Introduction :
L’insuffisance rénale aiguë (IRA) chez le patient transplanté rénal est une diminution aiguë du débit de filtration glomérulaire (DFG). L’IRA chez le greffé peut être identique dans ses causes à celle des reins propres chez un sujet non transplanté, avec en plus des causes spécifiques liées à l’état de greffon du rein dysfonctionnant. Ces causes spécifiques concernent l’ischémie/reperfusion, le rejet, les anastomoses vasculaires et urinaires, la toxicité des molécules immunosuppressives, les complications de l’immunosuppression. L’avenir du greffon est lié à la précocité du diagnostic et à l’efficacité de la thérapeutique.
Définitions :
Insuffisance rénale aiguë :
L’IRA est définie comme une détérioration rapide (heures, jours ou semaines) du DFG associée à une accumulation de déchets azotés. L’effondrement du débit urinaire est un critère très spécifique d’IRA. Cependant, le débit urinaire n’est pas altéré dans environ 50 % des cas d’IRA et de ce fait les symptômes oligurie et anurie n’ont pas une bonne sensibilité.
Chez le patient greffé rénal existent deux situations : soit l’IRA survient alors que le DFG a normalement augmenté après la greffe, soit il y a une non-récupération initiale d’un DFG dans les délais habituels après la greffe appelée reprise retardée de la fonction (RRF). La RRF est une IRA particulière puisqu’elle est due le plus souvent à des lésions tissulaires acquises chez le donneur ou bien pendant la période de conservation et de déclampage (ischémie/reperfusion) ; les autres causes de RRF n’ont pas obligatoirement un lien avec l’ischémie/reperfusion, mais surviennent précocement au cours des premières heures de la transplantation (complications chirurgicales vasculaires, urétérales, toxicité des traitements, rejet humoral et cellulaire plus tardif). Ces autres causes de RRF sont envisagées avec l’ensemble des causes d’IRA puisqu’elles ne sont pas liées à l’ischémie/reperfusion. Une coexistence est possible entre ces deux types de phénomènes, par exemple celle de phénomènes d’ischémie/reperfusion et de toxicité tubulaire des anticalcineurines.
Les définitions de l’IRA sont multiples ; il n’existe pas de définition reconnue et utilisée par l’ensemble de la communauté néphrologique.
Kellum relève 30 définitions de l’IRA. Ricci, dans une enquête auprès de 560 centres, relève 199 définitions.
Aucune standardisation n’existe sur le niveau de créatininémie, le débit urinaire. Le pourcentage d’augmentation de la créatininémie ou de diminution du DFG en un temps donné paraît être un critère acceptable, mais la notion d’échelle de temps (heures, jours, semaines) doit être précisée.
Il faut aussi avoir à l’esprit en interprétant les variations de créatininémie que la concentration plasmatique de créatinine dépend non seulement des variations de la clairance rénale de la créatinine (filtration plus sécrétion), mais aussi de celles de la production (masse musculaire) et du volume de distribution.
L’International Acute Dialysis Quality Initiative group a proposé une classification de l’IRA appelée RIFLE : risk injury failure loss end stage. Les cinq catégories sont définies en fonction des variations de créatininémie, du débit urinaire et du temps passé en dialyse depuis l’évènement aigu. Le groupe « failure » est celui avec les plus mauvais facteurs pronostiques et la survie rénale la plus mauvaise. Cette classification n’est pas très adaptée à la prise en charge quotidienne des transplantés rénaux, hormis ceux nécessitant une réanimation.
Mehta propose une classification des IRA en quatre stades en fonction de la susceptibilité (DFG antérieur, facteurs de risque : diabète avec microalbuminurie, déshydratation, myélome, insuffisance cardiaque congestive, cirrhose décompensée), de la nature et de la date de l’agression rénale, des variations du DFG (selon RIFLE) et du débit urinaire. La définition de l’IRA doit être adaptée à la population étudiée. Mehta retient 16 définitions différentes et insiste bien sur le choix d’une définition en fonction d’un objectif : l’IRA définie comme la nécessité d’une dialyse n’a rien à voir avec la définition de l’IRA du sujet transplanté qui doit être très sensible afin de dépister le plus tôt possible une dysfonction. La surveillance de la fonction rénale du patient greffé est en effet destinée à donner l’alerte dès le premier retentissement fonctionnel d’un rejet ou d’une autre complication.
Reprise retardée de la fonction :
Le délai variable de reprise de fonction après la période d’ischémie/reperfusion nécessite de définir à partir de quelles valeurs il y a une RRF. Les définitions de fonction du greffon retenues dans la collaboration Cochrane sur l’intérêt des antagonistes des canaux calciques en période de prélèvement et de greffe. Daly rappelle différentes définitions utilisées dans la littérature pour caractériser la RRF. Ces définitions correspondent à une reprise retardée ou à une reprise lente de fonction. Toutes les variantes existent entre l’absence de fonction (s’accompagnant parfois d’une anurie) et la reprise rapide de la filtration glomérulaire avec une filtration glomérulaire normale au quatrième jour comme cela est habituel avec les donneurs vivants :
• le nombre de jours pour obtenir une clairance de la créatinine supérieure à 10 ml/min (Cockcroft) ;
• une créatininémie supérieure à 265 μmol/l (3 mg/dl) le cinquième jour après la chirurgie ;
• la nécessité d’une dialyse dans les 72 heures après la transplantation ;
• une créatininémie ascendante, stable ou diminuant de moins de 10 % par jour durant 3 jours consécutifs dans la première semaine ;
• une créatininémie supérieure au chiffre obtenu avant la chirurgie ou un débit urinaire de moins de 300 ml dans les 6 heures après la greffe avec volémie correcte et diurétiques ;
• une réduction de moins de 30 % de la créatininémie ou moins de 1 litre d’urines dans les 24 premières heures ;
• un rapport de réduction de créatininémie à j2 inférieur à 30 %.
D’autres définitions sont rencontrées. L’incidence rapportée de la RRF en transplantation rénale est variable selon la sensibilité de la définition. Un pourcentage de 20 à 40 % pour les greffes ayant une RRF est rapporté dans la plupart des études publiées. Perico fait état de 4 à 10 % de RRF en cas de donneur vivant et de 2 à 50 % en cas de donneur cadavérique.
Diagnostic de l’insuffisance rénale aiguë chez le greffé :
Mesure de la fonction :
L’objectif est un dépistage précoce, sensible, afin de diagnostiquer rapidement une dysfonction du greffon pour administrer sans attendre la thérapeutique appropriée. Les méthodes de mesure du DFG utilisant des marqueurs externes (inuline, 51Cr- EDTA, 99mTc-DTPA, 125I-iothalamate, iohexol) donnent des valeurs proches des valeurs physiologiques. Ce sont des examens spécialisés utilisés assez largement en recherche clinique mais non en clinique quotidienne en raison de leur complexité et de leur coût, en particulier durant la période aiguë après transplantation.
L’évaluation du DFG par la mesure de la créatininémie est simple, peu précise, mais d’une très grande utilité clinique.
Gaspari et al. ont analysé chez le patient transplanté rénal la performance de 12 équations prédictives du DFG en prenant comme référence la clairance du iohexol ; ils ne recommandent pas ces estimations pour des essais cliniques avec pour critique une surestimation du DFG (de 3,43 à 30,19 %) et une surestimation de la baisse du DFG sur les 15 mois suivant la greffe. Les formules de Walser et MDRD (modification of diet in renal disease) abrégée sont les meilleures dans l’estimation du DFG (celle de Cockcroft et Gault est septième sur 12), et les formules de Walser, et de Cockcroft et Gault, sont les plus proches de la méthode de référence dans l’appréciation de la diminution du DFG dans les 15 mois suivant la greffe. Leurs données indiquent donc une utilisation possible des formules de Walser, MDRD abrégée et Cockcroft et Gault en clinique quotidienne, sachant que seule la formule de Cockcroft et Gault est facilement calculable. La formule MDRD simplifiée est plus performante chez les sujets âgés que celle de Cockcroft et Gault. Cette formule est de plus en plus utilisée.
Une autre étude de Poggio chez le transplanté rénal précise l’approche la plus performante du DFG. La mesure de la créatininémie avec estimation du DFG par le calcul reste donc le moyen le plus pratique, le plus utilisé par les médecins généralistes et les néphrologues pour diagnostiquer chez le greffé l’IRA, et pour apprécier son évolution et les séquelles fonctionnelles. La situation est bien souvent celle d’une IRA sur un fond d’insuffisance rénale chronique. Un autre marqueur, la cystatine C, est actuellement évalué comme indicateur du DFG ; Herget-Rosenthal et al. ont démontré que le diagnostic d’IRA pouvait être plus précoce avec la cystatine C, l’anticipation étant de 1 à 2 jours. Ce dosage n’est pas encore très répandu.
Au cours du suivi d’un patient transplanté, la variation de la fonction est plus importante à considérer que la valeur absolue du DFG, et une simple élévation même discrète de la créatininémie est un signe sensible et spécifique. Les variations de créatininémie non liées aux variations du DFG sont dues à des modifications du volume extracellulaire, qui dans la période postgreffe immédiate ne sont pas négligeables et peuvent expliquer de petites fluctuations de la créatininémie.
La courbe quotidienne de poids doit être disponible au moment d’interpréter en postgreffe immédiat la créatininémie.
Insuffisance rénale aiguë organique ou fonctionnelle ?
Une IRA est, chez le sujet greffé comme dans les autres situations, organique ou fonctionnelle. La distinction est faite en fonction de la présence d’éléments cliniques prédisposant à l’insuffisance rénale fonctionnelle (déshydratation), de la prise de médicaments pouvant modifier le DFG (inhibiteurs de l’enzyme de conversion, antagonistes du récepteur AT1 de l’angiotensine II, anti-inflammatoires non stéroïdiens). Les critères biologiques classiques, pas toujours présents, qui plaident pour une insuffisance rénale fonctionnelle (sodium urinaire bas, rapport sodium/potassium inversé, faible fraction excrétée de sodium et d’urée, rapport de la concentration urinaire sur la concentration plasmatique de créatinine élevé) ont parfois là aussi un intérêt diagnostique.
Insuffisance rénale aiguë chez le greffé rénal Insuffisance rénale aiguë de l’ischémie/ reperfusion :
Ce terme recouvre un ensemble de réactions biologiques qui ont lieu pendant la conservation du rein après son prélèvement (ischémie froide pendant le transport et ischémie chaude essentiellement au moment de la greffe) et au moment de la revascularisation qui survient au déclampage des vaisseaux anastomosés. L’ischémie/reperfusion est responsable d’une reprise retardée de la fonction ou d’une non-fonction primaire définitive. Dahmane et al. ont trouvé 7,7 % de nonfonction dans un groupe de donneurs à risque (reins greffés entre 1992 et 1998 après avoir été refusés par deux équipes) et 1,8 % dans un groupe contrôle. L’ischémie/reperfusion augmente la probabilité de rejet aigu. Elle est aussi associée avec le rejet chronique et la perte de fonction rénale à long terme.
Cliniquement, l’IRA secondaire à l’ischémie/reperfusion se traduit par une non-fonction et une anurie dès la chirurgie réalisée ; cependant, l’anurie peut survenir après 24 heures de diurèse et parfois il s’agit d’une non-fonction à diurèse conservée.
Physiopathologie :
L’ischémie entraîne une diminution du métabolisme oxydatif, une déplétion en adénosine triphosphate (ATP), une inhibition des pompes sodium/potassium/ATPase et une glycolyse anaérobie.
L’accumulation d’acide lactique baisse le pH intracellulaire et fragilise les lysosomes avec une activité protéolytique.
Certains métaux intracellulaires sont sous forme libre et cela génère des radicaux oxygène. Il y a aussi un rôle délétère probable du monoxyde d’azote avec une production de peroxynitrite qui altère les protéines. Les mécanismes cytoprotecteurs mis en jeu pendant l’ischémie seraient moins actifs quand il s’agit de reins prélevés sur des patients en mort cérébrale. La déplétion en ATP entraîne une nécrose ou une apoptose des cellules épithéliales tubulaires. Les produits de relargage des cellules altérées comme la protéine de haute mobilité groupe 1 (HMG-1) entraînent une production de tumour necrosis factor (TNF) alpha et l’infiltration leucocytaire. Les cellules inflammatoires peuvent synthétiser de l’interleukine (IL) 1 qui entraîne la synthèse de TNF et d’IL6 par les cellules tubulaires. Les toll-like récepteurs sont activés par des molécules issues des cellules épithéliales tubulaires et entraînent la synthèse de cytokines inflammatoires par l’intermédiaire du NF-kappa B.
La reperfusion entraîne réchauffement et réoxygénation, retour à un métabolisme aérobie et production d’ATP. Cela s’accompagne aussi d’une synthèse importante d’anions superoxyde, de peroxyde d’hydrogène, avec pour conséquence la peroxydation de lipides de membranes. Les mécanismes antioxydants sont dépassés et il y a mort cellulaire par apoptose.
Ces phénomènes sont responsables d’un relargage de cytokines pro-inflammatoires et de chémokines. L’IL8 et le fragment C5a par exemple sont responsables de l’attraction des polynucléaires. L’expression du gène de l’IL8 (chimiotactisme des neutrophiles et des macrophages) augmente de 50 % au moment de la reperfusion chez un donneur vivant et est multipliée par 13 au moment de la reperfusion d’un rein de donneur cadavérique. Cela démontre bien le lien entre l’importance de l’ischémie et l’inflammation. Les molécules d’adhésion intercellular adhesion molecule (ICAM) 1 et vascular cell adhesion molecule (VCAM) 1 (et leurs ligands, les intégrines des leucocytes) jouent un rôle dans les lésions expérimentales d’ischémie/reperfusion. L’endothéline est responsable d’une vasoconstriction après ischémie/reperfusion. L’immunogénicité de l’allogreffe est augmentée par l’ischémie : il y a en période postischémique une augmentation de l’expression des complexes majeurs d’histocompatibilité en situation tubulo-interstitielle. L’interféron gamma, l’IL10, le transforming growth factor bêta, le granulocyte-macrophage colony stimulating factor sont des médiateurs de cette action. Les protéines modifiées par l’ischémie peuvent devenir antigéniques.
Le système complément est activé après l’ischémie/reperfusion par la voie alterne. En clinique, les rejets aigus sont plus fréquents en cas de RRF dans un grand nombre d’études.
Les agents immunosuppresseurs donnés expérimentalement avant l’ischémie/reperfusion en greffe autologue réduisent l’intensité des lésions. L’inactivation du gène du C3 et de la caspase 3 prévient les lésions d’une ischémie/reperfusion expérimentale chez la souris.
Histopathologie :
En l’absence d’autres phénomènes, la lésion histologique induite par l’ischémie-reperfusion est celle d’une nécrose tubulaire avec dilatation des tubes, perte de la bordure en brosse, nécrose ou apoptose des cellules épithéliales et cylindres. Une infiltration cellulaire tubulo-interstitielle est possible.
Facteurs de risque :
Les facteurs de risque publiés de RRF ont été analysés par Perico et al. Au moment du prélèvement, il s’agit du prélèvement à coeur arrêté, de l’administration au donneur de molécules à effet inotrope, du temps d’ischémie froide. Chez le donneur, ce sont l’âge supérieur à 55 ans, l’hypertension artérielle, le diabète. Chez le receveur, les facteurs de risque sont des composantes hémodynamiques (hypovolémie, hémodialyse avec ultrafiltration dans les 24 heures avant la greffe), le poids du receveur et le nombre de greffes préalables. La difficulté de la chirurgie peut en effet aboutir à des temps d’ischémie chaude délétères pour le greffon.
Traitement :
La prévention des lésions d’ischémie/reperfusion et de RRF est un objectif majeur en transplantation rénale, la RRF étant un facteur de mauvais pronostic à long terme. L’utilisation de solutions de perfusion de seconde génération (solution de l’Université du Wisconsin, Celsior®…), l’expansion volémique du receveur, l’utilisation de diurétiques (mannitol et furosémide) sont d’usage commun. La perfusion continue des reins est encore peu utilisée en France. L’utilisation de bloqueurs des canaux calciques chez le donneur et le receveur a été évaluée par une méta-analyse ; l’effet favorable existe mais n’est pas majeur. D’autres substances ont été proposées à l’expérimentation comme la prostacycline, le peptide natriurétique, les antagonistes sélectifs et non sélectifs des récepteurs de l’endothéline, les antioxydants (N-acétyl-cystéine, inhibiteurs de la monoxyde d’azote synthase) et les facteurs modulant les phénomènes inflammatoires. Il s’agit par exemple des antagonistes du platelet activating factor (PAF) récepteur, anti-TNF alpha, inhibiteurs ou antagonistes de cytokines IL1, IL10, IL13, membrane cofactor protein (MCP) 1, anti-ICAM1, anticorps monoclonal antifacteur B, inhibiteurs du complément, statines, immunosuppresseurs CTLA4-immunoglobulines (Ig), mycophénolate mofétil (MMF), ligand soluble de la P sélectine glycoprotéine.
Il peut s’agir aussi de facteurs de croissance comme l’insulin-like growth factor. Il a été montré expérimentalement chez le cochon qu’une immunosuppression avec le MMF et le tacrolimus diminue la production après la greffe de radicaux libres et de cytokines pro-inflammatoires (TNFa, IL6 et IL8) et augmente l’effet protecteur de l’entraînement à l’ischémie. À l’heure actuelle, peu de traitements spécifiques des lésions d’ischémie/reperfusion sont utilisés en clinique humaine.
En cas de RRF, il faut traiter symptomatiquement le patient et réaliser des biopsies de greffon à intervalles réguliers pour diagnostiquer un éventuel rejet qui ne peut être mis en évidence par l’étude de l’évolution de la créatininémie. La vigilance est d’autant plus nécessaire qu’il existe des facteurs de risque de rejet (immunisation préalable, perte d’un premier greffon de rejet…) et qu’il y a peu de facteurs de risque de nécrose tubulaire (choc chez le donneur, temps d’ischémie longs). La biopsie est pratiquée aussi bien en cas de nonfonction primaire qu’en cas de cassure de la courbe de l’évolution favorable de la créatininémie. Un examen extemporané permet un diagnostic rapide de rejet dans l’heure qui suit la biopsie.
Insuffisances rénales aiguës organiques autres que celles liées à l’ischémie/reperfusion :
Toutes les causes d’IRA sur reins propres peuvent avoir les mêmes effets sur un rein greffé. Il existe aussi des causes spécifiques à la transplantation qu’elles soient liées à la chirurgie de la transplantation, au caractère allogénique de la greffe, aux immunosuppresseurs, au statut d’immunodéprimé ou au traitement des complications infectieuses propres à la transplantation.
Les IRA chez le transplanté peuvent être classées en fonction du délai de survenue ou bien selon le mode de toxicité et la structure rénale altérée. Elles sont décrites selon le point d’impact du phénomène responsable.
Atteintes tubulaires et interstitielles :
Rejets aigus cellulaires et humoraux :
Ils sont moins fréquents avec l’intensification de l’immunosuppression. Rencontrés surtout pendant la première année de greffe (de 10 à 20 % des greffes selon les séries), ils sont de type cellulaire ou humoral. Le rejet aigu cellulaire est le plus fréquent. Il s’exprime par un infiltrat lymphocytaire interstitiel et la pénétration dans l’épithélium tubulaire des lymphocytes du receveur, réalisant un aspect de tubulite. L’intensité des phénomènes est mesurée selon la classification de Banff.
Les rejets borderline et les rejets de grade I-A sont les plus souvent rencontrés. Le traitement est essentiellement à base de stéroïdes. Ces rejets peuvent survenir tout au long de la vie du greffon. Tardifs après 1 an, ils évoquent une interruption du traitement immunosuppresseur. Les rejets cellulaires peuvent être aussi glomérulaires et/ou vasculaires. Les rejets humoraux générés par des anticorps sont plus rares ; ils sont vasculaires, souvent constatés chez des patients immunisés dans le système human leukocyte antigen (HLA) avant la greffe. La présence de la fraction C4d du complément dans les capillaires péritubulaires sur la biopsie est une des signatures des rejets humoraux vasculaires. Les rejets hyperaigus survenant avec des anticorps préformés spécifiques du greffon circulant avant la greffe sont très rares du fait de la détection de cette immunisation spécifique par les techniques de cross match.
Anatomiquement, il y a des lésions thrombotiques intrarénales.
Pyélonéphrite :
Le plus souvent, l’uretère du donneur est implanté dans la vessie du receveur avec reconstitution d’un trajet sous-muqueux antireflux. Il existe cependant un reflux vésico-urétéral chez certains patients ; il s’agit d’un facteur de risque de pyélonéphrite. La pyélonéphrite du greffon a les mêmes caractéristiques que celle des reins propres. La fonction rénale s’altère pendant l’épisode infectieux. Il faut s’assurer de la liberté de la voie excrétrice. L’échographie et si besoin la tomodensitométrie permettent d’éliminer un obstacle et de mettre en évidence les zones inflammatoires parenchymateuses. Le traitement répond aux mêmes impératifs de double antibiothérapie initiale et de durée (3 semaines). La récidive des pyélonéphrites incite à rechercher un reflux par cystographie. Sur une série de 1 022 greffes, Kamath et al. observent 16,5 % de patients ayant fait une pyélonéphrite. Dans cette étude, la mise en place d’un stent urétéral, les malformations urologiques des reins natifs, les infections à cytomégalovirus, le traitement par mycophénolate et les rejets aigus sont des facteurs de risque de pyélonéphrite. Giral et al, dans une série monocentrique de 1 387 patients, recensent 180 cas de pyélonéphrite aiguë du greffon. Cinquante-sept patients ont eu plus d’un épisode de pyélonéphrite. L’épisode de pyélonéphrite n’apparaît pas sur une analyse globale comme un facteur indépendant influençant la survie du greffon. L’épisode de pyélonéphrite aiguë survenant dans les 3 premiers mois de la greffe est un facteur de risque indépendant très significatif de perte du greffon (risque relatif = 3,6 ; p < 0,007). Dans cette série, la pyélonéphrite du greffon est plus fréquente chez la femme, l’infection à cytomégalovirus est un facteur de risque indépendant de pyélonéphrite du greffon et la présence d’Escherichia coli au cours du premier épisode est le seul facteur de risque de rechute identifié.
Infections à polyomaviridae :
Depuis une dizaine d’années, l’infection rénale à BK virus préoccupe les praticiens de la transplantation. BK et JC virus sont des virus de la famille des polyomaviridae. Le BK contre lequel 80 % de la population a des anticorps est un virus capable de détruire le parenchyme rénal des patients immunodéprimés. Le diagnostic est basé sur la présence dans l’urine de cellules tubulaires avec un effet cytopathogène, les decoy cells. Leur absence a un excellent pouvoir de prédiction négatif. Les autres outils diagnostiques sont l’effet cytopathogène vu sur la biopsie du greffon, une immunofluorescence positive de la biopsie rénale avec les anticorps anti SV40, la positivité de l’hybridation in situ et la positivité de la polymerase chain reaction sur le sang et les urines. Certains patients sont traités, en raison de l’infiltrat interstitiel, pour un rejet avant que le diagnostic soit établi. Le traitement est avant tout une baisse de l’immunosuppression, un agent antiviral peut être utilisé, cidofovir ou leflunomide.
Syndromes lymphoprolifératifs :
Les syndromes lymphoprolifératifs après transplantation rénale sont parfois localisés dans le parenchyme rénal ; ils sont alors responsables d’une IRA avec greffon de volume augmenté.
Ce sont des proliférations B (CD20 positives) le plus souvent induites par une infection à virus Epstein-Barr (EBV). L’apparition d’une immunoglobuline monoclonale est souvent associée.
Le diagnostic est anatomopathologique avec les marqueurs lymphocytaires et ceux du virus EBV. Le traitement débute par une diminution de l’immunosuppression puis l’utilisation d’un anticorps monoclonal anti-CD20 ; les chimiothérapies de type CHOP sont utilisées en troisième ligne.
Néphrite interstitielle immunoallergique :
Une néphrite interstitielle immunoallergique avec présence de cellules éosinophiles au sein du tissu interstitiel peut survenir, par exemple, après l’administration d’antibiotiques ou bien au cours d’une infection virale avec d’autres virus que le BK virus, par exemple un adénovirus.
Tubulopathie toxique :
Une tubulopathie toxique est le plus souvent en relation avec l’utilisation d’anticalcineurine. Le suivi pharmacologique (dosage ponctuel ou calcul de l’aire sous la courbe avec un nombre variable de points) est un outil indispensable pour éviter une posologie inadéquate de ciclosporine ou de tacrolimus.
Un surdosage expose à une néphrotoxicité, l’insuffisance de posologie au rejet. L’introduction ou l’interruption de molécules immunosuppressives (mycophénolate) ou non (macrolides, dihydropyridines, anticonvulsivants…) doit s’accompagner d’une interrogation sur l’éventuelle interaction de ces traitements avec le métabolisme de la ciclosporine. La toxicité de la ciclosporine a un tropisme vasculaire (dépôts protéiques) dans la paroi artériolaire) et tubulaire (vacuoles isométriques). L’utilisation du sirolimus est difficile dans la période postgreffe immédiate du fait de sa responsabilité dans le retard de fonction. Cet effet a été attribué à son action antiproliférative. Des cas d’IRA associée à une myoglobinurie ont été décrits avec le sirolimus. Pelletier et al. retrouvent des lésions de nécrose tubulaire chez 10,5 % de l’ensemble des patients greffés entre 2002 et 2004, et dans un quart de ces cas des cylindres de myoglobine qui sont uniquement trouvés chez les patients prenant du sirolimus. L’arrêt du sirolimus a permis de retrouver la fonction rénale antérieure chez ces patients.
Les aminosides doivent être prescrits avec précaution en tenant compte du DFG estimé. Les réinjections sont faites en fonction du taux sérique. La première injection est faite à posologie normale quel que soit le niveau de fonction rénale. Les Ig intraveineuses sont administrées avec des objectifs immunologiques ou anti-infectieux (parvovirus B19). L’insuffisance rénale est due à une néphrose osmotique. La toxicité est plus importante avec les préparations d’immunoglobulines contenant du sucrose. La néphrotoxicité des produits de contraste iodés concerne bien entendu le greffon rénal (angioscanner, artériographie). Si leur administration est nécessaire, il faut prendre les précautions habituelles : correction de toute déshydratation du patient ; arrêt des diurétiques ; alcalinisation ; administration de N-acétyl-cystéine (pas d’argument très fort) ; utilisation des produits les mieux tolérés par le rein.
Obstruction tubulaire :
L’utilisation de sirolimus peut être associée à des épisodes d’IRA. Smith et al. ont rapporté en 2003 une tubulopathie avec cylindres chez des patients traités par sirolimus dès j0 et tacrolimus, les cylindres disparaissaient après l’arrêt du sirolimus.
L’accumulation de chaînes légères et la formation de cylindres tubulaires peuvent entraîner une IRA en cas de dysglobulinémie monoclonale. Ces dépôts de chaînes légères dans les glomérules et les membranes basales tubulaires (kappa plus souvent que lambda) peuvent être à l’origine d’une détérioration du DFG du greffon. Cette maladie des dépôts de chaînes légères peut apparaître de novo ou bien préexister chez le patient avant sa transplantation. Chez 50 à 60 % des patients, il existe une maladie proliférative (myélome le plus souvent), chez les autres la globuline monoclonale est de signification indéterminée. Le syndrome de lyse en cas de traitement d’un lymphome très tumoral chez un transplanté peut être à l’origine d’une IRA.
Lésions glomérulaires :
Le rejet glomérulaire se traduit plus sur un mode chronique avec la glomérulopathie d’allogreffe caractérisée par les images de double contour. La récidive de la maladie initiale glomérulaire (syndrome néphrotique, glomérulosclérose focale et segmentaire) est évoquée par une protéinurie parfois massive et précoce ; la fonction rénale peut se dégrader.
Lésions vasculaires à l’exclusion des microangiopathies thrombotiques :
Gros troncs :
La thrombose artérielle, peu fréquente puisque évaluée à 1 % ou moins des greffes, est une complication qui signe en général la perte du greffon. Le diagnostic est celui d’une anurie postopératoire à redouter surtout s’il n’y a pas de facteur de RRF. Une situation particulière est la compression de l’artère par un lymphome hilaire, compression qui peut évoluer vers la thrombose et l’anurie secondaire. Le diagnostic s’appuie sur l’examen doppler artériel, un angioscanner ou une angiographie par résonance magnétique (angio-IRM). La thrombose veineuse, dont la fréquence est évaluée aux alentours de 4 à 6 % des greffes, peut être favorisée par une thrombophilie chez le receveur ou le positionnement du rein dans la fosse iliaque.
Cette complication est de très mauvais pronostic, la chirurgie est rarement suivie d’effet. L’exploration se fait par doppler, angio-IRM, angioscanner ou angiographie invasive. Une thrombophilie doit être recherchée : déficit en protéines S ou C, mutations du gène de facteurs de la coagulation (facteur V Leiden, prothrombine G20210A…), anticorps antiphospholipides, maladie lupique, anticorps anti-HLA préformés sont des facteurs de risque de thrombose. Une nécrose corticale du greffon a été décrite chez un patient ayant une mutation du gène de la prothrombine G20210A. Les états de thrombophilie doivent être détectés dans les familles à risque afin d’avoir une action préventive. Les manifestations thrombotiques doivent être prévenues en postopératoire (héparine puis aspirine, ou héparine puis antivitamines K).
Une sténose anastomotique ou juxta-anastomotique peut être à l’origine d’une dysfonction du greffon, la prescription de médicaments bloquant le système rénine-angiotensinealdostérone est susceptible dans un tel cas de provoquer une IRA : l’échographie doppler est l’examen de choix, mais l’angiographie IRM est parfois utile. L’angiographie n’est pratiquée qu’avec l’arrière-pensée d’une angioplastie. L’artère iliaque au-dessus de l’anastomose avec l’artère du greffon peut être le siège de lésions athéromateuses évolutives avec ischémie du greffon situé en aval.
L’hématome sous-capsulaire après biopsie de greffon peut s’accompagner d’une IRA pendant quelques jours sans que soient mises en évidence des images échographiques ou densitométriques évoquant un obstacle sur la voie excrétrice. Le mécanisme invoqué est celui d’une augmentation de la pression du greffon (page kidney).
Microvascularisation :
Le rejet hyperaigu par anticorps préformés survient précocement (j0 à j3), avec sur la biopsie des zones d’infarcissement avec des polynucléaires. Le rejet vasculaire cellulaire est C4d négatif avec une atteinte de l’endothélium des vaisseaux, sans nécrose de l’ensemble de la paroi. Le rejet vasculaire anticorpsdépendant (humoral) comporte des dépôts de C4d en immunofluorescence.
Il existe une artérite nécrosante, une nécrose fibrinoïde du mur artériolaire, un infiltrat de neutrophiles ; IgG et C3 sont présents dans le mur des artères. Le rejet humoral non vasculaire est associé à la présence de C4d dans les capillaires péritubulaires. Le rejet vasculaire humoral (induit par les anticorps) se traite par Ig intraveineuses, et échanges plasmatiques et anticorps antiCD20.
L’athérome est fréquent chez les insuffisants rénaux et les manoeuvres endovasculaires, les anticoagulants sont des facteurs de risque d’embolisation du greffon par des cristaux de cholestérol.
Le diagnostic est clinique si une autre localisation est visible comme un livedo, des orteils bleus ou une nécrose punctiforme. La biologie montre une éosinophilie. La biopsie montre les fantômes des cristaux dans les vaisseaux du rein greffé.
Microangiopathies thrombotiques (MAT) :
L’IRA s’accompagne d’une hémolyse avec chute de l’haptoglobine, majoration de l’anémie, augmentation des lacticodéshydrogénases et d’une thrombopénie. Les différents types de MAT peuvent se rencontrer en transplantation rénale. Ils peuvent être secondaires à une récidive de la maladie initiale ou à un effet délétère de certains immunosuppresseurs avec une microangiopathie de novo. Les syndromes hémolytiques et urémiques (SHU) sont soit dus à des toxines bactériennes de type vérotoxine (SHU diarrhée + ), soit secondaires à des déficits congénitaux en facteurs du système complément (facteurs H, I et MCP), soit secondaires à des prescriptions médicamenteuses (contraceptifs, mitomycine C, ticlopidine…). Les SHU diarrhée – sans déficit congénital en facteurs du complément pourraient être associés à des déficits encore non caractérisés. Le purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT) peut soit être dû à un déficit congénital en métalloprotéase clivant le facteur de Von Willebrand (ADAMTS13), soit être secondaire à une immunisation anti-ADAMTS13 avec baisse de l’activité clivante. Dans le premier cas avec déficit congénital, le tableau clinique se rapproche des SHU congénitaux. Après une transplantation, il existe des SHU de novo déclenchés par l’immunosuppression (de 5 à 15 % des malades sous ciclosporine et 1 % des patients sous tacrolimus ; des cas ont été décrits avec les inhibiteurs de mammalian target of rapamycin [mTOR]). La ciclosporine pourrait déclencher une réaction immunitaire contre la protéine ADAMTS13 et ainsi inactiver le clivage du facteur de von Willebrand. Le rejet vasculaire est aussi associé à une immunisation anti-ADAMTS13. Les SHU familiaux associés à des mutations sur des gènes des facteurs H et I du système complément récidivent sur le greffon dans au moins 50 % des cas, 30 jours en moyenne après la greffe. Le risque de perte du greffon est important. Cela doit rendre très prudent vis-à-vis d’un donneur vivant et inciter à mener le plus loin possible l’enquête étiologique (cf. le site de la Société européenne de néphrologie pédiatrique, http://espn.cardiff.ac.uk/).
Si la mutation porte sur la protéine MCP, il n’y a pas de récidive car la protéine non circulante, transmembranaire, est très exprimée dans le rein greffé. Le risque de rechute est de 33 à 56 % chez les patients ayant une MAT idiopathique. Le risque de récidive sur le greffon est négligeable en cas de SHU associé à une diarrhée, chiffré à 0,8 % chez l’enfant. Il est également faible dans le cas de MAT toxiques. En cas d’antécédent de MAT, il faut éviter d’utiliser les drogues potentiellement inductrices de MAT.
Des protocoles avec anticorps monoclonal anti-CD25, acide mycophénolique et corticostéroïdes peuvent être proposés. Le déficit congénital en ADAMSTS 13 expose à des rechutes de purpura thrombotique thrombocytopénique en postgreffe avec probablement un facteur favorisant comme la prescription d’inhibiteurs de calcineurines, de mTOR, un rejet aigu, une infection virale. Le traitement se résume à la perfusion régulière de plasma frais congelé. Le traitement est difficile dans les rechutes de SHU avec mutation des facteurs H et I ; la plasmathérapie est recommandée, la greffe hépatique, théoriquement curative du déficit, n’a pas pour l’instant encore donné de bons résultats confirmés. Le rituximab pourrait être proposé dans les formes de déficit en ADAMTS13 avec anticorps compte tenu de son action chez des sujets non transplantés.
Les MAT de novo associées à la prescription d’un inhibiteur des calcineurines ont un meilleur pronostic que les rechutes ; le traitement comporte l’arrêt des inhibiteurs des calcineurines ; l’utilisation de tacrolimus au lieu de la ciclosporine a pu être proposée, ainsi qu’un apport de plasma frais (échanges plasmatiques), des Ig intraveineuses éventuellement.
Voie excrétrice :
Fistule urinaire (environ 3 %) :
La fuite d’urines se produit en région distale de l’uretère au niveau de la réimplantation vésicale en cas d’anastomose urétérovésicale, ce qui est très majoritairement le cas. Il s’agit soit d’une nécrose urétérale ischémique, soit d’une fuite de l’anastomose chirurgicale. L’échographie met en évidence l’urinome, une tomodensitométrie avec produit de contraste permet de localiser la fuite. Le drain s’il est encore en place permet l’analyse du liquide drainé devenu soudainement plus abondant. La concentration de créatinine dans ce liquide, voisine de celle mesurée dans l’urine, permet de faire le diagnostic de fistule urinaire. Le traitement est chirurgical.
L’uretère du donneur est soit réimplanté dans la vessie, soit anastomosé avec l’uretère propre du receveur. Une plaie urétérale peut survenir plus longtemps après la greffe lors de manoeuvres urologiques endovésicales.
Sténose urétérale d’origine ischémique :
L’uretère du greffon sectionné lors du prélèvement a une vascularisation terminale par des branches des artères du hile rénal. Lors du prélèvement, certains de ces rameaux artériels urétéraux peuvent être endommagés et la partie distale de l’uretère réimplantée dans la vessie du receveur va être ischémique.
Cela se traduit par une sténose survenant dans les semaines suivant la greffe. Cliniquement, il s’agit d’une IRA accompagnée d’une dilatation pyélique et urétérale. Le traitement est soit endoscopique par endoprothèse, soit chirurgical avec les mêmes solutions que celles utilisées pour les fuites urinaires.
Sténose extrinsèque par compression par une lymphocèle :
La lymphocèle, qui peut compliquer la dissection de la fosse iliaque, comprime dans certains cas la voie excrétrice avec dilatation en amont et IRA. Le diagnostic est échographique en montrant les rapports de l’uretère et de la collection lymphatique.
Un uroscanner est parfois utile pour confirmer la relation de cause à effet. Le traitement de la lymphocèle est chirurgical le plus souvent (drainage péritonéal) ; une ponction évacuatrice peut être préalablement tentée dans le but de confirmer la responsabilité de la compression sur la fonction du greffon.
Autres causes de sténose ou d’obstruction urétérales :
Les autres causes de problèmes urétéraux sont le dysfonctionnement de la suture, la torsion de l’uretère (kinking), l’oedème de l’anastomose urétérovésicale, une compression par un hématome, un calcul, une fibrose périurétérale, une anomalie de la jonction chez le donneur, un caillot après biopsie du greffon.
L’uretère peut être obstrué par des caillots à la suite d’une biopsie du greffon. L’obstruction urétérale peut être secondaire à des précipités : Guitard et al. ont publié une observation de lithiase urétérale juxtavésicale de N-acétyl-sulfadiazine chez un malade traité pour une toxoplasmose. Une obstruction urétérale peut être secondaire à la migration d’un calcul transplanté avec le rein. Le cliché sans préparation de la zone, l’échographie et parfois l’uroscanner participent au diagnostic.
La transplantation rénale seule en cas d’oxalose n’est pas conseillée en raison de la récidive rapide des manifestations lithiasiques dans le greffon ; une transplantation foie-rein doit être proposée. Une sténose extrinsèque par masse lymphomateuse est possible. Le traitement est urologique pour assurer le drainage urinaire, dans un premier temps une montée de sonde peut être tentée mais l’orifice urétéral est parfois difficile à cathétériser en raison de sa position dans la vessie chez le sujet greffé. Le traitement du syndrome lymphoprolifératif peut permettre le passage de l’urine ; des solutions urologiques ou radiologiques interventionnelles de drainage doivent être trouvées en attendant.
Obstacle prostatique :
À l’ablation de la sonde vésicale dans les suites de greffe, une rétention vésicale d’urines peut se produire. Les hommes dialysés et anuriques au moment de l’inscription sur une liste de greffe ne sont pas de très bons candidats à une résection d’adénome prostatique ou de col vésical du fait de l’absence de débit urinaire. C’est au moment de l’ablation de la sonde vésicale après la transplantation qu’il faut surveiller le débit de la miction, l’existence d’un résidu postmictionnel, et pratiquer si besoin une résection du col et/ou d’un adénome. Une IRA peut s’installer si la libre circulation de l’urine n’est pas assurée.
Cystite :
Des adénovirus peuvent être responsables de cystite hémorragique, de fièvre, de dysfonction du greffon et de douleurs mictionnelles. Le diagnostic est fait avec la culture des urines et de biopsies à la recherche du virus, la sérologie et l’hybridation in situ. Trente-six cas sur 37 rapportés sont survenus dans la première année de greffe et tous les patients ont spontanément guéri.
Insuffisance rénale fonctionnelle :
De nombreux sujets greffés auront, du fait d’une hypertension artérielle, d’une maladie diabétique, d’une protéinurie, un traitement par inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou antagonistes du récepteur de l’angiotensine II. Il peut même s’agir des deux molécules associées. La vascularisation du greffon peut être compromise du fait d’une néphro-angiosclérose des artérioles ou en raison d’une sténose athéromateuse de l’artère ; dans ces cas, le DFG peut diminuer après prescription de ces molécules. La coprescription de diurétiques peut majorer cet effet des agents bloqueurs du système rénineangiotensine- aldostérone. Il est admis qu’une augmentation de 20 à 25 % de la créatininémie est acceptable si c’est le prix à payer pour un bon contrôle de la pression artérielle et une diminution de la protéinurie. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou les antagonistes du récepteur de l’angiotensine 2 sont bien tolérés en période de postgreffe (3 premiers mois) quand la créatininémie est inférieure à 265 μmol/L.
Conduite pratique :
Les patients greffés rénaux doivent être surveillés selon des procédures précises mentionnant la fréquence des visites et la nature des bilans biologiques et morphologiques pratiqués.
Celles-ci sont variables selon les équipes. La fréquence des mesures de la créatininémie peut être par exemple bihebdomadaire pendant les 3 premiers mois, puis hebdomadaire jusqu’au sixième mois et bimensuelle jusqu’au premier anniversaire de la greffe. La fréquence ultérieure des évaluations dépend de la situation clinique du receveur. Chaque évaluation biologique est suivie d’une consultation médicale qui est effectuée selon les habitudes du centre auprès d’un médecin du centre transplanteur et/ou du néphrologue traitant et/ou du médecin généraliste (volontaire et informé) qui tous les trois consultent un dossier commun (dossier papier circulant avec le patient ou dossier informatisé consultable à distance). Toute dégradation de fonction doit après confirmation entraîner la réalisation d’un bilan adapté après un examen clinique soigneux. L’examen de la progression de la créatininémie sur le moyen terme est riche d’enseignement, une amélioration spontanée après détérioration ne doit pas porter forcément à l’inaction car la fonction peut ainsi se dégrader progressivement.
Une évaluation minimale à réaliser devant une dégradation de la fonction du greffon comporte la prise en compte de l’histoire ancienne et récente du greffon, l’examen clinique, une numération formule sanguine, une échographie du greffon, un dosage de l’anticalcineurine si le malade en reçoit (ciclosporine, Néoral® ou tacrolimus, Prograff®). En premier lieu, l’interrogatoire porte sur d’éventuels nouveaux médicaments pouvant interférer avec le métabolisme des anticalcineurines et en augmenter le taux sérique (macrolides par exemple). Il faut également vérifier l’absence de prescription de médicaments néphrotoxiques les jours précédents, notamment l’administration de produits de contraste iodés. Les molécules bloquant le système rénine-angiotensine sont susceptibles en cas d’introduction ou d’augmentation de posologie, en particulier chez le malade déshydraté, d’entraîner une dégradation de fonction ; cela se produit quand le greffon a une vascularisation altérée. En l’absence d’explication rapidement obtenue, une biopsie du greffon après avoir vérifié l’hémostase doit être réalisée à la recherche d’une cause parenchymateuse (rejet, tubulopathie toxique…).
Traitement de l’insuffisance rénale aiguë sévère postgreffe :
Si, du fait de la sévérité de l’insuffisance rénale, une épuration extrarénale est nécessaire dans les suites d’une greffe, une fréquence quotidienne est conseillée par analogie avec les IRA en général. Schiffl et al. ont montré que l’hémodialyse quotidienne réduit la mortalité sans augmenter la morbidité due à l’hémodynamique. Pour les patients en dialyse péritonéale, il faut reprendre les échanges manuels ou automatiques ; une attention particulière doit être portée aux malades dont la cavité péritonéale aurait été ouverte lors de la greffe, une concertation avec le chirurgien est nécessaire avant de débuter la dialyse péritonéale. Les conditions d’épuration extrarénale applicables aux IRA le sont aussi chez le transplanté. La nutrition pendant cette période est un élément important du pronostic.
La surveillance du rejet est rendue difficile par la non-fonction du greffon et il est important de pratiquer des biopsies du greffon pour s’assurer de l’absence de réaction inflammatoire immunologique. La surveillance bactériologique systématique des urines si il y en a, des éventuels liquides d’épanchement (drain), du liquide de dialyse péritonéale, des orifices naturels, est utile pour dépister au plus tôt un portage, une infection et en envisager le traitement.
Traitement préventif :
Les mesures préventives sont multiples, tant au moment du prélèvement et de la greffe qu’après celle-ci. La réduction des temps d’ischémie froide et chaude est un objectif majeur à prendre en compte dans toutes les modifications d’organisation.
Les mesures de prévention de la néphrotoxicité des médicaments et des produits diagnostiques doivent être systématiques ; il faut s’assurer des taux sériques des médicaments néphrotoxiques et prévenir la néphrotoxicité des produits de contraste (correction de la déshydratation, arrêt des diurétiques avant l’examen, nature et volume de produit de contraste iodé les mieux adaptés, utilisation éventuelle de la N-acétyl-cystéine). En cas de RRF, l’arrêt ou la diminution de posologie des immunosuppresseurs néphrotoxiques doivent être discutés en fonction du profil immunitaire du patient.
Conclusion :
Le débit de filtration glomérulaire à 1 an est un excellent marqueur pronostique de la fonction du greffon à plus long terme, par exemple 5 ans. Il est important de suivre de très près les patients la première année afin de traiter le plus rapidement possible les épisodes d’IRA quelle qu’en soit la cause pour avoir le moins de séquelles possibles. En raison des étiologies d’IRA propres à la situation de transplantation, il est nécessaire d’avoir une collaboration étroite entre le médecin traitant, le néphrologue traitant, les praticiens du centre de transplantation et le pathologiste pour le suivi du patient. Les prochaines années seront celles du diagnostic précoce du rejet et du suivi de l’efficacité thérapeutique par protéomique urinaire et analyse du transcriptome.