REINS ET HAUT APPAREIL URINAIRE :
Reins :
Les reins et le haut appareil urinaire se développent à partir du mésoderme intermédiaire.
Le territoire néphrogène se situe en effet entre le mésoblaste para-axial formant les somites et la lame latérale qui, par clivage, est à l’origine de la somato- et de la splanchnopleure. Dès le 18e jour de la vie embryonnaire, les cordons néphrogènes se différencient progressivement dans le sens craniocaudal. L’apparition du métanéphros à l’origine du rein définitif est précédée de deux ébauches transitoires : le pronéphros et le mésonéphros.
Le pronéphros, structure vestigiale, s’individualise au cours de la 3e semaine sous forme d’amas cellulaires métamérisés. Il n’acquiert aucun caractère fonctionnel et disparaît totalement à la fin de la 4e semaine. Le mésonéphros commence à se différencier au début de la 4e semaine. Comme le pronéphros, il apparaît progressivement sous forme d’amas cellulaires métamérisés, les néphrotomes, qui se creusent en vésicules puis s’allongent en tubules. Les extrémités externes de ces structures tubulaires forment l’amorce d’un canal collecteur, le canal de Wolff. Leurs extrémités internes se renflent puis se disposent en cupules en regard d’anses artérielles issues de l’aorte, dessinant ainsi la préfiguration des chambres glomérulaires. A partir de la 5e semaine, des tubules crâniaux commencent leur involution, cependant que les tubules caudaux sont encore en voie de formation. Ils disparaîtront complètement entre la 8e et la 10e semaine, sans avoir acquis une véritable fonction excrétrice encore qu’il soit possible que des processus d’excrétion et de réabsorption se produisent de façon très temporaire. Pour certains auteurs, le canal de Wolff résulterait non de la confluence des tubules mésonéphrogènes mais d’une
délamination dorsolatérale directe du cordon néphrogène entre les 9e et 13e paires de somites. Quoi qu’il en soit, il formera secondairement avec les tubes mésonéphrotiques l’ensemble du tractus génital masculin. Il participe également à l’induction des canaux de Müller à l’origine du tractus génital féminin.
Ce conduit mésonéphrotique ou canal de Wolff s’allonge par croissance de son extrémité caudale et progresse rapidement vers le cloaque qu’il rejoint à la 5e semaine. Dans ce cheminement, il est guidé par un processus de reconnaissance et d’interaction entre les cellules. Il émet, dans sa portion juxtacloacale vers le 30e jour, un bourgeon diverticulaire, le bourgeon urétéral, qui s’allonge d’abord vers l’arrière puis en direction crâniale vers le cordon néphrogène.
Le développement du rein définitif débute au cours de la 5e semaine, lors de l’apparition du métanéphros au sein de la portion basse, pelvienne, du cordon néphrogène. Sa différenciation se produit sous l’action inductrice du bourgeon urétéral qui le pénètre en se divisant selon le mode dichotomique. Dès lors, la différenciation des structures collectrices et sécrétrices se produit par interaction réciproque entre blastème métanéphrogène et bourgeon urétéral. Les cellules du blastème déterminent la ramescence de l’urètre. En retour, les terminaisons des ramifications urétérales induisent la différenciation des cellules blastémateuses en tubes sécréteurs.
Le pouvoir inducteur du blastème sur la division du bourgeon urétéral est spécifique. Par contre, certaines données expérimentales montrent que le bourgeon urétéral partage avec d’autres tissus (inducteurs hétérologues) sa capacité d’induire la différenciation des néphrons au sein du blastème. En outre, lorsqu’elles ont reçu l’impulsion déterminante, les cellules du blastème sont capables de poursuivre leur différenciation de façon autonome. Il semble donc que l’aire du métanéphros soit prédéterminée au sein du territoire néphrogène avant même qu’il soit en contact avec l’inducteur urétéral dont la présence permet simplement aux cellules du blastème d’exprimer leurs potentialités néphrogènes.
L’agénésie rénale résulte d’une non-formation du blastème métanéphrogène ou d’un défaut d’induction par mauvais développement du bourgeon urétéral. L’uretère est absent dans environ 60 % des cas d’agénésie rénale et il faut tenir compte du fait que certains cas, étiquetés agénésie rénale unilatérale, correspondent en fait à une dysplasie multikystique qui a totalement involué et dont les résidus ont disparu dans les premières années de la vie.
L’agénésie rénale bilatérale est évidemment incompatible avec la vie. L’absence de fonction rénale in utero détermine un oligoamnios responsable du faciès caractéristique décrit par Potter (nez en bec de perroquet, oreilles bas implantées aux cartilages mous, rétrognathisme, épicanthus). Il existe par ailleurs une hypoplasie pulmonaire et l’on peut observer d’autres malformations squelettiques ou viscérales.
L’agénésie rénale unilatérale est plus fréquente (1/1 000) et atteint plus souvent les garçons que les filles. Elle peut être isolée ou associée à d’autres malformations squelettiques ou viscérales, en particulier digestives. En outre, l’évolution de l’appareil génital interne peut être perturbée par un développement anormal du système wolffien et par voie de conséquence du système müll.rien. C’est ainsi que l’on peut observer chez le garçon une agénésie testiculaire ou une aplasie épididymodéférentielle et chez la fille des malformations tubaires ou utérines. En outre, la surrénale ipsilatérale peut être absente.
La ramescence du bourgeon urétéral se fait par division dichotomique symétrique ou asymétrique, variant considérablement d’un métanéphros à l’autre et, au sein du même blastème, d’une région à l’autre. Elle progresse plus rapidement aux pôles que dans la région interpolaire. Les premières divisions déterminent la disposition du futur système pyélocaliciel et les lobules rénaux correspondants. Les 3 à 5 premières générations suivantes constitueront les petits calices et les papilles. Les 6 à 9 générations ultérieures seront à l’origine des tubes papillaires.
Néphrons :
La différenciation des néphrons débute au contact des premières divisions du bourgeon urétéral et les premiers tubes sécréteurs en voie de formation sont identifiables avec certitude dès la 8e semaine. Ils dégénèrent cependant au cours du développement et ne seront guère retrouvés dans le rein mature où ne subsisteront que les néphrons induits par les ramescences à l’origine des tubes collecteurs.
Le blastème métanéphrogène refoulé par les rameaux issus du bourgeon urétéral est, à leur contact, le siège d’une intense activité mitotique qui aboutit à l’individualisation de condensations cellulaires se disposant en coiffe autour de l’ampoule terminale des ramifications.
La formation de ces condensations représente une étape critique au cours du développement. Déjetées latéralement par la progression des divisions urétérales, ces condensations forment des sphérules qui se creusent rapidement en vésicules demeurant accolées à la voie excrétrice. Très vite, ces vésicules s’allongent en se recourbant, formant le corps en S qui va donner naissance aux structures épithéliales du néphron.
L’extrémité proche de la voie excrétrice s’ouvre bientôt dans celle-ci ; elle est à l’origine du segment de connexion du tube distal et de l’anse de Henle. La zone moyenne va constituer le tube sécréteur proximal. A l’autre extrémité, apparaît un renflement qui se déprime en une cupule à deux couches cellulaires dans la concavité de laquelle se développe un système capillaire. Ce réseau capillaire, enserré par le développement de la cupule formant la capsule de Bowman, constitue le corpuscule de Malpighi. La croissance des divers segments tubulaires se poursuit alors de façon asymétrique. La différenciation des cellules du tube contourné proximal précède celle des cellules du tube distal dont la croissance en longueur sera par contre plus rapide. Pour chaque néphron, le processus de différenciation s’étale sur 4 à 5 semaines.
Les premiers néphrons se différencient dans la zone médullaire. Cependant que leur différenciation se produit, ils sont progressivement transportés vers la future zone corticale, entraînés par le développement de l’arborisation excrétrice puis, lorsque celle-ci est terminée, par la formation d’arcades s’étalant à partir de l’arborisation terminale. En effet, l’induction des néphrons se poursuit au-delà de la 14e semaine, période où s’arrête la division du système collecteur. Les segments de connexion des néphrons les plus anciens, déportés, se rattachent progressivement aux segments de connexion des néphrons les plus jeunes formant des arcades constituées par 4 à 7 néphrons. La croissance des tubes collecteurs au-delà des points de rattachement de ces arcades permet encore l’induction de 5 à 7 néphrons supplémentaires. La différenciation des néphrons se poursuit ainsi jusqu’aux environs de la 32e semaine ; ils sont alors au nombre de 800 000 à 1 000 000. La croissance du rein sera désormais fonction de l’augmentation en longueur des différents segments des tubes sécréteurs et notamment de leur segment proximal qui se poursuivra bien au-delà de la naissance. Les corpuscules de Malpighi subissent également une très longue phase de maturation qui ne se termine que vers l’âge de 12 ans.
Système pyélocaliciel :
Parallèlement, le système pyélocaliciel a acquis sa disposition définitive. Les premières divisions sont supérieures et inférieures. L’un ou l’autre de ces axes donnera généralement une branche prépondérante interpolaire. C’est donc par son asymétrie que le processus dichotomique aboutit à la formation habituelle de trois groupes caliciels : supérieur, moyen et inférieur. Ce processus explique les variations de disposition du bassinet et des groupes caliciels que l’on peut observer d’un sujet à l’autre et d’un rein à l’autre.
C’est par un processus compliqué impliquant un nombre variable de divisions que se modèlent bassinet et calices au cours de phases de confluence et de dilatation. Cette dilatation apparaît progressivement à partir du bassinet entre la 10e et la 13e semaine. De la 14e à la 16e semaine, les petits calices et les papilles se développent préfigurant la disposition rencontrée dans le rein mature. Le déclenchement de la fonction rénale joue un rôle essentiel dans le modelage des voies excrétrices. Elle débute à la 9e semaine.
Les défauts de différenciation du blastème métanéphrogène déterminent des hypoplasies ou des dysplasies rénales et l’on peut observer l’association des deux troubles (hypodysplasie).
C’est une simple réduction de la taille du rein qui caractérise l’hypoplasie simple (rein de poupée) ; il n’y a guère de lésion parenchymateuse. Elle est le plus souvent bilatérale.
Dans l’hypoplasie oligoméganéphronique, les reins sont petits, harmonieux ; la réduction du nombre des néphrons s’accompagne d’une hypertrophie des néphrons existants. Dans ces deux cas, il s’agit de troubles parenchymateux fondamentaux dont les causes ou les L’hypoplasie rénale segmentaire a une origine vraisemblablement ischémique et de ce fait localisée en des zones triangulaires à base périphérique concernant à la fois la corticale présentant des dépressions et la médullaire ; les tubes sont tantôt dilatés, pseudothyroïdiens, tantôt atrophiques, et les glomérules peuvent être invisibles.
Les dysplasies rénales résultent d’une différenciation anormale du blastème métanéphrogène. On observe alors des tubes primitifs bordés par un épithélium cylindrique entourés d’un manchon concentrique de mésenchyme ayant parfois une nette différenciation fibromusculaire ; on retrouve en outre du cartilage métaplasique, de petits îlots matures corticaux ou médullaires, des kystes hyalins. Ces anomalies peuvent être corticales et/ou médullaires, totales ou partielles, focales et segmentaires. Selon le cas, le rein est d’apparence normale ou totalement déformé.
La dysplasie rénale multikystique constitue une entité bien particulière : l’urètre est atrésique, les vaisseaux sont grêles et le rein réduit à une grappe de kystes, renfermant un liquide citrin, isolés les uns des autres et appendus autour d’un tissu fibreux plus ou moins dense au sein duquel on retrouve les éléments essentiels de la dysplasie.
L’anomalie d’induction est évidente.
Un décalage du point de rencontre du bourgeon urétéral et du blastème métanéphrogène peut être à l’origine de dysplasie. C’est ce qui se produit lorsque le bourgeon émerge plus haut ou plus bas que normalement du canal de Wolff ou que celui-ci donne naissance à deux, exceptionnellement trois, bourgeons. L’aire du territoire métanéphrogène étant, comme on l’a vu, prédéterminée au niveau du cordon néphrogène, si le bourgeon (ou en cas de duplication l’un des deux bourgeons) entre en contact trop haut ou trop bas avec l’ébauche rénale, il va induire une zone qui n’a pas la même potentialité de différenciation soit à la limite entre mésonéphros et métanéphros, soit à la portion tout à fait terminale du cordon néphrogène. Il en résultera des états dysplasiques tels que l’on peut les observer dans les implantations ectopiques de l’uretère, dans un des pyélons d’une duplication ou dans certains reflux vésico-urétéraux témoins d’un abouchement anormal de l’uretère dans la vessie.
Au cours du développement, la situation du rein se modifie cependant qu’il acquiert progressivement sa forme définitive. Initialement pelvien, il devient lombaire en raison, essentiellement, d’une croissance très rapide de la région lombosacrée de l’embryon. Cette « migration » s’étale sur environ 6 semaines. Une rotation de 90° amène en dehors la convexité rénale primitivement dorsale. En raison du mode de division du bourgeon urétéral et de la segmentation du blastème qui en résulte, le rein garde un aspect polylobé qui s’estompe dès la fin de la grossesse par comblement progressif des sillons mais peut persister dans la première enfance et parfois au-delà.
Toute perturbation du processus de « migration » du rein le laisse en position ectopique : pelvienne, iliaque ou lombaire basse. Il garde alors une vascularisation d’étage provenant de l’artère hypogastrique, de l’iliaque primitive ou de l’aorte. La pathogénie des très rares ectopies rénales croisées reste mystérieuse. Un des deux reins se trouve alors situé audessous de l’autre, dans la fosse iliaque, alors que l’uretère qui le draine aboutit normalement dans la vessie du côté opposé.
On peut observer, en outre, dans ces cas, des fusions parenchymateuses réalisant diverses formes de reins en L, en J ou en S (rein sigmoïde).
La fusion des deux masses parenchymateuses est en effet possible aboutissant à divers aspects de symphyse rénale. Elles peuvent être expliquées par le fait que, lors de leur « ascension », les deux reins sont rapprochés l’un de l’autre et parfois temporairement comprimés dans la fourche artérielle des artères ombilicales. Les symphyses les plus souvent observées sont celles qui réunissent les deux reins par leurs pôles homologues, exceptionnellement supérieurs, généralement inférieurs, réalisant alors le rein en fer à cheval ; la zone de fusion constitue un isthme fibreux ou parenchymateux recevant parfois une vascularisation propre provenant directement de l’aorte voire d’une iliaque primitive. Une symphyse complète aboutit à la constitution de reins discoïdes ou en galette ; la masse parenchymateuse commune reste alors souvent basse, pelvienne.
La structure de la voie excrétrice reste conjonctive jusqu’à la 15e semaine. L’apparition de cellules musculaires se fait progressivement et lentement à partir du segment lombaire. La différenciation des cellules musculaires péricalicielles, qui sont sans doute le point d’initiation du péristaltisme urétéral, ne débute que vers la 21e semaine et se poursuit jusqu’à la naissance. L’épithélium se différencie progressivement par plages successives.
Les faisceaux musculaires ne deviennent véritablement importants qu’après la 30e semaine. La différenciation des cellules du tissu conjonctif est plus lente encore et ne sera guère achevée qu’à la naissance. Pour certains, il existerait une courte phase d’obstruction suivie d’une reperméabilisation secondaire de la lumière mais cette notion demeure très incertaine. On sait peu de choses sur la mise en route du péristaltisme urétéral.
L’innervation cholinergique précède l’innervation adrénergique dont l’apparition est tardive. En tout cas, il existe une longue période durant laquelle la voie excrétrice n’a pas de structures réellement motrices alors qu’elle livre passage à un débit urinaire déjà important. Il peut en résulter une dilatation transitoire.
La mise en place des structures musculaires assurant le péristaltisme urétéral peut se faire de manière anormale ou déséquilibrée. Ces troubles s’observent essentiellement sur deux zones : la jonction pyélo-urétérale et la portion terminale de l’uretère. Les faisceaux musculaires peuvent être en nombre restreint et présenter des anomalies de connexion.
On peut également observer un déséquilibre dans la répartition de ces structures avec prépondérance du collagène. De telles anomalies, perturbant la transmission de l’onde péristaltique, sont à l’origine des hydronéphroses par syndrome de la jonction pyélourétérale et des méga-uretères dits « primitifs ».
VOIE URINAIRE INFÉ RIEURE :
Le développement du bas appareil urinaire se fait en étroite relation avec celui de l’intestin postérieur, du tractus génital et des organes génitaux externes.
La vessie et la voie urinaire inférieure proviennent pour l’essentiel de la portion antérieure du cloaque primitif, endodermique, que prolonge l’allantoïde.
Par sa face ventrale, le cloaque est directement en contact avec l’épiblaste, au niveau de la membrane cloacale. Cette zone n’est pas pénétrée par le mésoblaste et demeure donc didermique. Elle marque, durant les premiers stades, la limite caudale de l’axe embryonnaire comme la membrane orale, de même structure, en marque la limite crâniale. Lors de la délimitation de l’embryon, elle est reportée sur la face ventrale, en raison du reploiement en avant de l’extrémité caudale déterminant la formation du cloaque et de l’appendice caudal. Atteignant primitivement la limite annulaire de la future région ombilicale, elle en est progressivement séparée lors du développement du bourgeon allantoïdien. Le mésoblaste entoure peu à peu cette membrane cloacale. Au cours de la troisième semaine, il soulève deux épaississements latéraux, les plis
cloacaux, qui se réunissent bientôt en avant pour former, dès la 5e semaine, le tubercule génital. Ce tubercule sépare alors la membrane de la portion caudale du plissement circonférentiel qui va progressivement constituer la paroi ventrale de l’embryon au niveau hypogastrique.
Dès la fin de la 5e semaine, une saillie mésenchymateuse déprime la voûte du cloaque. Cet éperon périnéal, que rejoignent latéralement les deux replis mésodermiques qui accompagnent les canaux mésonéphrotiques, isole le sinus urogénital en avant du canal anorectal en arrière. Atteignant la membrane cloacale dans le courant de la 8e semaine, il la subdivise en membrane urogénitale allongée en avant et membrane anale en arrière. Désormais la séparation est complète, jusqu’aux plans superficiels, entre le tube digestif et l’axe urinaire dans lequel s’abouchent les canaux de Wolff.
Un développement anormal de la membrane cloacale en ce qui concerne sa situation ou son étendue et un déplacement caudal du tubercule génital sont à l’origine des malformations s’intégrant dans le cadre complexe de l’exstrophie vésicale et l’épispadias.
Elles s’accompagnent d’un défaut et d’un décalage de la mésenchymation à l’origine de l’écartement du pubis et des muscles grands droits. Cependant, bien des points demeurent obscurs dans cette organogenèse pathologique. Il est possible que le processus de cloisonnement du cloaque soit, à l’origine, désaxé vers l’avant, déterminant l’extension d’une lame entoblastique puis sa vacuolisation dans l’épaisseur du tubercule génital jusqu’à entraîner la formation plus en avant d’une membrane didermique dont l’ouverture seconde peut expliquer tous les degrés d’extrophie et d’épispadias.
A la face postérieure de la vessie qui s’isole, l’extrémité inférieure du bourgeon urétéral est entraînée par le canal de Wolff qui lui a donné naissance. La portion comprise entre l’émergence du bourgeon et l’abouchement dans la paroi postérieure du sinus urogénital se dilate en une large ampoule au sommet de laquelle les canaux urétéraux et wolffiens débouchent en canon de fusil. Le développement de la paroi postérieure de la vessie englobe progressivement cette ampoule, de sorte que canal urétéral et canal de Wolff débouchent bientôt dans le sinus par des orifices distincts. C’est au cours de la 7e semaine que les canaux s’abouchent ainsi isolément. On admet généralement l’existence temporaire d’une membrane (membrane de Chwalla) fermant l’orifice urétéral et se résorbant vers la 9e semaine alors qu’a débuté la sécrétion d’urine. Il pourrait donc exister une phase de réplétion modelante de la voie excrétrice. Le modelage du sinus urogénital, du fait de sa croissance, va peu à peu éloigner ces deux orifices.
L’uretère entraîné par l’étalement de la paroi du sinus prend une position haute et s’abouche dans la portion vésicale alors que le canal de Wolff, fixe, reste dans la portion urétrale.
Le segment de la paroi compris entre les orifices urétéraux et wolffiens prend ainsi une forme triangulaire. Ce trigone, d’origine wolffienne, est donc englobé dans ce qui va devenir la paroi vésicale. La muqueuse qui le revêt est d’origine entoblastique mais le plan musculaire qui le constitue est mésoblastique. Trigone et uretère ont une même origine et sont en continuité comme le montre la disposition des fibres musculaires en fin de développement. Cette musculature lisse s’individualise nettement à partir de la 22e semaine et dans le même temps au niveau de l’uretère et du trigone.
Le point d’émergence du bourgeon urétéral à partir du canal de Wolff détermine son futur niveau d’abouchement au niveau de la vessie. Lorsque le bourgeon émerge au-dessous du point habituel, le canal commun est court. L’uretère sera très vite inclus dans la paroi postérieure de la vessie où il débouchera en situation plus haute et plus externe que la normale ; le trajet transpariétal est alors plus court et la disposition en clapet qui s’oppose au reflux est insuffisante. Lorsque le bourgeon émerge au-dessus du point habituel, le canal commun est plus long et l’uretère se séparera plus tardivement du canal de Wolff. Il débouchera d’autant plus bas dans le tractus urinaire qu’il sera né plus haut. Il peut être ainsi entraîné dans la partie basse du sinus : urètre sus-montanal chez le garçon ou urètre dans sa totalité chez la fille, voire portion supérieure du vestibule. Il peut même garder une connexion avec le canal de Wolff et s’ouvrir alors dans le tractus séminal : canal déférent, canal éjaculateur et surtout vésicule séminale. Lorsque le bourgeon urétéral est entraîné au-dessous de la vessie, il existe une agénésie du trigone.
Un processus malformatif de même type se produit en cas de duplicité (ou d’exceptionnelle triplicité) du bourgeon urétéral, l’un des deux bourgeons, très généralement le bourgeon supérieur, étant forcément décalé.
Une sténose de l’orifice urétéral par anomalie de résorption de la membrane de Chwalla ou trouble de la mésenchymation peut permettre dès les premiers stades de maturation de la jonction urétérovésicale le développement d’une urétérocèle, dilatation pseudokystique du segment sous-muqueux de l’uretère terminal. L’existence d’une duplication du bourgeon urétéral favorise ce processus au niveau du méat de l’uretère du pyélon supérieur qui va s’aboucher en position ectopique intra- ou extravésicale.
En surface, le mésenchyme qui entoure la membrane cloacale s’est différencié en deux ordres de structures concentriques. La zone ischiopubienne à la périphérie marque la limite entre l’ébauche périnéale et les ébauches voisines, c’est-à-dire la paroi hypogastrique et les membres inférieurs. Elle sera à l’origine des branches ischiopubiennes (qui se développent comme des os de membranes), des corps caverneux et des muscles ischiocaverneux. Au pourtour immédiat de la membrane, le sphincter cloacal sera à l’origine du périnée primaire.
Au cours de la 7e semaine, de part et d’autre des plis cloacaux, la future région périnéale se renfle en formant des bourrelets génitaux symétriques. A ce stade, la disposition est identique dans les deux sexes. Le mésenchyme de l’éperon périnéal s’épaissit au contact de la membrane cloacale et forme l’ébauche du noyau fibreux central du périnée. Les fibres du sphincter cloacal vont désormais s’organiser et s’entrecroiser au niveau de ce noyau central. Les bourrelets cloacaux vont s’accoler en avant de la membrane anale et former le raphé périnéal. Leurs parties postérieures circonscrivent et surplombent la membrane anale.
Le sinus urogénital se modèle parallèlement en trois étages. Sa portion crâniale, en continuité avec l’allantoïde, s’évase et constitue la vessie. L’allantoïde va subir une oblitération progressive dans le courant de la 16e semaine. Il laissera alors un vestige fibreux, l’ouraque, reliant la vessie à l’ombilic mais demeure finement perméable jusqu’à la 32e semaine.
La différenciation musculaire du détrusor débute dès la 11e semaine. Le sphincter lisse apparaît vers la 13e semaine. La connexion des divers éléments musculaires de la jonction vésico-urétrale qui détermine la morphogenèse du col vésical survient vers la 26e semaine.
La portion intermédiaire du sinus dans laquelle s’abouchent les canaux de Wolff devient canalaire et va constituer l’urètre prostatique dans le sexe mâle, la quasi-totalité de l’urètre dans le sexe féminin. A la fin du 3e mois, l’épithélium de l’urètre prolifère et les bourgeons qui en résultent pénètrent le mésenchyme avoisinant, ce qui détermine la formation de la prostate et chez la fille des glandes urétrales et para-urétrales. La portion terminale, immédiatement au contact de la membrane cloacale, va subir une évolution très différente en fonction du sexe.
La mésenchymation primaire du périnée est renforcée par une seconde vague provenant des somites caudaux. Les éléments profonds du sphincter cloacal donnent origine à la sangle rectale alors que le mésenchyme caudal forme les faisceaux externes du muscle releveur de l’anus. Les éléments sphinctériens situés dans le plan de la membrane cloacale sont à l’origine de la plus grande partie du sphincter externe de l’anus, du sphincter strié de l’urètre et du constricteur de la vulve.
Sexe féminin :
Dans le sexe féminin, l’évolution de la voie urinaire inférieure se fait en parallèle avec celle du système müll.rien à l’origine de l’appareil génital. Les canaux de Müller ou canaux paramésonéphrotiques nés par invagination de l’épithélium coelomique descendent parallèlement aux canaux de Wolff puis les croisent pour s’allonger en direction médiocaudale et s’adosser, en arrière du sinus urogénital, à la 9e semaine du développement. L’effacement de leurs parois d’adossement entraîne la formation d’un canal utérovaginal médian cependant que leurs extrémités crâniales ébauchent les futures trompes de Fallope. A ce moment, deux évaginations apparaissent au niveau de la portion pelvienne du sinus urogénital et par prolifération active se rencontrent sur la ligne médiane pour former la plaque vaginale qui rejoint le canal utérovaginal, enserre son extrémité caudale et se creuse d’une lumière à partir de la 11e semaine. Sa canalisation complète vers la fin du 5e mois constitue le vagin. La cavité vaginale reste séparée du sinus urogénital par une micromembrane : l’hymen. Dans le même temps, les canaux de Wolff disparaissent, laissant parfois des résidus vestigiaux paragonadiques.
Leurs portions toutes caudales, plaquées contre l’axe génital, peuvent s’y inclure sous forme d’un tractus canalaire vestigial : le canal de Gartner. La différenciation de la partie inférieure du sinus urogénital ouvert par résorption de la membrane urogénitale à la 9e semaine, évolue parallèlement. Elle débute au 3e mois. La diminution progressive de sa profondeur fait que le méat urétral et l’hymen deviennent relativement superficiels dans un vestibule bordé par les replis génitaux formant les petites lèvres qui se réunissent en avant du tubercule génital pour constituer le capuchon clitoridien, cependant que les bourrelets génitaux constituent les grandes lèvres.
Sexe masculin :
Dans le sexe masculin, les canaux de Wolff persistent après régression du mésonéphros.
Ils constituent la voie d’excrétion génitale. Devenus canaux déférents, ils forment les voies excrétrices des testicules formés au contact des mésonéphros. Dans sa partie terminale, avant leur abouchement à la face postérieure du sinus urogénital, chaque canal déférent se renfle en une ampoule et émet un diverticule creux, la vésicule séminale. Au-dessous de ce point d’émergence, il devient le canal éjaculateur. La portion inférieure du sinus urogénital entre le col de la vessie et l’abouchement des canaux éjaculateurs forme la portion initiale de l’urètre. Dans le courant du 3e mois, des bourgeons épithéliaux se détachent de sa face postérieure et, pénétrant le mésenchyme adjacent, vont former la glande prostatique.
Les canaux de Müller n’ont qu’une existence très temporaire et ont pratiquement disparu à la fin de la 8e semaine. Leurs portions terminales qui ont amorcé leur fusion persistent sous forme d’un petit diverticule qui donnera l’utricule prostatique, encore que certains considèrent que celui-ci se forme aux dépens d’une évagination du sinus urogénital. Ce diverticule s’inscrit entre les orifices des deux canaux de Wolff devenus à ce niveau canaux éjaculateurs. La surélévation qui détermine cet abouchement dessine le veru montanum.
Deux replis membraneux se développent sur les faces latérales de l’urètre qui vont régresser et migrer en arrière pour former la crête du veru.
L’absence d’involution des deux replis dits urétrovaginaux est à l’origine des valvules congénitales de l’urètre postérieur dans leur forme la plus fréquente.
Parallèlement, au niveau externe, le tubercule génital s’allonge, ébauchant le futur pénis. Il entraîne avec lui les plis cloacaux qui soulignent le sillon médian du sinus
urogénital, ouvert par la résorption de la membrane, et s’étendant jusqu’à la base du renflement antérieur de la verge dessinant l’ébauche du gland. Ce sillon se déprime en une véritable gouttière urétrale, sinusale, donc endodermique. Cette gouttière se ferme progressivement d’arrière en avant à partir de la 12e semaine alors que les plis ectodermiques fusionnent au-dessous de l’urètre ainsi formé. Il y a cependant relative indépendance entre la tubulisation endodermique et la fusion ectodermique. En tout cas, la totalité de l’urètre pénien sur toute sa circonférence est d’origine endodermique. Au fur et à mesure que se constitue ainsi l’urètre pénien, la gangue mésenchymateuse qui l’entoure se densifie et forme l’ébauche de corps spongieux ; un processus comparable se produit au coeur du gland mais de façon indépendante. Les corps caverneux ‘individualisent à leur tour mais la différenciation du mésenchyme en tissu érectile n’interviendra que secondairement entre les 4e et 5e mois, au niveau du gland tout d’abord, puis des corps caverneux et enfin du corps spongieux. Dans le même temps, les bourrelets génitaux migrent vers l’arrière, autour de la base du pénis et leur fusion sur la ligne médiane forme le scrotum.
Durant le 3e mois apparaît à la face inférieure du gland, dans le prolongement de la gouttière urétrale pénienne, une crête ou mur épithélial longitudinal. Lorsque la fermeture de la gouttière urétrale atteint la couronne du gland, ce mur épithélial se creuse en une fente urétrale qui se ferme à son tour, d’arrière en avant, pour constituer la portion balanique du canal de l’urètre. Pour certains, la formation de l’urètre balanique résulterait d’un processus différent : canalisation d’un cordon épithélial plein se développant dans le gland à partir du sommet jusqu’à rejoindre la partie terminale de l’urètre pénien. Quoi qu’il en soit, l’urètre balanique se forme secondairement à l’urètre pénien à partir du tissu ectodermique.
Si l’on considère les différentes étapes de l’organogenèse de l’urètre et de la verge, on conçoit qu’il existe trois types fondamentaux d’hypospadias que l’on peut qualifier d’antérieur, moyen et postérieur. Les hypospadias antérieurs résultent d’un défaut de formation de l’urètre balanique. S’ils s’accompagnent le plus souvent d’une malformation du prépuce, on peut observer des cas dans lesquels la fente balanique reste ouverte cependant que le prépuce a évolué normalement dans sa partie antérieure. Les hypospadias moyens correspondent à un développement incomplet de l’urètre pénien.
Dans tous les cas, la portion du corps spongieux correspondant à l’urètre non formé reste atrophique, mal différenciée. Le prépuce est toujours anormal car, sans soutien au niveau de la couronne du gland, le bourrelet annulaire qui lui donne naissance reste incomplet à sa face inférieure. Dans les hypospadias postérieurs, la malformation porte sur la totalité de la gouttière urétrale et la verge est très déformée. Lorsqu’il existe une malformation de l’urètre, l’incurvation temporaire de la verge peut être tutellisée en raison de la croissance anormale des structures de sa face inférieure, ce qui entraîne une coudure maintenue par la fibrose résultant de la persistance d’une lame mésenchymateuse correspondant au corps spongieux non développé.
CROISSANCE ET FONCTION RÉ NALE IN UTERO :
L’appareil urinaire du foetus est donc en place, dans son ensemble, à la fin du premier trimestre de la gestation, mais les reins n’ont qu’une partie de leur équipement néphrotique. Aux environs de la 20e semaine, alors que le système collecteur est complet, ils possèdent un tiers environ des néphrons et ne représentent qu’un dixième de la masse des reins matures. Leur croissance se fait parallèlement à l’âge gestationnel et il semble qu’une hypertrophie foetale ne retentisse guère sur leur développement.
On peut considérer, grâce aux mesures ultrasoniques et anatomiques, que la hauteur moyenne du rein est de 2 cm à la 20e semaine, de 3 cm à la 28e semaine et de 4 cm à terme, cependant que sa largeur est respectivement à ces trois moments de 1,4 cm, 2,2 cm et 2,7 cm et son épaisseur de l’ordre de 1 cm, 1,7 cm et 2,5 cm.
Le rapport entre la circonférence rénale maximale et la circonférence abdominale reste pendant la gestation de l’ordre de 0,27 à 0,30. Si le rein est dans sa position normale et a acquis sa forme définitive entre la 10e et la 20e semaine, sa reconnaissance ultrasonique n’est guère possible avant la 15e semaine en raison de sa petite taille et de l’absence de graisse périrénale qui gêne son individualisation. Sa définition échographique devient très satisfaisante à partir de la 20e semaine. Il faut remarquer que la surrénale, relativement volumineuse, peut avoir une échogénicité voisine, ce qui peut être un piège lors des mensurations.
Dès que les glomérules primitifs ont acquis leur vascularisation, la sécrétion d’urine débute. La fonction rénale se met donc en route bien avant que la phase de néphrogenèse soit terminée. Le rein a une certaine fonction dès la fin de la 9e semaine par l’apparition d’une filtration glomérulaire mais les cellules de l’épithélium tubulaire n’entrent en fonction qu’à partir de la 15e semaine. En raison de cette diurèse, la vessie est visible à l’échographie dès la 12e semaine. On a vu que la pression hydrostatique engendrée par l’élimination d’urine a une influence sur le développement du système excréteur.
Si elle n’intervient guère dans l’homéostasie avant la naissance puisque cette fonction est assurée par les échanges placentaires, l’excrétion d’urine joue par contre un rôle important dans la régulation du volume et de la composition du liquide amniotique. Elle ne présente certes pas le seul mécanisme de régulation. Cependant les agénésies rénales et les uropathies obstructives intéressant l’ensemble des voies urinaires s’accompagnent d’un oligoamnios qui est donc un signe d’alerte pour la surveillance de l’appareil urinaire du foetus.
Dès la mise en route de la fonction rénale, la diurèse moyenne est élevée par rapport à la masse du foetus. Elle est de l’ordre de 0,5 à 0,7 ml/h à la 18e semaine, 1,5 ml/h à la 20e semaine, 9,6 ml/h à la 30e semaine et peut atteindre 25 à 27 ml/h à terme. Le volume demeure relativement constant par rapport au poids, à 10 ml/kg/h, de la 20e semaine à la naissance. On connaît encore mal les mécanismes de régulation de cette diurèse. Son importance entraîne des mictions fréquentes. La durée du cycle de réplétion vésicale varie entre 50 et 150 minutes. La miction se produit pour une réplétion vésicale moyenne de 40 ml.
L’uretère n’est jamais distendu à l’état normal ; sa mise en évidence échographique n’est donc guère possible. Par contre, le bassinet et les calices sont individualisables et analysables surtout à partir de la 30e semaine. Le diamètre du bassinet est en tout cas inférieur à 15 mm. Les calices ont une épaisseur variable. Ils ne sont jamais globuleux ou sphériques.