L’évolution de la société au XXe siècle a été fortement marquée par l’augmentation considérable de l’espérance de vie de la population. L’augmentation du nombre de personnes âgées concerne très directement les professionnels de santé, en raison de la très forte prévalence des maladies chroniques dans cette partie de la population. Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, deux nouvelles disciplines se consacrant spécifiquement à l’étude du vieillissement et des personnes âgées se sont construites, la gériatrie et la gérontologie.
Bien que le mot vieillissement fasse partie du langage de tous les jours, sa définition et les notions qu’il sous-tend sont moins simples qu’il n’y paraît. Il est important de distinguer d’une part le vieillissement des organismes ou des individus, et d’autre part le vieillissement de la population, qui sont deux notions très différentes l’une de l’autre.
ASPECTS BIOLOGIQUES DU VIEILLISSEMENT :
Définitions :
Du point de vue biologique, le vieillissement ou sénescence peut être défini comme un processus physiologique, lent et progressif qui modifie les organismes vivants au cours du temps, à partir de leur phase de maturité. C’est un processus naturel et obligatoire qui concerne donc tous les individus, et il est distinct des maladies qui touchent seulement certains d’entre eux.
La longévité est un autre concept important dans l’étude du vieillissement. C’est la durée maximale de la vie observée dans une espèce donnée. Elle varie fortement d’une espèce à l’autre (quelques jours pour les drosophiles, 2-3 ans pour les rats, quelques dizaines d’années pour la plupart des primates, 120 ans pour l’espèce humaine, 200-300 ans pour les tortues). Certains termes relatifs à l’étude du vieillissement sont présentés et définis dans l’encadré.
Méthodes d’études :
La biologie du vieillissement comporte deux champs principaux d’étude : effets et mécanismes du vieillissement d’une part, longévité d’autre part. Les relations entre la longévité et les processus de vieillissement sont probablement plus complexes qu’il n’y paraît et restent mal élucidées aujourd’hui. Les méthodes d’études en biologie du vieillissement sont nombreuses : études du vieillissement in vitro de cellules ; études animales ou humaines in vivo ; plans expérimentaux transversaux (étude à un moment donnée d’individus d’âges différents) ou longitudinaux (étude des changements au cours du temps d’un groupe d’individus) ; étude des centenaires comme exemple de vieillissement extrême.
Parmi les animaux d’expérience fréquemment utilisés en biologie du vieillissement, il faut citer les drosophiles, les souris et les rats,
ainsi qu’un ver, le Caenorhabditis elegans, dont le génome a été complètement séquencé.
Mécanismes à l’origine du vieillissement :
Les mécanismes à l’origine du vieillissement ne sont pas parfaitement connus. Ils sont certainement multiples et complexes, et leurs rôles respectifs peuvent varier en fonction des organes étudiés et aussi des espèces. Dans le passé, des dizaines de théories ont été élaborées pour expliquer le mécanisme de vieillissement, mais la plupart d’entre elles résistent mal à l’épreuve des études expérimentales.
1. Facteurs génétiques :
Ils sont certainement majeurs. Les différences de longévité entre espèces en sont une première illustration. Surtout, des modifications expérimentales de certains gènes ont permis de modifier de façon spectaculaire la longévité de certains animaux d’expérience (C. elegans, drosophiles, souris). Le syndrome de Werner et la progéria, deux maladies de l’enfant responsables d’un vieillissement prématuré, sont chacuns déterminés par la mutation d’un gène unique. Des modifications du matériel génétique acquises au cours de la vie pourraient aussi intervenir dans les mécanismes du vieillissement.
À chaque division cellulaire, les télomères (fragments d’ADN) situés à l’extrémité des chromosomes subissent des délétions qui conduisent, lorsqu’elles atteignent une certaine importance, à altérer leurs fonctions régulatrices de l’expression des gènes de ce chromosome. Les télomères seraient ainsi le substratum de l’horloge biologique.
Par ailleurs, d’autres modifications acquises du matériel génétique pourraient aussi intervenir (exposition à la radioactivité naturelle, exposition au rayonnement solaire pour la peau).
2. Facteurs métaboliques :
Des facteurs métaboliques jouent un rôle important au cours du vieillissement. La glycation non enzymatique des protéines intervient dans le vieillissement de tissus riches en tissu conjonctif, comme la peau et l’appareil cardiovasculaire. L’interaction entre les sucres (glucose, pentose) et les radicaux NH des protéines à longue demi-vie (collagène, élastine) conduit à une série de réactions chimiques (réaction de Maillard) à la formation de produits avancés de la glycation et à des pontages entre les fibres collagènes.
Ces réactions expliquent l’augmentation de rigidité des vaisseaux, principale caractéristique du vieillissement artériel. En effet, l’administration de substances inhibant la glycation des protéines empêche la rigidification des artères au cours du vieillissement, et des substances capables de cliver les pontages du collagène restituent leur souplesse à des artères d’individus âgés.
Les radicaux libres produits au cours du métabolisme de l’oxygène sont impliqués dans le processus de vieillissement. Dans les mitochondries, des espèces réactives de l’oxygène ou radicaux libres s’échappent de la chaîne de la respiration cellulaire. Ces substances ont une grande réactivité chimique et peuvent interagir et altérer des molécules vitales pour les cellules (lipides membranaires, ADN, ARN, notamment). Les cellules disposent de mécanismes capables de capter/inactiver ces radicaux libres avant qu’ils n’entraînent des lésions : enzymes (superoxide dismutase, glutathion peroxydase, catalase) ou substances antioxydantes (vitamine E). Au cours du vieillissement, ces systèmes deviennent moins efficaces, si bien que la toxicité des radicaux libres serait majorée. Le transfert et la surexpression de gènes codant pour des enzymes antioxydants se sont montrés capables d’augmenter la longévité de certains animaux d’expérience et de retarder certains effets de leur vieillissement.
3. Facteurs hormonaux :
Plusieurs systèmes hormonaux ont été impliqués dans les mécanismes de vieillissement. La différence de longévité entre hommes et femmes a conduit à suspecter le rôle des estrogènes sur le processus de vieillissement, ce d’autant que chez les femmes la ménopause est un événement hormonal majeur qui modifie le fonctionnement de l’organisme et accélère certains effets du vieillissement (perte osseuse, modifications cutanées). L’intérêt potentiel des estrogènes pour ralentir le vieillissement des femmes a été sérieusement entamé par les résultats globalement négatifs des études contrôlées sur le traitement hormonal de la ménopause.
L’hormone de croissance (GH), dont la sécrétion diminue chez les sujets âgés, a elle aussi été impliquée dans le mécanisme de vieillissement. Elle pourrait intervenir par la diminution de production d’IGF-1 et ainsi diminuer la synthèse des protéines dans l’organisme. L’administration de GH permet de s’opposer à certains effets du vieillissement (perte de masse musculaire, diminution de l’épaisseur cutanée). Son application chez l’homme n’est pas judicieuse, car ses effets sont modestes et les effets indésirables graves sont réels.
Le rôle de l’insuline au cours du vieillissement a été évoqué.
Il est observé au cours du vieillissement une insulinorésistance qui peut favoriser le vieillissement cardiovasculaire, en particulier par le biais d’hyperglycémies post-prandiales accélérant les phénomènes de glycation.
La déhydroepiandrostérone (DHEA) est un androgène surrénalien dont la sécrétion diminue au cours du vieillissement.
Cette hormone ne semble pas avoir d’effet direct mais représente un précurseur pour d’autres hormones stéroïdes comme la testostérone.
L’administration de DHEA à des personnes âgées en bonne santé n’a pas eu d’effet significatif chez les hommes et des effets modestes chez les femmes.
4. Sédentarité/activité physique, alimentation et autres facteurs :
D’autres facteurs ont été décrits comme potentiellement impliqués au cours du vieillissement. Le rôle de la sédentarité/activité physique émerge très clairement des travaux de recherche.
La sédentarité s’accompagne d’un vieillissement plus marqué sur le système cardiovasculaire et musculaire. Inversement, une activité physique régulière au cours de la vie est associée à un vieillissement moins prononcé au niveau cardiovasculaire et musculaire.
De nombreux travaux expérimentaux ont montré qu’une restriction calorique appliquée à partir de la maturité entraîne un ralentissement de certains effets du vieillissement et une augmentation de longévité. L’implication pour l’homme de ces recherches est très incertaine, et certains auteurs considèrent que ces protocoles de restriction calorique correspondent plutôt à la correction de la suralimentation habituelle des animaux d’expérience (nourriture à volonté), de plus privés d’activité physique.
De nombreux autres facteurs pouvant intervenir au cours du vieillissement ont été discutés. Leur rôle est moins bien documenté par des travaux scientifiques.
ASPECTS FONCTIONNELS DU VIEILLISSEMENT :
Généralités :
D’une façon générale, le vieillissement entraîne une diminution des capacités fonctionnelles de l’organisme. Il faut aussi préciser que le retentissement fonctionnel du vieillissement est très variable d’un individu à l’autre (forte variabilité interindividuelle). De plus, l’importance de ce retentissement n’est pas homogène dans l’organisme, les fonctions de certains organes pouvant s’altérer plus que d’autres chez le même individu. Aussi, les effets du vieillissement chez des individus particuliers sont parfois éloignés du vieillissement moyen (décrit à partir d’observations de groupes).
La diminution des capacités fonctionnelles liée au vieillissement concerne principalement les capacités de réserve qui sont mobilisées dans les situations où les besoins de l’organisme (effort, stress, agression) augmentent. Aussi, les conséquences fonctionnelles du vieillissement sont elles plus apparentes dans ces situations que dans les conditions de vie au repos et protégées.
La vulnérabilité résulte de la situation où la baisse des capacités de réserve est telle que l’organisme ne peut plus faire face à une augmentation modérée voire faible des besoins.
Effets sur la composition corporelle et le métabolisme
Si le poids est en moyenne peu modifié au cours du vieillissement, la masse grasse est augmentée et la masse maigre diminuée.
Au plan métabolique, une insulinorésistance est observée et la dépense énergétique de repos est légèrement diminuée. À activité physique égale, les besoins énergétiques quotidiens sont très voisins de ceux des adultes plus jeunes.
Effets neurologiques et sensoriels :
Les fonctions motrices et sensitives du cerveau ainsi que le contrôle du tonus ne sont pas modifiés. La transmission synaptique est ralentie, mais cela n’est pas perceptible dans les activités de la vie quotidienne.
Le sommeil est très modifié : diminution de la durée du sommeil, fragmentation, mais surtout modification qualitative de l’organisation du sommeil.
La sensation de soif est émoussée : chez les sujets âgés, il faut une plus forte augmentation d’osmolalité plasmatique pour induire la soif que chez des adultes plus jeunes.
Les rythmes biologiques circadiens sont moins bien régulés chez les sujets âgés, et la sécrétion de mélatonine est diminuée.
Au niveau des nerfs périphériques, il est observé une augmentation du temps de conduction nerveuse et une diminution de la sensibilité proprioceptive.
Les effets du vieillissement sur le système nerveux autonome sont caractérisés par une augmentation de l’activité des nerfs sympathiques et de la sécrétion des catécholamines, qui contrastent avec une diminution des réponses sympathiques en raison d’une diminution de sensibilité des récepteurs bêta-adrénergiques.
L’efficacité de la régulation de la température corporelle diminue du fait de facteurs neurologiques et vasculaires.
Plusieurs fonctions sensorielles sont très affectées par le vieillissement.
La perte auditive liée au vieillissement ou presbyacousie porte au début sur la perception des sons aigus. La vision est concernée par deux phénomènes : la presbytie correspond à une diminution des capacités d’accommodation ; la cataracte est une opacification progressive du cristallin entraînant une diminution de l’acuité visuelle. Les effets du vieillissement sur l’odorat et l’olfaction sont moins bien documentés.
Effets sur l’appareil locomoteur :
La masse musculaire diminue au cours du vieillissement (sarcopénie) avec principalement une diminution de la densité en fibres musculaires de type II. La force musculaire diminue et la capacité d’effort maximal évaluée par la VO2 max diminue avec l’âge. Le vieillissement du cartilage est caractérisé par une diminution de son contenu en eau et du nombre de chondrocytes et par des modifications de ses glycosaminoglycanes. Le cartilage est aminci et ses propriétés mécaniques sont altérées. La densité osseuse et sa résistance mécanique diminuent au cours du vieillissement.
Ces processus sont accélérés chez les femmes durant la période de la ménopause.
Effets sur les appareils cardiovasculaire et respiratoire :
Le vieillissement entraîne une augmentation progressive de la rigidité des artères. La fonction d’amortissement de la pression artérielle et du flux sanguin qui est étroitement liée à la compliance des gros vaisseaux est moins efficace chez les sujets âgés, ce qui produit une augmentation de la pression artérielle systolique et de la pression pulsée. L’augmentation de la postcharge est associée à une augmentation de la masse cardiaque. Au niveau cardiaque, le vieillissement entraîne une diminution de la compliance du ventricule gauche et une diminution du remplissage ventriculaire en début de diastole. En revanche, le remplissage du ventricule gauche en fin de diastole est augmenté du fait de l’augmentation compensatoire de la contraction auriculaire. La capacité du coeur à augmenter sa fréquence cardiaque en réponse à la stimulation du système nerveux sympathique diminue au cours du vieillissement. En vieillissant, le coeur fonctionne à des régimes de pressions plusélevés, mais finalement le débit cardiaque au repos et à l’effort est maintenu.
Le vieillissement pulmonaire est caractérisé par une diminution de la capacité ventilatoire, des compliances pulmonaires et thoraciques et de la perméabilité de l’oxygène au niveau de la membrane alvéolocapillaire, entraînant une diminution de la pression partielle en O2 du sang artériel.
Effets sur les appareils digestif et urinaire :
Les conséquences du vieillissement sur l’appareil digestif comportent principalement un ralentissement du transit intestinal par diminution du péristaltisme, une diminution de la sécrétion acide de l’estomac (hypochlohydrie), et une diminution de la masse hépatique. Au plan rénal, il est observé une diminution importante du débit de filtration des reins, du fait de la perte de néphrons. Par ailleurs, la fonction tubulaire est aussi altérée avec une diminution du pouvoir de concentration/dilution du rein. Si des modifications de l’appareil vésico-sphinctérien sont décrites au cours du vieillissement, elles ne modifient pas la fonction mictionnelle en l’absence de pathologie.
Effets sur la peau et les phanères :
Le vieillissement cutané est caractérisé par un amincissement de la peau qui prend un aspect plus pâle et marqué par des rides et des ridules. Les fibres élastiques sont altérées et le derme est le siège d’un épaississement fibreux. Ces modifications sont plus marquées dans les zones fréquemment exposées à la lumière.
Les glandes sébacées et sudoripares sont moins actives, ce qui entraîne une sécheresse cutanée. La vitesse de croissance des phanères diminue avec l’âge. Les cheveux grisonnent du fait de la diminution du nombre de mélanocytes.
Effets sur les organes sexuels :
Chez la femme, la ménopause est caractérisée par l’arrêt de la sécrétion d’estrogènes par les ovaires, la disparition des cycles menstruels, et l’involution des glandes mammaires et de l’utérus.
La capacité de reproduction disparaît.
Chez l’homme, si la sécrétion de la testostérone par les testicules diminue au cours du vieillissement, cette diminution est variable d’un individu à l’autre et se produit plus progressivement que les modifications liées à la ménopause. La taille de la prostate augmente au cours du vieillissement. Une proportion importante d’hommes âgés gardent une spermatogenèse qui leur permet de conserver une capacité de reproduction.
Effets sur le système immunitaire
D’une façon générale, la réponse immunitaire cellulaire est diminuée au cours du vieillissement. Si les réponses humorales sont conservées, la production d’anticorps spécifiques en réponse à la vaccination est généralement moins forte chez les sujets âgés que chez les sujets jeunes. Malgré ces modifications, les vaccinations sont efficaces chez les sujets âgés. La production de cytokines est modifiée au cours du vieillissement avec diminution de production des IL-2 et IL-4 et augmentation de production d’IL-6.
VIEILLESSEMENT RELATIONNEL :
Vieillissement et psychologie :
Les effets du vieillissement sur la psychologie et la vie relationnelle sont très variables d’un individu à l’autre et dépendent de nombreux facteurs : personnalité, facteurs sociaux et culturels, état de santé, expériences de vie, capacités de résilience…
Malgré cela, certaines expériences sont partagées par la plupart des personnes âgées et peuvent influencer leur vie psychique : recomposition de la vie sociale au passage à la retraite, crises narcissiques liées à la transformation du corps, décès d’êtres chers, proximité de la mort. Le vieillissement entraîne des modifications de la sexualité qui, contrairement à certaines idées reçues, ne disparaît pas chez les sujets âgés ; ces changements sont très influencés par de nombreux facteurs : modifications hormonales, isolement ou veuvage, maladies, facteurs culturels et sociaux, profil psychologique individuel.
Au total, on ne peut pas isoler un profil psychologique particulier au grand âge. Les sujets âgés ont une psychologie aussi diverse que celle des individus plus jeunes, mais les expériences de la vie et le vieillissement ont fait évoluer leur vie psychique.
Vieillissement et fonctions cognitives :
Les fonctions cognitives, contrairement à certaines idées reçues, sont relativement peu touchées par le vieillissement. Les capacités d’apprentissage sont légèrement diminuées chez les sujets âgés, mais cela peut être compensé par la durée de l’apprentissage.
Le langage, la mémoire à long terme, les fonctions praxiques et exécutives ne sont pas altérées. Les capacités attentionnelles, notamment la capacité à réaliser des doubles tâches (attention divisée), sont altérées au cours du vieillissement.
Ces effets contrastent avec la notion généralement admise que la mémoire s’affaiblit en vieillissant. Ces notions sont dues au fait que les démences sont fréquentes chez les sujets âgés et que leurs manifestations sont à tort confondues avec celles du vieillissement.
Vieillissement et communication :
Les capacités de communication des personnes âgées peuvent être influencées par plusieurs situations : troubles sensoriels associés au vieillissement (avant tout la presbyacousie), et de nombreuses maladies comme la dépression, les maladies neurodégénératives avec démence, les maladies cérébrovasculaires avec troubles du langage.
Les maladies sources de dépendance peuvent aussi avoir une influence sur la psychologie des sujets âgées en plaçant les personnes concernées dans la situation de dépendre au plan physique de leur entourage pour réaliser des actes de base de la vie quotidienne. Cette situation compromet l’autonomie de l’individu, c’est-à-dire sa capacité à gouverner sa vie et peut ainsi modifier les liens relationnels entre la personne âgée concernée et son entourage.
DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES ET SOCIOLOGIQUES :
Allongement de la durée de la vie :
Si toutes les époques ont connu des individus très âgés, on observe depuis un siècle et demi un allongement de la durée de vie moyenne de la population. L’évolution de l’espérance de vie illustre bien ce phénomène. En France, elle est actuellement proche de 77 ans pour les hommes et de 84 ans pour les femmes.
Plusieurs facteurs successifs ont contribué à cette évolution : recul des famines, amélioration des conditions de vie et de l’hygiène, progrès de la lutte contre les maladies infectieuses et cardiovasculaires.
Au cours des trente dernières années, l’augmentation de l’espérance de vie a été très fortement expliquée par la baisse de mortalité des sujets âgés et très âgés.
Effet « papy-boom » :
L’effet papy-boom résulte de la forte augmentation de la natalité après la Seconde Guerre mondiale (de 1945 à 1975), appelée baby-boom. L’effectif de cette génération est particulièrement important et son vieillissement fera augmenter brusquement le nombre de sujets âgés. Cet effet sera d’autant plus spectaculaire que la mortalité liée aux guerres mondiales a créé des « générations creuses ». Les premiers « baby-boomers » auront 65 ans en 2010 et 80 ans en 2035.
Vieillissement de la population :
On dit d’une population qu’elle vieillit si la proportion de ses sujets âgés tend à augmenter. La seule augmentation du nombre de sujets âgés proportionnelle à celle des sujets jeunes représenterait une croissance équilibrée de la population sans vieillissement.
Aussi, le vieillissement au sens démographique du terme implique une modification dans l’équilibre des groupes d’âges dans la population. Dans les pays dits développés, l’augmentation de l’espérance de vie a entraîné une augmentation du nombre absolu de sujets âgés. Mais c’est essentiellement la baisse de la fécondité observée depuis le début du XXe siècle qui est à l’origine du vieillissement de la population. La pyramide des âges d’une population offre une bonne représentation graphique de la composition d’une population à un moment donné : l’abscisse représente l’effectif des sujets à ce moment (femmes en positif et hommes en négatif) et l’ordonnée leur année de naissance ou leur âge. Une population qui connaît ce phénomène de vieillissement est caractérisée par un rétrécissement de la base de cette pyramide, alors qu’une population qui ne connaît pas de vieillissement a une forme classique de pyramide (triangle) avec une base bien large.
Conséquences du vieillissement sur la santé de la population :
Le vieillissement a des conséquences majeures sur la santé de la population. En effet, la prévalence de nombreuses maladies chroniques augmente avec l’âge. En conséquence, le nombre de sujets atteints de ces maladies augmente proportionnellement à l’augmentation de l’effectif des sujets âgés. Par ailleurs, l’avancée en âge et les maladies qui lui sont associées ont un retentissement fonctionnel qui peut provoquer une dépendance plus ou moins sévère. Le taux de prévalence de la dépendance augmente avec l’âge, et la proportion de sujets âgés qui ont besoin d’une aide pour un ou plusieurs gestes de la vie quotidienne est de 14 % chez les 60-79 ans, de 25 % chez les 70-79 ans et de 65 % chez les plus de 80 ans. De même, la proportion de sujets âgés qui vivent en institution gériatrique augmente aussi avec l’âge, passant de 5 % chez les sujets de 65 ans ou plus à 30 % chez les plus de 80 ans.
Cet allongement de la durée de vie s’est-il fait avec une augmentation du nombre d’années de vie en situation de handicap ou au contraire dans des conditions de vie autonome ? En étudiant l’évolution de l’espérance de vie sans incapacité— nombre moyen d’années de vie qu’une génération peut espérer vivre sans incapacité – au cours d’enquêtes décennales, il apparaît que non seulement le nombre moyen d’années de vie en situation de handicap n’a pas augmenté, mais qu’il a diminué. Autrement dit, le gain d’espérance de vie réalisé au cours des dernières décennies a permis de gagner des années de vie en autonomie.
Implications sociales et économiques du vieillissement :
Les conséquences économiques et sociales du vieillissement démographique sont nombreuses. La question des retraites et pensions est cruciale dans le système français où les cotisations des individus en activité – les adultes jeunes – financent les retraites des sujets âgés. Par ailleurs, l’augmentation du nombre de sujets âgés a une implication directe sur les dépenses de santé, dans la mesure où, parmi les adultes, le niveau de consommation (par personne et par an) de soins médicaux, consultations, hospitalisations, produits pharmaceutiques augmente avec l’âge. Aussi, l’évolution démographique entraîne-t-elle une augmentation des dépenses de santé, et cela même si le niveau de dépense par individu reste stable. Là encore, du fait du déséquilibre jeunes/vieux, le nombre de cotisants de l’Assurance maladie n’augmente pas dans la même proportion.
Enfin, l’augmentation du nombre de personnes âgées entraîne une augmentation de besoins de places en institutions gériatriques, notamment en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), ainsi qu’une augmentation du coût des prestations sociales versées aux personnes âgées, et en particulier l’allocation personnalisée à l’autonomie (APA) attribuée aux personnes âgées ayant une perte d’autonomie modérée ou sévère, ou encore l’aide sociale qui permet de financer le séjour en EHPAD ou en service de soins de longue durée des personnes dont les revenus ne permettent pas de payer leur hébergement.
Par ailleurs, l’accroissement du nombre de personnes âgées génère une activité économique spécifique : emplois dans le secteur de l’aide à domicile, des établissements gériatriques (EHPAD), et du secteur médico-social, action positive sur le développement de secteurs industriels liés au handicap et à la perte d’autonomie (matériel d’aide technique, fauteuils et lits médicalisés, entreprises de télé-assistance, prothèses auditives…). Enfin, les personnes âgées représentent aussi un pouvoir économique important, car détentrices d’une grosse partie du patrimoine, et participent largement à la vie économique, directement par leur consommation et leurs investissements mais aussi indirectement par l’aide financière qu’elles accordent à leurs enfants.
Les conséquences sociales du vieillissement démographique conduisent à s’interroger sur la place des personnes âgées dans la société. Des familles de plus en plus nombreuses comportent quatre générations dont souvent deux générations de personnes âgées : typiquement des sexagénaires qui aident leurs parents octo- ou nonagénaires, souvent devenus dépendants.
La diminution de l’âge de la retraite et l’amélioration de l’état de santé de la population ont créé une génération de jeunes retraités en bon état de santé et ayant du temps disponible et pour nombre d’entre eux de grandes compétences professionnelles.
Certains d’entre eux s’engagent dans des activités utiles pour la société : vie politique, associations, actions bénévoles…
La représentation sociale des personnes âgées est complexe et multiforme. Une première représentation fréquente dans les sociétés traditionnelles est celle du « patriarche » ayant sagesse et expérience, source d’autorité et de respect. Une autre représentation valorisante et aussi très répandue est celle des grandsparents avec leur rôle de transmission (savoir, expérience, traditions, biens…) vers les plus jeunes, et aussi de repère et d’union de la famille. D’autres sont moins valorisées : personne affaiblie, inefficace, inutile et improductive, avec de nombreuses pertes (santé, beauté, vie sexuelle, travail et donc utilité pour la société…). Ce type de représentation contraste avec la représentation sociale de la jeunesse ou des individus mûrs, au contraire valorisée autour des mêmes critères. Ce contraste conduit à considérer les personnes âgées comme une charge pour la société. D’autres représentations encore plus dévalorisantes étaient plus répandues dans les siècles passés, notamment pour les femmes âgées : personnes malfaisantes, « sorcières »… Si ces représentations peuvent sembler caricaturales, elles représentent des stéréotypes culturels qui influencent, souvent de façon inconsciente, les actions et les comportements de nombreux individus, qu’ils soient jeunes ou âgés.
PRÉVENTION DU VIEILLISSEMENT PATHOLOGIQUE :
Vieillissement pathologique en question :
La notion de vieillissement pathologique ne fait pas l’objet d’une définition claire faisant consensus parmi les spécialistes du vieillissement. Le vieillissement étant par essence un phénomène physiologique, l’association au terme pathologique peut surprendre à première vue. Selon les auteurs, le vieillissement pathologique correspond soit à une avance en âge associée à des maladies fréquentes chez les sujets âgés, soit à un processus de vieillissement plus rapide que celui observé habituellement, soit encore à des états « frontières » entre les conséquences du vieillissement et certaines maladies. Dans cette dernière approche, il est postulé qu’il existerait un continuum entre certains effets du vieillissement et certaines maladies (par exemple : vieillissement cérébral et maladie d’Alzheimer, ou vieillissement artériel et athérosclérose). Ces notions ne sont pas retenues dans l’état actuel des connaissances.
Vieillissement réussi :
La notion de vieillissement réussi ou successful aging est en revanche un concept plus consensuel en gérontologie. Le vieillissement réussi décrit l’évolution de la santé d’individus âgés caractérisés par un faible taux de maladies chroniques invalidantes, un bon état fonctionnel physique et cognitif, et un bon fonctionnement psychosocial. Leurs problèmes de santé sont relativement proches de ceux des adultes plus jeunes. Ils sont souvent décrits comme des sujets âgés vigoureux, par opposition aux sujets âgés vulnérables. On peut comprendre le vieillissement réussi comme un processus avec une faible perte des capacités fonctionnelles de réserve, ce qui permet de disposer de ressources mobilisables dans ces situations de stress et de pouvoir les surmonter.
Lacompréhension du vieillissement réussi fait l’objet de recherches actives, car le « bien-vieillir » représente un enjeu important pour la santé des individus âgés et de la société. On ne connaît pas d’approche médicamenteuse (vitamines, hormones, ou autres) qui puisse favoriser le vieillissement réussi chez l’être humain. L’activité physique semble capable de ralentir ou de s’opposer à certains effets du vieillissement au plan cardiovasculaire, respiratoire, musculaire et métabolique. Enfin, des programmes de stimulation cognitive semblent aussi capables de participer au maintien des fonctions cognitives chez les sujets âgés en bonne santé. Les effets de l’alimentation font aussi l’objet d’un grand intérêt dans ce domaine.
Si la nutrition semble influencer la survenue de certaines maladies liées à l’âge, son effet sur la longévité et le vieillissement chez l’homme n’est pas documenté. Sur la base de ces éléments et d’un certain bon sens, on peut dégager certains points importants pour favoriser le vieillissement réussi :
— prévenir la mortalité prématurée évitable : prévention des accidents, des maladies infectieuses, des maladies cardiovasculaires… ;
— maintenir une activité physique régulière à tout âge (et la commencer chez les sujets sédentaires) ;
— avoir des activités diverses et fréquentes stimulant les capacités cognitives ;
— lutter contre l’isolement social et préserver/accroître ses activités sociales et son réseau relationnel ;
— avoir une alimentation équilibrée, riche en fruits et légumes.
CONCLUSION :
Les médecins généralistes et de nombreux spécialistes ont une clientèle de plus en plus âgée, et il est important qu’ils connaissent bien les effets du vieillissement pour mieux comprendre la santé de leurs patients. Dans la pratique médicale, la notion de vulnérabilité est essentielle, car elle permet de comprendre les enchaînements de situations pathologiques chez les sujets âgés vulnérables.