Introduction :
Les glomérulonéphrites membranoprolifératives (GNMP), également nommées glomérulonéphrites mésangiocapillaires, pariétoprolifératives, lobulaires ou hypocomplémentémiques, constituent un ensemble de glomérulonéphrites caractérisées par une prolifération mésangiale et un épaississement variable des parois capillaires. L’immunofluorescence et la microscopie électronique permettent de distinguer trois types de GNMP, selon la nature des dépôts et l’aspect des parois capillaires.
Sur le plan immunologique, elles s’associent très souvent à une hypocomplémentémie et dans certains cas (GNMP de type II) à la présence d’un autoanticorps particulier, le facteur néphritique (C3Nef).
Les GNMP de type I sont généralement considérées comme des maladies liées à des dépôts de complexes immuns. Les formes secondaires, de loin les plus fréquentes, sont dominées par les infections, avec une place toute particulière pour le virus de l’hépatite C (VHC).
Épidémiologie :
Les GNMP représentent aujourd’hui, dans les pays industrialisés, moins de 5 % des glomérulonéphrites de l’adulte, alors qu’elles étaient retrouvées dans près de 20 % des cas, il y a 25 ans.
Actuellement, on admet qu’elles sont responsables de 5 % des cas de syndrome néphrotique observés chez l’enfant, et de 10 % des cas adultes.
Dans les pays en voie de développement, elles sont beaucoup plus fréquentes représentant jusqu’à 40 % des néphropathies glomérulaires au Mexique, mais la fréquence des GNMP de type II est superposable à celle observée dans les pays occidentaux.
La nette diminution des cas de GNMP en Europe et en Amérique du Nord laisse à penser que ces néphropathies avaient une origine infectieuse. Les mesures limitant la transmission du VHC (éviction des sujets positifs pour les dons de sang) expliquent probablement, au moins en partie, cette décroissance.
Les formes primitives de GNMP de type I, de plus en plus rares, touchent généralement des sujets entre l’âge de 5 et 30 ans sans prédominance de sexe. Les GNMP de type II s’observent, dans la grande majorité des cas, chez des sujets de moins de 20 ans.
Classification. Anatomie pathologique :
La combinaison des différentes techniques de microscopie optique ou électronique et d’immunofluorescence a permis la subdivision des GNMP en trois types différents selon la nature de l’épaississement des parois capillaires.
– Le type I est le plus fréquent : 70 % des GNMP. Une interposition du tissu mésangial produit un apparent dédoublement de la paroicapillaire. Cette interposition mésangiale est, en général, associée à des dépôts sous-endothéliaux. C’est la GNMP à dépôts sous-endothéliaux.
– Le type II représente environ 15 % des GNMP. Il est caractérisé par une transformation dense de la membrane basale avec ou sans interposition mésangiale : c’est la GNMP à dépôts denses intramembraneux.
– Le type III, environ 15 % des cas, comporte des interruptions de la membrane basale associées à des dépôts denses intramembraneux.
Sur des biopsies itératives, on n’a jamais mis en évidence de passage d’un type à l’autre.
GLOMÉRULONÉPHRITE MEMBRANOPROLIFÉRATIVE À DÉPÔTS SOUS-ENDOTHÉLIAUX : TYPE I
En microscopie optique :
Trois éléments principaux caractérisent le type I et sont bien reconnaissables, si l’on utilise les colorations appropriées, en particulier le trichrome et l’argent :
– la prolifération des cellules mésangiales avec augmentation de la substance mésangiale : c’est dans ce type qu’elle est la plus abondante ;
– l’interposition mésangiale entre la lamina densa et l’endothélium donnant un aspect en double contour à la membrane basale ;
– la présence de dépôts à la fois mésangiaux et sous-endothéliaux.
Toutefois, les dépôts ne sont visibles que s’ils sont très abondants et, le plus souvent, c’est la prolifération mésangiale et les aspects en double contour qui dominent le tableau. La prolifération aboutit souvent à une considérable augmentation de la taille des glomérules.
Parallèlement, le cytoplasme mésangial encercle totalement ou partiellement le capillaire glomérulaire. Cette interposition épaissit notablement les parois des capillaires glomérulaires et contribue, avec la prolifération mésangiale, à diminuer nettement les lumières capillaires.
D’autres éléments sont également notés en microscopie optique : la présence de polynucléaires dans les lumières capillaires, la présence de dépôts extramembraneux associés, tantôt volumineux ayant la forme de humps, tantôt plus petits, aplatis sur la membrane basale.
En microscopie électronique :
L’examen en microscopie électronique permet une meilleure définition de la prolifération, de l’épaississement de la paroi capillaire et des dépôts.
– Aspect en double contour : il est le résultat de l’interposition mésangiale entre deux couches argyrophiles : la lamina densa normale sur le versant externe et des bandes de substance mésangiale condensée sur le versant interne. Les cellules endothéliales sont ainsi refoulées vers la lumière. L’épaisseur du tissu mésangial interposé peut atteindre 60 fois l’épaisseur de la membrane basale normale. On y trouve, de façon variable, des prolongements de cellules mésangiales, des restes de membrane cellulaire, des brins de matrice, des dépôts.
– Dépôts : les dépôts sous-endothéliaux, que l’on peut également dénommer endomembraneux, sont en effet plutôt allongés le long de la membrane basale et séparés des cellules endothéliales par l’interposition mésangiale. Ils peuvent être petits, segmentaires, parfois volumineux, allongés et confluents, voire épais et circonférentiels, comme dans les GNMP lupiques, correspondant aux descriptions initiales des aspects en wire-loop.
Les dépôts mésangiaux sont tantôt de structure identique aux dépôts sous-endothéliaux, tantôt plus denses, formant des masses granuleuses à l’intérieur de la matrice mésangiale.
Les dépôts sous-épithéliaux ou extramembraneux sont fréquents : tantôt véritables humps irrégulièrement disposés le long des capillaires, identiques à ceux observés au cours des glomérulonéphrites aiguës poststreptococciques, tantôt plus petits, séparés les uns des autres par des extensions ou spikes de la membrane basale. Ils ressemblent alors aux dépôts caractéristiques de la glomérulonéphrite extramembraneuse.
– Cellules épithéliales : elles sont hypertrophiées et présentent une fusion fréquente des pédicelles. Leur cytoplasme est vacuolisé. Dans quelques cas, elles prolifèrent, formant un croissant. Ailleurs, il existe des synéchies entre la membrane basale glomérulaire et la capsule de Bowman : elles sont constituées de substance mésangiale plus ou moins lâche.
En immunofluorescence :
L’examen en immunofluorescence permet de déterminer la composition des dépôts observés. Dans le type I, elle est très hétérogène, autant que celle des dépôts observés dans les glomérulonéphrites lupiques. Les dépôts sont à la fois périphériques, dessinant le pourtour des lobules, et à un degré moindre, mésangiaux.
Deux situations sont schématiquement rencontrées en immunofluorescence, dans la GNMP de type I idiopathique :
– dans la plupart des cas, les dépôts contiennent des immunoglobulines et des fractions du complément Clq, C3, C4 en périphérie du flocculus et également dans le mésangium. Il est des cas où, associés aux dépôts périphériques d’immunoglobulines et de fractions du complément, seuls les dépôts de C3 peuvent se voir dans le mésangium ;
– des cas plus rares ont été regroupés par la présence quasi exclusive de dépôts de C3 à la fois périphériques et mésangiaux tandis qu’immunoglobulines et facteurs précoces du complément sont absents.
Une variante est constituée par la présence de C3 mésangial isolé, que certains considèrent comme une entité distincte. Il existe à ce sujet une controverse.
Il n’est pas exceptionnel de trouver du fibrinogène le long des parois capillaires, dans le mésangium et naturellement dans la chambre urinaire lorsqu’il existe une prolifération extracapillaire.
Dans les formes secondaires, les résultats de l’immunofluorescence peuvent être différents quant à la distribution et à la nature des dépôts : ce sont souvent des aspects atypiques en immunofluorescence qui vont conduire à rechercher une maladie associée (cf infra Diagnostic étiologique).
GLOMÉRULONÉPHRITE MEMBRANOPROLIFÉRATIVE À DÉPÔTS DENSES : TYPE II
La GNMP à dépôts denses au sein de la membrane basale, ou maladie des dépôts denses, est une entité anatomoclinique précise ne revêtant qu’une seule traduction morphologique : la transformation dense des membranes basales rénales. Elle s’individualise également par ses relations étroites avec l’activation du complément par la voie alterne.
En microscopie optique :
Le principal marqueur de la maladie des dépôts denses est un épaississement rubané, éosinophile, réfringent des membranes basales.
C’est au niveau des capillaires glomérulaires qu’il est le plus net, mais on peut aussi le mettre en évidence au niveau de la capsule de Bowman et dans les membranes basales tubulaires. Cet épaississement est très PAS-positif, du fait d’un excès d’acide sialique, vert foncé sur le trichrome de Masson. Il présente une coloration bleu foncé caractéristique sur des coupes au bleu de toluidine, réalisées après inclusion plastique. Sur les colorations par l’argent, il se colore typiquement en brun clair. Bien que ces modifications membranaires soient très caractéristiques, elles peuvent être sporadiques durant la phase précoce de la maladie.
Dans ces cas, le diagnostic en microscopie optique est incertain et la microscopie électronique est nécessaire pour préciser, sans équivoque, les modifications membranaires.
Mise à part cette transformation dense de la membrane basale, tous les éléments caractéristiques de la GNMP de type I peuvent être observés dans le type II, ce qui explique bien des confusions qui ont pu durer jusqu’aux environs des années 1970. Toutefois, la prolifération mésangiale et l’augmentation de la substance mésangiale sont moins marquées que dans le type I. Il n’y a pas de relation nette entre l’importance de l’altération membranaire et le degré de prolifération. En corollaire, les aspects en double contour sont également inconstants. La prolifération peut même être totalement absente. Dans ce cas, certains préfèrent utiliser le terme de « maladie des dépôts denses » à celui de GNMP.
En microscopie électronique :
Le matériel dense, argyrophile, élargissant la lamina densa, dénommé dépôt, représente en fait probablement une altération de la structure membranaire : en effet, il ne présente pas la composition granuleuse habituellement vue dans la plupart des dépôts. Il est souvent continu, parfois segmentaire, affectant alors plus particulièrement la membrane basale adjacente aux axes mésangiaux. Les mêmes dépôts denses se voient dans la matrice mésangiale, la capsule de Bowman, la membrane basale des tubes contournés proximaux et, plus rarement, sur les parois des capillaires péritubulaires et dans la lame élastique des artérioles. Comme dans le type I, les dépôts sous-épithéliaux observés, qu’il s’agisse de humps ou de dépôts extramembraneux plus petits, ont une structure finement granulaire et ne se différencient pas de ceux que l’on observe dans la glomérulonéphrite aiguë poststreptococcique ou la glomérulonéphrite extramembraneuse respectivement.
Les biopsies itératives révèlent habituellement une diminution de la prolifération mésangiale comme dans le type I et, éventuellement, une régression partielle des dépôts denses.
En immunofluorescence :
L’aspect est homogène et permet le plus souvent un diagnostic de certitude. Il est caractérisé par une fixation quasi exclusive du sérum anti-C3 : celle-ci est faible, linéaire, continue ou discontinue le long des parois capillaires, très brillante au contraire dans le mésangium, formant des nodules assez volumineux.
Un examen plus fin, à un fort grossissement, montre que la fixation membranaire de l’anti-C3 n’est pas homogène et apparaît plutôt comme des « rails » le long du matériel membranaire dense. Une fixation semblable se voit au niveau des capsules de Bowman et le long des membranes basales tubulaires. Des composants précoces de la voie classique Clq et C4 sont absents, de même que la properdine. Des dépôts de fibrine sont notés dans la chambre urinaire lorsqu’il existe des croissants et peuvent être présents le long des parois capillaires glomérulaires.
GLOMÉRULONÉPHRITE MEMBRANOPROLIFÉRATIVE DE TYPE III :
Ce troisième type a été individualisé plus récemment en 1977, à la fois par Anders et al et par Strife et al. Il regroupe des aspects qui, en microscopie optique, pourraient être classés de type I, mais qui montrent, en microscopie électronique, des zones de rupture de la membrane basale. Ces interruptions sont dues à une importante accumulation, à l’intérieur de la membrane basale, de dépôts granulaires, souvent éosinophiles et réfringents en microscopie optique.
Ils sont associés le plus souvent à des dépôts endomembraneux et à des dépôts extramembraneux. Les colorations par l’argent permettent d’apprécier au mieux l’étendue de ces interruptions de membrane basale. Par ailleurs, un examen en microscopie électronique après imprégnation argentique permet de distinguer les dépôts intramembraneux du type III, négatifs à l’argent, de l’épaississement argyrophile des dépôts denses : ainsi, dans son ensemble, la membrane basale apparaît épaissie, irrégulière, inhomogène, avec des dépôts irrégulièrement incorporés en son sein. Le degré de prolifération mésangiale est variable mais, en général, nettement moindre que dans le type I. Elle est le plus souvent segmentaire.
En immunofluorescence, les dépôts de C3 prédominent comme dans les autres types : ils sont notés sur toute la surface glomérulaire, autant au niveau des parois capillaires que dans le mésangium.
Des dépôts d’immunoglobulines G sont rarement rencontrés et toujours en petite quantité. Clq et C4 sont généralement absents.
Une controverse demeure quant à l’individualisation du type III comme une entité distincte : ainsi, Habib et Lévy ne le considèrent que comme une variante du type I « dans la mesure où, en dehors de ses caractéristiques morphologiques, le type III n’a aucune originalité sur le plan clinique et immunologique ».
ASPECTS HISTOLOGIQUES DIVERS :
Glomérulonéphrite lobulaire :
Il est apparu, depuis plusieurs années, grâce aux résultats de l’immunofluorescence et aux études cliniques, qu’elle n’était qu’une variété morphologique des GNMP. On peut voir en effet sur les biopsies tous les degrés de lobularité. La lobulation n’est en rapport ni avec une sévérité accrue, ni avec un stade évolutif de la maladie : elle ne témoigne que d’une hypertrophie majeure de la substance mésangiale allant jusqu’à former des nodules éosinophiles et PAS positifs. Ces nodules sont essentiellement constitués de collagène de type IV et de laminine, tandis que l’essentiel de la masse scléreuse située entre les anses collabées renferme plutôt du collagène de type III que de type IV. À un stade très évolué, l’aspect se rapproche de la glomérulosclérose diabétique nodulaire.
On a récemment décrit une forme de GNMP nodulaire idiopathique, avec volumineux dépôts PAS positifs à la fois mésangiaux et dans les lumières capillaires. Elle ne s’accompagnait ni de cryoglobulinémie, ni de symptomatologie lupique. En immunofluorescence, il y avait essentiellement des dépôts d’immunoglobulines M et de C4, associés à un degré moindre à des dépôts de C3 et d’immunoglobulines A. L’examen en microscopie électronique montrait des membranes basales glomérulaires d’épaisseur normale, et une grande quantité de dépôts sousendothéliaux finement granulaires, sans structure fibrillaire ou tubulaire.
Glomérulonéphrite membranoproliférative à croissants extracapillaires :
Dans la plupart des cas de GNMP, la chambre urinaire est libre, bien que l’on puisse noter de petites synéchies entre flocculus et capsule de Bowman. Dans certains cas, très rares, la présence d’abondants croissants épithéliaux réalise l’aspect de GNMP à croissants. Ces formes ont été individualisées au sein du groupe hétérogène des glomérulonéphrites à croissants diffus et ont été distinguées, entre autres, grâce à l’immunofluorescence, des glomérulonéphrites prolifératives endo- et extracapillaires poststreptococciques. Le tableau clinique initial est, dans les deux cas, celui d’une insuffisance rénale rapidement progressive, mais l’évolution ultérieure naturelle est nettement plus mauvaise dans le premier cas que dans le deuxième.
Glomérulonéphrite membranoproliférative focale :
Certains glomérules ont l’aspect caractéristique de GNMP de type I alors que d’autres sont normaux, ou ne présentent qu’une prolifération mésangiale modérée. C’est dans ces formes focales que sont rencontrées, entre autres, des GNMP secondaires aux cirrhoses éthyliques.
Pour ce qui est du type II, certains individualisent les formes focales comme étant plutôt associées à des syndromes néphritiques aigus, qu’à des syndromes néphrotiques, avec complément le plus souvent normal, et meilleure évolution de la fonction rénale que dans les formes diffuses.
Quel que soit le type de GNMP, on note la présence de polynucléaires, le nombre de glomérules fibreux, le nombre de croissants, la sévérité des lésions tubulo-interstitielles, vasculaires associées.
Diagnostic différentiel :
GLOMÉRULONÉPHRITE AIGUË POSTSTREPTOCOCCIQUE :
Elle pose parfois des problèmes de diagnostic délicat avec les GNMP. Un syndrome néphritique aigu, un taux d’antistreptolysines augmenté, une hypocomplémentémie, une prolifération mésangiale avec aspects en double contour et infiltration par des polynucléaires peuvent en effet être présents dans les deux cas. L’absence de régression symptomatique, la persistance de l’hypocomplémentémie au-delà de la huitième semaine et, en dernière analyse, l’évolution morphologique trancheront, avec apparition des aspects caractéristiques des GNMP sur les biopsies ultérieures. Toutefois, on retient l’existence de certaines parentés entre les GNMP et la glomérulonéphrite aiguë poststreptococcique.
AUTRES DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS :
Des problèmes variés peuvent se poser à l’étape de la microscopie optique : ils sont en général levés par l’examen en immunofluorescence.
La prééclampsie et la microangiopathie thrombotique peuvent présenter des aspects en double contour, tout comme d’autres circonstances comportant une interposition mésangiale.
La glomérulosclérose diabétique de type Kimmelstiel-Wilson et la néphropathie du myélome à chaînes légères ont parfois des aspects lobulaires. La présence éventuelle de dépôts intramembraneux peut ajouter une difficulté supplémentaire, donnant un aspect proche du type II. Certaines glomérulonéphrites extramembraneuses à un stade avancé (III ou IV) peuvent prêter à confusion avec une GNMP de type III.
La glomérulonéphrite lobulaire idiopathique, ou sclérose mésangiale nodulaire idiopathique, a été individualisée récemment par Alpers et Biava. Elle se voit en dehors du diabète, de l’amylose, d’une maladie des chaînes légères. L’absence de dépôts significatifs d’immunoglobulines, de complément en immunofluorescence, ainsi que l’absence de dépôts denses aux électrons en microscopie électronique la distinguent des GNMP. La symptomatologie en est assez insidieuse, associant une protéinurie souvent néphrotique et une insuffisance rénale. Mais, quant à sa pathogénie, on ne peut exclure l’hypothèse selon laquelle cette lésion représenterait la forme de résolution d’une glomérulonéphrite antérieure, infraclinique.
Pathogénie :
GLOMÉRULONÉPHRITE MEMBRANOPROLIFÉRATIVE À DÉPÔTS SOUS-ENDOTHÉLIAUX :
On considère, bien que cela ne soit pas démontré, que les GNMP de type I sont des maladies liées à des dépôts de complexes immuns activant le complément. Un ensemble de constatations sont en faveur de cette hypothèse :
– la présence de dépôts glomérulaires d’immunoglobulines et de fractions du complément ;
– la mise en évidence, dans les dépôts glomérulaires, d’antigènes viraux ou parasitaires ;
– l’association fréquente à une hypocomplémentémie traduisant la consommation du complément. En effet, la majorité des patients présentent une diminution au moins intermittente des concentrations de C3 et des composants de la voie classique d’activation du complément (C4, C1q) ;
– la présence de complexes immuns circulants (CIC) ou d’une cryoglobulinémie dans plus de la moitié des cas ;
– les causes secondaires de GNMP de type I, en particulier infectieuses, sont fréquemment des situations où il existe une antigénémie chronique ;
– l’association des GNMP de type I avec des maladies médiées par des dépôts de CIC, comme le lupus érythémateux disséminé. Par analogie avec le modèle expérimental de la maladie sérique, il est possible que les GNMP de type I soient dues à des dépôts de CIC, composés d’anticorps et d’antigènes issus d’agents infectieux le plus souvent, sur la face interne de la paroi du capillaire glomérulaire. La formation de CIC in situ est également possible, après fixation initiale de l’antigène sur la membrane basale glomérulaire.
La présence de complexes immuns dans le mésangium et les espaces sous-endothéliaux déclencherait l’activation du complément et la libération de cytokines responsables de l’afflux de cellules de l’inflammation et de la prolifération des cellules mésangiales et endothéliales.
Le fait que la plupart des patients présentant des CIC ne développent pas de GNMP suggère l’implication d’autres facteurs dans la pathogénie de ce type de néphropathie glomérulaire (taille des complexes immuns, nature de l’antigène, caractéristiques physicochimiques des immunoglobulines, capacité d’épuration des CIC par le système réticuloendothélial, facteurs glomérulaires locaux…).
GLOMÉRULOPATHIE MEMBRANOPROLIFÉRATIVE DE TYPE II :
Selon West, une activité excessive de C3 convertase alterne serait à l’origine du développement des lésions rénales observées dans les GNMP de type II. En effet, chez les patients présentant une GNMP de type II, on retrouve dans plus de 80 % des cas un autoanticorps particulier, le facteur néphritique C3 (C3Nef). En se liant à la C3 convertase alterne (C3bBb), il protège ce complexe de l’inactivation enzymatique par le facteur H et entraîne l’activation permanente de la voie alterne du complément. Cela se traduit, sur le plan biologique, par une diminution des concentrations sériques de C3. Cette hypothèse est confortée par un modèle animal de porcs présentant un déficit en facteur H, une hypocomplémentémie et une GNMP de type II. Chez l’homme, l’association d’un déficit en facteur H et d’une GNMP est également décrite. Cependant, le mécanisme responsable des lésions glomérulaires n’est pas élucidé et les concentrations sériques de C3 convertase alterne n’ont pas été mesurées dans l’étude de West.
Récemment, Schwertz et al ne mettaient pas en évidence d’élévation de la C3bBb chez 15 enfants présentant une GNMP de type II, associée à la présence de C3Nef. Enfin, un certain nombre de patients présentent une atteinte rénale progressive, sans modification des fractions du complément, indépendamment de la présence de C3Nef.
Si l’intervention du C3Nef dans le développement des lésions rénales n’est pas évidente, son implication dans la lyse du tissu adipeux observée au cours de la lipodystrophie partielle, pathologie fréquemment associée aux GNMP de type II, est beaucoup plus directe. En effet, le complément semble jouer un rôle dans la régulation du tissu adipeux. Les adipocytes produisent certaines fractions clés de la voie alterne du complément, comme le facteur D (également nommé adipsine), protéine permettant la synthèse finale de la C3 convertase alterne. En 1993, Matthieson et al ont démontré qu’en présence de C3Nef, on observait une lyse des adipocytes médiée par le complexe d’attaque membranaire. Un autre élément particulièrement informatif est l’existence de variations régionales dans l’expression du facteur D, variations superposables aux zones de lipodystrophie. On peut imaginer que les cellules glomérulaires exprimant des fractions du complément seraient la cible de la C3 convertase alterne.
Toujours est-il qu’à ce jour, la composition chimique et la nature des dépôts denses restent inconnues. Pour certains, les GNMP de type II seraient en relation avec un trouble primitif de la synthèse ou de la dégradation de la membrane basale glomérulaire, les anomalies du complément n’étant qu’un phénomène secondaire. En effet, dans les cas de récidive de GNMP de type II après transplantation, les dépôts denses apparaissent avant tout dépôt de C3, indépendamment de la présence d’une hypocomplémentémie et de la présence de C3Nef.
Clinique :
Les trois types morphologiques de GNMP ne peuvent se distinguer sur le plan clinique. Schématiquement, on peut individualiser plusieurs tableaux.
– Dans 50 % des cas, c’est un syndrome néphrotique impur d’installation progressive.
– Dans 25 % des cas, c’est un syndrome néphritique aigu typique, faisant suite à une infection otorhinolaryngologique. Il est parfois superposable en tous points, du moins initialement, au tableau de la glomérulonéphrite aiguë poststreptococcique. La persistance d’une hypocomplémentémie associée à une protéinurie et une hématurie au-delà de la huitième semaine est plus évocatrice de la GNMP.
– Dans 15 % des cas, c’est une découverte d’examen systématique chez un malade asymptomatique, mettant en évidence une protéinurie et une hématurie microscopique. Des infections intercurrentes peuvent s’accompagner d’épisodes d’ hématurie macroscopique.
– Une autre présentation insidieuse est celle d’une hypertension artérielle, d’abord modérée puis plus difficile à contrôler tandis que la protéinurie et l’hématurie microscopique restent très modérées.
De même, une GNMP peut être découverte devant une insuffisance rénale chronique de degré variable, associée en général à une protéinurie, une hématurie microscopique et une élévation de la pression artérielle. Ainsi, les GNMP peuvent être latentes pendant des années et leur révélation n’être que le fait d’un épisode spectaculaire, syndrome néphrotique ou syndrome néphritique aigu.
– Sur le plan immunologique, un trait caractéristique des GNMP est l’abaissement de la concentration sérique du complément hémolytique total et de son composant C3 (présent dans 75 % des cas à un moment donné de l’évolution). En fait, l’hypocomplémentémie est très souvent fluctuante et ne présente pas de véritable corrélation avec le tableau clinique. L’activation du complément se fait par la voie classique dans le type I et par la voie alterne dans le type II. Dans ce dernier cas, l’intervention d’un autoanticorps particulier, le facteur néphritique C3, retrouvé chez plus de 80 % des patients, est à l’origine de la dégradation continue du C3.
Pronostic :
Le pronostic des GNMP est en règle défavorable puisque 50 % des patients, enfants et adultes, présentant un syndrome néphrotique évoluent vers l’insuffisance rénale terminale en 10 ans. Au bout de 20 ans, 80 % des patients atteignent le stade d’insuffisance rénale terminale. Cependant, dans 10 à 15 % des cas, une rémission complète et durable est observée.
La présence d’une protéinurie de niveau néphrotique, d’une hypertension artérielle, de lésions interstitielles sévères, d’une prolifération extracapillaire, ainsi que les formes lobulaires constituent des facteurs prédictifs d’évolution vers l’insuffisance rénale terminale. En leur absence, la survie rénale à 10 ans des GNMP de type I est de 85 %.
Les GNMP de type II sont généralement considérées comme plus agressives que les GNMP de type I, évoluant vers l’insuffisance rénale terminale dans un délai de 5 à 12 ans.
Cependant, il est important de noter que le traitement étiologique de certaines formes secondaires, comme l’éradication d’un foyer infectieux bactérien, peut s’accompagner d’une rémission clinique et histologique.
Diagnostic étiologique :
Les GNMP peuvent être idiopathiques ou secondaires à un grand nombre de maladies, notamment infectieuses ou dysimmunitaires. Les infections chroniques par le VHC pourraient représenter jusqu’à 60 % des cas de GNMP de type I préalablement considérés comme primitifs.
AFFECTIONS ASSOCIÉES AUX GLOMÉRULONÉPHRITES MEMBRANOPROLIFÉRATIVES DE TYPES I ET III :
Maladies dysimmunitaires :
Lupus érythémateux disséminé :
Certaines formes de glomérulonéphrites prolifératives du lupus ont une morphologie de GNMP de type I avec, en immunofluorescence, des dépôts d’immunoglobulines G, A, M et de fractions du complément (C1q, C4, C3), de sièges sous-endothélial et mésangial. Le diagnostic est essentiellement assuré par la présentation clinique et la présence d’anticorps antiacide désoxyribonucléique (ADN) natif dans le sérum.
Cryoglobulinémie mixte de type II :
La plupart des patients sont porteurs du VHC. Cependant, certaines hémopathies malignes ou maladies auto-immunes (dont le syndrome de Gougerot-Sjögren) peuvent s’accompagner de cryoglobulinémie mixte de type II.
La GNMP observée comporte des dépôts sous-endothéliaux et mésangiaux d’immunoglobulines G, mais surtout d’immunoglobulines M et de complément. Il existe une importante infiltration leucocytaire du flocculus, particulièrement riche en monocytes. Les lumières capillaires sont parfois remplies de thrombi hyalins occlusifs. Une vascularite touchant les artères de petit et moyen calibres est parfois retrouvée. Elle est caractérisée par des dépôts intraluminaux, une nécrose fibrinoïde de la paroi artériolaire et une infiltration leucocytaire périvasculaire. La présence d’une prolifération extracapillaire est rare. En microscopie électronique, les dépôts sous-endothéliaux ou intracapillaires sont, soit des dépôts amorphes ressemblant à des complexes immuns, soit des dépôts ayant une structure fibrillaire organisée en tube (section longitudinale) et en cocarde (section transversale).
Déficits sélectifs de certaines fractions du complément :
Un déficit homozygote en C2 semble s’associer à une plus grande fréquence de GNMP par rapport à des populations témoins. Des cas sporadiques de GNMP associée à un déficit congénital en C3 ont été rapportés.
Pathologies infectieuses :
Elles représentent les principales causes de GNMP de type I.
Infections bactériennes :
L’infection d’une dérivation ventriculoatriale ou ventriculopéritonéale peut entraîner une GNMP (« néphrite du shunt »). Le germe en cause est en général Staphylococcus epidermidis.
Le tableau comporte une fièvre à rechute, une hématurie, une protéinurie, parfois un syndrome néphrotique et une insuffisance rénale. Une hypocomplémentémie est fréquente. L’ablation du shunt infecté conduit, le plus souvent, à la guérison complète, clinique et morphologique. Cette situation, tout en devenant très rare, a le mérite de démontrer, de manière exemplaire, le caractère réversible de certaines GNMP.
Des GNMP ont été également décrites dans l’endocardite bactérienne subaiguë et dans certaines suppurations chroniques profondes. Beaufils et al ont rapporté, en 1976, une série de 11 patients présentant une infection viscérale profonde et une insuffisance rénale sévère. Seuls les patients traités rapidement et efficacement ont récupéré une fonction rénale proche de la normale.
Infections virales :
· Hépatite B
La présence d’une protéinurie ou d’un syndrome néphrotique au cours de l’hépatite B s’accompagne de lésions glomérulaires variées, allant de la glomérulonéphrite extramembraneuse à la GNMP.
Le mélange des deux y réalise parfois un aspect proche du type III.
La prolifération cellulaire est modérée. En immunofluorescence, les dépôts observés contiennent immunoglobulines G, immunoglobulines M, C3 et parfois immunoglobulines A. Dans certains cas, une cryoglobulinémie mixte est mise en évidence.
L’antigène HBs a été directement retrouvé dans de nombreux cas.
L’efficacité de l’interféron dans cette situation a été rapportée.
· Hépatite C
Il est actuellement admis que l’infection par le VHC, et plus particulièrement son association à une cryoglobulinémie mixte de type II, représente une des principales causes de GNMP.
L’analyse des observations de GNMP associées au VHC montre que dans près de 90 % des cas, on met en évidence une cryoglobulinémie mixte (une cryoglobulinémie mixte est retrouvée chez 55 à 90 % des patients infectés par le VHC, moins de 1 % présentant une atteinte rénale). Ces cryoglobulines peuvent parfois apparaître en cours d’évolution. Dans l’étude de Johnson et al, si 14/34 patients n’avaient pas de cryoglobulinémie mixte à la phase initiale, neuf d’entre eux présentent secondairement une cryoglobulinémie mixte.
Les travaux initiaux de Yamabe et al ne retrouvaient pas de cryoglobulinémie mixte chez six patients infectés par le VHC et présentant une GNMP mais dans la publication ultérieure, ces six sujets avaient une cryoglobulinémie mixte. La recherche de la cryoglobulinémie mixte doit donc être répétée.
La possibilité qu’une GNMP soit associée au VHC en l’absence de cryoglobulinémie reste controversée. En France, la prévalence des anticorps anti-VHC était nulle chez 35 patients présentant une GNMP considérée comme primitive. Dans une étude italienne, seulement trois des 128 patients ayant une GNMP de type I idiopathique avaient une infection par le VHC. D’autres études réalisées en Espagne, en Turquie, à Hong-Kong et aux États-Unis ne retrouvaient pas d’augmentation de la prévalence de l’infection à VHC chez les sujets présentant une GNMP considérée comme primitive.
Fornasieri et al ont mis en évidence l’affinité particulière de l’immunoglobuline M monoclonale anti-immunoglobuline G produite par les clones lymphocytaires B stimulés par le VHC pour la fibronectine, une protéine de la matrice mésangiale. Plus récemment, deux équipes ont pu localiser des antigènes spécifiques du VHC, dans la paroi des capillaires glomérulaires et dans le mésangium de patients présentant une GNMP associée à une cryoglobulinémie mixte de type II. Enfin, l’acide ribonucléique (ARN) viral est retrouvé dans le cryoprécipité à des concentrations 100 fois plus élevée, voire plus, que dans le sérum. Ces arguments sont en faveur d’une glomérulopathie médiée par des complexes immuns se formant in situ ou se déposant secondairement par l’intermédiaire de l’immunoglobuline M j.
Infections parasitaires :
· Bilharziose
Il s’agit d’une cause non exceptionnelle de syndrome néphrotique dans les zones d’endémie. Des lésions de GNMP, parfois de type I, mais plus souvent de type III, ont été décrites dans les formes les plus sévères de la maladie. Une atteinte glomérulaire est observée chez 10 à 15 % des patients avec une atteinte hépatosplénique. Des croissants extracapillaires sont parfois associés. Les dépôts sousendothéliaux intra- et extramembraneux contiennent des immunoglobulines, des fractions du complément et parfois des antigènes bilharziens. Dans les formes hépatospléniques de la maladie, le cours de la néphropathie glomérulaire n’est pas modifié par le traitement antiparasitaire.
· Malaria
Les atteintes rénales ne sont pas rares au cours de la fièvre quarte.
Les glomérules montrent des degrés variables de prolifération mésangiale, de sclérose segmentaire, d’épaississement des parois capillaires, avec aspect en double contour. Les dépôts sousendothéliaux intra- et extramembraneux contiennent des immunoglobulines, des fractions du complément et parfois des antigènes plasmodiaux.
Affections malignes :
Les hémopathies malignes s’accompagnent occasionnellement de syndrome néphrotique. Il s’agit le plus souvent d’une maladie amyloïde ou de lésions glomérulaires minimes, avec parfois glomérulosclérose focale. Dans environ 10 % des cas, ont été décrites des GNMP de type I, souvent en présence de cryoglobulinémie de type I ou II. On peut observer une disparition conjointe du syndrome néphrotique et des signes de leucémie lymphoïde chronique sous traitement immunosuppresseur.
En 1997, Ahmed et al ont publié le cas d’un patient présentant un syndrome néphrotique secondaire à une GNMP et un adénocarcinome rénal. Après l’exérèse chirurgicale de la tumeur, ils observaient une disparition de la protéinurie et une amélioration de la fonction rénale.
Affections hépatiques :
Une néphropathie à dépôts mésangiaux d’immunoglobulines A est souvent rencontrée dans le cadre de la cirrhose éthylique. Elle peut revêtir un aspect de GNMP focale, avec une caractéristique particulière : la fixation intense du sérum anti-immunoglobulines A, de siège mésangial et sous-endothélial.
Dans la littérature, on retrouve au moins huit cas de déficit en a-1-antitrypsine, phénotype ZZ, avec une cirrhose associée à un syndrome néphrotique. L’atteinte rénale correspondait le plus souvent à une GNMP, et dans deux cas, on retrouvait des dépôts glomérulaires d’a-1-antitrypsine en immunofluorescence.
Drépanocytose :
Au cours des formes homozygotes, un certain nombre d’atteintes glomérulaires peuvent être observées. De véritables GNMP de type I avec dépôts d’immunoglobulines G, d’immunoglobulines M, de C3 et de C1q associés à la présence de complexes immuns contenant un antigène épithélial tubulaire ont été rapportées dans la littérature.
« Shunt » splénorénal ou hépatorénal :
Dash et al ont étudié l’influence de la dérivation chirurgicale de la circulation portale chez 400 patients présentant une hypertension portale secondaire à une fibrose hépatique non cirrhotique (FHNC), ou à une obstruction du tronc porte d’origine extrahépatique. À 5 ans, chez les patients insuffisants hépatiques avec FHNC, on observait l’apparition d’un syndrome néphrotique dans 32 % des cas ; plus de la moitié de ces malades présentaient une GNMP (avec une prédominance de dépôts de nature immunoglobulines A2). Le groupe ayant une fonction hépatique normale ne développait pas de néphropathie glomérulaire, ce qui suggère un défaut de clairance hépatique des complexes immuns aggravé par le shunt.
AFFECTIONS ASSOCIÉES AUX GLOMÉRULONÉPHRITES MEMBRANOPROLIFÉRATIVES DE TYPE II : LIPODYSTROPHIE PARTIELLE :
Les GNMP à dépôts denses peuvent s’observer isolément ou au cours d’une affection bien particulière, la lipodystrophie partielle.
Cette affection est caractérisée par l’absence de tissu adipeux dans certaines parties du corps, en particulier les membres supérieurs, le tronc et la face. La lipodystrophie partielle s’accompagne généralement d’une hypocomplémentémie et de la présence de C3Nef. L’association fréquente à des lésions rétiniennes (nodules jaunâtres au fond d’oeil), secondaires à des dépôts denses au sein de la membrane basale de l’épithélium pigmentaire, est bien en faveur d’une pathologie systémique.
Traitement médical :
Le traitement des GNMP est loin d’être parfaitement codifié.
L’analyse des résultats thérapeutiques publiés s’avère difficile pour plusieurs raisons : il s’agit le plus souvent d’études rétrospectives non contrôlées, comprenant principalement des GNMP de type I, dont les critères d’évaluation, les durées de traitement et de suivi diffèrent. D’autre part, ces études ignoraient l’association entre les GNMP de type I et le VHC, qui serait à l’origine de plus de la moitié des cas de GNMP de type I, jusqu’alors considérés comme primitifs.
Parmi les différentes approches thérapeutiques réalisées (anticoagulants, antiagrégants, anti-inflammatoires non stéroïdiens, corticoïdes, cyclophosphamide), seule la corticothérapie chez l’enfant et les antiagrégants plaquettaires chez l’adulte ont une efficacité démontrée par des études prospectives, contrôlées et randomisées.
L’utilisation de ces traitements est principalement réservée aux formes idiopathiques de GNMP, en cas de facteurs de mauvais pronostic (protéinurie supérieure à 3 g/j, présence d’une insuffisance rénale, importantes lésions interstitielles…).
CORTICOÏDES :
Les enfants présentant une GNMP idiopathique avec une protéinurie supérieure à 3 g/24 h et une insuffisance rénale peuvent, dans certains cas, répondre à un traitement prolongé par des corticoïdes à fortes doses. Dans l’étude de Tarshish et al, portant sur une population de 80 enfants présentant une GNMP (principalement de type I), un traitement par prednisone à la dose de 40 mg/m2, 1 jour sur 2 pendant 3 à 4 ans, permet de freiner l’évolution vers l’insuffisance rénale sévère. Ainsi, 10 ans après le début du traitement, 61 % des patients traités par prednisone contre 12 % des patients non traités avaient une fonction rénale stable.
Étant donné les effets secondaires de la corticothérapie prolongée à forte dose, des protocoles moins lourds ont été testés. Ford et al ont mené une étude non contrôlée chez 19 enfants présentant une GNMP de type I. Après un traitement initial à la dose de 2 mg/kg de prednisone 1 jour sur 2 (pendant 3 à 4 mois), ils réalisaient une décroissance très progressive jusqu’à une posologie de 20 mg 1 jour sur 2, poursuivie pendant plusieurs années. L’hypertension artérielle présente au départ chez la majorité des patients était contrôlée médicalement. Après 3 à 10 ans de suivi, la majorité des enfants avaient une fonction rénale stable et une nette diminution des lésions glomérulaires (biopsie rénale systématique après 2 ans de traitement).
Les travaux du groupe de Cincinatti corroborent l’intérêt de la corticothérapie à jours alternés dans la prise en charge des GNMP chez l’enfant. Ce même groupe a récemment rapporté l’intérêt limité de cette approche thérapeutique dans les GNMP de type III.
Chez l’adulte, il n’existe pas d’étude satisfaisante évaluant l’efficacité de la corticothérapie dans le traitement des GNMP. Cependant, à la lumière des études pédiatriques, l’utilisation d’une corticothérapie prolongée chez les patients à risque pourrait être tentée.
IMMUNOSUPPRESSEURS :
Une étude réalisée il y plus de 30 ans par Kincaïd-Smith rapportait une amélioration de la survie rénale chez dix patients sur 16 avec l’association cyclophosphamide, dipyridamole et anticoagulants.
Dans deux études contrôlées ultérieures, l’une américaine, l’autre australienne, ce bénéfice n’a pas été retrouvé. Dans l’étude de Cattran et al, utilisant le même traitement chez 59 patients présentant une GNMP, on n’observe pas, après 18 mois d’évolution, de bénéfice significatif du traitement.
PLASMAPHÉRÈSES :
Leur intérêt est peu documenté et très controversé. Leur utilisation en cas de prolifération extracapillaire floride reste discutée.
ANTIAGRÉGANTS PLAQUETTAIRES :
Donadio et al ont évalué, dans une étude contrôlée, l’effet d’un traitement par aspirine (975 mg/j) et dipyridamole (225 mg/j) pendant 1 an, chez 40 patients présentant une GNMP de type I. Ils observaient une nette diminution du nombre de patients évoluant vers l’insuffisance rénale terminale dans le groupe traité (14 % à 3 ans) par rapport au groupe témoin (47 % à 5 ans). Cependant, cette différence disparaissait après 10 ans de suivi, suggérant la nécessité de poursuivre ce traitement pendant plusieurs années. Dans une étude plus récente, Zauner et al ont testé de façon contrôlée l’effet de l’association aspirine-dipyridamole pendant 3 ans, chez 18 patients présentant une GNMP. Les deux groupes bénéficiaient d’une restriction protéique et d’un traitement antihypertenseur adapté. À l’issue de l’étude, il n’existait pas de variation significative de la fonction rénale par rapport aux valeurs initiales ; en revanche, le groupe traité par antiagrégants plaquettaires présentait une diminution franche de la protéinurie par rapport au groupe ayant reçu un traitement placebo.
On admet actuellement que chez l’adulte ayant une GNMP idiopathique, une protéinurie supérieure à 3 g/j ou une fonction rénale altérée, un traitement à base d’aspirine et/ou de dipyridamole peut être essayé.
CAS PARTICULIERS : GLOMÉRULONÉPHRITES MEMBRANOPROLIFÉRATIVES ASSOCIÉES AU VIRUS DE L’HÉPATITE C
Seul un traitement antiviral efficace peut entraîner une diminution de la cryoglobulinémie et des lésions rénales secondaires. Depuis 10 ans, de nombreuses études utilisant l’interféron en monothérapie ont signalé une régression des manifestations rénales sous traitement. Malheureusement, on observe en général une rechute à l’arrêt de l’interféron. De rares obervations sur l’effet d’une bithérapie par interféron-ribavirine chez ces patients ont été rapportées. Au vu des résultats obtenus chez les malades atteints d’une hépatite C chronique traités par l’association interféron-ribavirine (près de 50 % de rémission prolongée), il paraît justifié de proposer à ces patients le traitement antiviral actuellement considéré comme le plus efficace. En pratique, on peut proposer l’association d’interféron-ribavirine pendant 18 mois à 24 mois (contre-indication de la ribavirine si la clairance de la créatinine est inférieure à 50 mL/min).
Enfin, en cas de vascularite « floride » chez ces patients présentant une cryoglobulinémie mixte liée au VHC (insuffisance rénale aiguë, manifestations neurologiques), on utilise dans un premier temps un traitement immunosuppresseur « lourd », associant des bolus de méthylprednisolone, suivis d’une corticothérapie orale, du cyclophosphamide et des échanges plasmatiques. Certaines études non contrôlées ont noté chez ces patients une amélioration franche de la fonction rénale dans 55 à 87 % des cas. Le traitement antiviral est introduit dans un délai de 2 à 4 mois après le traitement initial.
Transplantation :
GLOMÉRULONÉPHRITE MEMBRANOPROLIFÉRATIVE À DÉPÔTS SOUS-ENDOTHÉLIAUX :
La récidive des GNMP de type I après une allogreffe rénale survient dans 20 à 30 % des cas. Cette récidive conduit à la perte du transplant dans 40 % des cas, dans un délai de 40 mois en moyenne après le diagnostic. Le risque de récidive serait plus important en cas de greffe à partir d’un donneur vivant apparenté, et lors d’une deuxième transplantation en cas de récidive sur le premier greffon.
La ciclosporine n’aurait pas d’effet préventif. L’association aspirinedipyridamole pourrait stabiliser la fonction rénale.
En microscopie optique, la récidive peut être difficile à affirmer en raison de la similitude lésionnelle avec la glomérulopathie d’allogreffe. Cependant, l’immunofluorescence et la microscopie électronique permettent de trancher. En cas de récidive, l’immunofluorescence révèle constamment d’importants dépôts glomérulaires de C3 (d’immunoglobulines G et parfois d’immunoglobulines M), à l’inverse de la glomérulopathie d’allogreffe où l’immunofluorescence retrouve principalement des dépôts d’immunoglobulines M. En microscopie électronique, on retrouve des dépôts endomembraneux en cas de récidive, des espaces clairs sous-endothéliaux dans la glomérulopathie d’allogreffe.
Les GNMP de type III pourraient également récidiver après la greffe.
Dans le seul cas publié, le patient a perdu son transplant au bout de 7 ans.
GLOMÉRULONÉPHRITE MEMBRANOPROLIFÉRATIVE À DÉPÔTS DENSES :
Dans ce cas, la récidive est presque constante. Elle est plus facile à affirmer en raison du « marqueur » que constituent les dépôts denses intramembraneux. L’épaississement des membranes basales apparaît d’abord au niveau du hile glomérulaire au contact du mésangium.
Elle est parfois précoce, dès les premières semaines après la transplantation, se traduisant par l’apparition d’une protéinurie de niveau non néphrotique au cours de la première année. La récidive conduit à la perte du transplant dans 10 à 50 % des cas selon les séries. Il n’existe pas de traitement efficace. Les échanges plasmatiques pourraient être intéressants dans les formes sévères.
Comme dans les GNMP de type I, il n’y a aucune relation entre la persistance ou l’apparition d’une hypocomplémentémie après la greffe et la récidive de la maladie.
Malgré la grande fréquence des récidives de GNMP sur le transplant, il reste justifié de transplanter ces patients, puisque les récidives n’ont pas le plus souvent de retentissement clinique notable.
Conclusion :
Le concept de GNMP a beaucoup évolué depuis les descriptions initiales et deux principales entités ont émergé au sein de nombreuses subdivisions morphologiques et immunologiques. D’un côté, le type II, ou maladie des dépôts denses, se caractérise par une transformation dense des membranes basales. De l’autre, les GNMP à dépôts sousendothéliaux, regroupant les types I et III, apparaissent comme des maladies chroniques à complexes immuns. Dans ce groupe, les causes secondaires, notamment infectieuses, sont les plus fréquentes. Les modifications de l’environnement sont, peut-être, à l’origine de la fréquence décroissante des GNMP dans les pays occidentaux. Enfin, l’utilisation de traitements antiviraux efficaces chez les patients présentant une GNMP associée au VHC constitue un réel espoir thérapeutique.