Mesure de la fonction rénale par les méthodes radio-isotopiques

Mesure de la fonction rénale par les méthodes radio-isotopiquesIntroduction :

Fonction rénale : quel paramètre choisir ?

Si l’on devait définir la nature de la fonction rénale, on considérerait probablement que le rôle principal du rein est de maintenir l’homéostasie du milieu intérieur. Toutefois, il n’existe pas de paramètre évident qui permette de quantifier directement ce rôle. De plus, le rein a également un rôle métabolique distinct (par exemple la sécrétion d’érythropoïétine ou l’hydroxylation de la 25(OH)-vitamine D. Malgré cette complexité, il a été montré, du fait notamment de la théorie du néphron sain, que le débit de filtration glomérulaire est un paramètre qui reflète bien la fonction rénale et c’est donc le débit de filtration glomérulaire (DFG) ou « glomerular filtration rate » (GFR) qui est classiquement admis comme le paramètre opérationnel de cette fonction. En effet, même s’il existe quelques cas de découplage, la plupart des maladies rénales affectent à la fois les glomérules et les tubules ; la fonction glomérulaire et la fonction tubulaire sont liées par le double mécanisme de balance glomérulotubulaire (positive) et de rétrocontrôle tubuloglomérulaire (négatif). Comme il est bien plus aisé de mesurer de manière fiable la fonction glomérulaire, c’est cette dernière qui est considérée comme la référence.

Certains auteurs ont proposé d’utiliser d’autres paramètres tels que le débit plasmatique rénal (DPR) ou « renal plasma flow » (RPF). Celui-ci pose deux problèmes. D’une part, il n’est pas aisément mesurable, faute d’un traceur purement sécrété avec un coefficient d’extraction constant ; la fraction de filtration des traceurs utilisés est soumise à d’importantes variations intra- et interindividuelles, à la fois dans des circonstances pathologiques et même dans un cadre physiologique. D’autre part, et c’est même plus fondamental, le DPR lui-même est soumis à d’importantes fluctuations physiologiques. Comme, de plus, le rein s’adapte dans une large mesure aux variations du DPR en maintenant le DFG constant, c’est ce dernier qu’il est recommandé de mesurer.

Fonction absolue, fonction relative :

Le plus souvent, il est utile de mesurer la fonction rénale globale absolue, c’est-à-dire le DFG des deux reins de manière groupée. En routine, cette fonction absolue est grossièrement estimée par le dosage plasmatique de la créatinine ; dès qu’une mesure plus juste et plus précise est utile, il faut réaliser une mesure de clairance radio-isotopique.

Parfois, il est utile de mesurer la fonction séparée des reins, c’est-à-dire la part respective de chacun d’entre eux dans la fonction globale. Si la technique de référence consiste à cathétériser les uretères pour faire un recueil séparé des urines, elle n’est quasiment plus jamais pratiquée, du fait de son caractère invasif, et est en pratique remplacée par une mesure scintigraphique. La scintigraphie permet de déterminer la part relative des reins.

C’est uniquement l’association des deux examens (clairance et scintigraphie) qui permet de mesurer de manière fiable la fonction individuelle absolue de chacun des reins. Notons que la mesure d’une fonction individuelle prend un sens non seulement pour distinguer la part du rein droit et la part du rein gauche, mais encore pour distinguer reins transplantés et reins natifs lorsque ces derniers conservent une part de fonction.

Au total :

Cette partie traite donc des techniques isotopiques de mesure de la fonction rénale globale (ou absolue) par les techniques de clairance, plasmatique ou urinaire. Ce document est en accord avec les consensus internationaux sur le sujet, qui datent de 1996 et 1999, mais qui sont toujours d’actualité.

L’association d’une clairance à une scintigraphie rénale (qui permet la détermination de la fonction relative, c’est-à-dire du pourcentage respectif de fonction de chacun des reins) permet donc de connaître la valeur individuelle de la fonction de chacun des reins.

Radiopharmaceutiques :

Un des principaux rôles du rein est de maintenir constant le volume des liquides extracellulaires. Pour assurer cette fonction, une régulation fine de plusieurs processus physiologiques intervient dans les différentes régions du néphron et notamment au niveau de la filtration glomérulaire, de la réabsorption et de la sécrétion des électrolytes et des petites molécules dans le tubule, et enfin du processus de concentration-dilution de l’urine finale.

La connaissance précise de la pharmacocinétique des radiotraceurs utilisés pour la mesure radio-isotopique de la fonction rénale est essentielle pour l’interprétation des résultats ainsi que la connaissance des limites des techniques employées.

Rappelons tout d’abord que l’ultrafiltration glomérulaire d’une molécule, et donc d’un radiopharmaceutique, dépend essentiellement de quatre facteurs :

• la différence de pression hydrostatique entre les capillaires glomérulaires et celle de l’espace de Bowman ;

• la surface effective de filtration, réduite dans les pathologies rénales chroniques ;

• les caractéristiques intrinsèques physicochimiques de la molécule étudiée (masse moléculaire, taille, charges électriques de surface) ;

• et la liaison de cette dernière aux protéines plasmatiques, et notamment à l’albumine.

Des mécanismes de transport, passifs ou actifs, assurent les fonctions de réabsorption ou de sécrétion des électrolytes et des petits solutés au niveau des différents segments du tubule rénal.

Si des phénomènes de sécrétion participent de façon majeure à l’élimination de certains traceurs tels que les anions organiques (PAH, MAG3, IOH, LL-EC…), il n’a pas été montré à ce jour une intervention de systèmes de réabsorption pour les radiotraceurs disponibles. La sécrétion proximale est assurée par un antiport situé à la face basolatérale de la cellule tubulaire proximale qui permet l’entrée de l’anion organique en échange d’un dicarboxylate, l’alpha-cétoglutarate. Le couplage de cet échangeur d’anions avec un cotransporteur Na+/dicarboxylate et la pompe Na+K+ adénosine triphosphatase (ATPase) fournit l’énergie nécessaire au maintien du processus. Au pôle apical, les anions organiques diffusent de façon passive selon leur gradient de concentration dans la lumière tubulaire (échangeur d’anions et/ou diffusion facilitée). Cette sécrétion est donc relativement stéréospécifique, saturable et surtout peut être inhibée par des agents compétitifs comme le probénicide.

Comme tous les autres radiopharmaceutiques (médicaments disposant d’une autorisation de mise sur le marché [AMM]), les traceurs utilisés en clinique pour l’évaluation de la fonction rénale sont formés d’une molécule vectrice et d’un radionucléide émetteur gamma permettant sa détection externe. Les trois principaux radionucléides employés sont le 99mTc, l’iode 123, 125 ou 131 et le chrome 51. D’un point de vue pragmatique, les radiopharmaceutiques utilisés en diagnostic peuvent être classés en quatre groupes :

• ceux destinés à évaluer le débit plasmatique rénal, par exemple dans le suivi des transplants rénaux ;

• ceux qui permettent la mesure du débit de filtration glomérulaire ;

• ceux qui estiment la « masse fonctionnelle rénale » ;

• et ceux qui permettent le diagnostic d’atteintes rénales au cours de processus infectieux ou tumoraux.

Traceurs pour la mesure du débit de filtration glomérulaire :

Les caractéristiques du traceur idéal pour cette mesure sont :

• pureté et stabilité radiochimique ;

• absence d’effet pharmacodynamique ou toxique, rénal ou systémique ;

• molécule librement filtrée sans réabsorption ni sécrétion tubulaire rénale ;

• absence de liaison aux protéines plasmatiques ; facilité de dosage dans le plasma et les urines.

Les radiotraceurs employés sont donc de petites molécules (PM < 5 000), hydrophiles, ayant une très faible affinité pour les protéines plasmatiques. L’inuline a longtemps été l’étalon de référence pour cette mesure, mais la survenue de réactions anaphylactiques a conduit à son retrait, limitant son usage à l’expérimentation animale. Deux traceurs, ayant un coefficient d’extraction proche de 20 % au premier passage et une très faible dosimétrie, sont actuellement disponibles :

• l’acide diéthylène penta-acétique marqué au technétium 99m ou 99mTc-DTPA, utilisé à la fois en scintigraphie et pour les explorations fonctionnelles ;

• l’éthylène diamine tétra-acétate marqué au chrome 51 ou 51Cr-EDTA, réservé aux explorations fonctionnelles.

Les résultats rapportés dans la littérature concernant la fixation aux protéines plasmatiques sont discordants, car ils sont fondés sur des méthodes différentes (ultrafiltration, filtration sur gel, mesure sur plasma in vitro ou in vivo) mais cette fixation reste faible. Pour les méthodes d’ultrafiltration, la correction de l’effet Donnan est à prendre en compte car l’EDTA et le DTPA marqués sont chargés aux pH physiologiques.

Diéthylène-penta-acétate (99mTc-DTPA) :

Le DTPA, complexe octaédrique insoluble dans les lipides et portant deux charges négatives à pH 7, fut employé initialement comme chélateur des métaux lourds avant d’être utilisé en médecine nucléaire à partir de 1970. Le DTPA est essentiellement éliminé par filtration glomérulaire, sans réabsorption ni sécrétion tubulaire, comme l’ont démontré les travaux de microponction et de microperfusion in vivo chez le rat. Une très faible excrétion extrarénale (< 5 %) a été rapportée par certains auteurs. Les principales limitations à son emploi sont une liaison aux protéines plasmatiques variable (jusqu’à 10 %) – d’où une tendance à sous-estimer le DFG – et la nécessité d’un respect rigoureux des conditions de préparation des trousses (faible stabilité du complexe 99mTc-DTPA, diminution de la formation de complexes en cas de traces d’autres métaux lourds compétitifs, délai entre préparation et injection). Les dernières trousses commercialisées ont des stabilités améliorées. Ces limitations sont néanmoins compensées par une facilité de préparation de la trousse, un faible coût et une bonne reproductibilité des mesures de DFG.

La clairance du 99mTc-DTPA a une corrélation linéaire excellente avec les autres méthodes de référence de mesure du DFG, avec un ratio de 0,92 à 0,97 dans la littérature.

Éthylène-diamine-tétra-acétate (51Cr-EDTA) :

Utilisé depuis 1966, ce chélateur hydrophile, stable in vivo et in vitro, a une haute pureté radiochimique et une faible liaison aux protéines plasmatiques ; il est uniquement filtré sans captation par les cellules tubulaires. Sa clairance extrarénale est très faible et, à 24 heures, on ne retrouve que moins de 1 % de la radioactivité injectée. Sa faible dosimétrie justifie son emploi tant chez l’adulte que l’enfant.

La clairance urinaire du 51Cr-EDTA est plus faible d’environ 5 % que celle de l’inuline mais, du fait de l’existence d’une excrétion extrarénale, la clairance plasmatique du 51Cr-EDTA est très proche de la clairance de l’inuline. Bien qu’aisément disponible en Europe, ce traceur n’est pas commercialisé aux États-Unis.

Autres traceurs :

Nous ne ferons que citer l’iothalamate, agent de contraste pour les examens radiographiques dont le marquage à l’iode 125 ou 131 permet l’usage comme traceur pour l’étude de la fonction glomérulaire. Malheureusement, une fixation variable et non négligeable aux protéines plasmatiques (jusqu’à 15 %), une sécrétion tubulaire variable avec le degré d’insuffisance rénale, ainsi qu’une élimination extrarénale rendent délicate l’interprétation des résultats pour cet agent, commercialisé en Amérique du Nord.

Traceurs pour l’évaluation du débit plasmatique rénal :

Le chef de file de ces produits est l’acide amino-hippurique (PAH), anion organique subissant une très forte extraction de premier passage dans le rein par filtration glomérulaire (25 %) et par sécrétion tubulaire proximale (75 %). Cette clairance rénale très élevée est donc un excellent indicateur du débit plasmatique rénal « effectif ».

Ortho-iodo-hippurate ou hippuran (123I-OIH) :

Analogue du PAH, l’ortho-iodo-hippurate ou hippuran (OIH) marqué à l’iode 123 ou 125 a été très largement utilisé comme traceur de référence. Son emploi est néanmoins limité par des considérations liées à la radiochimie (risque de radiolyse, coût et disponibilité de l’iode 123). Surtout, le processus de sécrétion de l’OIH et du PAH est un transport secondairement actif dépendant de la réabsorption du Na+ ; ceci explique l’inhibition compétitive de ce transport observée avec le probénécide, mais aussi avec des antibiotiques, des antimitotiques ou des antiinflammatoires non stéroïdiens (AINS). Enfin, si l’hippuran, marqué à l’iode 131, plus irradiant, est disponible, l’hippuran, marqué à l’iode 123, n’a actuellement plus d’AMM en France.

Mercapto-acétyl-triglycine (99Tc-MAG3) :

Le mercapto-acétyl-triglycine (MAG3) est un complexe polaire lipophile qui contient un groupe carboxylique de pKa 4,27, d’où sa forme anionique au pH sanguin. L’hippuran et le MAG3 partagent un groupement de configuration spatiale proche. Ceci explique que le MAG3 soit aussi sécrété via le transporteur des anions organiques (organic anion transport [OAT]) dans les cellules tubulaires de la partie distale du tube proximal, comme démontré par les travaux de microponction chez le rat. Très fortement lié aux protéines plasmatiques, ce radiotraceur a un coefficient d’extraction rénale d’environ 60 %, majoritairement par sécrétion tubulaire (90 % de l’extraction chez le rat et 95 % chez l’homme) et très faiblement par filtration glomérulaire (5 à 10 %). À noter que le tubule rénal a une plus forte capacité sécrétoire pour l’OIH que pour le MAG3.

Une élimination hépatobiliaire est à l’origine de la majorité de l’excrétion extrarénale, de l’ordre de 10 %, pouvant parfois induire la visualisation du foie et de la vésicule biliaire lors de scintigraphies rénales au MAG3 chez l’homme. La préparation de ce radiopharmaceutique à partir de la trousse commerciale nécessite un éluat frais de technétium 99m et un chauffage à 100 °C pendant 10 minutes ; un mauvais respect de la procédure peut conduire à un taux d’impuretés plus élevé, d’où une augmentation de l’excrétion hépatobiliaire.

Les limites à son utilisation sont la variabilité dans le taux d’impuretés lors de la préparation de la trousse et la grande variabilité du coefficient d’extraction, qui est plus bas que celui observé avec l’OIH. Néanmoins les avantages du MAG3 sont son marquage au 99mTc, d’où une facilité d’approvisionnement, et des images du parenchyme rénal et de l’arbre excréteur de qualité supérieure à celles obtenues avec l’OIH, ce qui permet une étude satisfaisante du drainage urétéral et d’éventuels reflux.

Éthylènedicystéine (99Tc-L, L-EC) :

Ce métabolite polaire de l’ECD, traceur utilisé pour la perfusion cérébrale, a fait l’objet de nombreuses études précliniques et cliniques, mais n’a pas d’AMM ni en Europe, ni aux États-Unis. Il est vraisemblable que l’EC soit sécrété par le même transporteur tubulaire que le MAG3 et l’OIH.

Traceurs pour l’évaluation de la « masse fonctionnelle rénale » :

Acide dimercaptosuccinique (99Tc- DMSA) :

La structure chimique du DMSA technétié n’est pas complètement élucidée. Le complexe est composé de plusieurs formes isomériques, la forme méso pour 90 % et les énantiomères (d,l) pour 10 %. Le technétium est au degré d’oxydation T (III) dans le complexe rénal formé à pH acide. En cas de réduction partielle, le complexe formé de type T (V) aura un tropisme essentiellement osseux et non pas rénal.

La fixation intrarénale précise du DMSA fait toujours l’objet de discussions, malgré de très nombreux travaux de biodistribution, de microponction et d’autoradiographies. Le DMSA s’accumule dans le cortex rénal avec une activité négligeable dans la médullaire et la papille (rapport cortex/médullaire d’environ 22). Le radiotraceur est retrouvé dans le cytoplasme des cellules tubulaires proximales. La filtration glomérulaire du DMSA est très faible. La captation du 99Tc- DMSA est saturable et dépendante du pH urinaire ; elle est altérée dans des pathologies du tubule proximal (syndrome de Fanconi) et lors de toxicités rénales induites par la gentamicine, le cis-platine ou l’ifosfamide. Ceci avait suggéré une réabsorption tubulaire du DMSA mais qui n’a jamais pu être mesurée directement, notamment lors de microperfusions in vivo chez le rat. La majorité des travaux expérimentaux privilégient l’extraction du DMSA à partir des liquides péritubulaires comme principal mécanisme de captation. Le DMSA fait l’objet d’une extraction extrarénale très faible, notamment au niveau du foie. Elle peut être augmentée en cas d’insuffisance rénale, d’acidification des urines ou d’impuretés dans la préparation.

Du fait de son temps de résidence, le DMSA est un radiopharmaceutique de choix pour obtenir des images du cortex rénal avec une grande résolution. En effet, bien que la vitesse de transfert du sang vers le parenchyme rénal soit relativement faible, la captation atteint un plateau d’environ 50 % de la dose administrée 2 heures après l’injection.

Mesure de la fonction absolue :

Traceurs :

Pour mesurer le débit de filtration glomérulaire (DFG), il faut disposer d’une substance librement filtrée (donc de relativement petite masse moléculaire), non fixée aux protéines, non sécrétée et non réabsorbée. Il faut de plus que cette substance soit non toxique et aisément dosable.

Traceurs endogènes :

La substance de très loin la plus communément employée est une substance endogène : la créatinine. Malheureusement, elle ne répond pas idéalement aux critères précités : elle peut être excrétée par sécrétion tubulaire, son dosage n’est ni standardisé ni précis et sa production endogène variable, à la fois entre individus et dans le temps chez un individu donné. Elle pose donc de sérieux problèmes méthodologiques pour en déduire une valeur fiable du DFG.

En routine clinique, l’estimation de la fonction rénale est généralement assurée par le dosage plasmatique de la créatinine.

Les formules estimant le DFG à partir de la créatininémie (Cockcroft et Gault et plus récemment MDRD pour l’adulte ; Schwartz et Counahan et Barratt pour l’enfant) sont considérées comme plus fiables que la simple créatininémie et même que la clairance urinaire de la créatinine, peu reproductible.

Du fait de la disponibilité limitée des techniques de mesure du DFG, la conférence de consensus française recommande, en routine, d’utiliser des méthodes d’estimation du DFG. Toutefois, la même conférence de consensus précise que « 20 à 35 % des patients admis en dialyse sont adressés aux néphrologues moins de 6 mois avant la mise en dialyse…

Cette prise en charge néphrologique tardive a des conséquences néfastes pour le patient. » Les résultats donnés par l’estimation de Cockcroft et Gault sont à la fois biaisés (de 9 ml min–1 en moyenne) et imprécis (avec un écart-type de 16 ml min–1) : la valeur rendue a donc un intervalle de confiance à 95 % de 64 ml min–1 de largeur, ce qui correspond à la fonction normale d’un rein ! On peut aussi noter qu’après néphrectomie chez un patient sans insuffisance rénale, il est habituel d’observer que la créatininémie n’augmente pas ou peu (et qu’en conséquence, le DFG estimé par la formule de Cockcroft et Gault, ou par la formule MDRD, ne diminue pas ou peu…). Force est donc de constater que ce simple dosage ne permet pas un dépistage précoce ni un suivi fiable de l’insuffisance rénale. Enfin, la formule de Cockcroft et Gault est inadaptée aux sujets obèses ou âgés. On peut également noter qu’il existe de nombreuses techniques de dosage de la créatininémie dont les résultats ne sont pas toujours concordants. Une étude française récente conclut même qu’en l’état actuel, la variabilité entre les différentes techniques de dosage rend impossible l’estimation du DFG à partir de la créatininémie. De même, la validité de l’approche consistant à utiliser uniquement la formule MDRD reste encore très discutée aux États-Unis.

Traceurs exogènes : les isotopes ont-ils encore une utilité dans la mesure de la fonction rénale ?

Parmi les substances exogènes, on peut distinguer les traceurs « froids » : principalement inuline et iohexol et les traceurs radioactifs. La technique historique de référence (la clairance de l’inuline) n’est plus réalisable en France, l’inuline n’étant plus commercialisée comme médicament à usage humain, contrairement aux radiopharmaceutiques glomérulaires (51Cr-EDTA et 99mTc-DTPA). Les activités injectées pour la détermination d’un DFG sont minimes et n’entraînent qu’une irradiation négligeable (de l’ordre de celle induite par une radiographie pulmonaire). Ils n’ont strictement aucune toxicité (contrairement aux produits de contraste iodés tel l’iohexol).

Leur dosage est extrêmement sensible et permet donc des mesures précises. Les techniques isotopiques ont en revanche l’inconvénient d’être actuellement limitées à des centres spécialisés. Toutefois, elles restent le seul moyen actuel de mesurer (et non simplement d’estimer) un paramètre aussi important que la fonction rénale. Nous pensons donc qu’elles ont un rôle à jouer, y compris en pratique de routine.

Parmi les radiotraceurs, la substance de référence est le 51Cr-EDTA. Ce traceur a une grande stabilité à la fois in vivo et in vitro. Il est aisément disponible en Europe, mais ce n’est pas le cas partout dans le monde (il n’est notamment pas commercialisé aux États-Unis). Ce traceur a une clairance urinaire un peu plus faible (de l’ordre de 5 %) que celle de l’inuline (probablement du fait de sa charge négative) ; il a aussi une faible clairance extrarénale (de l’ordre de 4 ml min–1). Ces deux imperfections se compensent et, au final, la clairance plasmatique du 51Cr-EDTA est très voisine de la clairance de l’inuline.

L’activité typique injectée pour un examen est de 7 MBq.

Le 99mTc-DTPA est également un excellent traceur à condition d’avoir vérifié l’absence de fixation aux protéines de la préparation utilisée. En effet, les études publiées divergent sur le taux de fixation aux protéines. L’activité habituellement injectée pour une clairance est de l’ordre de 10 MBq. Si l’on injecte davantage, on peut réaliser dans le même temps une scintigraphie rénale dynamique.

Le diatrizoate n’est pas utilisé en France. Certains produits de contraste iodés sont parfois utilisés : l’iohexol est notamment un traceur glomérulaire non radioactif dont la clairance peut fournir une mesure précise du DFG à condition qu’il soit dosé par chromatographie liquide haute performance (HPLC), technique lourde, le dosage par fluorescence étant plus simple mais n’apportant pas la précision nécessaire.

Clairance urinaire :

Une clairance peut être déterminée soit par la disparition de la substance du plasma (clairance plasmatique), soit par la captation rénale (scintigraphie), soit enfin par l’apparition de la substance dans l’urine (clairance urinaire).

Principes généraux :

La clairance urinaire est parfois appelée clairance rénale (il faut cependant noter que, bien que clairances rénale et urinaire soient synonymes vis-à-vis des traceurs glomérulaires, ce n’est pas le cas général ; par exemple, le DMSA est en partie filtré et en partie capté, sans sécrétion, par les cellules tubulaires : sa clairance rénale excède donc sa clairance urinaire). La clairance est définie comme le débit imaginaire de plasma totalement épuré d’une substance. On peut donc exprimer ce débit comme le débit urinaire corrigé du rapport entre concentrations urinaire et plasmatique :

Cl = U P

Å~V= UÅ~V P (1) où V est le débit urinaire et U et P les concentrations respectives du traceur dans l’urine et le plasma. Par exemple, si la substance est deux fois plus concentrée dans l’urine que dans le plasma, chaque litre d’urine correspond à l’épuration de 2 l de plasma. Si le débit sanguin rénal est noté F, le débit de traceur extrait est :

UV= F PA PV (2) où PA et PV sont les concentrations artérielle et veineuse du traceur. Le coefficient d’extraction, défini comme le rapport entre la différence artérioveineuse et la concentration artérielle,

E = PA PV PA (3) caractérise la propension d’un organe à extraire une substance.

Des équations (1), (2) et (3), on peut conclure que la clairance est donnée par :

Cl = EF (4)

La clairance est donc le produit du débit plasmatique rénal et de son coefficient d’extraction (qui caractérise son efficacité propre).

C’est la raison pour laquelle la clairance est un bon paramètre pour caractériser la fonction des reins dans leur état de perfusion effectif. Tout se passe comme si le rôle du rein était d’extraire la créatinine (ou tout autre traceur glomérulaire) du plasma. Bien entendu, il faut garder à l’esprit que cela n’est qu’une manière de quantifier la fonction et que le rôle du rein est de préserver l’homéostasie. Le débit plasmatique varie bien plus que la clairance et des phénomènes de régulation compensent les variations de débit par des variations opposées du coefficient d’extraction de manière à maintenir, dans une large mesure, le DFG constant.

D’après l’équation (1), pour une mesure correcte, il est nécessaire que la clairance C et la concentration plasmatique P soient constantes pendant la mesure. Bien qu’il existe des variations nycthémérales du DFG, elles sont de faible amplitude et généralement lentes par rapport aux durées des périodes de recueil urinaire. Afin de ne pas majorer les variations du DFG, le sujet doit éviter les efforts importants ou l’absorption de protéines animales pendant ou juste avant la mesure. Pour limiter la variation de P, deux protocoles sont envisageables :

• soit une injection intraveineuse directe (IVD) suivie par des recueils urinaires avec prélèvements sanguins pendant de courtes périodes (durant lesquelles P est supposé relativement constant) ;

• soit une perfusion continue qui permet d’atteindre un plateau pour P.

Il est même possible d’utiliser une injection sous-cutanée (technique utilisée aux États-Unis avec l’iothalamate).

L’intérêt de ces techniques urinaires est que seule l’excrétion rénale est prise en compte (l’éventuelle captation par un autre organe n’introduisant pas de biais) : ces techniques sont donc très justes. Leur inconvénient est la nécessité de recueil urinaire, qui induit de grandes fluctuations du fait de résidus vésicaux non négligeables, même pour des sujets normaux (la technique de référence pour un recueil urinaire fiable impose un cathétérisme urétral et un lavage vésical avec insufflation d’air pour vider la vessie ; cela n’est évidemment plus jamais utilisé en pratique !).

Afin de limiter les fluctuations, il est indispensable de réaliser la mesure sur plusieurs recueils urinaires consécutifs qui sont ensuite moyennés. Le débit urinaire doit également être suffisant (en principe supérieur à 3 ml min–1 ; toute valeur inférieure à 1ml min–1 invalidant la mesure). Il a également été proposé, dans le cas du DTPA, de suivre la miction par gamma-caméra afin d’estimer le résidu vésical. Il faut enfin noter que les techniques urinaires ne prennent pas en compte le temps de transit intrarénal et urétéral (cela joue peu en pratique, sauf pendant les premières minutes qui suivent l’injection du traceur).

Clairance urinaire après injection unique :

Après injection du traceur, le DFG est calculé sur plusieurs périodes successives selon la formule (1) avec des recueils urinaires et des prélèvements plasmatiques. Le résultat final est donné par la moyenne des valeurs obtenues sur chacune des périodes. La dispersion des valeurs (écart-type) renseigne sur la précision obtenue. En pratique :

• le patient doit rester relativement au repos, sans effectuer d’effort important ;

• le patient ne doit pas absorber de protéines animales juste avant, ni pendant la mesure ;

• une hydratation correcte est souhaitable (par exemple : 7 ml kg–1 per os en début d’épreuve avec compensation ultérieure des pertes volume à volume) ;

• le débit urinaire doit être contrôlé et idéalement supérieur à 3 ml min–1. Toute période pour laquelle le débit est inférieur à 1 ml min–1 ne doit pas être prise en considération dans le calcul final ;

• l’injection est classiquement faite en IVD en embole ; toutefois, tout autre type d’injection reste valide ; en particulier, une extravasation de traceur n’invalide pas la technique ;

• au moins trois recueils urinaires doivent être réalisés avec minutage strict (durée typique de 30 à 60 minutes) ;

• les recueils commencent classiquement 1 heure après l’injection et se poursuivent pendant plusieurs heures ;

• les prélèvements plasmatiques sont à réaliser approximativement au milieu des périodes de recueil urinaire.

Clairance urinaire en perfusion continue :

Pour cette technique, la concentration plasmatique est quasiment stable, en plateau, une fois l’état stationnaire atteint.

Le principe est le même que pour la technique urinaire en injection unique, excepté pour le mode d’injection : une perfusion est réalisée à débit constant. Cette technique, un peu plus lourde, présente l’avantage que l’hypothèse de stabilité de P pendant les périodes de recueil devient plus réaliste, ce qui améliore la précision de la mesure. De plus, des épreuves dynamiques (mesure de base puis après stimulation), détaillées plus bas, sont rendues possibles par cette technique. Les détails de l’injection sont précisés en encadré ci-contre.

Clairance plasmatique :

Sous l’hypothèse que la disparition du traceur du plasma et son apparition dans les urines soient égales, on peut utiliser une technique de clairance plasmatique au lieu d’une technique de clairance urinaire. On gagne ainsi en simplicité et en précision mais on perd en justesse puisqu’il peut exister une clairance extrarénale du traceur. En pratique, si la fonction rénale n’est pas effondrée et en dehors des cas d’ascite, d’oedèmes ou de troisième secteur, le biais dû à la clairance extrarénale reste négligeable. Les techniques plasmatiques sont donc largement utilisées.

Clairance plasmatique en perfusion continue :

Le principe de cette technique est similaire à celui d’une clairance urinaire. Simplement, au lieu de déterminer le débit urinaire de traceur U Å~ V on considère le débit perfusé de traceur noté R. Cette approche devient valide dès que le traceur atteint un état stationnaire, c’est-à-dire lorsqu’on aboutit à un plateau de concentration plasmatique du traceur. Les entrées (R) sont alors égales aux sorties (U Å~ V). La clairance est alors simplement :

Cl = R P (5)

En pratique, il s’agit donc de réaliser des prélèvements plasmatiques jusqu’à l’obtention d’un plateau de concentration P. La pompe de perfusion doit être correctement calibrée et, surtout, avoir un débit constant. L’activité spécifique de la solution perfusée peut être obtenue en « perfusant » des tubes de comptage dans des conditions identiques. Afin d’accélérer l’obtention du plateau, il est conseillé de débuter l’épreuve par l’injection d’une activité de charge.

Exemple : supposons que les tubes standards de 3 ml contiennent 450 000 cpm, l’activité spécifique de la solution perfusée est de 150 000 cpm ml–1. Si le débit perfusé est de 40 ml h–1, soit 2/3 ml min–1, la valeur de R est de 100 000 cpm min–1. Un plateau plasmatique à 2 000 cpm ml–1 correspond alors à une clairance de :

Cl = R

P = 100 000 cpm ⁄ min

2 000 cpm ⁄ ml = 50 ml ⁄ min (6)

Cette technique est extrêmement robuste et limite considérablement le risque d’erreur importante. Elle présente également l’avantage de permettre des épreuves dynamiques : après la détermination d’un premier plateau de base, un second plateau peut être mesuré dans des conditions de test.

L’inconvénient de la technique est qu’elle impose une perfusion au patient pendant 4 à 5 heures. Par ailleurs, l’accumulation d’impuretés du traceur dans le plasma peut biaiser de façon modérée les résultats. Enfin, du fait de la présence de compartiments à échanges lents, la clairance plasmatique peut surestimer la clairance urinaire. Cette technique est souvent présentée comme lourde et difficile à mettre en oeuvre. Le matériel spécifique nécessaire (une pompe à débit continu) est pourtant disponible dans de nombreux services cliniques ; de plus, après quelques mois d’adaptation, les infirmier(ière)s qui réalisent cette technique ne la considèrent pas plus lourde à mettre en oeuvre que les techniques en injection unique.

Épreuves dynamiques (mesure du débit de filtration glomérulaire de base et après stimulation) :

La mesure de la réserve de filtration glomérulaire fait appel à une mesure de DFG de base suivie d’une seconde mesure sous stimulation par dopamine et/ou acides aminés néoglycogéniques : arginine, glycine, histidine, méthionine, proline, sérine. De même, il peut être utile de déterminer s’il existe une baisse du DFG sous inhibiteur de l’enzyme de conversion.

Pour ces techniques dynamiques imposant la mesure du DFG sous deux conditions différentes, il est nécessaire d’utiliser une méthode de perfusion continue.

Méthodes par détection externe :

Les méthodes par détection externe, que ce soit en scintigraphie dynamique ou en scintigraphie statique, sont réservées à la détermination de la fonction relative. Les tentatives d’utiliser la scintigraphie pour faire une mesure de fonction rénale absolue n’ont pas permis de mettre au point de méthode fiable.

Une technique de détection externe peut aussi être utilisée pour déterminer les variations relatives de DFG à court terme. Cette technique permet d’enregistrer les variations de la pente de décroissance de concentration plasmatique du traceur. Elle ne fournit pas de valeur de DFG mais permet d’étudier l’influence de divers facteurs (par exemple perfusion de sympathomimétiques) sur la fonction rénale.

Normalisation :

Le DFG normal dépend de la corpulence du sujet. Il est donc classiquement rapporté à la surface corporelle (SC). En 1916, à partir de huit adultes et deux enfants, Dubois et Dubois ont publié une formule permettant d’estimer la surface du revêtement cutané. D’autres formules ont depuis lors été publiées sans qu’un réel consensus ne se dégage pour une formule plutôt qu’une autre. Curieusement, et sans réelle justification physiologique, ce paramètre, alliant taille et masse corporelle, est devenu une référence à la fois pour normaliser des paramètres comme le DFG et pour adapter les doses de certains médicaments. Cette normalisation se fait de la façon suivante :

DFGnormalisé = DFGbrut Å~1,73m2 SC (27)

De manière alternative, il a été proposé de normaliser le DFG par rapport au VEC. Pour cela, il était proposé d’utiliser une technique monoexponentielle non corrigée, dans laquelle le VEC était donné par Q/B et le DFG par Qb/B ; le DFG rapporté au VEC correspond alors simplement au facteur b de l’exponentielle, qui est l’inverse d’une constante de temps. Cette approche a l’intérêt de se débarrasser simultanément de la nécessité d’une détermination de l’activité injectée et de la normalisation.

Toutefois, elle ne prend pas en compte le fait que le modèle monoexponentiel n’est qu’une approximation : le DFG rapporté au VEC n’est donc pas donné simplement par b, mais par :

DFG

VEC =b B + bA 2B + b2A (28)

En outre, il suggère à tort que le DFG régulerait seul le VEC ou au contraire que le DFG s’adapterait au VEC. Enfin, dans certaines circonstances, le VEC peut varier assez rapidement ; par exemple, l’effet de diurétiques chez un patient en surcharge hydrosodée est une diminution sensible du VEC, sans nécessaire modification durable du DFG ; le rapport DFG/VEC augmente alors sans amélioration de la fonction rénale ; l’effet est nettement moins marqué lorsque l’on normalise par rapport à la surface corporelle qui est beaucoup moins sujette à des variations (chez un adulte de corpulence moyenne, une perte de 4 l entraîne une diminution d’environ 25 % du VEC mais seulement de 2 % de la SC).

Une approche similaire a été proposée utilisant la scintigraphie dynamique (fractional uptake rate [FUR]). Une autre utilise seulement la pente de décroissance plasmatique déterminée lors d’une clairance, sans nécessité de déterminer l’activité injectée. À notre connaissance, aucune publication ne rapporte d’évaluation de cette méthode par d’autres équipes, mais notre expérience n’en est pas convaincante. Nous conseillons finalement de conserver l’approche de normalisation par la SC, malgré ses imperfections.

Valeurs normales :

Pour un tel examen, il est assez difficile pour un laboratoire de se constituer une base de sujets normaux. Bien qu’elle soit utilisée depuis plusieurs dizaines d’années, assez peu de publications originales fournissent des valeurs normales pour la clairance du 51Cr-EDTA : les valeurs normales sont autour de 105 ml/min/1,73 m2 avec un écart-type de l’ordre de 15 ml/min/1,73 m2. Il ne semble pas exister de différence liée au sexe lorsque le DFG est rapporté à la surface corporelle. Il existe en revanche une franche augmentation du DFG rapporté à la surface corporelle entre 0 et 2 ans. L’évolution sénile du DFG se manifeste dans un tiers des cas par une stabilité, dans un tiers des cas par une diminution modeste et dans un tiers des cas par une franche diminution. Les valeurs normales mesurées par clairance de l’inuline peuvent aussi être utilisées.

Choix de la méthode :

En résumé, les techniques par détection externe seule (comme la méthode de Gates) sont encore moins précises que les formules utilisant la créatininémie ; elles ne doivent donc pas être employées. La seule approche valable est le suivi des variations du DFG par sonde externe, mais cette technique ne donne que des variations relatives, sans valeur absolue de fonction. Bien entendu, les études scintigraphiques restent incontournables pour la mesure de la fonction relative. Les clairances urinaires sont justes mais assez imprécises. Les clairances plasmatiques sont précises, bien que moins justes que les clairances urinaires. Parmi les clairances plasmatiques, les techniques biexponentielles sont lourdes à mettre en oeuvre et doivent être réservées à des études de recherche ; en pratique, on peut donc choisir une méthode monoexponentielle ou une méthode à un seul prélèvement, plus simple mais moins robuste ; ces méthodes ont une précision et une justesse d’environ 5 ml min–1. Les techniques de perfusion continue sont utiles lorsqu’on veut privilégier la robustesse ou réaliser une étude dynamique.

Dans tous les autres cas, une méthode plasmatique en injection unique est suffisante. Le choix est alors de faire une méthode à un seul prélèvement (ce qui est conseillé par le consensus international avec la formule de Christensen et Groth) ou d’améliorer la robustesse en choisissant une méthode monoexponentielle (avec la formule de Brochner-Mortensen, ce qui est recommandé par le consensus britannique). En cas d’hyperfiltration, il est préférable d’utiliser la formule de Chantler plutôt que celle de Brochner-Mortensen. Dans tous les cas, il convient d’adapter les temps de prélèvements à la valeur prévisible du DFG.

Indications :

Fonction rénale absolue :

En pratique quotidienne, l’estimation de la fonction rénale est effectuée par la mesure de la créatininémie. L’utilisation d’une formule comme celle de Cockcroft et Gault ou celle de l’étude MDRD améliore l’estimation. Toutefois, ce calcul ne conduit pas à une mesure juste du DFG ; en particulier, il est difficile de mettre en évidence une insuffisance rénale débutante au moyen de la créatininémie. Dès lors qu’une plus grande fiabilité est souhaitée, la seule technique utilisable est la mesure d’une clairance isotopique.

Fonction rénale relative :

On peut distinguer principalement deux grandes situations où la détermination de la fonction rénale relative est utile :

• lorsqu’une affection est unilatérale, ou asymétrique, l’existence d’une asymétrie fonctionnelle au détriment du côté touché est un signe d’atteinte fonctionnelle, donc de sévérité de l’atteinte ; c’est particulièrement le cas lors des uropathies obstructives ou refluantes ainsi que pour les séquelles de pyélonéphrites ;

• lorsqu’une néphrectomie est envisagée, l’évaluation précise de la fonction du rein restant peut être indispensable.

En cas d’atteinte sévère unilatérale (pyélonéphrite, uropathie obstructive, maladie rénovasculaire, etc.) peut se poser la question de préserver ou de sacrifier le rein atteint ; la valeur du DFG individuel au-dessus de laquelle on est enclin à préserver le rein est entre 10 et 20 ml/min/1,73 m2.

En cas de cancer du rein, il peut être utile de prévoir les conséquences fonctionnelles de la néphrectomie, surtout en cas de cancer bilatéral ou d’insuffisance rénale préalable. La connaissance précise de la répartition fonctionnelle peut guider le choix de l’intervention et notamment pousser à réaliser une néphrectomie partielle.

Conclusion :

La détermination de la fonction rénale absolue, paramètre fondamental en physiopathologie humaine, ne peut qu’être grossièrement évaluée par les techniques biologiques, non isotopiques, actuelles. Une illustration de ce point est que la créatininémie n’augmente généralement que très peu après néphrectomie. Depuis la disparition de l’inuline pour usage in vivo chez l’homme, les techniques de clairance isotopique (51Cr-EDTA ou 99mTc-DTPA) sont devenues les techniques de référence.

Bien que non disponibles dans tous les centres, elles restent de réalisation assez simple, rapide (quelques heures) et sont très peu irradiantes. Elles peuvent être couplées à une scintigraphie rénale dynamique (99mTc-DTPA ou 99mTc-MAG3) ou statique (99mTc-DMSA) qui permet de déterminer la part fonctionnelle relative des deux reins.