dialyse. Divers indices d’efficacité dérivés de l’urée ont été développés dans le cadre du suivi des patients dialysés. Ils sont rapportés dans l’encadré ci-dessous.

Le plus ancien et le plus simple est représenté par le pourcentage de réduction de l’urée sanguine (PRU) par séance de dialyse. Cet indice traduit le pourcentage de masse d’urée soustraite au patient au cours d’une séance. Il comporte des facteurs d’erreur (variation volémique, compartimentalisation, rebond postdialytique) et ne devrait plus être utilisé sans facteur correcteur comme témoin d’efficacité. La clairance corporelle normalisée, également appelée clairance fractionnelle, plus communément dénommée Kt/Vurée, demeure l’indicateur d’efficacité le plus pertinent et il est recommandé par les référentiels de bonne pratique en hémodialyse. L’indice Kt/V représente le produit de la clairance corporelle totale de l’urée (produit de la clairance instantanée du dialyseur [K] par la durée de la séance [t]) rapportée au volume d’eau totale du patient (V). Son calcul utilise des paramètres simples, concentrations sanguines de l’urée en pré- et postdialyse, durée de la séance, poids sec et perte de poids du patient. La précision du résultat  impose une méthodologie rigoureuse pour le prélèvement sanguin de fin de séance et l’utilisation de formules de calculs tenant compte du rebond postdialytique. La formule de deuxième génération établie par Daugirdas est actuellement la référence des guides de bonnes pratiques. À noter qu’il est maintenant possible d’obtenir, sur certains générateurs moniteurs de dialyse, une mesure directe en ligne de la clairance (ou de la dialysance) de l’urée (ou d’un substitut) et d’en déduire l’indice Kt/V. Ces mesures sont réalisées à partir du dialysat (ou de l’ultrafiltrat) effluent : dans un cas, le dosage direct de l’urée permet le calcul de sa clairance ; dans l’autre cas, la variation de conductivité dialysat permet un calcul de la dialysance ionique (substitut de la clairance de l’urée).

À l’heure actuelle, cette notion de « dose de dialyse » tend à être élargie et à être appliquée à l’ensemble des solutés qui sont échangés au cours d’une séance de dialyse. Le calcul du transfert de masse de ces différents solutés offre ainsi une approche quantifiable de l’efficacité de la séance. Cette approche permet également d’affirmer la bonne adéquation de l’efficacité de la dialyse par rapport aux besoins du patient. La soustraction de toxines urémiques de haut poids moléculaire apparaît de plus en plus nécessaire dans le cadre de la dialyse efficace du futur.

C’est la raison pour laquelle il apparaît indispensable que la notion de « spectre moléculaire » de toxines épurées soit associée à celle de « dose de dialyse ». Si bien qu’à la notion quantitative ancienne, fondée exclusivement sur l’épuration de solutés de bas poids moléculaire, doit être associée celle, qualitative, privilégiant l’épuration de substances de haut poids moléculaire. Au sein des toxines urémiques, la b-2-microglobuline fait référence :

• elle a un poids moléculaire élevé (11,8 kDa) ;

• elle est produite de façon continue par l’organisme ; elle s’accumule progressivement dans l’insuffisance rénale chronique ;

• c’est un composant majeur de l’amylose-b-2-microglobuline des vieux dialysés ;

• c’est un marqueur biologique et un indicateur de morbimortalité chez les patients dialysés.

La soustraction de b-2-microglobuline apparaît donc hautement souhaitable chez les patients dialysés au long cours. La difficulté actuelle est de répondre à un certain nombre de questions : quel niveau optimal de b-2-microglobuline circulante faut-il viser ? Quelle masse de b-2-microglobuline faut-il soustraire par séance ? Quels sont les facteurs qui affectent le taux de b-2-microglobuline en dehors de l’épuration ?

Maintenir un état nutritionnel satisfaisant :

Le maintien d’un état nutritionnel satisfaisant doit demeurer un objectif essentiel chez les patients dialysés. La dénutrition caloricoprotidique est un facteur de morbimortalité majeur chez les patients urémiques. Cette dénutrition s’installe précocement dans le cours de l’insuffisance rénale et ne s’améliore que partiellement chez les patients dialysés. Les études de prévalence chez les dialysés indiquent de façon constante que près d’un tiers des patients présentent des signes de dénutrition caloricoprotidique relativement sévère. La prise en charge nutritionnelle est donc primordiale dans cette population, notamment chez les patients les plus âgés plus exposés à ces troubles.

Elle comporte un suivi des apports alimentaires (enquêtes et conseils diététiques), une évaluation subjective globale (ESG) et anthropométrique de l’état nutritionnel (clinique ou masse maigre/grasse) et une surveillance régulière des paramètres biologiques nutritionnels (albumine, préalbumine, cholestérol total, taux de production de créatinine).

Corriger l’excès du volume extracellulaire et contrôler la pression artérielle :

La correction de la surcharge sodée et le contrôle de la pression artérielle sont deux objectifs essentiels chez le patient hémodialysé. Cela est un facteur de protection cardiovasculaire majeur chez l’urémique. La déplétion sodée est obtenue par ultrafiltration et par réduction de la teneur sodique du dialysat.

Cette déplétion hydrosodée répond à un objectif fixé empiriquement par le clinicien et établi autour du « poids sec ». La prise en charge diététique personnalisée et la restriction des apports alimentaires sodés sont de nature à faciliter l’obtention de cet objectif. Le contrôle tensionnel sera d’autant plus facilement obtenu que la déplétion sodée sera régulièrement obtenue.

Prévenir la maltolérance hémodynamique et clinique des séances de dialyse :

La tolérance hémodynamique des séances est conditionnée par deux facteurs majeurs : le débit d’ultrafiltration instantané et l’adaptation hémodynamique du patient à la déplétion volémique.

L’ultrafiltration traduit la perte nette de poids (exprimée en kilos ou en litres par séance) imposée au patient pour le ramener au « poids sec » et rétablir l’équilibre de son volume extracellulaire. Le débit d’ultrafiltration instantané (en ml/min) représente le rapport perte de poids sur durée de séance. Le volume d’ultrafiltration requis par séance est étroitement lié à l’observance diététique du sujet et à sa diurèse résiduelle.

La réponse hémodynamique à la déplétion volémique est une caractéristique individuelle. Elle fait intervenir plusieurs éléments :

• la vitesse de remplissage vasculaire ;

• l’augmentation des résistances vasculaires périphériques et du tonus veineux ;

• l’augmentation de la fraction d’éjection cardiaque.

Dans tous les cas, l’allongement de la durée des séances réduit le débit d’ultrafiltration et améliore de façon significative la tolérance des séances. De même, une fréquence accrue des séances (séances quotidiennes par exemple) réduit considérablement les prises pondérales interdialytiques et les débits d’ultrafiltration perdialytiques. D’autres options dans la prescription de l’hémodialyse sont proposées pour améliorer la tolérance :

• généralisation du tampon bicarbonate ;

• utilisation de profils d’ultrafiltration et de conductivité personnalisés ;

• réduction de température du dialysat (36 °C) ou balance thermique isoneutre ;

• utilisation de membranes synthétiques haute perméabilité ;

• méthodes à forte composante convectives (hémofiltraction [HF] et hémodiafiltration [HDF]). La correction de l’anémie par agent stimulant l’érythropoïèse est apparue également comme un facteur essentiel de l’amélioration de la tolérance des séances.

Corriger les anomalies électrolytiques et phosphocalciques :

Les anomalies électrolytiques sont constantes chez le patient hémodialysé en début de séance. Elles associent habituellement une hyponatrémie, une hyperkaliémie et une acidose métabolique.

L’ampleur de ces anomalies dépend des apports alimentaires et de la fonction rénale résiduelle du sujet. Cela permet de rappeler l’importance primordiale du conseil et de l’observance diététiques. L’hyponatrémie (hypo-osmolalité) est un reflet fidèle de la prise hydrique et de l’état d’hyperhydratation cellulaire. L’hyperkaliémie est un reflet des apports de fruits, légumes et autres aliments particulièrement riches en potassium (chocolat, fruits secs, etc.). L’acidose métabolique est un reflet de la production de protons et des apports protidiques alimentaires.

Ces anomalies sont corrigées par l’hémodialyse et leur niveau d’équilibre dépend de la composition électrolytique du dialysat.

Les perturbations phosphocalciques et du métabolisme osseux sont également constantes chez le patient hémodialysé. Elles associent une hyperphosphorémie, une hypocalcémie et une hypomagnésémie. Ces désordres varient selon le régime diététique (apports de phosphore dépendant des apports de protéines animales), de l’efficacité du programme de dialyse, de la fonction rénale résiduelle et également du métabolisme osseux (intensité du remodelage osseux). Ces perturbations sont en partie corrigées par l’hémodialyse qui assure à chaque séance une soustraction de phosphate et une charge calcique et magnésienne. Elles sont également tributaires du régime diététique et du traitement oral visant à réduire l’absorption digestive du phosphate (fixateurs digestifs) et à augmenter l’apport de calcium et de vitamine D.

Prévenir les complications de la dialyse au long cours :

À l’heure actuelle, le concept de dialyse efficace ne peut plus se résumer à une correction des principales anomalies biologiques de l’urémie.

Les complications au long cours du patient dialysé (athérosclérose accélérée, calcifications vasculaires et cardiaques, amylose-b-2-microglobuline, vieillissement accéléré, dénutrition, ostéodystrophie, hépatite, neuropathie, insuffisance cardiaque…) doivent être prévenues. Cela requiert un programme de dialyse plus efficace, plus physiologique et plus hémocompatible qui est décrit ultérieurement dans ce chapitre.

Prescription du programme de dialyse :

Choix de la modalité d’épuration extracorporelle :

Le choix de la modalité d’épuration extrarénale relève d’une prescription médicale dans laquelle interviennent plusieurs éléments décisionnels : l’état clinique du patient, l’âge, la comorbidité, les performances du système d’épuration, la tolérance des séances, la disponibilité des diverses modalités d’EER et les convictions du néphrologue.

L’hémodialyse demeure la modalité classique d’EER, elle est utilisée dans à peu près 90 % des cas. Elle est indiquée initialement chez tout patient urémique au stade ultime. L’utilisation optimale d’hémodialyseurs performants permet d’obtenir de façon habituelle une dialyse efficace à court terme. Le choix du dialyseur demeure une décision importante du néphrologue dans la prévention des complications au long cours. C’est pour répondre à ces besoins que des alternatives à l’hémodialyse classique ont été proposées : hémodialyse haute perméabilité,

hémodialyse haute efficacité, hémofiltration haute efficacité, hémodiafiltration haute efficacité.

L’hémodialyse avec dialyseur à haute perméabilité peut être réalisée sur tout générateur équipé d’un maîtriseur d’ultrafiltration.

Elle nécessite cependant l’utilisation d’un dialysat bicarbonaté ultrapur.

L’hémofiltration (pré- ou postdilutionnelle) utilise des membranes de haute perméabilité et comporte des échanges purement convectifs. L’HF postdilutionnelle est la modalité la plus efficace dont l’intérêt clinique est réduit du fait de débits de filtration limités et de durée prolongée des séances. L’HF demeure d’actualité dans son mode prédilutionnel qui permet de larges volumes d’échanges (70-100 l par séance) avec des temps de traitements courts. L’HF n’est viable qu’avec une production en « ligne » du liquide de substitution.

L’hémodiafiltration offre, à l’heure actuelle, le meilleur compromis coût-efficacité-tolérance parmi les méthodes de suppléance extrarénale. La combinaison simultanée des transferts diffusifs et convectifs assure à l’HDF des clairances élevées pour l’ensemble des solutés, y compris de poids moléculaire moyen. La tolérance hémodynamique est bonne, y compris chez des patients âgés ou à haut risque cardiovasculaire. La production « en ligne » du liquide de substitution garantit la viabilité économique de la méthode. Différentes formes d’HDF existent : postdilutionnelle, prédilutionnelle, mixte, midilutionnelle.

Le choix de l’une ou l’autre de ces modalités doit être établi à partir des performances recherchées et des problèmes hémorhéologiques rencontrés.

Choix de la durée des séances et de la fréquence des séances de dialyse :

Durée et fréquence des séances de dialyse sont deux composantes majeures du traitement de suppléance rénale. Ces deux éléments assurent l’efficacité et la tolérance du traitement. Le temps a un rôle essentiel sur les capacités d’épuration du système. D’une part, il conditionne la clairance des toxines urémiques et la masse de soluté soustraite. La « dose de dialyse » est proportionnelle à la durée de la séance quel que soit le poids moléculaire du soluté. Cette notion s’applique également à la dialysance des solutés et des électrolytes apportés par le dialysat. D’autre part, il conditionne la clairance corporelle des solutés. La concentration des toxines présentes dans le secteur sanguin circulant accessible à l’épuration extracorporelle est conditionnée par leur vitesse de diffusion interne. La clairance extracorporelle d’un soluté est en effet limitée par sa clairance intracorporelle (coefficient de transfert de masse interne ou coefficient de résistance). La vitesse de diffusion interne est elle-même conditionnée par d’autres facteurs : espace de distribution, affinité protéique et tissulaire, gradients de concentrations en fonction des débits des circulations régionales (compartiment superficiel à haut débit ou compartiment profond à bas débit). Comparons, à titre d’exemple, la cinétique per- et postdialytique de deux toxines urémiques : une de faible poids moléculaire, l’urée (60 Da) ; l’autre de haut poids moléculaire, la b-2-microglobuline (11,8 kDA). La clairance intracorporelle de l’urée est voisine de 800 ml/min et celle de la b-2- microglobuline de 80 ml/min.

La clairance intracorporelle de l’urée est très nettement supérieure à celle de la clairance du dialyseur. En théorie, cela laisse présager que l’épuration corporelle d’urée doit être réalisée sans limitations. En pratique, la diffusion corporelle interne de l’urée ne se fait pas de façon homogène pendant la séance de dialyse, ce qui entraîne la formation d’un gradient de concentration entre les compartiments superficiels et profonds (séquestration apparente) et conduit à une rééquilibration brutale après dialyse sous la forme d’un rebond postdialytique (20 à 30 %).

La masse d’urée soustraite pendant la séance demeure néanmoins très importante et peu amputée par cette séquestration.

Le problème est totalement différent avec la b-2-microglobuline et les phosphates. La cinétique de la b-2-microglobuline est complexe et les méthodes sont capables d’en éliminer de façon substantielle (HD haute perméabilité ou hémodiafiltration). Au cours de la séance de dialyse, la disparition rapide de la b-2-microglobuline dans le secteur accessible n’est pas compensée par la diffusion interne, et réduit de façon majeure les transferts de masse extracorporelle de b-2-microglobuline. Au décours de la séance, la rééquilibration des compartiments se traduit par un rebond postdialytique très important. Les phosphates inorganiques ont une cinétique proche de la b-2-microglobuline alors que leur poids moléculaire est environ 300 fois inférieur. Cela traduit les fortes résistances au transfert interne des phosphates du fait de leur localisation cellulaire et mitochondriale et de caractéristiques spécifiques leur conférant une forte hydrophilie et une forte électronégativité.

Ces faits soulignent le rôle majeur du temps et de la fréquence des séances sur les transferts de solutés à forte résistance interne. L’allongement de la durée des séances et la fréquence accrue des séances augmentent de façon significative les transferts de masse et ce, d’autant plus que le soluté a un poids moléculaire élevé et qu’il a une faible diffusion interne.

L’allongement de la durée des séances a également un rôle très bénéfique sur la tolérance des séances. Cet allongement des séances réduit le débit d’ultrafiltration instantané et facilite le remplissage volémique et l’adaptation hémodynamique. Il permet également de préserver la volémie, en facilitant le remplissage vasculaire par un recrutement liquidien efficace du secteur profond.

La fréquence hebdomadaire des séances est également un élément très important dans la prescription d’un schéma thérapeutique. Le caractère intermittent des séances, fondé sur trois séances par semaine, crée un cycle faisant alterner des concentrations de solutés tantôt hautes (« pics ») et tantôt basses (« vallées »). Ce type de programme conventionnel trihebdomadaire est en opposition avec les objectifs de dialyse physiologique visant à stabiliser le milieu intérieur. La prescription actuelle tend à accroître le nombre de séances hebdomadaires. La première approche consiste à pratiquer des séances à jours alternés (quatre séances par semaine). La seconde approche consiste à réaliser des séances quotidiennes (cinq à sept séances par semaine). Ce type de schéma thérapeutique pose des problèmes logistiques dans les centres de dialyse contraints de traiter quatre à six patients par poste. En revanche, ces schémas s’adaptent parfaitement bien aux patients traités dans des structures de type autodialyse ou à domicile, possédant un générateur individuel de dialyse. L’ensemble des travaux rapportés sur l’hémodialyse à fréquence accrue conforte l’idée que c’est la voie d’avenir nécessaire pour améliorer l’efficacité et accroître la tolérance des programmes de dialyse.

Différents schémas thérapeutiques peuvent être proposés en combinant la durée et la fréquence des séances d’EER. Le schéma conventionnel minimum recommandé par le guide européen de bonnes pratiques (EBPG) repose sur trois séances de 4 heures soit 12 heures par semaine. Différents schémas thérapeutiques sont actuellement proposés, ils visent tous à accroître la durée (5 à 8 heures) ou la fréquence (4 à 6 par semaine). Les schémas trihebdomadaires courts (3 heures) ou ultracourts (2 heures) doivent être réservés aux cas particuliers de patients ayant une fonction rénale résiduelle importante (5 ml/min) ou de très faible corpulence ayant des besoins métaboliques réduits.

Choix de l’hémodialyseur :

L’hémodialyseur est l’interface d’échange entre le milieu intérieur du patient et le milieu extérieur du dialysat. Son rôle est double : d’une part, il conditionne les échanges de solutés, c’est un bioéchangeur ; d’autre part, il met en contact le sang du patient avec le dialysat, c’est un bioréacteur.

Le choix d’un dialyseur repose sur différentes considérations :

• performances (perméabilité aux solutés) ;

• hémocompatibilité (hémoréactivité) ;

• hémorrhéologiques (design du dialyseur et de la membrane) ;

• économiques (prix du module).

Le choix d’un dialyseur doit prendre en compte plusieurs éléments : la nature, la perméabilité et la surface de la membrane, la géométrie du dialyseur, le mode de stérilisation, les conditions spécifiques d’utilisation. Les dialyseurs à fibres creuses se sont imposés au cours de ces dernières années comme les dialyseurs de référence. La géométrie des dialyseurs capillaires leur confère des performances optimales pour une compacité maximale.

Selon leur nature chimique, on distingue trois types de membranes : les membranes cellulosiques, les membranes cellulosiques substituées et les membranes synthétiques. Chaque membrane se caractérise par une perméabilité et une hémoréactivité spécifique.

La perméabilité permet de distinguer des dialyseurs à :

• faible perméabilité (low-flux [LF]) ;

• moyenne perméabilité (middle-flux [MF]) ;

• haute perméabilité (high-flux [HF]) ;

• très haute perméabilité (super-flux [SHF]).

Notons que la perméabilité est déterminée en fonction de la perméabilité hydraulique (Kuf), de la perméabilité aux solutés (KoA ou sieving coefficient) et de la perte d’albumine. Les performances du dialyseur (clairance des solutés) sont également affectées par la surface effective d’échange et l’épaisseur de la membrane des fibres. La surface des dialyseurs permet de distinguer des dialyseurs de petite surface (< 1,0 m2), de surface intermédiaire (1,0 et < 1,5 m2) et de grande surface (1,5 à 2,1 m2).

L’hémoréactivité permet de distinguer schématiquement trois types de dialyseurs :

• ceux à forte hémoréactivité (bio-incompatibles) ;

• ceux à faible hémoréactivité (biocompatibles) ;

• ceux à activité biologique spécifique (bioactifs).

À noter que l’hémoréactivité est définie actuellement sur un critère simple et facilement mesurable, l’activation du complément et l’induction d’une leucopénie précoce. L’utilisation de marqueurs plus sensibles (production de cytokines, production de radicaux libres, induction d’apoptose cellulaire) suggère qu’il n’existe pas vraiment actuellement de dialyseurs totalement biocompatibles. Ce critère est donc à utiliser avec beaucoup de relativité.

Notons que la fabrication des hémodialyseurs a bénéficié ces dernières années de deux innovations importantes :

• d’une part l’application de la nanotechnologie, qui a permis de réduire considérablement la masse de matériau entrant dans la constitution d’un dialyseur (membrane, empotage, coque) et de calibrer de façon plus précise et plus homogène la porosité des membranes ;

• d’autre part un nouveau design de l’hydraulique interne des dialyseurs. Cette dernière est destinée à :

C accroître les phénomènes de filtration interne en augmentant les résistances (augmentation de la longueur du faisceau de fibres et réduction de leur diamètre interne) et à majorer les échanges convectifs (ultrafiltration/rétrofiltration) ; C à renforcer les phénomènes de turbulence (séparateur de fibres, ondulation des fibres et du faisceau) à réduire l’épaisseur du film liquidien et à minimiser la résistance aux transferts des solutés.

Soulignons également que les performances d’un hémodialyseur sont étroitement liées à ses conditions d’utilisation. En d’autres termes, les performances optimales d’un dialyseur sont obtenues lorsque les conditions d’utilisation (débit sanguin réel, débit dialysat, anticoagulation…) sont adaptées aux caractéristiques physiques de l’hémodialyseur et aux préconisations du fabricant.

Choix du « poids sec » :

Le « poids sec » (synonyme « poids de base ») représente le poids du patient atteint en fin de séance après normalisation de son volume extracellulaire. En d’autres termes, c’est le poids obtenu après restauration de l’équilibre de la balance hydrosodée.

En pratique, c’est le poids de fin de séance de dialyse qui permet de corriger la pression artérielle sans avoir recours aux médications antihypertensives. Le « poids sec » est un paramètre éminemment variable, individuel et très subjectif. Définir le « poids sec » d’un patient en dialyse n’est pas une tâche facile. C’est un paramètre qui varie considérablement au cours du temps et nécessite des réajustements périodiques tenant compte de l’état nutritionnel et de la situation clinique du patient. Les variations lentes de poids sec observées au cours du temps traduisent, en fait, plus des changements d’état nutritionnel que des variations de volume extracellulaire.

De façon empirique, le « poids sec » est atteint lorsque les trois conditions suivantes sont rassemblées : absence d’oedème périphérique, absence de signe de surcharge cardiopulmonaire et normalisation de la pression artérielle prédialytique.

De façon plus objective, il est parfois fait appel à des mesures physiques. Une radiographie thoracique permet d’évaluer la silhouette cardiaque, de mesurer le rapport cardiothoracique et de rechercher des signes de surcharge pulmonaire. L’échocardiographie permet d’évaluer la fonction cardiaque (diamètre des cavités cardiaques, fraction de raccourcissement et d’éjection, masse ventriculaire) et de rechercher les signes d’hypervolémie.

La mesure du diamètre de la veine cave inférieure est également un élément d’évaluation de la volémie. De façon plus récente,

il a été proposé d’utiliser la cinétique de l’impédance corporelle (totale ou segmentaire) pour évaluer l’état volémique et rechercher la situation isovolémique des patients dialysés.

En pratique clinique, la recherche du « poids sec » est un objectif essentiel et permanent chez tout patient dialysé. Le rétablissement de la balance sodée et le contrôle de la pression artérielle par l’hémodialyse sont des critères majeurs de dialyse adéquate.

Choix du débit sanguin :

Le débit sanguin extracorporel conditionne l’efficacité de la séance d’épuration extracorporelle. La clairance des solutés est une fonction exponentielle du débit sanguin pour un débit de dialysat constant. La clairance maximale est obtenue pour des débits sanguins compris entre 300 et 400 ml/min pour un débit de dialysat de 500 ml/min. La clairance corporelle d’un soluté varie selon le volume de sang traité par séance. Pour des séances de 3 à 4 heures, le volume total de sang traité est de l’ordre de 50 à 100 l par séance.

Le débit sanguin extracorporel réel est habituellement inférieur au débit affiché par le moniteur d’hémodialyse. Pour des fistules ou des pontages artérioveineux ayant un bon débit (> 600 ml/min) la perte d’efficacité est faible, habituellement inférieure à 5 %. Pour les fistules ou les pontages artérioveineux à faible débit (< 300 ml/min) et pour les cathéters veineux, la perte d’efficacité est beaucoup plus importante et peut atteindre 20 à 30 %. Cette perte du débit sanguin se traduit par une réduction de clairance des solutés avec risque de dialyse insuffisante. Le débit sanguin extracorporel est limité par le débit de l’accès vasculaire, dans le cas de fistules ou de pontages artérioveineux, et par la faible pression de la circulation veineuse dans le cas des cathéters veineux. La surveillance du débit sanguin de l’accès vasculaire fait partie des paramètres de surveillance d’un patient hémodialysé.

Le débit sanguin extracorporel réel conditionne l’efficacité globale de la séance. Le débit sanguin réel est calculé sur certains générateurs de dialyse en tenant compte de la perte de charge (pression) en amont et en aval de la pompe à sang. Le débit sanguin peut être également mesuré de façon précise sur le circuit extracorporel en utilisant une méthode ultrasonique fondée sur le moniteur Transonics™. D’autres dispositifs externes non invasifs permettant de mesurer le débit sanguin réel sont en cours d’évaluation.

En pratique, la prescription du débit sanguin doit répondre aux besoins imposés par la modalité d’épuration et le type d’hémodialyseur et doit être compatible avec le débit de l’accès vasculaire. L’évaluation du débit sanguin réel doit faire partie des paramètres de surveillance imposés pour une bonne pratique de la dialyse. Le contrôle périodique non invasif (échodoppler, débitmétre ultrasonique, Transonics™) du débit de fistule artérioveineuse (ou de pontage) est nécessaire pour optimiser la prescription du débit sanguin. De même, la mesure du taux de recirculation de l’accès vasculaire est nécessaire pour détecter tout dysfonctionnement nuisible à l’efficacité de la séance.

Choix de l’anticoagulation :

L’instauration de toute circulation sanguine extracorporelle induit l’activation de la coagulation et requiert l’utilisation d’un agent antithrombotique.

L’héparine standard non fragmentée est habituellement utilisée pour assurer une anticoagulation systémique du patient.

L’anticoagulation comporte l’administration intraveineuse d’une dose de charge (50 à 100 unités internationales [UI] kg–1) prise immédiatement en relais par une injection continue intraveineuse (i.v). au pousse-seringue électrique avec des doses comprises entre 500 et 1 500 UI h–1.

En cas de risque hémorragique, il est recommandé d’utiliser des héparines de bas poids moléculaire (HBPM). La demi-vie prolongée de ces substances permet d’obtenir un effet antithrombotique suffisant pour 3 à 4 heures avec une seule injection en début de séance. D’autres méthodes antithrombotiques sont proposées en cas de risques hémorragiques. Nous ne ferons que citer ici l’hémodialyse sans anticoagulant avec rinçages itératifs du circuit avec du sérum salé, l’anticoagulation régionale fondée sur l’utilisation de citrate de sodium et la prévention de la thrombose par antiplaquettaires à demi-vie courte (prostacycline par exemple).

Choix de la composition du dialysat :

Le dialysat est la solution électrolytique produite par le générateur d’hémodialyse et destinée à permettre les échanges avec le patient. Le dialysat résulte d’un mélange d’électrolytes (concentrés liquides ou en poudre à dissoudre) et d’eau traitée.

La composition électrolytique finale du dialysat est proche de celle de l’eau plasmatique d’un sujet normal. C’est en quelque sorte le « troisième secteur » de l’organisme. Sa teneur électrolytique est destinée à corriger les anomalies du patient urémique.

La teneur en sodium du dialysat qui définit l’osmolalité du dialysat est proche de celle du plasma, soit environ 280 mosm/kg H2O. La concentration sodique du dialysat varie dans des limites raisonnables de 135 à 145 mmol/l. La teneur en sodium est établie en fonction des besoins et de la tolérance des patients. Les générateurs de dialyse contemporains comportent pour la plupart une option permettant de faire varier la concentration sodique du dialysat selon des profils (prédéfinis et personnalisés) couplés au débit d’ultrafiltration. Cette option a pour but de favoriser le remplissage vasculaire et d’améliorer la tolérance hémodynamique des séances. Sur certains générateurs d’hémodialyse, il est d’ores et déjà possible de préserver relativement constante la volémie par le biais d’un rétrocontrôle régulant l’ultrafiltration et la concentration sodique du dialysat.

La teneur en potassium du dialysat est habituellement de 2 mmol/l. Cela permet d’éliminer une quantité suffisante de potassium chez des patients chroniques anuriques. Dans certains cas (sujet âgé, cardiopathie, arythmie, traitement digitalique) la concentration du potassium dans le dialysat doit être portée à 3 ou 4 mmol/l.

La teneur calcique du dialysat est comprise entre 1,25 et 1,75 mmol/l. Le choix de la teneur en calcium est défini par la charge calcique recherchée par séance de dialyse. La concentration calcique du dialysat qui assure une balance calcique neutre est de 1,5 mmol/l. La teneur calcique du dialysat doit également tenir compte des apports oraux de calcium, du contrôle de l’équilibre phosphocalcique sanguin, du taux de parathormone (PTH) et de l’état des calcifications vasculaires. L’objectif est de maintenir la calcémie à un niveau cible optimal pour assurer un freinage de l’hyperparathyroïdie tout en prévenant l’hypercalcémie et l’augmentation du produit phosphocalcique. Le taux de magnésium est habituellement compris entre 0,50 et 0,75 mmol/l.

Le bicarbonate de sodium est le tampon universellement employé en hémodialyse. La concentration conventionnelle du dialysat qui assure une charge bicarbonatée suffisante est de 35 mmol/l. La formation de précipités insolubles de carbonate de calcium et de magnésium est prévenue par une acidification (pH dialysat 7,1 à 7,2) par addition d’acide acétique (ou d’acide chlorhydrique) à la concentration de 4 mmol/l. Cela fait, qu’en définitive, la concentration bicarbonatée finale est de 31 mmol/l.

L’addition de glucose au dialysat est indiquée pour prévenir la perte de glucose. Elle est souhaitable chez les sujets âgés et fragiles. La teneur en glucose est d’ordinaire comprise entre 5,5 et 11 mmol/l. En l’absence de glucose dans le dialysat, la perte perdialytique de glucose est de l’ordre de 40 à 50 g/séance. Cette supplémentation est essentielle chez les diabétiques, les patients dénutris et les sujets très âgés.

Choix du débit et de la température du dialysat :

Le débit du dialysat est fixé par défaut sur le générateur d’hémodialyse à 500 ml/min. Ce débit permet d’optimiser les clairances de solutés pour des débits sanguins de 300 ml/min.

La plupart des générateurs contemporains donnent la possibilité d’augmenter le débit du dialysat de 500 à 800 ml/min. Cette option permet d’augmenter la clairance des solutés et de produire un liquide de substitution pour les méthodes d’hémodiafiltration en ligne. L’impact de cette mesure sur les clairances de solutés demeure modeste sur les petites molécules. Le doublement du débit dialysat (1 000 contre 500 ml/min) n’entraîne qu’une augmentation de 15 à 20 % de la clairance de l’urée alors même que cette mesure double la consommation de concentrés électrolytiques.

La température du dialysat est fixée par défaut sur les générateurs à 37 °C. C’est la température considérée comme thermoneutre pour le patient. Les études de balance thermique ont montré qu’à 37 °C, le patient dialysé accumule des thermies et se trouve en balance thermique positive. Cette charge thermique entraîne une vasodilatation (artérielle et veineuse) responsable d’une baisse des résistances vasculaires périphériques source de mauvaise tolérance hémodynamique. La baisse de la température du dialysat à 36 °C ou mieux l’utilisation d’un moniteur de température assurant une balance isothermique permet d’améliorer la tolérance hémodynamique des séances et de faire disparaître des symptômes gênants tels que le prurit et les crampes.

Choix de la qualité microbiologique du dialysat :

La pureté microbiologique du dialysat s’est imposée au cours de ces dernières années comme un nouveau standard de la dialyse contemporaine recommandée par les guides de bonnes pratiques en hémodialyse. L’ultrapureté de l’eau et du dialysat est un composant essentiel pour l’hémocompatibilité du système de dialyse. Le dialysat est assimilé à un produit pharmaceutique. La production régulière de dialysat ultrapur repose sur un système de traitement d’eau adéquat, sur un réseau de distribution bien dessiné et sur des procédures d’hygiène et de désinfection particulièrement minutieuses.

L’utilisation de dialysat ultrapur est fortement recommandée avec les méthodes d’HD utilisant des membranes à haute perméabilité mais également avec les dialyseurs basse perméabilité.

L’utilisation de dialysat ultrapur est indispensable avec les méthodes d’épuration convectives à haute efficacité (HDF ou HF) comportant l’injection intraveineuse en ligne du liquide de substitution. Dans ce dernier cas, le caractère utrapur du dialysat et de l’infusat ne peut être garanti que par interposition d’une filtration stérilisante (ultrafiltre ou microfiltre) sur ces circuits.

Prescription du programme de dialyse dans des cas particuliers :

Certains patients présentent un profil médical à risques spécifiques et doivent bénéficier d’un traitement personnalisé.

Trois catégories de patients sont particulièrement concernées.

Patients diabétiques :

Les diabétiques (type I ou II) représentent une catégorie de patients dits à « hauts risques » vitaux. La création d’un accès vasculaire est souvent difficile du fait d’artères grêles et calcifiées. Les fistules à haut débit proximales les exposent à un syndrome de vol distal et de gangrène des extrémités du fait de l’artériopathie diabétique. Les complications oculaires (rétinopathie microanévrismale) comportent un risque hémorragique qui doit être prévenu par une anticoagulation adaptée. La neuropathie autonome et la cardiopathie fréquente chez ces patients rendent difficile la déplétion sodée. L’équilibre glycémique est également perturbé par les séances d’EER. C’est la raison pour laquelle il est conseillé, dans ces cas, de recourir à des séances prolongées, utilisant des méthodes convectives, des membranes à haute perméabilité, un dialysat enrichi en glucose, un contrôle de la balance thermique et de la volémie en ligne.

Sujets âgés :

La prévalence des sujets âgés en hémodialyse est importante, elle concerne plus de deux tiers des patients dialysés à plus de 65 ans. La comorbidité cardiovasculaire est très fréquente à cet âge. Elle complique les séances de dialyse en majorant l’instabilité hémodynamique. La malnutrition caloricoprotéique est un problème majeur chez les sujets âgés. La prise en charge du sujet urémique âgé doit être globale, assurant une suppléance rénale et un support nutritionnel. Dans ce cas, le programme de dialyse doit considérer en priorité les mesures visant à améliorer la tolérance hémodynamique (durée, convection, balance thermique, contrôle volémique) et à corriger les carences nutritionnelles.

Patients cardiopathes et artériopathes :

La prévalence des cardiopathies et des vasculopathies est également importante. Elle concerne près de 60 % des patients pris en charge en hémodialyse au-delà de 65 ans. L’insuffisance cardiaque rend difficile la déplétion volémique rapide et s’accompagne fréquemment d’épisodes d’hypotension artérielle.

La maladie vasculaire se complique volontiers de phénomènes ischémiques à l’occasion de chutes de la pression artérielle et d’expression variable (angor thoracique ou splanchnique, troubles rythmiques, accidents cérébraux…). C’est la raison pour laquelle, dans ce cas, les séances de dialyse doivent être prolongées afin de réduire le débit d’ultrafiltration instantané, et qu’elles doivent privilégier les méthodes convectives et la balance thermique neutre, mais également un contrôle volémique perdialytique.

Surveillance de la séance d’hémodialyse :

Chaque séance de dialyse comporte des risques. Ils doivent être parfaitement connus et prévenus en utilisant un matériel éprouvé et en respectant des procédures minutieuses.

Phase de branchement et d’amorçage :

L’instauration d’une séance de dialyse nécessite un accès vasculaire de qualité permettant d’établir une circulation sanguine extracorporelle à haut débit. La mesure et l’enregistrement des principaux paramètres vitaux (poids, pression artérielle, fréquence cardiaque, température) sont réalisées avant toute connexion. Ces paramètres sont consignés sur une feuille de surveillance spécifique. Habituellement, l’amorçage du circuit sanguin est obtenu après ponction de fistule ou de pontage artérioveineux. Plus rarement, il est obtenu à partir d’une connexion directe sur cathéters veineux profonds. Un système de type biponction (ou bicathéters) comportant une artère (sortie) et une veine (retour) est le plus souvent utilisé. L’amorçage du circuit sanguin peut se faire circuit vide ou circuit plein.

Dans le cas du circuit vide, l’amorçage est réalisé lentement (50 à 100 ml/min) après connexion de la ligne artérielle à l’aiguille artérielle du patient et vidange du sérum salé contenu dans le circuit dans une poche plastique souple. Dans ce cas, le sang du patient repousse le sérum salé du circuit dans une poche vide.

À l’opposé, l’amorçage peut se faire circuit plein. Dans ce cas, les circuits artériel et veineux sont connectés simultanément sur les aiguilles artérielles et veineuses du patient. Une fois le circuit sanguin refermé, le débit sanguin est progressivement augmenté et réglé pour atteindre le débit sanguin optimal (300 à 400 ml/min). L’anticoagulation systémique est obtenue par injection intraveineuse d’un embole d’héparine standard puis relais par une infusion continue. La prévention de la thrombose du circuit extracorporel est de plus réalisée par l’injection intraveineuse unique d’un embole d’héparine de bas poids moléculaire (HBPM) 3 à 4 minutes avant le branchement du circuit extracorporel. Le système de détection d’air et le clamp de sécurité du générateur sont mis en route dès que le sang atteint la pompe à sang. La programmation de la séance et les réglages des différents paramètres du générateur avec leurs fourchettes d’alarme sont alors enregistrées.

Phase de dialyse proprement dite :

La séance de dialyse débute dès lors que la circulation sanguine a été établie de façon stable. Le dispositif de détection d’air et son clamp de sécurité, doivent être enclenchés dès le début de la séance. En centre de dialyse, la surveillance du patient dialysé est assurée par un personnel infirmier spécialisé.

La surveillance comporte l’enregistrement périodique de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque. L’utilisation de moniteurs externes (pression artérielle, fréquence cardiaque) représente une aide appréciable qui facilite indiscutablement la surveillance clinique.

La survenue d’événements intercurrents en cours de séance est consignée sur la feuille de surveillance de dialyse. La fréquence de survenue de ces événements est utilisée pour juger de la tolérance clinique des séances (hypotension, nausées, vomissements, crampes, céphalées…). L’enregistrement des paramètres techniques fournis par le moniteur de dialyse (débit sanguin, pression veineuse et artérielle, fuite de sang, conductivité, température du dialysat, perte de poids horaire) est nécessaire. Elle peut se faire manuellement lors de la surveillance infirmière où automatiquement à partir de moniteurs préprogrammés. La surveillance des paramètres de dialyse est utile pour affirmer le bon déroulement de la séance de dialyse.

À noter que cette tâche peut être automatisée sur certains générateurs. Elle permet une analyse immédiate des données et un stockage où une télétransmission des constantes sélectionnées (télésurveillance).

Phase de débranchement et restitution :

En fin de séance, on procède à la restitution du sang contenu dans le circuit extracorporel. Cette manoeuvre comporte l’arrêt de la pompe à sang, la déconnexion de la ligne artérielle, et son adaptation sur une poche plastique souple remplie de sérum salé isotonique (0,5 à 1,0 l) ou son adaptation sur une prise spécifique du générateur comportant une infusion de liquide stérile et apyrogène. La restitution du sang au patient et le rinçage du circuit sanguin extracorporel nécessitent d’ordinaire 200 à 500 ml de sérum salé. Soulignons, qu’en cas de prélèvement sanguin de fin de séance, celui-ci doit être réalisé dans de bonnes conditions, c’est-à-dire avant restitution et après une phase d’équilibration obtenue après réduction du débit sanguin (50 ml/min) pendant 2 minutes.

L’ablation des aiguilles ou la déconnexion des cathéters sont réalisées immédiatement après restitution. Le contrôle des paramètres vitaux (pression artérielle, fréquence cardiaque, poids, température) est alors réalisé. L’ensemble de ces paramètres est consigné sur la feuille de dialyse.

Hémodialyse efficace. Hémodialyse adéquate. Hémodialyse optimale :

Prescrire un programme de dialyse ne permet en rien de présager de son efficacité. Le contrôle d’efficacité qui s’impose a un double but :

• d’une part, s’assurer que la prescription prévue a été réalisée ;

• d’autre part, s’assurer que le programme couvre effectivement les besoins métaboliques du patient.

Il s’agit là d’une démarche de qualité nécessaire pour garantir l’efficacité du programme à long terme.

La complexité des anomalies métaboliques de l’urémique rend difficile le choix de critères d’efficacité. C’est la raison pour laquelle en pratique clinique, il est nécessaire d’utiliser une série d’objectifs et de cibles thérapeutiques, qui couvrent les besoins métaboliques vitaux du patient urémique. Les critères et valeurs utilisés dans ce chapitre sont ceux établis par les groupes d’expert et sont repris dans les recommandations professionnelles.

Pour des raisons de commodité, les critères de dialyse adéquate ont été regroupés en deux catégories :

• les critères à court et moyen terme ;

• les critères à long terme.

Dialyse adéquate à court et à moyen terme :

Les critères à court et moyen terme concernent principalement les besoins métaboliques vitaux. Ils sont de deux types : subjectifs et objectifs.

Critères subjectifs :

Correction du syndrome urémique :

La disparition de la symptomatologie urémique est obtenue dans un délai de 1 à 2 semaines (trois à six séances de dialyse) après instauration du traitement de suppléance. La réapparition d’une symptomatologie fonctionnelle urémique, même minime, doit faire suspecter une perte d’efficacité de la dialyse et un programme de dialyse inadéquat.

Tolérance des séances de dialyse :

Réduire l’incidence de la morbidité perdialytique (hypotensions, crampes, nausées, vomissements, céphalées, angor, perte de connaissance…) est un objectif essentiel de la dialyse contemporaine. La tolérance hémodynamique des séances de dialyse s’est trouvée très nettement améliorée par l’utilisation du tampon bicarbonaté et par la généralisation des maîtriseurs d’ultrafiltration. D’autres mesures sont susceptibles d’améliorer encore cette tolérance : hémodialyseurs hémocompatibles, profils individualisés d’ultrafiltration et de conductivité, neutralité de la balance thermique, contrôle volémique.

Qualité de vie :

Le but du traitement de suppléance extrarénal n’est pas simplement de prolonger la vie de l’urémique. Il doit aussi restaurer une qualité de vie aussi proche que possible de la normale. L’évaluation de la réhabilitation n’est pas facile. Des grilles et des scores d’évaluation simplifiés sont actuellement proposés (SF36). Plusieurs facteurs contribuent à améliorer la qualité de vie des dialysés :

• une connexion vasculaire d’utilisation facile ;

• des séances de dialyse bien tolérées ;

• un programme de dialyse adéquat ;

• l’absence de complications urémiques ;

• un programme de dialyse intégré au mode de vie du patient facilitant sa réinsertion dans la vie quotidienne.

Critères objectifs :

« Dose de dialyse » administrée :

Comme cela a été discuté plus haut, la notion de « dose de dialyse » a été introduite dans les années 1980 par F. Gotch pour évaluer l’efficacité de la dialyse et personnaliser le programme de dialyse. L’urée est très rapidement apparue, dans ce contexte, comme le marqueur de choix. La pharmacocinétique de l’urée chez l’hémodialysé est relativement simple du fait de son faible poids moléculaire (60 Da), de sa diffusion corporelle aqueuse et de son dosage simple. De plus, l’urée est corrélée au catabolisme protéique, son taux de production peut être assimilé au catabolisme protéique et à celui des apports protidiques alimentaires. Enfin, son accumulation dans l’organisme est voisine de celle d’autres toxines urémiques. L’analyse cinétique modélisée de l’urée chez les patients dialysés permet de quantifier la capacité épuratrice du système et d’évaluer le catabolisme protidique du patient. Cette approche avait beaucoup d’atouts, elle apportait pour la première fois une évaluation quantifiée, sur la qualité de l’épuration et sur la nutrition protidique du patient.

Les indicateurs retenus pour quantifier l’efficacité de la dialyse à partir de l’urée sont de quatre types :

• le pourcentage de réduction de l’urée (PRU) par séance ;

• la clairance fractionnelle de l’urée plus connue sous la forme de l’indice Kt/V ;

• l’indice de masse d’urée soustrait ;

• la clairance rénale équivalente.

La décroissance de l’urée sanguine en cours de dialyse est de type biexponentiel. La cinétique de l’urée représentée en échelle semi-logarithmique décrit ainsi une droite dont la pente est équivalente à la clairance corporelle (K). Au cours d’un cycle de dialyse (dialyse et interdialyse), la cinétique de l’urée se caractérise par deux phases alternées : au cours de la séance, l’urée décroît selon une double pente traduisant l’épuration de deux compartiments distincts (superficiel et profond) à des vitesses différentes ; au décours de la séance, l’urée augmente de façon brutale et exponentielle dans l’heure qui suit la séance (phénomène de « rebond ») puis remonte progressivement et de façon linéaire jusqu’à la séance suivante. La vitesse de décroissance de l’urée est proportionnelle à l’élévation de la clairance du dialyseur (K), à la durée de la séance (tHD) et inversement proportionnelle au volume de distribution du patient (V). La vitesse d’ascension interdialytique de l’urée est proportionnelle au catabolisme protidique (taux de génération de l’urée) et inversement proportionnelle à la fonction rénale résiduelle et au volume de distribution. L’amplitude du rebond postdialytique est proportionnelle à la pente de décroissance perdialytique.

Cette cinétique de l’urée souligne l’importance majeure du prélèvement sanguin de fin de séance. Ce prélèvement demeure très sensible car il est réalisé en pleine phase de déséquilibre. Il doit donc être réalisé selon un protocole standardisé pour que les calculs dérivés soient valides.

Le pourcentage de réduction de l’urée (PRU) est une estimation relative de la masse d’urée soustraite par séance. C’est un indicateur grossier d’efficacité qui est affecté par les conditions du prélèvement de fin de séance et par la contraction volémique.

Il convient donc de prélever l’échantillon sanguin de façon adéquate et d’utiliser une formule de calcul appropriée.

L’indice Kt/V urée est l’indicateur de choix pour évaluer l’efficacité des séances de dialyse. Le produit Kt représente la clairance corporelle totale obtenue par séance. Kt/V représente la clairance corporelle normalisée et rapportée au volume de distribution du patient. Cet indice dépend des conditions de prélèvement postdialytique et de la contraction volémique survenue pendant la dialyse. Il convient dès lors d’utiliser une formule de calcul appropriée. Seules les formules de Kt/V, utilisant soit un échantillon sanguin à l’équilibre en postdialyse, soit une formule de calcul apportant une correction de ce déséquilibre (double-pool équivalent), sont recommandées pour ce calcul. L’utilisation de moniteurs en ligne mesurant la clairance effective de l’urée, soit par mesure directe de l’urée dans le dialysat (ou l’ultrafiltrat), soit par mesure de la dialysance ionique (substitut de la clairance de l’urée), permet d’envisager un contrôle continu d’efficacité des séances de dialyse.

L’indice de transfert de masse urée (solute removal index [SRI]) a été proposé. Cet indice est apparu très séduisant dans la mesure où il évaluait de façon précise et directe l’efficacité de la séance de la dialyse. Le SRI représentait en effet le rapport masse d’urée soustraite sur masse d’urée patient. De fait, son utilisation clinique n’a pas été aussi aisée que prévue dans la mesure où elle nécessitait une évaluation directe de la masse d’urée soustraite dans le dialysat effluent mesurée par un moniteur d’urée en ligne. Soulignons que le SRI et le PRU sont des indicateurs d’efficacité de dialyse très proches lorsque les séances de dialyse ont une faible variation volémique et que le prélèvement de postdialyse est fait dans de bonnes conditions.

La notion de clairance rénale équivalente (KReq, ml/min) a été proposée pour intégrer les fluctuations biologiques dues à l’intermittence du traitement et fournir aux cliniciens un indicateur plus proche du concept de la physiologie rénale.

Cette valeur représente en fait la valeur intégrée de la clairance de l’urée par séance de dialyse rapportée à la période de temps considérée (48 h à 1 semaine). La clairance rénale équivalente peut être calculée, pour les patients réalisant trois séances par semaine, à partir de la valeur du Kt/V urée moyen en utilisant la relation linéaire suivante KReq = 1 – 10 Å~ Kt/V. La valeur de l’urée moyenne intégrée sur le cycle de dialyse peut être également calculée en connaissant les valeurs de concentration d’urée avant, après la séance et avant la séance suivante. Ces deux derniers paramètres permettent à leur tour de calculer le taux de génération de l’urée et d’estimer le taux de catabolisme protidique et les apports protidiques.

La « dose de dialyse » administrée a une influence directe sur la mortalité et la morbidité des patients dialysés. L’ensemble des travaux récents rapportés tend à prouver que plus la « dose de dialyse » est élevée, meilleure est la survie des patients.

L’étude HEMO-study suggère qu’il n’y a pas de bénéfices cliniques à administrer une dose de dialyse élevée (Kt/V urée supérieur à 1,5) chez les patients bénéficiant d’un programme trihebdomadaire. Les recommandations européennes (EBPG) suggèrent que la « dose minimale de dialyse » estimée par l’indicateur Kt/V urée pourrait être de 1,4 avec des modèles monocompartimentaux (single-pool [sp]) et de 1,2 avec des modèles bicompartimentaux (double-pool [dp]). En d’autres termes, la dose de dialyse minimale rapportée à la semaine (Kt/Vhebd) doit être voisine de 4,2 avec un modèle monocompartimental et de 3,6 avec un modèle bicompartimental. Dans ce calcul, il n’est pas tenu compte de la fonction rénale résiduelle du patient, dont la contribution à l’efficacité globale du programme peut être significative (à titre d’exemple, 1,2 ml/min de clairance résiduelle contribue pour 0,1 au Kt/V).

Soulignons également que c’est la « dose cumulée » hebdomadaire qui conditionne l’efficacité du programme thérapeutique.

C’est la raison pour laquelle un suivi périodique et régulier des indices d’efficacité de dialyse doit être réalisé chez les patients dialysés. Cette démarche s’inscrit dans le cadre d’un contrôle de qualité permanent et répond aux exigences actuelles en matière de bonne pratique médicale. Toute dérive ou perte d’efficacité du programme conduit à en rechercher la cause, à la corriger rapidement et à réajuster si nécessaire le programme thérapeutique.

La « dose de dialyse » a également un impact majeur sur l’état nutritionnel des patients dialysés. Le catabolisme protidique, reflet de l’apport protidique chez des patients dialysés en balance azotée, est également un élément d’évaluation très important apporté par l’analyse cinétique de l’urée. Le taux de catabolisme protidique (PCR) est corrélé de façon linéaire au taux de génération de l’urée (GU) selon l’équation suivante : GU = 0,154 PCR – 1,7. L’application de la loi de conservation de masse au couple patient/système de dialyse sur une période de 1 semaine permet d’écrire que la masse d’urée soustraite par séance est équivalente à la masse d’urée produite entre deux séances. La masse d’urée soustraite (MU) par séance peut être calculée de plusieurs façons : intégration de l’aire sous la courbe de la cinétique de décroissance sanguine (ou dialysat) de l’urée ; mesure directe par analyse des transferts de masse obtenue par collection (totale ou partielle) du dialysat (et de l’ultrafiltrat) ou par monitorisation « en ligne » de l’urée dans le dialysat (ou l’ultrafiltrat). Le taux de génération de l’urée (GU) peut être ainsi calculé comme étant le rapport de la masse d’urée soustraite (MU) divisé par la durée de l’intervalle (t).

Le taux de catabolisme protidique normalisé pour le poids sec (kg) du patient (nPCR, g/kg/24 h) peut alors être déduit du taux de génération de l’urée (GU, μmol/min) selon la relation suivante : nPCR = 0,262 (GU + 54)/poids sec.

Plus récemment, des formules permettant une estimation du taux de catabolisme protidique (nPCR) ont été proposées. Ces formules n’utilisent que des paramètres simples telle la concentration de l’urée sanguine en début de dialyse, la valeur du Kt/V et la durée de la séance. Soulignons que ces formules n’intègrent pas la clairance rénale résiduelle du patient et que la valeur du catabolisme protidique (nPCR) est un reflet des apports protidiques chez des sujets stables.

D’autres marqueurs présentent un intérêt particulier.

L’hémoglobine carbamylée a été proposée pour apprécier le degré et l’ancienneté de l’intoxication urémique.

La créatinine permet, par analyse cinétique modélisée, d’estimer la masse musculaire et maigre des patients dialysés.

Des travaux récents indiquent que la production instantanée de créatinine (index de créatinine) et son évolution au cours du temps sont des marqueurs nutritionnels à forte valeur pronostique.

Les phosphates inorganiques sont directement impliqués dans le déterminisme de la maladie osseuse et des calcifications vasculaires. En dépit de leur faible poids moléculaire, les phosphates inorganiques sont difficiles à épurer avec les schémas conventionnels d’hémodialyse. Ils possèdent une cinétique biphasique due à des résistances internes élevées qui en limitent l’accessibilité et l’épuration extracorporelle. La déplétion phosphatée est donc beaucoup plus conditionnée par la durée et par la fréquence des séances que par celle de la perméabilité des dialyseurs et du recours à des transferts convectifs.

La b-2-microglobuline s’est imposée au cours de ces dernières années comme une toxine urémique de référence. Outre son implication dans l’amylose-b-2-microglobuline des « vieux dialysés », la b-2-microglobuline apparaît comme un facteur de risque direct dans la morbimortalité des patients hémodialysés.

Ce rôle est souligné par l’étude HEMO-study. La complexité de sa cinétique corporelle et la forte résistance aux transferts internes permettent de comprendre la relative incapacité des méthodes de suppléance extrarénale conventionnelles à maintenir au long cours ses taux circulants dans des cibles optimales.

D’autres toxines urémiques, produits de glycosylation avancée des protéines (AGE) ou de protéines oxydées (AOPP) récemment identifiées sont également difficiles à épurer par les méthodes d’hémodialyse conventionnelle. Dans ces cas, la soustraction de ces substances impose de recourir à des méthodes d’épuration à forte composante convective et avec des séances plus fréquentes et plus prolongées.

La fonction rénale résiduelle du patient contribue à accroître l’efficacité globale du programme thérapeutique. Elle élargit le spectre moléculaire des toxines épurées et facilite la gestion de la balance hydrosodée des patients. La clairance résiduelle du patient doit être prise en compte dans l’évaluation de l’efficacité du programme thérapeutique. Elle doit être évaluée de façon régulière chez les patients dont la diurèse journalière est de plus de 300 ml. La mesure de la clairance résiduelle se fait sur une période interdialytique prolongée de 48 ou 72 heures et impose la collection totale des urines sur cette période. La fonction rénale résiduelle est en fait la moyenne des clairances de la créatinine et de l’urée. Le calcul repose sur des échantillons sanguins prélevés (urée et créatinine) à la fin d’une séance puis au début de la suivante. Schématiquement, une clairance résiduelle de 1,2 ml min–1 chez un patient de 70 kg équivaut à 0,1 point de valeur de Kt/V.

Les cibles thérapeutiques recommandées consistent à administrer une dose de dialyse optimale. Les recommandations actuelles ont établi que la valeur minimale du Kt/Vdp urée acceptable était supérieure à 1,2 avec un apport protidique supérieur à 1,2 g kg–1 j–1 et un taux d’urée avant dialyse inférieur à 30 mmol/l. Pour les autres solutés (phosphates inorganiques, b-2-microglobuline, AOPP…) il est plus difficile d’établir des valeurs cibles optimales. Il est néanmoins recommandé de maintenir les taux circulants de ces substances dans les fourchettes les plus proches possibles de la normalité : pour les phosphates inorganiques, la concentration maximale avant dialyse est fixée à 1,75 mmol/l ; pour la b-2-microglobuline, une étude récente suggère que le taux avant dialyse doit être inférieur à 27 mg/l.

Maintien de l’état nutritionnel :

La correction de l’état nutritionnel est un critère essentiel de dialyse efficace. Cela ne peut être obtenu qu’après correction des désordres clinicobiologiques de l’insuffisance rénale chronique permettant la restauration d’apports alimentaires requis au maintien de la balance caloricoazotée. L’évaluation de l’état nutritionnel repose sur :

• des éléments anthropométriques (évolution du poids sec, indice de masse corporelle, masse musculaire et masse grasse par mesure des plis de peau et périmètres musculaires) ;

• des indices biologiques calculés (à partir de l’urée, du catabolisme protidique et de la créatinine, de la masse musculaire) ;

• des enquêtes nutritionnelles, des protéines viscérales (albumine, préalbumine ou transthyrétine) ;

• des indicateurs tissulaires évaluant la masse maigre et grasse (bio-impédancemétrie, densité tissulaire).

Les cibles nutritionnelles optimales recommandées visent à maintenir un taux d’albumine supérieur ou égal à 40 g/l avec un taux de préalbumine supérieur ou égal à 300 mg/l et de veiller à ce que les apports protidiques alimentaires soient supérieurs ou égaux à 1,2 g/kg/j et les apports caloriques supérieurs à 35 kcal/kg/j. Le taux de catabolisme protidique (PCR) établi à partir du taux de génération de l’urée est un moyen précis permettant d’estimer les apports protidiques d’un sujet stable. La surveillance de l’état nutritionnel est indispensable chez tout patient dialysé. C’est un critère essentiel du contrôle de qualité et de suivi du patient dialysé.

Contrôle du volume extracellulaire, de la balance hydrosodée et de la pression artérielle :

Le rétablissement régulier et à chaque séance de dialyse de la balance hydrosodée est un objectif primordial de la dialyse adéquate. C’est la seule façon d’obtenir un contrôle tensionnel satisfaisant chez un patient dialysé en limitant le recours aux antihypertenseurs. La part volodépendante de l’hypertension est importante. Elle est retrouvée chez près de 80 % des patients dialysés. L’obtention du « poids sec » est un objectif essentiel du programme de dialyse qui doit être obtenu par un ajustement régulier du poids sec (ultrafiltration) et un arrêt simultané des antihypertenseurs. Le contrôle du volume extracellulaire est d’autant plus facile que la restriction diététique sodée est efficace (réduction des prises pondérales interdialytiques) et que les séances de dialyse sont longues et fréquentes (réduction de l’ultrafiltration horaire). Les cibles thérapeutiques recommandées visent à maintenir une pression artérielle (prédialyse) en moyenne inférieure ou égale à 140/80 mmHg sans antihypertenseur (valeur à moduler en fonction de l’âge et de la comorbidité du patient) et à limiter la perte pondérale horaire (taux d’ultrafiltration horaire) inférieure ou égale à 700 ml (valeur adaptable en fonction de la tolérance individuelle).

Contrôle de l’acidose :

La correction de l’acidose métabolique est un objectif prioritaire de la dialyse adéquate. Les effets métaboliques délétères de l’acidose chronique sont multiples :

• majoration du catabolisme protidique par la voie des ubiquitines et du protéasome ;

• aggravation des lésions osseuses par consommation des tampons carbonates osseux ;

• réduction de la sensibilité de récepteurs cellulaires hormonaux, notamment ceux de l’insuline ;

• réduction de l’anabolisme protidique.

L’acidose du patient dialysé est en grande partie dépendante du catabolisme protidique et des apports protidiques. L’hémodialyse assure la soustraction d’acides fixes et l’apport de tampon bicarbonate. La charge bicarbonatée est proportionnelle à la dialysance instantanée du bicarbonate, au taux de bicarbonate dans le dialysat et à la durée des séances. La charge bicarbonatée est comprise entre 100 et 150 mmol/séance pour un dialysat bicarbonaté voisin de 35 mmol/l. La cible thérapeutique visée est, dans ce cas, le maintien d’un taux de bicarbonate en prédialyse supérieur ou égal à 20 mmol/l.

Contrôle de la kaliémie :

Le maintien de la kaliémie dans une zone optimale est un critère essentiel de l’efficacité du programme de dialyse. La déplétion potassique est rapide, mais quantitativement limitée en hémodialyse et se situe entre 40 et 60 mmol/séance. Cela est souvent insuffisant pour maintenir une kaliémie correcte entre deux séances de dialyse. C’est la raison pour laquelle la combinaison d’un régime restrictif en potassium et la prise de résines échangeuses d’ions (sodiques, kayexalate ; calciques, calcium sorbitsterit) est souvent nécessaire. L’objectif est de maintenir la kaliémie de prédialyse inférieure ou égale à 6,0 mmol/l et celle de postdialyse supérieure ou égale à 3,0 mmol/l. La teneur potassique du dialysat est habituellement comprise entre 2 et 3 mmol/l.

Contrôle de l’équilibre phosphocalcique, magnésien et du taux de parathormone intacte 1-84 :

Le contrôle de l’équilibre phosphocalcique est fondamental pour prévenir l’évolution de la maladie osseuse du dialysé et la survenue de calcifications vasculaires et tissulaires. L’hémodialyse permet une déplétion phosphatée et assure une charge calcique qui doit être adaptée aux besoins du patient.

La déplétion phosphatée varie selon la clairance instantanée du dialyseur et la durée de la séance. La déplétion corporelle phosphatée demeure néanmoins limitée du fait de résistances internes très élevées. Le contrôle de la phosphorémie requiert habituellement l’utilisation de fixateurs digestifs du phosphore pour en réduire l’absorption digestive. Les fixateurs digestifs du phosphore se classent en quatre catégories :

• les sels d’alumine (pansements gastriques) ;

• les sels calciques (carbonate de calcium, acétate de calcium) ;

• les résines échangeuses d’ions (sevelamer) ;

• les sels de carbonate de lanthane (en cours d’enregistrement).

Ces sels fixateurs digestifs doivent être pris au moment des principaux repas de la journée pour que leur efficacité soit maximale. La dose nécessaire est établie à tâtons par titration progressive de semaine au regard des résultats et de la cible phosphorémique. La phosphorémie cible recommandée en prédialyse doit être inférieure ou égale à 1,75 mmol/l et celle en postdialyse comprise entre 0,75 et 1,00 mmol/l.

La charge calcique assurée par la dialyse dépend de la dialysance calcique du dialyseur, de la concentration calcique du dialysat et de la durée de la séance. L’apport calcique réalisé au cours d’une séance de dialyse est compris entre 20 et 40 mmol. Cette charge est obtenue avec un dialysat dont la teneur calcique est de 1,75 mmol/l. Elle est inférieure de près de 50 % avec un dialysat à 1,50 mmol/l et devient négative avec un dialysat à 1,25 mmol/l. La prise combinée de sels calciques fixateurs digestifs du phosphore et de vitamine D active (1,2 [OH] 2 cholécalcidiol) avec un dialysat comportant un calcium à 1,75 mmol/l expose à un risque hypercalcémique majeur. C’est la raison pour laquelle, dans ce contexte, un dialysat à 1,5 mmol/l est indiqué dans la majorité des cas pour maintenir une balance calcique positive sans risque majeur d’hypercalcémie. L’indication de bain à teneur calcique basse (1,25 mmol/l) doit être réservée à des situations cliniques particulières (hypercalcémie maligne par exemple) et utilisée sur des périodes courtes. En effet, avec cette teneur en calcium, la balance calcique est négative et une stimulation de la sécrétion parathyroïdienne est observée. La calcémie cible recommandée est comprise entre 2,20 et 2,40 mmol/l en prédialyse. Il s’agit de calcémie totale qui doit être corrigée en fonction du taux d’albumine.

Le contrôle de l’hyperparathyroïdie est un élément essentiel dans le management du patient dialysé. L’objectif primaire est de freiner la sécrétion de PTH afin de prévenir la survenue ou l’aggravation des lésions osseuses. L’efficacité de la dialyse est un élément déterminant dans la mesure où elle vise à corriger périodiquement les anomalies phosphocalciques en cause dans la stimulation de la sécrétion parathyroïdienne. La dialyse n’est cependant pas suffisante à elle seule pour freiner cette sécrétion. Elle nécessite un complément thérapeutique sous la forme d’une association de vitamine D active et de sels calciques. Les calcimimétiques (cinacalcet) représentent une nouvelle classe thérapeutique capable de freiner puissamment la sécrétion de PTH en mimant l’action du calcium sur les récepteurs parathyroïdiens.

Leur utilisation clinique est cependant trop récente pour définir précisément leur place dans le freinage précoce de l’hyperparathyroïdie. Le freinage de la sécrétion parathyroïdienne doit demeurer cependant prudent et limité afin de prévenir la survenue d’une hypoparathyroïdie et d’une ostéopathie adynamique, qui, outre son risque osseux (risque fracturaire), expose au développement accéléré de calcifications vasculaires. La cible optimale recommandée pour le taux de PTH intacte 1-84 est comprise entre 150 et 300 pg/ml. Le dosage de l’hormone PTH bioactive (7-84) est actuellement proposé en complément du dosage de la PTH intacte. Il permettrait de déterminer plus précisément le risque d’ostéopathie adynamique.

Le contrôle de la magnésémie est également important. Il repose sur l’utilisation d’un dialysat dont la concentration en magnésium est habituellement de 0,5 mmol/l. Des concentrations plus basses en magnésium (0,35 mmol/l) sont parfois nécessaires si le patient utilise des sels magnésiens (carbonate de magnésium) pour le contrôle de sa phosphorémie.

Correction de l’anémie :

L’anémie n’est que peu ou pas corrigée par l’hémodialyse.

Cela n’est pas fait pour surprendre dans la mesure où elle résulte d’une carence relative en érythropoïétine. La sévérité de l’anémie rénale est cependant variable, elle dépend du sexe, de l’âge, de la pathologie sous-jacente et des conditions de dialyse.

L’utilisation d’un agent stimulant l’érythropoïèse (ASE) est le plus souvent nécessaire pour corriger l’anémie de ces patients. Ce traitement débute habituellement dans la phase conservatrice de l’insuffisance rénale et se poursuit naturellement en dialyse. La prise en charge optimale de l’anémie nécessite de plus que les facteurs aggravants soient écartés et que les facteurs de résistance soient corrigés. Pour mémoire, nous ne citerons que les principaux facteurs : carence martiale, dialyse inadéquate, dénutrition sévère, hémolyse, spoliation sanguine régulière, état inflammatoire, intoxication aluminique ou hyperparathyroïdie sévère.

Les cibles recommandées concernant l’anémie et le statut martial visent à maintenir un taux d’hémoglobine supérieur ou égal à 11g/dl (hématocrite 33 %), une saturation de la transferrine supérieure ou égale à 30 % et une ferritinémie comprise entre 150 et 300 ng/ml.

Prévention de la neuropathie et de la péricardite :

Neuropathie des membres inférieurs et péricardite sont deux complications devenues rares au cours du traitement de suppléance extrarénal. L’apparition de l’une ou l’autre de ces deux manifestations doit être un signe d’alarme fort, traduisant une insuffisance de dialyse grave. Dans tous les cas, la recherche de sa cause s’impose et une révision complète des conditions de dialyse doit en découler. L’amélioration de l’efficacité du programme de dialyse passe habituellement par un allongement de la durée et de la fréquence des séances de dialyse, une exploration de l’accès vasculaire (débit de fistule, recirculation) et un changement de stratégie thérapeutique (modalité d’épuration, type de dialyseur, révision de l’anticoagulation, révision du poids sec).

Dialyse optimale à long terme :

Les critères de dialyse adéquate à long terme définis dans ce chapitre sont destinés à rappeler le fait que les patients dialysés ont une espérance de vie proche de celle d’une population non urémique appariée pour l’âge et la comorbidité. Si bien que les critères d’efficacité, dits de dialyse adéquate, qui assurent la survie du patient à court ou moyen terme ne sont plus suffisants pour qualifier les résultats à long terme (plus de 10 ans). C’est la raison pour laquelle il est nécessaire d’envisager une dialyse optimale. La pathologie associée présente chez les patients incidents est un élément déterminant du pronostic chez ces patients. Une analyse précise de la comorbidité (diabète sucré, coronaropathie, cardiopathie, artériopathie, tabagisme), présente à la prise en charge en dialyse, est nécessaire pour évaluer les résultats des thérapeutiques de suppléance rénale chez les urémiques.

Prévention des maladies cardiovasculaires :

L’incidence des maladies cardiovasculaires (angor, infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux) est élevée chez l’insuffisant rénal hémodialysé. C’est la première cause de mortalité chez l’urémique car elle apparaît de 10 à 100 fois supérieure à celle d’une population non urémique appariée pour l’âge.

Athérosclérose :

L’athérosclérose est manifestement accélérée chez l’urémique.

Ce processus pathologique débute tôt dans la maladie rénale, il n’est pas réellement amélioré par le traitement de suppléance et ne répond pas aux facteurs de risques conventionnels. Les facteurs de risques cardiovasculaires identifiés chez l’urémique dialysé sont volontiers regroupés en deux catégories, les facteurs traditionnels et les facteurs non traditionnels. Au rang des facteurs traditionnels figurent l’hypertension artérielle, les désordres lipidiques, les antécédents familiaux, le tabac, la sédentarité. Au rang des facteurs non traditionnels sont retrouvés des marqueurs d’activation protéique et cellulaire, du stress oxydatif, d’inflammation chronique, d’hyperparathyroïdie et la présence d’une hyperhomocystéinémie. Le contrôle de la pression artérielle qui joue un rôle majeur dans la progression des lésions vasculaires doit être obtenu de façon régulière. Le tabagisme et la sédentarité qui contribuent à la progression des lésions vasculaires doivent être efficacement combattus. L’amélioration de la qualité de la dialyse (biocompatibilité du circuit, ultrapureté du dialysat) et de son efficacité (haute perméabilité, convection accrue, séances plus fréquentes ou plus longues) est de nature à réduire ce risque et doit être promue.

Calcifications vasculaires et valvulaires :

Les calcifications vasculaires et valvulaires sont des complications de plus en plus fréquemment observées chez les patients dialysés. Elles représentent un facteur de risque vital spécifique et indépendant de l’athérosclérose. Ces calcifications sont le fruit de deux anomalies principales :

• les désordres phosphocalciques (hyperphosphorémie, hypercalcémie, augmentation du produit phosphocalcique, hyperparathyroïdie) favorables aux dépôts tissulaires passifs de microcristaux ;

• les désordres vasculaires et valvulaires intrinsèques de l’urémique induisant un phénomène « d’ossification » active des tissus (inflammation, oxydation lipidique, transdifférenciation des cellules musculaires lisses).

La sténose aortique calcifiée serrée rentre dans le cadre de ces complications tardives et graves de la dialyse. Les autres valvulopathies calcifiantes sont moins fréquentes et moins sévères au plan du retentissement fonctionnel cardiaque. Le contrôle de l’équilibre phosphocalcique, le freinage prudent de l’hyperparathyroïdie et la correction des anomales métaboliques proathérogènes font partie des objectifs thérapeutiques clés.

Cardiopathie hypertrophique :

La cardiopathie hypertrophique est présente chez près de 80 % des patients à la prise en charge en dialyse. Son dépistage et son identification ont largement bénéficié de l’échocardiographie. C’est un facteur de risque vital spécifique, notamment dans sa forme de cardiopathie hypertrophique et dilatée. Ses causes sont multifactorielles : hypertension artérielle, anémie chronique, surcharge sodée chronique, fistule artérioveineuse, toxines urémiques. La correction de l’hypertrophie ventriculaire est en partie possible grâce à un contrôle très strict de la pression artérielle, grâce à une correction précoce et adéquate de l’anémie par ASE mais également par une amélioration de la qualité et de l’efficacité du programme de dialyse.

Hypertension artérielle :

L’hypertension artérielle est présente chez 80 à 90 % des patients urémiques au stade de la prise en charge en dialyse.

C’est un facteur de risque cardiovasculaire majeur chez l’urémique.

Le caractère volodépendant de l’hypertension est retrouvé chez 70 à 80 % des patients dialysés. Cela signifie que chez 20 à 30 % des patients dialysés, l’hypertension artérielle persiste en dépit d’une correction du volume extracellulaire et d’une baisse adéquate du poids sec. La prescription d’antihypertenseurs ne doit donc être envisagée qu’après échec répété du contrôle tensionnel en dépit d’une adaptation des conditions de dialyse (allongement des séances, teneur sodique du dialysat, ultrafiltration isolée). Les différentes classes thérapeutiques antihypertensives peuvent être utilisées. La prescription d’antihypertenseur sera toujours prudente, faisant appel à des doses initialement faibles puis progressivement croissantes. Le choix de l’antihypertenseur repose sur son efficacité et sa tolérance.

Certaines classes d’antihypertenseurs (inhibiteurs d’enzyme de conversion) ayant fait l’objet de réactions par le passé de réactions anaphylactoïdes sévères avec des membranes synthétiques réactives (AN69), leur utilisation doit demeurer prudente.

Prévention de l’amylose-b-2-microglobuline :

L’amylose-b-2-microglobuline des urémiques dialysés est une complication tardive et longtemps asymptomatique de la dialyse. Elle est caractérisée par la présence de dépôts amyloïdes fibrillaires principalement dans les tissus articulaires et paraarticulaires (synoviales et tendons, ligaments) et dans les os (kystes). À noter que ces dépôts peuvent être retrouvés dans tous les tissus de l’organisme mais principalement dans le coeur, le tube digestif et les microvaisseaux. Cette substance amyloïde est composée principalement de b-2-microglobuline modifiée par carbamylation et associée à des dépôts, en plus faible quantité, de chaînes de globines (14 kD), de chaînes légères j ou k (20 kD) et de a-2-microglobuline (150 kD). Ces dépôts microfibrillaires sont caractéristiques de l’amylose et sont facilement identifiés en ultramicroscopie, par coloration et par immunomarquage spécifiques.

La formation de ces dépôts se traduit en clinique par l’apparition de syndromes douloureux articulaires et périarticulaires et de syndromes canalaires. Le syndrome du canal carpien et les douleurs scapulaires sont d’ordinaire les premières manifestations de l’amylose-b-2-microglobuline. Dans les études historiques, l’incidence du syndrome du canal carpien atteint 50 % à 10 ans et 100 % après 20 ans de dialyse. Ces syndromes douloureux comportent une impotence fonctionnelle plus ou moins marquée. Les dépôts amyloïdes osseux se traduisent par des géodes situées à proximité des articulations (os du carpe, col de l’humérus, bassin, cols et condyles fémoraux, plateaux tibiaux) qui fragilisent l’os et peuvent se compliquer de fractures pathologiques. La spondyloarthropathie érosive est une forme particulièrement sévère qui se caractérise par des lésions érosives des plateaux vertébraux cervicaux ou lombaires et une infiltration du canal médullaire. La destruction progressive du disque intervertébral (pseudospondylodiscite) et des corps vertébraux peut se compliquer de fracture-tassement et de compression médullaire (canal lombaire ou canal cervical).

La pathogénie de cette amylose-b-2-microglobuline a été en grande partie élucidée par les travaux scientifiques récents.

L’augmentation des taux circulants de b-2-microglobuline chez les patients urémiques résulte en fait d’un double mécanisme : d’une part, la relative inefficacité des programmes de dialyse conventionnels à épurer cette substance ; d’autre part, la libération accrue de b-2-microglobuline liée à la bioincompatibilité (inflammation, stress oxydatif) du système de dialyse. Le dépôt tissulaire et la formation d’amylose-b-2-microglobuline nécessitent néanmoins des modifications biochimiques de la b-2-microglobuline circulante (carbamylation et oxydation) et des conditions tissulaires favorables (inflammation locale, présence de cytokines tissulaires, défaut enzymatique, troubles phagocytaires).

À noter que seule la prévention de cette amylose-b-2-microglobuline est possible, en effet, dès lors que ces dépôts sont constitués, aucune thérapeutique y compris la transplantation rénale n’est en mesure de les faire disparaître. Les travaux les plus récents indiquent que l’amélioration de la qualité de la dialyse, comportant l’utilisation de dialyseurs à membrane synthétique haute-perméabilité, l’accroissement de clairances convectives et l’utilisation régulière de dialysat ultrapur, est en mesure de prévenir efficacement la survenue d’amylose-b-2-microglobuline. Le guide européen des bonnes pratiques en hémodialyse (EBPG) recommande l’utilisation régulière de membranes synthétiques haute perméabilité, la majoration des clairances convectives et l’utilisation de dialysat ultrapur pour prévenir cette complication.

Prévention de la maladie osseuse :

Les perturbations du métabolisme des ions divalents (Ca, PO4, Mg) et de l’activation de la vitamine D, apparaissent tôt dans l’insuffisance rénale chronique (IRC) (stade 3). Ces anomalies induisent une hyperparathyroïdie et une carence vitaminique D qui sont la cause de lésions osseuses. La dialyse ne corrige qu’imparfaitement ces anomalies biologiques et un traitement médical complémentaire oral est nécessaire.

La maladie osseuse du dialysé associe à des degrés divers plusieurs types de lésions : hyperparathyroïdie (résorption osseuse accrue), ostéomalacie (carence relative en vitamine D), ostéopénie (défaut de minéralisation), ostéopathie adynamique (défaut de renouvellement osseux), ostéopathie aluminique (en cas d’intoxication aluminique). Pour de plus amples renseignements sur cette maladie osseuse du dialysé, nous renvoyons le lecteur intéressé aux ouvrages de référence. À noter que la maladie vasculaire, et notamment la survenue des calcifications vasculaires et valvulaires, tend à être rapprochée de la maladie osseuse. En effet, il existe un parallélisme entre d’un côté la déminéralisation osseuse et de l’autre côté la calcification vasculaire.

Les recommandations de bonne pratique rapportées par les K/DOQI insistent sur la nécessité de contrôler de façon optimale l’équilibre phosphocalcique, de limiter les apports calciques (1,5-2 g/j), de limiter le freinage de l’hyperparathyroïdie (vitamine D, parathyroïdectomie) afin de prévenir les lésions osseuses et vasculaires.

Prévention de la contamination virale (HBS, virus de l’hépatite C, virus de l’immunodéficience humaine, « human T-cell lymphoma virus) :

Le risque viral demeure très important chez les patients hémodialysés et ce, d’autant plus qu’ils sont traités en centre et partagent avec d’autres patients des générateurs et du matériel de surveillance. La prévention virale doit demeurer une préoccupation quotidienne chez les patients hémodialysés. Cela concerne principalement les risques de transmission virale interpatients dont le vecteur est le personnel soignant ou le matériel partagé. L’hépatite B a pratiquement disparu des centres de dialyse grâce à la vaccination précoce des patients insuffisants rénaux chroniques et aux mesures d’isolement des patients contaminants. Le problème actuel est en fait principalement représenté par l’hépatite C dont la prévalence varie entre 7 et 20 % dans les centres. Le risque de transmission nosocomial interhumain a été parfaitement démontré. Il résulte la plupart du temps d’erreurs commises dans l’agencement des centres et dans la pratique des soins. C’est la raison pour laquelle les règles classiques d’hygiène, de désinfection du matériel et les précautions universelles doivent être appliquées de façon très stricte dans les unités de dialyse. Le profil sérologique viral (présence d’anticorps, taux de réplication virale) des patients traités dans une unité de dialyse doit être connu et surveillé régulièrement. L’isolement géographique ou temporel des patients porteurs du virus HVC répliquants et considérés comme contaminants (HVC-PCR positif) est conseillé. Le sérotypage du virus HVC est conseillé pour en évaluer le risque pathogène. En ce qui concerne les autres virus hépatotropes (delta, G…) les consignes de sécurité sont les mêmes que celles concernant le virus HVC. Quant aux autres virus (virus de l’immunodéficience humaine [VIH], human T-cell lymphoma virus [HTLV]), le risque de transmission interhumaine par voie de surface ou du générateur est faible. Les mesures proposées sont celles universellement appliquées aux autres virus. Dans tous les cas, les règles universelles d’asepsie et d’isolement s’imposent vis-à-vis des risques de contamination sanguine aux patients et au personnel soignant.

Complications de la dialyse :

Les complications de la dialyse répondent à deux catégories : les complications aiguës survenant pendant la séance de dialyse ou à court terme dans la période interdialytique ; les complications chroniques ou à long terme, survenant après quelques mois ou années de traitement. Seules les complications aiguës ayant une importance dans la pratique quotidienne sont discutées dans ce paragraphe.

La prévention de ces préventions implique, de la part des soignants, une parfaite maîtrise de la technique de dialyse et, de la part des patients, une bonne compréhension et une adhésion aux contraintes du traitement et de la diététique.

Complications aiguës de l’hémodialyse :

Manifestations communes et bénignes survenant pendant la séance de dialyse :

Instabilité cardiovasculaire et accès d’hypotension artérielle :

L’accès hypotensif perdialytique est la complication la plus fréquente des patients hémodialysés. Il concerne 5 à 20 % des séances. De nombreux facteurs sont impliqués dans la survenue de ces épisodes : le patient et sa comorbidité, les traitements en cours, les conditions de dialyse et surtout la perte de poids horaire.

La chute de tension est le plus souvent totalement asymptomatique.

Parfois, elle s’accompagne de symptômes évocateurs, nausées, vomissements, bâillements, sensation de fatigue.

Rarement, l’hypotension est sévère et comporte perte de connaissance, convulsion, angor ou troubles du rythme.

L’hypotension répond habituellement à l’arrêt de l’ultrafiltration, à la mise en position déclive et à une recharge volémique veineuse (sérum salé isotonique ou hypertonique).

Crampes musculaires :

Les crampes musculaires des membres inférieurs traduisent souvent une déplétion volémique brutale ou excessive. Les crampes cèdent à l’administration de solutions hypertoniques (sodium 10 %, glucose 50 %) et à l’arrêt de l’ultrafiltration.

Nausées. Vomissements :

Les nausées et les vomissements qui surviennent en dialyse sont habituellement contemporains de chute tensionnelle et traduisent une hypovolémie. Plus rarement, ils accompagnent un accès hypertensif, des céphalées, des manifestations neurologiques centrales (obnubilation, troubles visuels) et font évoquer un syndrome de déséquilibre ou une hypercalcémie (syndrome de l’eau dure).

Syndrome de déséquilibre :

Ce syndrome est caractérisé par l’apparition, dans la seconde partie de la séance, de céphalées avec photophobies et nausées.

Dans les formes sévères, ces troubles peuvent survenir dans les heures qui suivent la fin de la séance de dialyse. Ce tableau complique volontiers les premières séances de dialyse. Ce syndrome correspond à un oedème cérébral dont la physiopathologie est complexe. Schématiquement, il répond à l’établissement d’un gradient osmolaire entre le plasma et le milieu cellulaire cérébral par baisse rapide de l’osmolalité plasmatique, souffrance cellulaire, génération cellulaire d’osmoles idiogéniques et formation d’un oedème cérébral lésionnel. La correction rapide des désordres acidobasiques a été également invoquée dans sa genèse. La prévention de cet accident impose des séances initiales de dialyse de faible efficacité. L’injection intraveineuse répétée de solutés hypertoniques (mannitol 10 %, glucose 50 %) est un facteur de protection.

Fatigue postdialytique :

L’asthénie persistante plusieurs heures après la fin de la dialyse est assez fréquente. Cette fatigue s’observe plus volontiers avec des séances de très grande efficacité, avec parfois ultrafiltration importante et souvent hypovolémie postdialytique.

L’utilisation de dialysat enrichi en glucose (11 mmol/l) permet d’améliorer cette symptomatologie.

Céphalées :

Les céphalées de fin de séance sont fréquentes au cours des premières séances ou au décours de séances à très haute efficacité. Ces céphalées font suspecter un oedème cérébral induit par des modifications électrolytiques et osmolaires trop rapides. Elles sont parfois contemporaines d’accès hypertensifs et de malaise. Elles doivent faire rechercher un syndrome de déséquilibre, une hypercalcémie, une alcalose métabolique ou une lésion cérébrale sous-jacente.

Manifestations rares et graves survenant pendant la séance de dialyse :

Réactions au dialyseur et au circuit :

Les premières minutes d’une séance de dialyse peuvent être troublées par des manifestations associant, à des degrés divers, une gêne respiratoire, un bronchospasme, une toux quinteuse, un écoulement nasal, une conjonctivite, un érythème cutané prurigineux et parfois une chute de tension artérielle. Ces manifestations évoquent une réaction allergique. Plus rarement, le tableau est extrêmement brutal prenant la forme d’un choc anaphylactique.

Les causes sont multiples et doivent faire rechercher :

• une allergie à un agent de stérilisation (oxyde d’éthylène), au désinfectant du matériel de dialyse (formaldéhyde, acide peracétique), au matériel de dialyse (polyuréthanne) à un médicament injecté, une réaction endotoxinique ;

• une interaction de la membrane de dialyse (particulièrement avec l’acrylonitrile, AN69) avec un inhibiteur de l’enzyme de conversion.

En cas de réaction d’intolérance aiguë, la circulation sanguine extracorporelle doit être interrompue immédiatement et le circuit non restitué au patient. En fonction de la gravité du tableau, il est nécessaire de recourir à l’utilisation d’adrénaline et de corticoïdes. L’allergène devra être identifié et éradiqué afin de prévenir toute réaction plus grave et en particulier celle d’un choc anaphylactique.

Troubles du rythme cardiaque :

La survenue d’extrasystoles ventriculaires ou de troubles rythmiques supraventriculaires (accès de fibrillation ou de flutter), n’est pas rare, en particulier chez les sujets cardiopathes. Ces troubles rythmiques sont accrus par l’hypovolémie, l’hypokaliémie et l’hypoxémie en cas de chute de tension.

Angor. Infarctus du myocarde :

La crise d’angor ou l’infarctus du myocarde peuvent survenir en cours d’hémodialyse chez des patients à risques. Ils sont en général révélateurs d’une coronaropathie latente et surviennent volontiers à l’occasion d’une chute de tension artérielle ou d’un trouble rythmique. La restitution du circuit sanguin s’impose dans ces cas avec un monitorage cardiologique comportant le dosage des créatines phosphokinases (CPK), des lactodéshydrogénases (LDH) et de la troponine Ic. La coronarographie sera réalisée alors secondairement.

Convulsions :

La survenue de crise comitiale en dialyse est rare. Elle doit faire évoquer en premier lieu une hypotension artérielle sévère chez un sujet vasculaire. Dans ce cas, la restitution du circuit sanguin, la correction de l’hypovolémie et l’arrêt de la dialyse suffisent à remédier au problème. La survenue de crises convulsives à la prise en charge en dialyse doit faire suspecter une hypocalcémie sévère. La répétition de ces crises comitiales fait suspecter une cause cérébrale et nécessite une exploration spécifique par imagerie (tomodensitométrie, résonance magnétique nucléaire).

Réactions fébriles et chocs pyrogènes :

La survenue de réactions fébriles en cours de séance de dialyse est extrêmement rare à l’heure actuelle. Elle doit faire suspecter une bactériémie d’origine exogène (infection de cathéter ou de fistule), une réaction pyrogène (endotoxines ou autres) par contamination du dialysat (ou de l’infusat) ou la révélation d’un foyer infectieux profond. Une enquête infectieuse doit être réalisée comportant des hémocultures, une numération-formule sanguine (NFS), le dosage de la protéine C réactive (CRP) et de la procalcitonine et la recherche d’une contamination du dialysat.

Embolie gazeuse :

Toute circulation sanguine extracorporelle mécanique comporte un risque d’embolie gazeuse. En dépit de la sécurité apparente que procurent les moniteurs de l’appareil de dialyse, ce risque persiste tout au long de la séance de dialyse. La survenue d’une embolie gazeuse doit être prévenue par le respect des règles élémentaires de sécurité concernant toute circulation sanguine extracorporelle. Une vigilance accrue du personnel soignant doit être apportée dans les phases délicates de branchement et de restitution du sang au patient. La mise en route immédiate et permanente des systèmes de détection d’air et des clamps de sécurité est un impératif dès lors que le circuit sanguin est amorcé. Aucune exception ne doit justifier la transgression de ces règles au cours d’une séance de dialyse.

Hémolyse intravasculaire :

La survenue d’hémolyse intravasculaire est exceptionnelle, mais extrêmement dangereuse en dialyse. Dans les formes sévères, le tableau clinique débute par de violentes douleurs lombaires en « barre » rapidement associées à un malaise général avec état de choc. La tubulure sanguine veineuse change de couleur, donnant au sang un aspect laqué. Les causes d’hémolyse sont de plusieurs types :

• osmotique, induite par une anomalie de la composition électrolytique du dialysat (hypo-osmolalité sévère) ;

• chimique, en rapport avec un résidu de désinfection du générateur de dialyse ;

• mécanique, par dépression excessive survenant sur le circuit sanguin plicaturé ;

• thermique, par dysfonctionnement du système de chauffage du dialysat ;

• toxique, en rapport avec une substance véhiculée par le dialysat et l’eau (chloramines par exemple).

Dans tous les cas, la circulation sanguine doit être interrompue immédiatement et le sang non restitué. Le patient doit être transféré en milieu de réanimation.

Incidents et accidents survenant pendant la période interdialytique :

Hyperkaliémie maligne :

Il s’agit là de l’accident le plus fréquent et le plus grave dans la mesure où il peut entraîner un arrêt cardiaque brutal. De diagnostic facile, l’hyperkaliémie doit être reconnue et traitée très rapidement. L’hyperkaliémie est plus fréquemment observée en fin de week-end et au décours des intervalles interdialytiques les plus longs. Cet accident traduit une consommation abusive d’aliments riches en potassium (fruits, légumes, chocolat…) et parfois une dialyse insuffisamment efficace. Il doit être redouté et prévenu. La prévention de l’hyperkaliémie repose sur une éducation diététique du patient, la prise de résines échangeuses d’ions (kayexalate, calcium sorbitsteril) en interdialyse et l’utilisation de bain de dialyse à teneur potassique basse (2 mmol/l).

Surcharge du volume extracellulaire :

La surcharge du volume extracellulaire (inflation sodée) s’inscrit dans un contexte d’apports alimentaires sodiques excessifs et d’ultrafiltration insuffisante. Tantôt elle prend la forme d’un oedème pulmonaire aigu nécessitant l’instauration rapide d’une séance de dialyse ou d’ultrafiltration, tantôt, à l’opposé, elle est d’installation insidieuse, se traduisant par des oedèmes périphériques, une hypertension artérielle difficilement contrôlable, une dyspnée d’effort croissante et une altération de l’état général. Dans tous les cas, la surcharge sodée est la conséquence, soit d’un amaigrissement du patient sans adaptation du « poids sec », soit d’une prise pondérale interdialytique excessive et d’une ultrafiltration insuffisante. La sanction thérapeutique doit être une révision rapide à la baisse du « poids sec ».

Infections :

Le risque infectieux est plus important chez les urémiques que chez les sujets normaux. Cette sensibilité particulière traduit en fait deux phénomènes, une baisse persistante des défenses immunitaires chez l’urémique dialysé et une exposition plus grande aux agents pathogènes par le biais de la thérapie extracorporelle. Les complications infectieuses, bactériennes ou virales représentent la deuxième cause d’hospitalisation et de mortalité des patients dialysés. L’application de mesures strictes d’hygiène et d’asepsie lors des branchements et débranchements en dialyse est la seule mesure capable de garantir la prévention de ces complications.

Colite ischémique :

Les complications ischémiques digestives sont relativement rares avec le tampon bicarbonate et la maîtrise d’ultrafiltration. Ce risque persiste néanmoins chez les patients vasculaires. Il s’agit le plus souvent d’ischémie muqueuse et non d’infarctus mésentérique par thrombose des gros troncs. L’ischémie muqueuse (colique ou grêle) est habituellement déclenchée par un épisode d’hypotension artérielle sévère ou prolongée survenant au cours d’une séance de dialyse. Le tableau se révèle dans les heures qui suivent une séance de dialyse, par un syndrome douloureux abdominal précédé d’une diarrhée puis rapidement suivi d’un iléus avec fébricule. La tomodensitométrie abdominale permet le plus souvent de visualiser un épaississement de la paroi colique droite et des dernières anses iléales. La coloscopie peut être utile lorsqu’elle objective des zones ischémiques de la muqueuse colique. La mise au repos digestif, sous couverture d’une antibiothérapie à visée antianaérobie et d’une nutrition parentérale, permet d’obtenir une guérison médicale. Cela dit, il est bien souvent nécessaire de recourir à un geste chirurgical comportant une résection digestive.

Hémorragies. Hématomes :

Le risque hémorragique existe du fait de l’anticoagulation réalisée pendant les séances de dialyse. Ce risque persiste dans les heures qui suivent la séance de dialyse. Parmi les complications hémorragiques, retenons :

• les hématomes et hémorragies de l’accès vasculaire ;

• les hématomes musculaires (grands droits, psoas) et les hématomes mésentériques de type abdomen pseudochirurgical ;

• les hémorragies digestives ;

• les hémorragies sur kystes rénaux ;

• les hématomes cérébraux (hémorragie méningée, hématome sous-dural).

Complications chroniques de l’hémodialyse :

Dialyse inadéquate ou insuffisante :

La dialyse inadéquate correspond à la réapparition de symptômes urémiques chez un patient dialysé. Cette complication est synonyme de programme d’épuration insuffisamment efficace.

Le plus souvent, cela se traduit par un tableau fruste associant une altération de l’état général avec perte de l’appétit et rares nausées, des impatiences des membres inférieurs avec insomnie et enfin une hypertension artérielle mal contrôlée. Parfois, la révélation est plus bruyante, se traduisant par une péricardite ou un oedème pulmonaire. La qualité de l’épuration est médiocre (Kt/V < 1,2 ou PRU < 60 %), la rétention azotée est majorée et d’autres anomalies biologiques sont évocatrices telle l’acidose, l’hyperkaliémie, l’hyperphosphorémie, l’anémie et l’hypoalbuminémie.

Les causes de cette inefficacité relative sont multiples. Nous n’évoquerons que les principales :

• programme thérapeutique inadapté aux besoins métaboliques du patient (conditions opérationnelles non respectées ou séances trop courtes) ;

• faible débit sanguin de l’accès vasculaire ; recirculation de l’accès vasculaire ;

• dialyseur insuffisamment performant.

Plus rarement, cela est concomitant d’une perte de fonction rénale résiduelle du patient.

La correction de ces anomalies nécessite une révision complète du programme de dialyse et une amélioration de son efficacité. Dans un premier temps, cela peut être obtenu grâce à un programme de dialyse quotidien, puis secondairement, par une prescription mieux adaptée concernant le dialyseur, les débits sanguins et la durée des séances.

Péricardite :

La péricardite est rare chez l’IRC. C’est un signe majeur et grave d’urémie mal contrôlée. Plusieurs facteurs pathogéniques ont été invoqués :

• accumulation de toxines urémiques de poids moléculaire moyen ou élevé ;

• excès du volume extracellulaire ;

• formation de cristaux d’urate, d’oxalate ou de pyrophosphate ;

• dénutrition ;

• virose.

Il est à noter que l’intensification du programme de dialyse suffit habituellement à assécher et à corriger cette péricardite.

Désordres des réserves martiales

La prescription d’érythropoïétine recombinante indiquée dans le traitement de l’anémie du patient dialysé a considérablement modifié les besoins en fer. Les données d’études récentes montrent que 10 à 30 % des patients dialysés traités par ASE présentent une carence martiale vraie ou fonctionnelle. À l’opposé, 20 à 30 % des patients dialysés présentent une surcharge martiale tissulaire. Cela résulte souvent de la supplémentation martiale réalisée par voie veineuse perdialytique.

Complications des connexions vasculaires :

La qualité de la connexion vasculaire conditionne en grande partie l’efficacité et la morbidité de la dialyse. Les accès vasculaires pour hémodialyse se répartissent en deux catégories :

• les accès permanents, fistules et pontages artérioveineux ;

• les accès temporaires, cathéters de courte ou longue durée, ports implantables.

Les complications des connexions vasculaires représentent la première cause de morbidité des patients dialysés. Nous ne ferons que les évoquer ici et renvoyons le lecteur intéressé aux chapitres correspondants de l’Encyclopédie médico-chirurgicale.

Complications des fistules et des pontages artérioveineux :

Une sténose peut se développer sur l’une des branches artérielles et veineuses de la fistule. Si la sténose est située sur l’artère affluente ou sur l’anastomose artérioveineuse, elle réduit le débit sanguin de l’accès et perturbe le déroulement de la séance. Si la sténose est située en aval de l’anastomose, elle entraîne une surpression dans le segment veineux d’aval et contribue à la recirculation et au saignement postdialyse prolongé. Dans tous les cas, le dysfonctionnement de l’accès vasculaire ampute les performances d’épuration de la séance de dialyse.

Une dilatation anévrismale peut se développer sur le réseau veineux antébrachial irrigué par la fistule. La formation de « faux anévrismes » se voit plus volontiers sur le réseau de drainage (veine ou pontage) de la fistule ou du pontage et aux endroits de ponctions répétées. Le risque de fissuration avec hémorragie et parfois d’infection impose habituellement la ligature ou l’excision de l’accès.

La thrombose aiguë de la fistule artérioveineuse ou d’un pontage fait souvent suite à une chute du débit sanguin en dialyse ou à une hypotension artérielle prolongée. Il est à souligner qu’il s’agit là d’un phénomène précipitant, survenant habituellement sur une fistule ou un pontage présentant déjà une sténose.

Le « syndrome de vol » traduit une ischémie subaiguë de la main. Il est dû à la diminution de la perfusion des arcades palmaires du fait d’une fistule artérioveineuse (FAV) à haut débit (plus volontiers proximale – FAV humérobasilique par exemple – que distale) créée sur un membre porteur d’une artériopathie distale.

La surinfection est la complication la plus redoutée des fistules artérioveineuses et des pontages. Elle est facilitée par des ponctions répétées au même site et traduit une faute d’asepsie.

La surinfection est marquée par des signes locaux, tantôt mineurs (segment veineux induré, rouge et douloureux), tantôt préoccupants (anévrisme mycotique au siège de l’anastomose) et par des signes généraux (fièvre élevée, état septique sévère). Une septicémie à Staphylocoque aureus ou epidermidis doit être suspectée et traitée immédiatement. Elle comporte un risque majeur d’endocardite aiguë mutilante souvent mortelle.

Plus rarement, une thrombose veineuse profonde (confluent veineux de Pirogoff, sténose ou thrombose cave supérieure) est révélée par la création d’une fistule artérioveineuse qui se complique par l’apparition d’un « gros bras ».

Complications des cathéters permanents :

L’infection est la complication la plus fréquente des cathéters. Elle se présente sous différentes formes : infection locale d’orifice de sortie cutanée, infection du trajet sous-cutané, fièvre et/ou bactériémie isolée, thrombose infectée, septicémie avec localisation septique secondaire, endocardite droite. Elle fait suite à une contamination du cathéter par des manipulations septiques ou par un portage cutané de germes dans la région d’émergence du cathéter. Les germes peuvent ensuite progresser dans le tissu sous-cutané ou passer par voie endoluminale et créer un biofilm. Il s’agit, dans tous les cas, d’infections redoutables qui nécessitent une vigilance extrême et doivent faire discuter l’ablation des cathéters et la mise en place d’une antibiothérapie ciblée.

La thrombose ou la sténose de la veine hôte sont également des complications graves. Elles résultent de différentes causes :

• les microtraumatismes veineux répétés par le cathéter ;

• la stimulation de facteurs prothrombotiques d’origine inflammatoire ou infectieux ;

• la stimulation de la cascade de la coagulation.

La révélation est rarement bruyante sauf en cas de création d’une fistule artérioveineuse et l’apparition d’un « gros bras ». Le plus souvent, l’anomalie demeure latente, sa découverte est le fruit d’une exploration radiographique (phlébographie, cathéterographie, angiotomodensitométrie) pour dysfonction du cathéter.

D’autres complications peuvent être observées avec les cathéters. Nous ne ferons qu’évoquer les dysfonctionnements de cathéters (débit insuffisant, pression veineuse ou artérielle trop élevée) résultant de thrombose endo- ou extraluminales, partielles ou totales, la rupture de cathéter avec risque d’embolisation endovasculaire et l’embolie gazeuse.

Conclusion :

Les méthodes de suppléance extrarénale font désormais partie de l’arsenal thérapeutique de l’insuffisance rénale chronique au stade terminal. En dépit de leurs limites évidentes, les méthodes d’épuration extrarénale assurent la survie de plus d’un million de patients à travers le monde. Si la maîtrise des techniques de dialyse a pratiquement éliminé les accidents mortels survenant en cours de séance, des progrès sont nécessaires pour en optimiser l’efficacité et assurer une meilleure prévention des complications à long terme.

Une plus grande efficacité des méthodes et une meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques, de l’athérogenèse et de l’amyloïdogenèse notamment, permettent déjà d’apporter des réponses partielles à ces problèmes. L’utilisation plus large de membranes haute perméabilité et à faible hémoréactivité, la généralisation du dialysat bicarbonaté stérile et apyrogène, l’accroissement des transferts convectifs et adsorptifs, permettent d’entrevoir des programmes thérapeutiques d’efficacité et d’hémo-incompatibilité accrues. De plus, une approche nouvelle de la dialyse, comportant notamment des séances plus fréquentes (à jours alternés ou quotidiennes) et plus courtes permet de développer une dialyse plus physiologique.

L’amélioration de la qualité des résultats obtenus chez les patients traités au long cours impose un contrôle de qualité régulier et une amélioration continue des pratiques qui s’intégrent dans le cadre d’une procédure d’assurance qualité.

L’hémodialyse adéquate, concept ancien qui traduisait l’efficacité du programme d’épuration extrarénale, doit faire place maintenant à un concept plus large et plus contraignant dit d’hémodialyse optimale.

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