La survenue d’une hernie discale est beaucoup plus rare à l’étage cervical qu’à l’étage lombaire.
DIAGNOSTIC :
Examen clinique :
Interrogatoire :
Il précise (cf. Douleur rachidienne) :
– le mode d’installation de la douleur ;
– le terrain de survenue ;
– l’horaire mécanique ou inflammatoire ;
– l’ancienneté de la douleur et son profil évolutif ;
– son retentissement fonctionnel ; le trajet de l’irradiation douloureuse dans le membre supérieur, en signalant d’emblée le caractère moins systématisé des douleurs radiculaires et des paresthésies au membre supérieur par rapport au membre inférieur. On pourra néanmoins soupçonner :
– une névralgie cervicobrachiale C6 sur un trajet douloureux à la face antérieure du membre supérieur jusqu’à la paume de la main et au pouce,
– une névralgie cervicobrachiale C7 (la plus fréquente) sur une douleur de la face postérieure du membre supérieur jusqu’au dos de la main et aux 2e et 3e doigts,
– une névralgie cervicobrachiale C8 sur une douleur de la face interne du membre supérieur jusqu’aux deux derniers doigts ;
– l’existence éventuelle de signes généraux ou de manifestations cliniques extrarachidiennes.
Examen physique :
Il recherche :
– une contracture des muscles spinaux et des trapèzes, avec raideur et disparition de la lordose cervicale physiologique, voire attitude vicieuse en flexion et rotation ;
– des points douloureux électifs à la palpation du rachis et/ou des muscles de voisinage ; une limitation de la mobilité cervicale en flexion/extension, rotations et latéroflexions ;
– la présence de signes neurologiques objectifs,
– en cas d’atteinte C6 : diminution ou abolition des réflexes bicipital et styloradial, déficit moteur du biceps et des fléchisseurs des doigts et du poignet, hypoesthésie du pouce,
– en cas d’atteinte C7 : diminution ou abolition (voire inversion) du réflexe tricipital, déficit du triceps et des extenseurs des doigts et du poignet, hypoesthésie pulpaire des 2e et 3e doigts,
– en cas d’atteinte C8 : diminution ou abolition du réflexe cubitopronateur, déficit des muscles interosseux et hypoesthésie des deux derniers doigts ;
– la présence éventuelle de signes de la série pyramidale, orientant vers une myélopathie cervicarthrosique ;
– l’examen clinique doit être complet, surtout si le contexte fait évoquer une pathologie de nature inflammatoire (palpation des creux susclaviculaire et axillaire +++).
Examens complémentaires en première intention :
En l’absence de signes de gravité (déficit neurologique important ou d’aggravation rapide, névralgie cervicobrachiale hyperalgique) ou de suspicion clinique de pathologie de nature inflammatoire, il n’est pas indispensable de demander la réalisation d’examens paracliniques.
Pour certains cependant, il convient de demander au minimum :
– un dosage de la vitesse de sédimentation (VS) et/ou de la protéine C-réactive (CRP) ;
– des clichés standard du rachis cervical : face et profil, face bouche ouverte (dégageant C1/C2) et incidences obliques (dégageant les trous de conjugaison).
Diagnostic différentiel :
Il convient d’éliminer les autres causes de syndrome douloureux du membre supérieur, et ce d’autant plus que l’atteinte neurologique peut se traduire par des anomalies objectives frustes, voire inexistantes :
– les périarthrites scapulohumérales (cf. Douleur de l’épaule) peuvent se traduire par des douleurs de la racine du membre supérieur irradiant très souvent au bras, voire à l’avantbras, au poignet et à la main. Cependant, il n’y a pas de paresthésies distales et l’examen retrouve facilement une limitation douloureuse à la mobilisation du membre supérieur ;
– une épicondylite se manifeste par une douleur de la face externe du coude irradiant très volontiers à l’avant-bras et à la main. Cependant, il n’y a pas d’acroparesthésies, la douleur est majorée par la préhension et les mouvements de pronosupination, et réveillée par la pression des insertions épicondyliennes. Une épitrochléite peut également être recherchée ;
– le syndrome du canal carpien est particulièrement trompeur, car il occasionne des douleurs et des paresthésies de la main, mais également des irradiations douloureuses ascendantes, parfois jusqu’à l’épaule, voire le cou ;
– d’autres pathologies doivent être éliminées : compression vasculonerveuse dans le défi lé cervicothoracique, syndrome de Parsonage-Turner ;
– enfin, l’algodystrophie du membre supérieur (ou syndrome épaule-main) peut simuler une névralgie cervicobrachiale mais il n’y a pas de paresthésies distales ni d’anomalies neurologiques objectives. En revanche, l’examen retrouve un tableau de capsulite rétractile et des troubles trophiques de la main.
ÉTIOLOGIE :
Névralgie cervicobrachiale d’allure mécanique :
Névralgie cervicobrachiale aiguë :
Dans ce contexte, il faut suspecter en priorité l’existence d’une hernie discale cervicale.
L’apparition de la douleur radiculaire, habituellement chez un sujet jeune, est soit brutale, après un faux mouvement ou un éternuement, soit plus progressive, après quelques jours à quelques semaines de cervicalgie isolée.
La névralgie cervicobrachiale est plutôt aggravée par les mouvements du membre supérieur.
La douleur est impulsive à la toux et à l’éternuement et très souvent majorée par le décubitus (et donc insomniante).
L’interrogatoire précise souvent difficilement la topographie de la douleur et des paresthésies, et l’examen clinique doit s’efforcer de déceler des anomalies neurologiques objectives, de grande valeur localisatrice mais inconstantes.
Rarement, la mise en évidence de la hernie discale est nécessaire, en vue d’un traitement chirurgical, qu’il ne convient d’envisager qu’en cas de déficit moteur important ou de douleur rebelle à plusieurs semaines de traitement médical.
Le scanner du rachis cervical met en évidence la hernie discale sous forme d’un bombement postérieur du disque dans le canal rachidien, parfois médian mais le plus souvent latéral, voire foraminal, effaçant la racine correspondante, et refoulant parfois la moelle épinière. Le scanner peut mettre également en évidence des lésions dégénératives uncarthrosiques, souvent associées aux lésions discales.
L’IRM du rachis cervical tend à supplanter le scanner car elle apporte en plus des renseignements précieux sur le calibre du canal rachidien et sur l’existence éventuelle de signes de souffrance médullaire. Enfin, l’IRM est largement plus sensible que le scanner pour éliminer formellement les causes de névralgie cervicobrachiale secondaire.
Névralgie cervicobrachiale chronique :
Cervicalgies et névralgie cervicobrachiale communes :
Ce terme désigne des manifestations douloureuses cervicales et (pseudo) radiculaires chroniques, répondant à diverses lésions anatomiques, volontiers associées entre elles (dégénérescence discale, uncarthrose et arthrose interapophysaire postérieure) :
– syndromes articulaires postérieurs (dont la névralgie d’Arnold) ; névralgie cervicobrachiale compliquant la formation d’un nodule disco-ostéophytique, habituellement dans le trou de conjugaison.
Cervicalgies fonctionnelles :
Volontiers complétées d’irradiations pseudoradiculaires, elles sont particulièrement fréquentes et ne doivent pas constituer un diagnostic d’élimination des étiologies précédentes. Elles partagent les mêmes caractéristiques que les lombalgies fonctionnelles (cf. chapitre Douleur rachidienne), auxquelles elles sont d’ailleurs très souvent associées. Dans ce contexte, le syndrome de Barré-Liéou correspond à l’association de cervicalgies d’allure fonctionnelle à des manifestations subjectives très diverses.
Névralgie cervicobrachiale d’allure inflammatoire :
Dans ce cas, la douleur cervicale ou cervicoradiculaire présente des caractéristiques sémiologiques évocatrices :
– horaire inflammatoire (réveil en seconde partie de nuit, enraidissement matinal prolongé) ; aggravation progressive sans notion d’événement déclenchant ;
– altération de l’état général et/ou fièvre ;
– élévation de la VS et de la CRP.
De multiples diagnostics peuvent être évoqués, justifiant la réalisation d’examens adaptés en fonction du contexte : étude du liquide céphalorachidien, scanner, scintigraphie osseuse, IRM…
Pathologies infectieuses :
Les germes sont très variables (germes banals, brucelle, bacille de Koch) mais il faut insister sur l’urgence du diagnostic d’infection discovertébrale au niveau cervical, du fait de la fréquence des abcès épiduraux et du risque médullaire.
Certaines méningites lymphocytaires chroniques (Lyme, virus de l’immunodéfi cience humaine, virus varicelle-zona, herpès) peuvent être à l’origine de cervicalgies isolées ou de névralgie cervicobrachiale (tableau de méningoradiculite).
Pathologies rhumatismales inflammatoires chroniques :
Le rachis cervical est souvent concerné au cours de la polyarthrite rhumatoïde et des spondylarthropathies, habituellement de façon tardive dans l’évolution. Au cours de la pseudopolyarthrite rhizomélique, l’association de cervicalgies très inflammatoires aux douleurs scapulaires est quasi constante.
Pathologies tumorales :
Pathologies tumorales osseuses :
Il s’agit principalement de pathologies malignes : métastases ou myélome le plus souvent, tumeur osseuse primitive, plasmocytome solitaire ou localisation lymphomateuse exceptionnellement.
Ce diagnostic de lésion vertébrale maligne peut être évoqué sur les radiographies standard (rappelons qu’un tassement vertébral cervical n’est jamais ostéoporotique), la confirmation étant apportée par l’IRM, qui permet également de préciser l’importance de l’extension tumorale épidurale et son retentissement médullaire.
Dans ce contexte de névralgie cervicobrachiale compliquant une pathologie maligne, il convient de citer le syndrome de Pancoast-Tobias, qui correspond à une compression des racines C8 et D1 par une tumeur développée dans le creux sus-claviculaire, en général un cancer de l’apex pulmonaire. Le syndrome au complet associe à la névralgie cervicobrachiale une lyse de la première côte et un syndrome de Claude Bernard-Horner.
Quelques tumeurs osseuses bénignes, aussi classiques que rares, peuvent être citées : ostéome ostéoïde, kyste anévrismal, granulome éosinophile (chez l’enfant).
Pathologies tumorales neurologiques :
Les neurinomes principalement, mais également les méningiomes ou les épendymomes, peuvent être à l’origine de douleurs cervicoradiculaires, particulières par leur caractère très insomniant.
La recherche d’une atteinte sous-lésionnelle (syndrome pyramidal) est bien sûr impérative.
Le diagnostic lésionnel repose avant tout sur l’IRM du rachis cervical.
TRAITEMENT :
Traitement médical :
Traitements médicamenteux généraux :
Cf. Lombosciatique.
Traitements médicamenteux locaux :
Il s’agit surtout des infiltrations épidurales.
Celles-ci ne peuvent être réalisées directement en cervical du fait du risque de blessure médullaire, et l’infiltration est donc faite en lombaire, le patient étant ensuite mis en position de Trendelenburg pendant une heure afin de permettre au produit de remonter vers le lieu du conflit discoradiculaire. Ces épidurales peuvent être répétées (trois maximum) à quelques jours ou semaines d’intervalle.
Les infiltrations intradurales sont rarement indiquées.
Traitements physiques :
Le port d’un collier cervical en mousse peut être préconisé pour une période brève, en début d’évolution.
La kinésithérapie a un intérêt surtout en phase aiguë, à visée sédative et décontracturante : massages, physiothérapie, voire tractions manuelles axiales douces. Les techniques d’ostéopathie peuvent être intéressantes en cas de torticolis isolé, mais doivent être récusées en cas de névralgie cervicobrachiale d’origine discale.
Traitement chirurgical :
Sa place dans le traitement de la névralgie cervicobrachiale d’origine discale est encore beaucoup plus limitée que pour la lombosciatique.
Elle n’est réservée qu’aux névralgies cervicobrachiales rebelles à un traitement médical correct poursuivi au moins six semaines, situation très rare en pratique, et aux névralgies cervicobrachiales avec déficit moteur important dans le territoire radiculaire et/ou signes de compression médullaire (urgence extrême).
La discectomie chirurgicale, qui comporte un abord antérolatéral (technique de Cloward), est souvent complétée d’une arthrodèse intersomatique par greffons osseux, voire par plaque vissée antérieure. La chirurgie se justifie d’autant plus que la hernie est associée à des lésions arthrosiques (bourrelet disco-ostéophytique).
Elle doit être suivie du port permanent d’une minerve pendant trois semaines.