Syndrome démentiel

Syndrome démentielLes situations de diagnostic de démence chez le malade âgé sont extrêmement fréquentes.

La prévalence des démences, très importante, concerne, selon les dernières estimations, environ 800 000 Français. La démence se présente au médecin comme une altération des fonctions supérieures, avec des troubles de la mémoire et une diminution de l’autonomie pour les activités de la vie quotidienne.

DÉFINITION ET DIAGNOSTIC DU SYNDROME DÉMENTIEL :

Définition :

La définition de démence retenue par le DSM-IV (4e version du Diagnostic and Statistical Manuel of Mental Disorders) a servi de base pour la réalisation de la plupart des travaux scientifiques et pour l’établissement des recommandations de l’HAS.

Cette définition repose sur trois critères :

– mise en évidence de troubles des fonctions supérieures associant à la fois des troubles de la mémoire et au moins l’un des quatre troubles parmi l’aphasie, l’agnosie, l’apraxie et les dysfonctions exécutives ;

– certitude que ces fonctions supérieures altérées représentent un déclin par rapport à une situation antérieure et que le retentissement de l’ensemble de ces troubles sur le fonctionnement social ou professionnel du patient est significatif ;

– exclusion du syndrome confusionnel comme cause de l’ensemble des troubles.

Ces trois critères constituent ce que l’on peut nommer le noyau démentiel. Enfin, d’autres critères sont en rapport avec la pathologie à l’origine du syndrome démentiel lui-même.

Troubles mnésiques et des fonctions supérieures :

Ces troubles comprennent toujours l’affaiblissement des capacités mnésiques de la mémoire épisodique ou sémantique, récente ou ancienne, antérograde ou rétrograde, et l’atteinte d’une des fonctions supérieures parmi les praxies, les gnosies, le langage ou encore les fonctions exécutives.

Troubles de la mémoire :

En cas d’anosognosie du patient, les troubles de la mémoire peuvent être dans un premier temps appréhendés par l’exploration de la plainte exprimée par le malade ou l’entourage. La mémoire immédiate peut être efficacement explorée au moyen de l’épreuve des trois mots appris puis rappelés dans le test du MMS (Mini Mental State) ou bien en demandant au patient de rappeler les constituants de ses derniers repas. L’exploration de l’orientation temporospatiale permet également d’avoir une idée assez précise de l’état de la mémoire immédiate. Celle à plus long terme peut être explorée en demandant par exemple au malade de reconstituer les principaux éléments de sa santé de ses années précédentes.

Aphasie :

Les troubles du langage peuvent prendre différentes formes. En tout premier lieu, il s’agit d’un manque du mot qui constitue très souvent une plainte spontanée, voire la première et seule plainte du malade. Cette plainte est souvent qualifiée à ce moment à tort par le malade ou l’entourage de troubles de la mémoire. Dans ce manque du mot, le médecin s’attache à distinguer une difficulté d’accès au stock lexical d’une altération du stock lexical lui-même. Des épreuves de dénomination, puis de désignation d’images ou d’objets simples, aident à cette distinction. Les troubles du langage peuvent également se traduire par un appauvrissement du discours et par un recours important à des périphrases dans le but de pallier le manque de mots. Des troubles du langage écrit peuvent survenir également avec une dysorthographie et une perte des règles syntaxiques et grammaticales.

Faire écrire une phrase complète au malade, comme dans l’épreuve du MMS, est donc très important dans l’évaluation des fonctions supérieures. À un stade avancé de la maladie d’Alzheimer, les troubles s’apparentent volontiers à ceux observés lors d’une aphasie de type Wernicke et au stade ultime, il peut exister un mutisme complet.

Apraxie :

Les praxies sont défi nies par les capacités à réaliser des gestes plus ou moins complexes, associés ou non à des objets ou des actions connues.

Ces déficits excluent les déficits moteurs, tout trouble de la coordination, tout trouble du tonus et tout trouble lié à des mouvements anormaux.

Un déficit sensoriel, les atteintes pyramidales, extrapyramidales, cérébelleuses, ataxiques, la présence de tremblements ou d’autres mouvements anormaux tels qu’une chorée sont à exclure avant de conclure à une apraxie. Une apraxie traduit ainsi essentiellement une incapacité à réaliser une séquence de gestes. Elle restreint le plus souvent l’autonomie du patient pour les activités de la vie quotidienne et nécessite l’aide de l’entourage. Lors de l’évaluation neuropsychologique, différents types d’apraxies seront recherchés.

Apraxie idéomotrice :

Elle concerne des gestes n’impliquant pas la manipulation d’un ustensile ou d’un outil. Il peut s’agir de gestes symboliques comme utiliser la main pour faire de l’autostop ou le salut militaire, de gestes non symboliques comme représenter des anneaux entrelacés avec les pouces et index des deux mains.

Apraxie idéatoire :

Elle concerne les gestes impliquant la manipulation d’un outil ou d’un ustensile. Le défi cit peut ainsi concerner l’action d’ouvrir une serrure avec une clef, de visser avec un tournevis ou d’éplucher un fruit à l’aide d’un couteau.

Apraxie de l’habillage :

Elle peut être à l’origine de difficultés pour nouer un lacet de chaussure, nouer une cravate, boutonner une chemise ou encore enfiler un pull-over.

Apraxie constructive :

Elle se traduit par des difficultés à représenter par un dessin un cube en perspective ou encore à reproduire une figure géométrique complexe.

Agnosie :

L’agnosie est l’incapacité à reconnaître et à identifier un objet avec l’un des sens, et ceci en dehors de tout défi cit sensoriel. Ainsi, et particulièrement chez le sujet âgé, il faut s’assurer de l’absence d’hypoacousie ou de déficit visuel avant d’affirmer l’existence d’une agnosie auditive ou visuelle. L’exploration des agnosies nécessite de tenir compte des éventuels troubles du langage. En effet, un patient auquel on présente un objet à reconnaître peut être gêné pour le nommer en raison d’un trouble du langage empêchant de retrouver le nom attendu.

En l’absence de trouble du langage, le patient peut également être dans l’incapacité d’identifier l’objet comme un élément connu en raison de sa difficulté à intégrer les stimuli sensoriels, visuels dans cet exemple.

Sur le plan auditif, une agnosie empêchant au patient de reconnaître une série de syllabes comme une phrase puis des mots, peut mimer parfaitement un trouble du langage et égarer le diagnostic. La recherche d’une agnosie est donc habituellement délicate d’autant que fréquemment plusieurs troubles des fonctions cognitives sont intriqués. Chez des patients atteints d’une démence évoluée avec d’importants troubles de la mémoire immédiate, l’oubli de la consigne délivrée quelques secondes auparavant constitue un obstacle supplémentaire.

D’une façon générale, il est utile de réaliser des tests de reconnaissance avec deux présentations successives de la « cible » associées à des distracteurs, ressemblant à la cible par exemple.

Les agnosies visuelles peuvent entraîner une incapacité à reconnaître des visages, même familiers.

Syndrome dysexécutif :

Les fonctions exécutives sont les capacités à planifier dans le temps une tâche complexe telle qu’un calcul mental, à remplir une feuille de déclaration d’impôt, ou bien à organiser un rendez-vous pour aller voir son médecin, par exemple. Les difficultés à planifier une tâche peuvent concerner les séquences motrices et leur programmation dans le temps. Ainsi, le syndrome dysexécutif peut se traduire par des complications sévères pour s’habiller, faire sa toilette ou préparer un repas. Les fonctions exécutives comprennent également l’ensemble de la volition avec la motivation et l’initiative d’une action. Un syndrome dysexécutif passe très facilement inaperçu s’il n’est pas recherché systématiquement. Des échelles telles que la batterie rapide d’évaluation des fonctions exécutives (BREF) sont en cours de validation sur des échantillons larges, et son utilisation systématique en routine est sans doute pertinente.

Progression des troubles cognitifs et leur retentissement :

L’élément essentiel est d’établir la nouveauté de ces troubles des fonctions supérieures. Son absence est très souvent un obstacle pour porter un diagnostic de démence qui permettrait de différencier ces troubles par exemple d’une pathologie psychiatrique ancienne comme une schizophrénie ou d’une pathologie congénitale comme une hypothyroïdie. Une anamnèse réalisée avec l’entourage permet de documenter l’existence éventuelle de ces pathologies.

De plus, ces troubles cognitifs doivent avoir pour conséquence un retentissement significatif sur les activités sociales ou professionnelles.

Le patient en pleine activité professionnelle connaît des difficultés dans la réalisation de son travail, une absence de promotion, la répétition de sanctions, des échecs ou même un licenciement.

Sur le plan social, le patient peut connaître des difficultés conjugales et voir son tissu social environnant se déliter progressivement.

Il faut également rechercher les activités abandonnées en raison des troubles de mémoire ou des fonctions supérieures. Ces activités très variées peuvent être culturelles, artistiques ou de loisirs. Typiquement, les patients atteints d’une maladie d’Alzheimer ne peuvent plus, dès le stade précoce, suivre la lecture quotidienne d’un livre, oubliant au fur et à mesure la lecture des pages précédentes. Ces derniers points sont particulièrement difficiles à établir lorsque l’on est confronté à des patients très âgés qui ont tendance à être progressivement exclus de tout lien social de par leur âge. Malgré tout, ces patients âgés peuvent aussi abandonner certaines activités en raison de handicaps tels que des troubles de la marche, de la vision, de l’audition, ou bien encore à l’occasion d’un deuil durement ressenti. Il faut alors savoir distinguer la part de la réduction des activités liée à essentiellement à l’évolution d’un éventuel syndrome démentiel.

À un stade plus évolué, les activités entravées par ces troubles seront les activités plus élémentaires de la vie quotidienne comme celles qui permettent une vie sociale autonome : réaliser ses courses, gérer un patrimoine, un budget domestique, utiliser un téléphone, organiser des déplacements ou une réception, tenir un intérieur en état de propreté correcte, etc. Ces activités peuvent être facilement évaluées par l’échelle IADL (Instrumental Activities of Daily Living) de Lawton. Enfin, les activités élémentaires de la vie quotidiennes, capacités à assurer soi-même son hygiène corporelle et son alimentation seront évaluées utilement et facilement par l’échelle ADL (Activities of Daily Living) de Katz. À un degré ultime de démence, le patient peut devenir incontinent et grabataire.

La progression des troubles peut être relativement facile à documenter. Il suffit en général de se référer au niveau d’instruction du patient, à sa qualification universitaire ou professionnelle afin d’attester que les troubles constatés représentent un déclin certain par rapport à une situation antérieure. Toutefois, en cas de handicap psychomoteur ancien ou une affection psychotique ancienne, la notion de déclin est beaucoup plus difficile à établir. La répétition des évaluations, avec une fréquence annuelle comme le préconise l’HAS, peut mettre en évidence cette progression dans les troubles et signer un processus pathologique évolutif.

Exclusion d’un syndrome confusionnel :

Avant de pouvoir affirmer que l’ensemble des troubles, ses caractéristiques évolutives et son ampleur, est expliqué par un syndrome démentiel, l’hypothèse du syndrome confusionnel en tant que diagnostic principal doit être levée. En effet, le syndrome confusionnel, responsable de troubles des fonctions supérieures et touchant volontiers une population identique à celle concernée par les syndromes démentiels, diffère de ce dernier par la présence de troubles de la vigilance, ainsi que par son mode évolutif. Le début est souvent brutal et l’évolution marquée par des fluctuations. Sa résolution est enfin systématique lors de la disparition de la cause du syndrome confusionnel.

Néanmoins fréquemment, en particulier chez des patients hospitalisés, ces deux syndromes peuvent coexister, le syndrome démentiel étant l’une des conditions propice à la survenue d’un syndrome confusionnel. Une des difficultés est alors d’établir un diagnostic puisque d’une part pour affirmer le diagnostic de syndrome démentiel selon le DSM-IV un syndrome confusionnel comme diagnostic principal doit être exclu, et que d’autre part, pour faire un diagnostic de syndrome confusionnel selon ce même DSM-IV, il faut pouvoir affirmer que les troubles observés ne sont pas attribuables à l’évolution d’un syndrome démentiel. L’importance d’un interrogatoire et d’une anamnèse rigoureux est donc fondamentale chez ces malades. Ceci souligne l’intérêt d’un suivi gériatrique au cours duquel un bilan des fonctions supérieures est réalisé, et le cas échéant, un diagnostic de syndrome démentiel posé.

Le noyau démentiel est ainsi constitué par ces premiers critères : une altération des fonctions supérieures et de la mémoire, un retentissement significatif de ces troubles, l’exclusion d’un syndrome confusionnel. Ensuite, les différents diagnostics étiologiques pourront être envisagés.

Autres critères diagnostiques et étiologies :

Ces critères seront fonction du diagnostic envisagé.

Maladie d’Alzheimer :

Pour porter le diagnostic de maladie d’Alzheimer, il faudra en plus du noyau démentiel réunir trois autres critères (Encadré 1) :

Encadré 1. Critères diagnostiques pour la maladie d’Alzheimer selon le DSM-IV
1. Apparition de déficits cognitifs multiples, comme en témoigne à la fois :
A. une altération de la mémoire (altération de la capacité à apprendre des informations nouvelles ou à se rappeler les informations apprises antérieurement)
B. une (ou plusieurs) des perturbations cognitives suivantes :
– aphasie (perturbation du langage)
– apraxie (altération de la capacité à réaliser une activité motrice, malgré des fonctions motrices intactes)
– agnosie (impossibilité de reconnaître ou d’identifier les objets malgré des fonctions sensorielles intactes)
– perturbation des fonctions exécutives (faire des projets, organiser, ordonner dans le temps, avoir une pensée abstraite)
2. Les déficits cognitifs des critères 1A et 1B sont tous les deux à l’origine d’une altération significative du fonctionnement social ou professionnel et représentent un déclin significatif par rapport au niveau de fonctionnement antérieur
3. L’évolution est caractérisée par un début progressif et un déclin cognitif continu
4. Les défi cits cognitifs des critères 1A et 1B ne sont pas dus :
A. à d’autres affections du système nerveux central qui peuvent entraîner des déficits de la mémoire et du fonctionnement cognitif (maladie cérébrovasculaire, maladie de Parkinson, maladie de Huntington, hématome sousdural, hydrocéphalie à pression normale, tumeur cérébrale)
B. à des affections générales pouvant entraîner une démence (hypothyroïdie, carence en folates, B12, pellagre, hypercalcémie, neurosyphilis, infection VIH)
C. à des substances médicamenteuses ou toxiques.
5. Les déficits ne surviennent pas exclusivement au cours de l’évolution d’un delirium (confusion mentale)
6. La perturbation n’est pas mieux expliquée par un trouble psychiatrique (trouble dépressif majeur, schizophrénie)

– le premier de ces trois critères est une évolution des troubles caractérisée par un début progressif et un déclin cognitif continu ;

– le second critère est l’exclusion de certaines pathologies. Il s’agit des affections du système nerveux central telles qu’une maladie cérébrovasculaire, une maladie de Parkinson, une maladie de Huntington, un hématome sous-dural, une hydrocéphalie à pression normale ou encore une tumeur cérébrale. Ces pathologies peuvent aussi être une maladie générale telle qu’une hypothyroïdie, une carence en vitamine B12 ou en folates, une pellagre, une hypercalcémie, une neurosyphilis, une infection au virus de l’immunodéficience humaine (VIH) ou encore une affection induite par une substance médicamenteuse ou toxique ;

– le troisième critère consiste à montrer que l’ensemble du tableau clinique ne peut pas être mieux expliqué par un trouble psychiatrique tel que la schizophrénie, ou par un trouble dépressif majeur.

D’autres critères diagnostiques défi nis en 1984 par le NINCDS-ADRDA (National Institute of Neurological and Communicative Disorders and Stroke-Alzheimer Disease and Related Disorders Association) permettent d’envisager le diagnostic

de maladie d’Alzheimer selon trois degrés de certitude différents. On parle de maladie d’Alzheimer « possible », « probable » puis « certaine ». Le diagnostic de maladie d’Alzheimer « certaine » n’est porté qu’avec une confi rmation anatomopathologique du cerveau, à laquelle il faut associer l’histoire clinique et le diagnostic de maladie d’Alzheimer probable.

Les critères diagnostiques du DSM-IV et du NINCDS-ADRDA sont maintenant systématiquement utilisés dans tous les travaux de recherche biomédicale. L’inconvénient majeur de ces critères est l’impossibilité, à partir de ceux-ci, de porter un diagnostic précoce de maladie d’Alzheimer, notamment à une phase « préclinique » durant laquelle seules des anomalies à l’examen neuropsychologique, qui viennent s’ajouter à la plainte mnésique, constituent des arguments solides pour parler de maladie d’Alzheimer. Le bilan à ce stade ne permet habituellement pas encore de déceler un retentissement quelconque et il n’est alors pas possible de parler de démence, alors que le patient peut avoir une authentique maladie d’Alzheimer à un stade « prédémentiel ».

Démence vasculaire :

Selon le DSM-IV, pour aboutir à un diagnostic de démence vasculaire, le seul critère supplémentaire nécessaire est la présence de symptômes et signes neurologiques en foyer. Sont considérés comme tels une exagération des réflexes ostéotendineux, un réflexe cutanéoplantaire en extension, une paralysie pseudobulbaire, des troubles de la marche, une faiblesse des extrémités, ou bien la mise en évidence par la neuro-imagerie d’une maladie cérébrovasculaire avec la présence d’infarctus multiples dans le cortex et dans la substance blanche sous-corticale (Encadré 2). Sous le terme de démence vasculaire sont réunies en fait plusieurs pathologies puisqu’il regroupe des patients porteurs d’infarctus multiples, de lacunes diffuses dans les régions sous-corticales, ou bien d’une maladie de CADASIL, affection génétique.

Encadré 2. Critères diagnostiques pour les démences vasculaires selon le DSM-IV
1. Apparition de défi cits cognitifs multiples, comme en témoigne à la fois :
A. une altération de la mémoire (altération de la capacité à apprendre des informations nouvelles ou à se rappeler les informations apprises antérieurement)
B. une (ou plusieurs) des perturbations cognitives suivantes :
– aphasie (perturbation du langage)
– apraxie (altération de la capacité à réaliser une activité motrice, malgré des fonctions motrices intactes)
– agnosie (impossibilité de reconnaître ou d’identifier les objets malgré des fonctions sensorielles intactes)
– perturbation des fonctions exécutives (faire des projets, organiser, ordonner dans le temps, avoir une pensée abstraite)
2. Les déficits cognitifs des critères 1A et 1B sont tous les deux à l’origine d’une altération significative du fonctionnement social ou professionnel et représentent un déclin significatif par rapport au niveau de fonctionnement antérieur
3. Mise en évidence de signes et symptômes neurologiques focaux (exagération des ROT, Babinski, paralysie pseudobulbaire, troubles de la marche, faiblesse d’une extrémité), ou bien mise en évidence par les examens paracliniques d’une pathologie cérébrovasculaire (infarctus multiples concernant les cortex et la substance blanche sous-corticale), jugée liée étiologiquement avec la démence
4. Les déficits ne surviennent pas exclusivement au cours de l’évolution d’un delirium (confusion mentale)

Démence à corps de Lewy diffus :

Il s’agit d’une pathologie caractérisée par l’association d’un syndrome démentiel ayant un profil neuropsychologique à la fois cortical et souscortical très fluctuant, d’un syndrome extrapyramidal et d’hallucinations. Ceci en fait une entité qui se rapproche d’une association entre maladie d’Alzheimer et maladie de Parkinson. Les critères diagnostiques sont basés sur ceux définis par McKeith en 1996 (Encadré 3).

Encadré 3. Critères diagnostiques de McKeith pour la démence à corps de Lewy diffus
Essentiel pour le diagnostic
Déclin progressif des fonctions cognitives de sévérité suffisante pour perturber l’activité sociale ou professionnelle
Les troubles de la mémoire, transitoires ou permanents, peuvent manquer au début de la maladie, mais surviennent au cours de l’évolution
Des troubles attentionnels et des capacités visuospatiales, de même qu’un syndrome sous-corticofrontal peuvent être prédominants
Maladie possible : un ou deux des signes suivants ; Maladie probable : au moins deux des signes suivants
Fonctions intellectuelles fl uctuantes, avec variations prononcées de l’attention et de la vigilance
Hallucinations visuelles récurrentes, typiquement riches
Syndrome parkinsonien spontané
Autres éléments diagnostiques étayant le diagnostic
Chutes répétées
Syncopes
Pertes de connaissance transitoires
Sensibilité aux neuroleptiques
Délire systématisé
Hallucination non visuelle
Le diagnostic est peu probable
En présence d’un accident vasculaire cérébral (signes cliniques focaux ou imagerie cérébrale).
En présence d’une maladie somatique ou d’une autre affection cérébrale pouvant expliquer la symptomatologie

En présence du noyau démentiel, le diagnostic de démence à corps de Lewy diffus est probable si au moins deux des trois critères suivants sont réunis :

– le premier critère est la présence d’un syndrome parkinsonien ;

– le second est la présence de fluctuations de l’état cognitif avec des variations de l’attention et de la vigilance ;

– le troisième, la présence d’hallucinations visuelles récidivantes.

Un seul de ces trois critères associé à un syndrome démentiel suffi t à poser la possibilité d’un diagnostic de démence à corps de Lewy diffus.

D’autres symptômes sont en faveur du diagnostic.

Il s’agit de la survenue de chutes répétées, de syncopes, de pertes de connaissances brèves, d’une franche sensibilité aux neuroleptiques, d’idées délirantes systématisées et d’hallucinations autres que visuelles.

Enfin, la présence d’un accident vasculaire plaide contre le diagnostic.

Les troubles de la mémoire peuvent être discrets en début d’évolution alors que le défi cit attentionnel est souvent plus marqué. D’autre part, les capacités visuospatiales sont précocement altérées. Le syndrome parkinsonien est volontiers bilatéral, peu sensible à la L-DOPA, plus souvent composé d’une bradykinésie et d’une hypertonie que de tremblements. L’évolution est typiquement progressive et peut être émaillée par des accidents lors de la prescription de neuroleptiques motivée par les hallucinations visuelles fréquentes. En effet, la mauvaise tolérance des neuroleptiques, parfois fatale, est très caractéristique de la maladie.

Démences frontotemporales :

Il s’agit d’une démence neurodégénérative liée à une atrophie progressive des lobes frontaux, des parties antérieures des lobes temporaux et des noyaux gris centraux. L’expression de cette pathologie se fait essentiellement par des troubles psychocomportementaux. Les troubles cognitifs ne sont pas en premier plan. Les critères diagnostics aujourd’hui en vigueur sont dérivés de ceux de Lund et Manchester et regroupés par Lebert et Pasquier en quatre catégories de troubles (Encadré 4) :

Encadré 4. Échelle de dysfonctionnement frontal pour le
diagnostic de démence frontotemporale (selon Lebert et
Pasquier, 1998)
Troubles de contrôle de soi (cotation 1 ou 0)
Hyperphagie
Conduites alcooliques
Désinhibition verbale
Désinhibition comportementale
Irritabilité, colère
Troubles du contrôle des émotions : pleurs ou rires
Instabilité psychomotrice
Négligence physique par rapport aux habitudes antérieures (cotation 1 ou 0)
Hygiène corporelle
Vêtements (harmonie, propreté, indifférence aux tâches)
Cheveux (coupe, propreté)
Troubles de l’humeur (cotation 1 ou 0)
Tristesse apparente
Indifférence affective
Hyperémotivité
Exaltation
Manifestations d’une baisse d’intérêt (cotation 1 ou 0)
Assoupissement diurne
Apathie
Désintérêt social
Persévérations idéiques
Chaque symptôme doit représenter un changement par rapport au caractère antérieur.
Un symptôme présent entraîne une cotation de 1 pour la catégorie à laquelle il appartient. Un score total d’au moins 3 sur 4 est très en faveur d’un diagnostic de démence frontotemporale pour des patients atteints d’une démence légère (MMS > 18)

– la première catégorie regroupe des troubles du contrôle de soi, avec des conduites alcooliques, une irritabilité, une désinhibition comportementale ou verbale ;

– la deuxième catégorie de troubles porte sur la négligence physique avec une hygiène et une tenue défectueuses par rapport aux habitudes ;

– la troisième catégorie est représentée par des troubles de l’humeur, avec une indifférence affective, une exaltation, une hyperémotivité ou bien une tristesse apparente ;

– la quatrième catégorie de troubles est une baisse d’intérêt caractérisée par des assoupissements diurnes, un désintérêt social, une apathie ou des persévérations idéiques.

Chez un patient dont le score du Mini-Mental-State est supérieur à 18, la présence d’un élément d’au moins trois des quatre catégories précédentes est très en faveur du diagnostic de démence frontotemporale.

Maladies à prions :

Il s’agit de maladies neurologiques caractérisées par l’accumulation de la protéine PrPsc, dérivant de son précurseur, la PrPc. Plusieurs formes sont distinguées avec essentiellement des formes sporadiques, représentant plus de 80 % des cas, des formes génétiques, puis plus rarement, de formes transmissibles. Outre la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) qui est la plus répandue, il faut noter l’émergence de la variante de la MCJ qui est issue de la transmission à l’homme de l’encéphalopathie spongiforme bovine. Il est vraisemblable que nous assistons à un début d’épidémie dont l’ampleur prévisible n’est pas bien connue. La variante de la MCJ se distingue de la forme classique entre autre par un âge moyen plus jeune au moment du décès (29 ans contre 66 ans pour la MCJ) et une durée d’évolution moyenne de 14 mois contre 4 mois. Sur le plan clinique, la variante de la MCJ est caractérisée par des troubles psychocomportementaux avec une dysphorie, une anxiété, une instabilité, une insomnie et une apathie, des troubles de la marche, un syndrome extrapyramidal, une incontinence, des troubles visuels, et à un stade terminal, un mutisme akinétique.

DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE :

Un syndrome démentiel décelé, il faut alors envisager le diagnostic étiologique. Celui-ci s’appuiera essentiellement sur une anamnèse précise, des antécédents documentés, un examen clinique et des explorations neuropsychologiques.

Les différents diagnostics à envisager ainsi que leurs principaux mécanismes sont reportés dans l’encadré 5.

Encadré 5. Principaux diagnostics de démence
Démences dégénératives
Maladie d’Alzheimer
Démence à corps de Lewy diffus
Démence frontotemporale
Atrophie lobaire focale
Dégénérescence corticobasale
Atrophie multisystématisée
Paralysie supranucléaire progressive (maladie de Steel
Richardson Olszewski)
Démences artériopathiques
CADASIL
Maladie de Binswanger
Infarctus en zones stratégiques
État lacunaire
Infarctus multiples
Démences infectieuses
Syphilis
Leuco-encéphalopathie multifocale progressive à VIH
Maladies à prions :
– Maladie de Creutzfeldt-Jacob
– Variante de la maladie de Creutzfeldt-Jacob
– Maladie de Gerstmann-Straussler-Scheinken
Carence vitaminique
Déficit en vitamine B12
Déficit en vitamine B9
Maladies générales
Hypothyroïdie
Hyperthyroïdie
Hypercalcémie
Autres
Hydrocéphalie à pression normale
Hématome sous-dural chronique
Diagnostic différentiel
Dépression
Syndrome confusionnel

Antécédents :

Les antécédents sont d’une importance majeure pour faire un diagnostic de démence. En effet, nombre de maladies d’Alzheimer, de démences frontotemporales ou de démences à corps de Lewy diffus ont un caractère familial, et l’existence d’une démence chez un membre de la famille peut être l’élément qui a motivé le malade à consulter.

Il existe d’exceptionnelles familles dans lesquelles la prévalence de la maladie d’Alzheimer est très importante.

Il s’agit alors de formes autosomiques dominantes associées à des mutations géniques dont certaines sont connues. Par ailleurs, l’homozygote epsilon-4, codant pour l’apolipoprotéine E, est associée à un risque accru de développer une maladie d’Alzheimer de 8 à 30 fois par rapport à ceux n’ayant aucun allèle epsilon-4. Selon Daw, les patients homozygotes pour l’allèle epsilon-4 débuteraient leur maladie d’Alzheimer près de 18 ans avant les patients dont le génotype est epsilon-2/epsilon-3.

Les démences frontotemporales ont également un support génétique important lié au chromosome 17. Ces formes sont associées à un âge de début de maladie relativement jeune, à un syndrome extrapyramidal et à un caractère familial plus important que pour les autres formes de démences frontotemporales.

Certaines démences à prions telles que la maladie de Creutzfeldt-Jakob font également l’objet de rares descriptions familiales.

Les antécédents personnels sont également importants à considérer. L’inventaire complet de tous les facteurs de risque cardiovasculaires, hypercholestérolémie, tabagisme, hypertension artérielle ou diabète, aide lorsqu’au questionnement de l’origine vasculaire d’une démence.

Les antécédents psychiatriques tels que des épisodes de dépression, la précision de leur mode d’évolution et l’âge de leur survenue, sont également importants à relever. Une ancienne maladie psychotique, psychose maniacodépressive, par exemple, ou une psychose hallucinatoire chronique vieillie peuvent être aussi à l’origine de symptômes qui motivent une consultation pour des troubles de la mémoire. D’autre part, les démences frontotemporales se révèlent volontiers par un tableau psychiatrique inaugural en apparence qui peut associer plusieurs troubles frontaux tels qu’une désinhibition, une irritabilité, une agressivité, un syndrome dysexécutif avec une perte de la flexibilité mentale, alors que les troubles mnésiques sont mineurs voire absents.

Examen clinique :

Plusieurs éléments seront recherchés systématiquement en plus des troubles neuropsychologiques déjà évoqués. Il s’agit par exemple de myoclonies ou d’épisodes convulsifs dont la présence fait évoquer une maladie de Creutzfeldt-Jakob ou une maladie d’Alzheimer à un stade évolué. La recherche d’une hypotension orthostatique est un argument en faveur du diagnostic d’atrophie multi-systématisée, dont le syndrome de Shy-Drager. Cette hypotension peut être à l’origine de chutes multiples et sévères qui marquent même fréquemment le début de la maladie. Un déficit oculomoteur portant sur l’élévation du regard fait évoquer une paralysie supranucléaire progressive.

Un syndrome frontal évoque évidemment une démence frontotemporale mais aussi une maladie d’Alzheimer surtout après une longue évolution.

Il convient également de ne pas écarter trop hâtivement une paralysie supranucléaire progressive ou une démence vasculaire. Le syndrome pyramidal permet de suspecter une démence vasculaire mais reste compatible avec une maladie d’Alzheimer à un stade évolué. Un défi cit neurologique systématisé est l’un des signes qui permet de retenir le diagnostic de démence vasculaire à condition de pouvoir attribuer l’ensemble ou la majorité des troubles constituant le syndrome démentiel observé aux lésions vasculaires mises en évidence par l’imagerie cérébrale.

Le signe le plus « rentable » pour le clinicien est sans aucun doute le syndrome extrapyramidal dont la présence fait évoquer toute une série de pathologies malgré son apparition possible dans une maladie d’Alzheimer authentique. En effet, une maladie de Parkinson peut bien évidemment être marquée dans son évolution par la survenue d’une démence vraie. Il faut simplement la distinguer d’une maladie à corps de Lewy diffus dont le diagnostic différentiel est toujours difficile. Typiquement, dans la démence à corps de Lewy diffus, l’apparition du syndrome démentiel suit celle du syndrome extrapyramidal de moins d’un an. Cette particularité permet d’utiliser les critères de McKeith pour établir le diagnostic.

Cependant, une révision récente de ces critères a permis d’admettre un décalage dans le temps plus important entre la survenue de ces deux syndromes. Dans la maladie à corps de Lewy diffus, les symptômes extrapyramidaux sont typiquement symétriques et peu sensibles à la L-DOPA contrairement à la maladie de Parkinson.

De même, la mise en évidence de périodes « onoff » sous L-DOPA signe plutôt le diagnostic de maladie de Parkinson. La mise en évidence d’hallucinations, visuelles en particulier, oriente vers le diagnostic de démence à corps de Lewy.

Il faut alors se méfier de la survenue d’hallucinations au cours du traitement d’une maladie de Parkinson par L-DOPA.

Le retentissement d’une cardiopathie hypertensive sur des organes cibles tels que la rétine, les reins ou le cerveau est un argument important en faveur du diagnostic de démence vasculaire.

La mise en évidence de ces éléments aide également à la décision de mise en route d’un traitement préventif secondaire. En effet, même si le traitement des démences vasculaires n’est aujourd’hui pas codifié, ces dernières s’accompagnent souvent d’une autre pathologie cardiovasculaire qu’il faudra certainement traiter.

La dépression est fréquente dans les pathologies s’accompagnant d’un syndrome démentiel. Dans la maladie d’Alzheimer par exemple, celle-ci est authentiquement présente une fois sur deux.

Les mécanismes n’en sont pas bien connus. Il peut s’agir à la fois du terrain sur lequel se développe plus facilement la maladie d’Alzheimer, l’absence d’anosognosie chez d’autres patients provoquant une dépression en réaction à la constatation des troubles cognitifs ou encore de troubles psychocomportementaux en rapport avec une atteinte limbique. Quoi qu’il en soit, il est d’une importance majeure de reconnaître une dépression chez ces malades ainsi que le risque de suicide car le retentissement sur l’entourage est alors probablement important et les symptômes dépressifs participent grandement à l’inconfort du patient.

Bilan neuropsychologique :

Il a pour but de mettre en évidence et de préciser les troubles mnésiques, les troubles du langage, l’apraxie, l’agnosie et les troubles des fonctions exécutives. Ce bilan initial devrait être systématique et réalisé par un psychologue ayant des compétences particulières en neuropsychologie.

Il aide à préciser les traits de personnalité du patient et à les intégrer dans les troubles observés, qui résultent à la fois des lésions cérébrales présentes et des traits de caractère antérieurs. À ce jour, il n’y a pas de consensus quant aux différents tests à effectuer dans le cadre d’un diagnostic de syndrome démentiel, mais certains tests sont assez fréquemment réalisés.

Une modification du caractère est généralement renseignée par l’entourage proche du patient.

Cette modification de caractère constitue parfois le symptôme le plus voyant alors même que les troubles mnésiques peuvent être dans le même temps modérés ou absents. De même, le MMS peut être normal et rassurer à tort le médecin en présence d’un patient dont le niveau socioculturel et le niveau d’éducation sont élevés. Cette modification du caractère est aussi souvent à l’origine d’une souffrance pour l’entourage qui a l’impression de côtoyer une personne très différente.

Ces modifications de caractère peuvent aussi entraîner, en réaction, une modification du comportement de l’entourage familial ou professionnel sans raison apparente.

Données paracliniques :

Les différentes affections à l’origine d’un syndrome démentiel ne se traduisent pas par une anomalie biologique spécifique. On ne dispose d’aucun marqueur utile en clinique courante. La biologie standard a deux rôles principaux. Le premier est de rechercher des arguments pour un syndrome confusionnel qui peut être lui-même l’expression d’une anémie, d’une dysnatrémie ou encore d’une dyscalcémie. La deuxième raison de pratiquer des examens biologiques standards est de dépister au maximum les différentes comorbidités associées à l’affection neuropsychiatrique.

En effet, une comorbidité a probablement une évolution plus péjorative en présence d’une démence. De même, il est vraisemblable qu’une ou des comorbidités soient des facteurs péjoratifs en termes d’évolution des démences.

Les examens recommandés sont l’hémogramme, l’ionogramme, la calcémie, la TSH, l’albuminémie et la glycémie. D’autres dosages sont pratiqués en fonction du contexte clinique, par exemple un bilan hépatique, une sérologie VIH, une sérologie syphilitique et une ponction lombaire. Les dosages vitaminiques B12 et folates sont classiques, mais, en pratique, il est exceptionnel qu’un déficit vitaminique en B12 ou en folates soit à l’origine d’une véritable démence. Récemment, un lien fort entre une hyperhomocystéinémie et la survenue de la maladie d’Alzheimer a été mis en évidence, mais le dosage systématique de l’homocystéinémie ne fait pas actuellement partie des recommandations.

Imagerie cérébrale :

Scanner cérébral :

Toute altération des fonctions supérieures motive de manière quasi automatique la réalisation d’une imagerie cérébrale, qu’un syndrome démentiel ait été déjà diagnostiqué ou non. Le but de cette imagerie est double. Tout d’abord, il s’agit d’éliminer une pathologie quelquefois curable telle qu’un hématome sous-dural, une hydrocéphalie à pression normale ou une tumeur cérébrale. D’autre part, cette imagerie peut dans certains cas aider le diagnostic étiologique avec la mise en évidence de multiples infarctus, d’un infarctus unique siégeant dans une zone stratégique, d’anomalies de la substance blanche en faveur d’une pathologie cérébrovasculaire, ou encore d’une atrophie localisée ou non.

Le groupe de travail de l’HAS a recommandé la réalisation d’une imagerie cérébrale qui est au minimum un scanner cérébral sans injection, et au mieux une imagerie par résonance magnétique (IRM) nucléaire. La plupart du temps, un scanner cérébral sans injection de produit de contraste iodé suffit.

Toutefois, lorsqu’une pathologie vasculaire est suspectée, une IRM cérébrale est systématique afin de ne pas méconnaître des lésions ischémiques lacunaires. Enfin, bien souvent, une imagerie initiale est suffisante et la répéter ultérieurement n’apporte rien au diagnostic étiologique. D’après ces mêmes recommandations, il n’y a pas lieu de répéter ces examens. La portée de l’imagerie cérébrale dans la démarche diagnostique d’un syndrome démentiel reste limitée puisqu’elle n’apporte jamais un diagnostic positif. La mise en évidence d’une atrophie corticale diffuse ne peut en aucun cas permettre de poser un diagnostic de maladie d’Alzheimer.

IRM cérébrale :

Cet examen est recommandé par l’HAS dans la démarche diagnostique des syndromes démentiels.

Les éléments principaux en faveur de la réalisation de cet examen sont essentiellement la facilité avec laquelle les lésions vasculaires ischémiques sont mises en évidence et son innocuité en l’absence de contre-indication. Les principales limites de l’IRM sont l’accès parfois limité, le coût relativement important et Enfin l’anxiété induite par les conditions difficiles de l’examen chez le patient souffrant de troubles des fonctions supérieures. En effet, la claustrophobie des patients peut devenir un obstacle important. Une atrophie localisée aux hippocampes et au cortex temporal entorhinal serait un argument important pour le diagnostic précoce de maladie d’Alzheimer de même que la découverte d’une atrophie prédominant au niveau des lobes frontaux confortera un diagnostic de démence frontotemporale.

Place des autres techniques d’imagerie et des épreuves fonctionnelles :

Les recommandations de l’HAS désignent les techniques telles que le PET-scan, le SPECT, l’IRM fonctionnelle, l’électroencéphalogramme quantifié comme des examens paracliniques non recommandés dans la pratique clinique, mais réservés essentiellement à la recherche. Les études fonctionnelles sur des patients porteurs de processus lésionnels, tels que la maladie d’Alzheimer, apportent également des éléments fondamentaux sur la compréhension du fonctionnement normal du cerveau humain.

Ponction lombaire :

La réalisation d’une ponction lombaire devant un syndrome démentiel ne se justifie à ce jour que dans le cas d’une suspicion d’infection neuroméningée comme la syphilis, ou dans le cas d’une suspicion de maladie de Creutzfeldt-Jakob. Dans ce dernier cas, la protéine 14-3-3 est recherchée systématiquement tout en ayant bien à l’esprit que cette recherche peut s’avérer positive dans des situations telles qu’une maladie d’Alzheimer ou un accident vasculaire cérébral.

Génétique :

Le génotypage de l’apolipoprotéine E n’est pas recommandé par l’HAS en tant que test de dépistage.

Il est réalisé dans le cadre de la recherche biomédicale. Sa réalisation systématique entraînerait des problèmes éthiques importants, surtout face à des maladies dont les traitements curatifs sont nuls

Biopsie cérébrale et nécropsie :

La réalisation d’une biopsie cérébrale, du vivant du malade, est exceptionnelle et réservée aux patients jeunes pour lesquels un diagnostic clinique est difficile ou insuffisant. La pratique des autopsies est aujourd’hui grandement délaissée alors qu’une confirmation neuroanatomique aide particulièrement le clinicien dans ses compétences cliniques, qu’un diagnostic précis peut s’avérer utile pour la descendance, notamment si un risque familial existe, Enfin, que son apport pour la recherche biomédicale est tout à fait pertinent.

RETENTISSEMENT DU SYNDROME DÉMENTIEL :

Les problèmes du clinicien et de son patient ne s’arrêtent pas au diagnostic étiologique du syndrome démentiel. Quelle que soit la maladie en cause, a fortiori en gériatrie où la maladie d’Alzheimer, la démence à corps de Lewy diffus et les démences frontotemporales sont les diagnostics les plus couramment discutés, le retentissement et les complications doivent être systématiquement étudiés et dépistées afin de pouvoir initier une prise en charge de qualité.

Symptômes psychologiques et comportementaux :

Les symptômes psychologiques ou comportementaux, appelés il y a quelques années troubles du comportement, sont fréquents quels que soient le diagnostic et le stade évolutif. Au début l’apparition de troubles du comportement est parfois le seul signe clinique et peut représenter un mode d’entrée dans une démence.

Dans la maladie d’Alzheimer légère à modérément sévère, ces troubles concernent environ 85 % des patients. Pour les démences frontotemporales, il s’agit non seulement du mode de révélation principal mais aussi du symptôme qui prédomine tout au long de l’évolution de la maladie, alors même que les troubles de la mémoire peuvent être discrets ou encore absents. Les démences vasculaires sont aussi caractérisées par l’intensité des troubles du comportement. En règle générale, toute pathologie comportant une atteinte des lobes frontaux, des voies afférentes ou efférentes des structures frontales telles que les connexions striatofrontales, s’accompagne de troubles du comportement. Il s’agit le plus souvent pour le patient de difficultés d’adaptation à l’environnement, lors d’un changement du lieu de vie (changement d’habitation ou de chambre à l’hôpital) ou de l’environnement interindividuel.

Un sujet sain s’adapte en fonction des acquis réalisés le plus souvent pendant l’enfance.

Ces acquis seront par exemple la pudeur,

la politesse, les attitudes devant la nourriture.

Chez le patient frontal tout se passe comme si ces acquis étaient oubliés ou perdus. Ainsi des réactions d’agressivité peuvent se développer alors que l’élément déclenchant ne devrait être que tout au plus irritant pour un sujet sain.

Ces troubles du comportement peuvent être évalués par un outil tel que le NPI (Neuro-Psychiatric Inventory). Le NPI évalue ainsi la fréquence, la gravité et le retentissement sur l’entourage de 12 comportements différents. Ces comportements pathologiques sont la dépression/dysphorie, les troubles du sommeil ( insomnie ou hypersomnie), les troubles de l’appétit ( anorexie ou boulimie), l’apathie/indifférence, l’agressivité/agitation, les idées délirantes, les hallucinations, les comportements moteurs aberrants, l’anxiété, la désinhibition, l’irritabilité/instabilité de l’humeur, l’exaltation de l’humeur/ euphorie.

Les troubles de l’humeur dépendent des rapports entre les structures frontales et les structures limbiques. Ces troubles sont fréquemment associés à un syndrome dysexécutif avec une atteinte notamment des processus de volition et de motivation. Ces troubles du comportement dépendent étroitement de l’environnement et de l’entourage proche. Des programmes « éducatifs » pour l’entourage permettent souvent de diminuer les troubles du comportement alors qu’au contraire des thérapeutiques telles que les neuroleptiques peuvent avoir des effets très modestes voir nuls au regard des effets indésirables qu’ils entraînent souvent.

L’évaluation des troubles du comportement est un volet complet de la prise en charge de ces malades, puisque ces troubles peuvent majorer une souffrance du patient, retentir fortement sur l’entourage, être à l’origine d’une perte d’autonomie pour les activités de la vie quotidienne, être à l’origine d’hospitalisations répétées, d’une iatrogénie lorsque des neuroleptiques sont prescrits et même représenter un risque d’institutionnalisation.

Perte de l’autonomie pour les activités de la vie quotidienne :

La perte d’autonomie représente l’incapacité à réaliser soi-même les activités de la vie quotidienne.

Ces activités peuvent se distinguer en actes élémentaires tels que faire sa toilette, s’habiller, aller aux toilettes, se déplacer sans aide, manger et être continent, ou bien en activités plus élaborées telles que les activités instrumentales.

Il peut s’agir alors des capacités à faire ses courses, à manipuler l’argent, réaliser des tâches ménagères ou utiliser correctement un téléphone.

Participent à cette perte d’autonomie divers troubles des fonctions cognitives comme l’altération progressive des praxies, l’altération des fonctions exécutives qui rendent difficile la planification des tâches dans le temps, les troubles mnésiques qui gênent le patient pour faire ses courses, les troubles du langage qui empêchent l’utilisation correcte du téléphone, ou encore l’apparition d’une agnosie.

Cette perte d’autonomie assez rarement identifiée spontanément par l’entourage peut représenter une souffrance importante pour le patient. Souvent inaperçue également pour le patient, elle est même niée longtemps les plus anosognosiques tels que les sujets atteints d’une maladie d’Alzheimer.

Il est malheureusement bien trop souvent admis qu’une perte d’autonomie est l’une des conséquences inéluctables du vieillissement.

Pourtant, elle reste totalement anormale et permet de différentier par exemple des troubles de la mémoire simplement liés à l’âge et qualifiés alors de bénins, d’une authentique démence.

Ainsi, l’étude bordelaise Paquid avait identifié quatre activités pour lesquelles une atteinte simultanée était hautement prédictive d’une maladie d’Alzheimer. Il s’agissait de la capacité à utiliser un téléphone, à utiliser les transports, à gérer son traitement médicamenteux, et à gérer son budget et ses affaires courantes.

Établir précisément le degré d’autonomie d’un patient âgé par des outils tels que l’ADL de Katz et l’IADL de Lawton est essentiel lors de toute évaluation gérontologique. Si cette perte d’autonomie est insuffisamment anticipée et palliée, elle est source de crises aiguës et d’hospitalisations en urgence. Enfin, les démences évoluent toutes vers une perte progressive et totale d’autonomie.

Souffrance de l’entourage :

La souffrance de l’entourage des patients déments est très fréquente. Les raisons en sont multiples quoique mal identifiées à ce jour.

Cette souffrance peut être la conséquence de la modification du caractère et de la personnalité, de l’apparition de troubles du comportement, de la perte de l’autonomie pour les activités de la vie quotidienne, des retentissements sociaux de la maladie. Cette souffrance peut avoir pour conséquences des décisions médicosociales prises pour le patient, comme l’instauration d’un traitement médicamenteux afin de traiter des troubles du comportement, le placement en institution.

Cette souffrance est enfin une source de maltraitance. Le retentissement de la maladie sur l’entourage peut être mesuré, et suivie, au moyen de l’échelle de Zarit.

Il est aujourd’hui bien établi que la personne identifiée comme « l’aidant principal », qu’il appartienne ou non à la famille, a un risque accru en termes de morbidité comme de mortalité.

Pour ces sujets, la prévalence de la dépression est plus importante que dans le reste de la population générale.

Il est aussi vraisemblable que la souffrance de l’aidant principal influence le comportement du malade dément avec par exemple des symptômes de type dépression, agitation ou agressivité.

Identifier cette souffrance et tenter de la réduire fait pleinement partie de la prise en charge du malade, ou plus exactement du couple malade-aidant principal. Cette démarche doit sans doute être clairement envisagée dès la phase de diagnostic.

Une pathologie, telle que la démence frontotemporale dans laquelle les troubles du comportement prédominent, est associée à une souffrance particulièrement importante pour l’entourage, avec des conséquences parfois dramatiques telles que divorce ou abandon.

Dénutrition :

La dénutrition qui peut se développer chez les patients déments est un élément important à plus d’un titre. Cette dénutrition est d’une prévalence particulièrement forte dans la maladie d’Alzheimer, mais aussi dans la plupart des démences, sans que les mécanismes en cause soient clairement identifiés. Une des causes peut être des troubles de l’alimentation, identifiés alors comme un trouble du comportement.

Il peut s’agir également de conséquences liées à la perte de l’autonomie rendant impossibles l’effectuation de courses ou la préparation d’un repas. Dans la maladie d’Alzheimer, un hypercatabolisme inhérent à la maladie n’est pas totalement exclu même si la littérature récente ne plaide pas formellement pour ce mécanisme.

Cette dénutrition s’inscrit nettement dans la problématique de la comorbidité et de la fragilité au cours des démences avec toutes les difficultés qui en découlent, tant pour son identification que pour sa prise en charge. Dépister le risque de dénutrition au moyen d’un outil tel que le Mini Nutritional Assessment (MNA) est alors important dans la prise en charge de tels malades, la dénutrition étant associée à une évolution péjorative. Les mesures précoces de dépistage et d’intervention diététique permettent de prévenir la survenue d’une dénutrition.

Comorbidités :

Faire le point sur les comorbidités, particulièrement chez les sujets les plus âgés, fragiles et polypathologiques, est essentiel lors du bilan d’un syndrome démentiel. En effet, une démence associée à la décompensation d’une autre pathologie chronique est très souvent à l’origine d’un syndrome confusionnel qui entraîne une prise en charge pour la pathologie décompensée plus lourde, une augmentation de la durée de séjour, une morbidité et une mortalité accrues, et une diminution de l’autonomie pour les activités de la vie quotidienne qui persiste même à distance de l’épisode confusionnel. D’autre part, l’existence simultanée d’une autre maladie avec la démence est sans doute pour bon nombre d’exemples un facteur aggravant l’évolution de la démence.

MODALITÉS DE PRISE EN CHARGE :

La prise en charge des démences est d’emblée globale et s’inscrit dans le temps, en règle, jusqu’au décès du patient. Elle concerne donc directement le médecin généraliste et le gériatre.

La prise en charge inclut à la fois l’évolution propre du syndrome démentiel, la survenue des complications et de son retentissement, celle des crises, en règle, marquées par l’apparition d’un syndrome confusionnel, la décision de mesures sociales telles que le placement en institution, et la gestion des comorbidités.

Prise en charge médicamenteuse du syndrome démentiel :

Médicaments spécifiques :

À ce jour, seule la maladie d’Alzheimer bénéficie de l’existence de thérapeutiques médicamenteuses spécifiques faisant l’objet de l’autorisation de mise sur le marché de deux classes médicamenteuses : les molécules anticholinestérasiques et les inhibiteurs des récepteurs nicotiniques.

Ces deux classes médicamenteuses ont fait l’objet de nombreux essais thérapeutiques. Ceux-ci ont montré une efficacité sur les malades quant à l’évolution des troubles cognitifs, la perte d’autonomie pour les activités de la vie quotidienne, et l’évolution des symptômes psychologiques et comportementaux. Des études sur le retard à la décision de l’institutionnalisation, sur l’impact financier de la prise en charge et la diminution de la souffrance des aidants existent, mais sont encore trop peu nombreuses pour conclure en un bénéfice net de ces molécules sur ces éléments pourtant essentiels à la prise en charge.

D’une part, l’usage de ces molécules est marqué par la survenue d’effets indésirables assez importants sur le plan individuel. D’autre part, le coût important de ces médicaments nécessite une réflexion continue du thérapeute quant à leur prescription.

Néanmoins, le fait qu’ils soient les seuls médicaments indiqués spécifiquement dans la maladie d’Alzheimer rend leur prescription essentielle dans la prise en charge de ces très nombreux malades.

Les anticholinestérasiques sont les médicaments les plus prescrits puisqu’ils sont indiqués dès le stade le plus précoce de la maladie, et ce quelle que soit la forme observée. Ces médicaments sont le donepézil, la rivastigmine et la galantamine. Leur introduction doit se faire à doses progressives afin de limiter la survenue d’effets indésirables et d’augmenter la compliance des patients. Leurs effets indésirables sont essentiellement digestifs avec les nausées, des vomissements, des troubles du transit (diarrhée essentiellement), des douleurs abdominales.

Ils peuvent également être à l’origine de troubles du sommeil et d’épisodes d’agitation.

Une recherche de troubles de conduction et du rythme cardiaques doit être effectuée, et le cas échéant, l’aval d’un cardiologue doit être obtenu pour autoriser leur prescription. Pour faciliter la progression des doses, ils sont commercialisés sous plusieurs dosages.

Donepézil ( Aricept®) :

Il existe en comprimés de 5 mg et 10 mg. Il se prescrit initialement à raison de 10 mg par jour en une prise quotidienne. La dose dite thérapeutique de 10 mg est obtenue au moins après 4 semaines d’une prescription de 5 mg/j. Certains essais ont montré une efficacité du médicament dès 5 mg/j.

Rivastigmine ( Exelon®) :

Elle associe à son action sur la cholinestérase, une action sur la butyrylcholinestérase, ce qui lui confère d’après le laboratoire pharmaceutique un avantage sur ses molécules concurrentes.

Toutefois, cette action est d’un intérêt mal évalué sur le plan clinique. Enfin, les essais thérapeutiques récents ont montré une efficacité clinique chez des patients atteints d’une démence à corps de Lewy diffus, et plus récemment sur les patients souffrant d’une démence associée à une maladie de Parkinson. Une extension de son autorisation de mise sur le marché pour les démences associées à un syndrome parkinsonien (maladie de Parkinson et démence à corps de Lewy) est prévisible très prochainement. Il existe pour ce médicament quatre dosages : 1,5 mg, 3 mg, 4,5 mg et 6 mg. Il se prescrit en 1 gel./2x/j. La dose thérapeutique est en règle d’au moins 9 mg /j et idéalement 12 mg/j.

L’augmentation des doses se fait toutes les 4 semaines. Certaines études suggèrent une efficacité de la molécule dès 6 mg/j.

Galantamine ( Reminyl®) :

Elle existe sous trois dosages différents : 4 mg, 8 mg et 12 mg. Il se prescrit en 1 comprimé matin et soir. La dose thérapeutique est de 16 mg/j et idéalement 24 mg/j. L’augmentation des doses se fait en paliers de 4 semaines également.

Les essais cliniques ont évalué l’efficacité de ces trois médicaments sur une période d’au moins 12 semaines, et le plus souvent 24 semaines.

Cette efficacité est jugée avant tout sur les performances des fonctions cognitives. Mais, il existe également une efficacité sur les troubles du comportement et sur le déclin de l’autonomie pour les activités de la vie quotidienne. Ainsi, l’action sur les troubles du comportement peut être bénéfique en ce sens que la prescription conjointe de neurotropes tels que les antidépresseurs, les anxiolytiques et les neuroleptiques peut être diminuée voire interrompue, ce qui représente un avantage certain étant donné les effets indésirables de ces médicaments.

L’efficacité de ces molécules sur ces différents éléments rend les décisions du médecin plus difficiles car avant de juger de ces molécules chez le patient, il faut avoir déterminé clairement les objectifs du traitement.

Mémantine ( Ebixa®) :

Elle est le seul médicament de la classe des inhibiteurs des récepteurs nicotiniques. Son autorisation de mise sur le marché existe pour les formes de maladie d’Alzheimer de stade modérément sévère à sévère. Elle existe sous deux formes de dosages : 5 mg et 10 mg. Il se prescrit en 1 comprimé matin et soir et l’augmentation des doses se fait également après 4 semaines d’un traitement à 5 mg matin et soir. Cette augmentation ne peut se faire s’il existe une insuffisance rénale, et si cette dernière est sévère la mémantine est contre-indiquée. L’efficacité de cette molécule existe sur les fonctions cognitives et sur les troubles du comportement.

Règles de prescription des médicaments spécifiques :

Les anticholinestérasiques sont indiqués dès le stade « léger » de maladie d’Alzheimer. Leur efficacité est évidente sur une longue période, de plusieurs années. Cependant, une évaluation semestrielle doit être effectuée afin de rechercher une inefficacité de l’anticholinestérasique prescrit, qui existe chez près de 40 % des malades.

Le cas échéant, l’interruption de la molécule administrée doit être poursuivie par la prescription d’un autre médicament anticholinestérasique.

La discussion du traitement doit être renouvelée notamment en cas d’institutionnalisation du malade, puisque les objectifs du traitement changent à cette occasion. En institution, leur prescription peut être motivée pour maintenir l’autonomie du patient pour les activités de la vie quotidienne et pour traiter les troubles du comportement.

La mémantine peut être prescrite en association avec un anticholinestérasique afin d’accroître l’efficacité sur les troubles cognitifs et du comportement.

Cependant son autorisation de mise sur le marché n’existe que pour les formes modérément sévères à sévères.

Enfin, lorsque la démence est très évoluée, une discussion éthique doit être menée quant à l’interruption des anticholinestérasiques et de la mémantine, afin de ne pas exposer inutilement le patient à des effets indésirables fréquents au regard des bénéfices limités en général à ce stade de la maladie.

Médicaments non spécifiques :

Le traitement des démences, et de la maladie d’Alzheimer en l’occurrence, ne se limite pas aux seuls médicaments dits spécifiques.

Dans de nombreux cas, des neurotropes tels que les anxiolytiques devront être prescrits. Il n’y a pas de règle quant au choix d’une benzodiazépine à demi-vie courte ou longue. Mais les effets indésirables des benzodiazépines sont nombreux et fréquents chez ces malades et leur prescription doit faire l’objet d’une surveillance accrue.

La dépression est très fréquemment associée à la maladie d’Alzheimer, ainsi qu’aux autres formes de démences, et doit motiver la prescription d’un antidépresseur. En raison des effets indésirables très fréquents et nombreux des tricycliques, ceux-ci sont évités au maximum. Le choix d’un inhibiteur des récepteurs de la sérotonine est dans ces cas bien préférable. Une efficacité de ces molécules sur l’apathie a été récemment mise en évidence, quoique n’ayant pas fait l’objet d’essai thérapeutique rigoureux.

Enfin les symptômes psychotiques seuls doivent faire discuter d’un neuroleptique. Pendant quelques années, les effets anticholinergiques limités des neuroleptiques dits « atypiques » ont fait de ces médicaments une classe médicamenteuse particulièrement utile dans l’arsenal thérapeutique des médecins. Cependant, la survenue d’effets indésirables importants (accidents vasculaires cérébraux) chez les patients atteints d’une maladie d’Alzheimer a conduit à exclure les neuroleptiques « atypiques » des prescriptions de ces malades. Ainsi, seuls les neuroleptiques « classiques » peuvent être encore recommandés lorsque les symptômes psychotiques représentent une morbidité importante pour les malades et leur entourage. Néanmoins, leur prescription doit se faire avec la plus grande prudence en raison des effets indésirables.

Malgré l’existence de symptômes psychotiques dans les démences à corps de Lewy diffus, la prescription des neuroleptiques doit être proscrite en raison de la grande sensibilité à ces médicaments au cours de cette maladie.

L’introduction d’un neuroleptique ne doit s’envisager qu’à doses très faibles, très progressives et en milieu hospitalier spécialisé.

La démence vasculaire a fait l’objet d’essais thérapeutiques pour l’usage des anticholinestérasiques mais qui sont à ce jour de qualité insuffisante pour justifier la prescription de ces molécules dans cette maladie. Il en est de même pour les démences dites « mixtes », c’est-à-dire la maladie d’Alzheimer associée à une composante vasculaire objectivée par la clinique et la paraclinique.

Les médicaments indiqués dans la maladie de parkinson peuvent se discuter dans la prise en charge des démences à corps de Lewy.

Prise en charge non médicamenteuse :

La prise en charge des patients déments, quelle qu’en soit l’étiologie, ne se limite pas aux seuls médicaments, loin s’en faut. La prise en charge est d’emblée centrée sur le médecin généraliste.

Ce dernier doit être secondé par le gériatre, le neurologue ou le psychiatre qui a instauré le traitement spécifique le cas échéant. Il est essentiel d’inclure dans la prise en charge les aidants, garants de son efficacité, et qui par ailleurs souffrent plus fréquemment que la population générale, de dépression. Les études récentes ont également montré une plus grande mortalité des aidants.

La prise en charge médicale doit pouvoir proposer l’intervention du médecin référent au domicile du patient, car la maladie progressant, déplacer le malade peut devenir de plus en plus difficile.

Cette prise en charge doit pouvoir proposer également un suivi spécialisé par un gériatre, neurologue ou psychiatre, entouré d’une équipe multidisciplinaire. Ce suivi permet la discussion du traitement spécifique et une évaluation multidisciplinaire incluant l’évaluation des fonctions cognitives, des symptômes psychologiques et comportementaux, du statut nutritionnel, de l’autonomie pour les activités de la vis quotidienne, de la charge portée par l’aidant, de la recherche et de la prise en charge des comorbidités.

Il est idéalement semestriel et inclut bien évidemment l’aidant.

Adaptation comportementale :

Cette notion doit faire partie de l’éducation délivrée par le médecin à l’entourage du malade.

Il s’agit de considérer que les malades souffrent d’une maladie de l’adaptation à l’environnement.

Si le substratum des symptômes psychologiques et comportementaux est effectivement organique, la manifestation des troubles et symptômes est le plus souvent provoquée par une incapacité du malade à s’adapter à un changement de l’environnement. Il peut s’agir d’un changement de lieu de vie, d’entourage, d’un changement de rythme des repas, des heures du coucher et lever, d’un changement des intervenants tels que les aides formelles (infirmière, aides-soignants, gardes malades), d’une hospitalisation, d’un changement de chambre à l’hôpital, de la survenue d’une pathologie intercurrente, de la survenue d’effets indésirables d’un médicament, d’un deuil, d’une maltraitance, physique ou psychologique.

Le malade ne pouvant par lui-même s’adapter facilement à l’environnement, il faut l’aider et aménager avec la plus grande douceur tout changement dans sa vie, qu’il puisse être anticipé ou non. Bien souvent, cette adaptation comportementale permet l’amendement ou l’atténuation des symptômes psychologiques et comportementaux.

Ces principes s’appliquent également à l’entourage encouragé à accepter les symptômes tels que l’agressivité, l’irritabilité, l’anxiété, la dépression, la déambulation, afin, par exemple, de réagir le moins possible à l’agressivité par l’agressivité, ou de le sensibiliser à passer du temps pour rassurer un malade anxieux.

Cette adaptation comportementale concerne bien sûr l’entourage du malade, mais également tous les acteurs de santé qui interviennent auprès du patient.

Nutrition :

La plupart des démences s’accompagnent d’un risque majeur de dénutrition. L’entourage doit être particulièrement attentif à l’alimentation du patient, en s’assurant de l’approvisionnement normal en aliments, en une gestion correcte et rigoureuse du réfrigérateur, et en la possibilité du patient de pouvoir bénéficier des repas quotidiens dont il a besoin. Une surveillance de la consommation d’alcool doit également être effectuée sans pour autant la supprimer totalement.

Les conseils d’un diététicien sont parfois utiles et une prescription de compléments nutritifs est parfois nécessaire.

Une évaluation régulière du statut nutritionnel et du risque de dénutrition peut très utilement se faire grâce à l’échelle MNA.

Prise en charge sociale :

Le diagnostic de démence, quelle que soit l’étiologie retenue, doit faire l’objet d’une demande de prise en charge par la sécurité sociale à 100 % au titre des affections de longue durée.

L’intervention du secteur social est souhaitable afin de pouvoir faire bénéficier le patient et l’entourage d’intervenants tels que des aides ménagères, les services de soins à domicile, et les systèmes de garde au domicile si le maintien au domicile est privilégié.

Le financement de ces interventions peut être assuré en partie par l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), allocation déterminée en fonction du degré de dépendance et des revenus du patient.

Enfin, la discussion d’une institutionnalisation en maison de retraite médicalisée, en établissements spécialisés dans la prise en charge des démences, ou en unités de soins de longue durée à l’hôpital doit être envisagée par le médecin avec l’entourage et le patient. L’idéal est d’éviter en l’anticipant toute situation qui aboutit à l’institutionnalisation en urgence, en raison du traumatisme représenté par une telle décision pour le malade et son entourage proche, et à cause de la difficulté à « trouver une place » dans les situations urgentes. Il faut donc inclure cette discussion dans le projet de vie du malade, et établir avec la plus grande anticipation des dossiers d’admission en institution quitte à repousser de façon itérative l’admission lorsque celle-ci est proposée par l’établissement d’accueil.

Certaines structures proposent un « accueil de jour » (autrefois appelé parfois aussi « hôpital de jour »). Cette solution permet l’accueil du patient certains jours de la semaine, afin notamment de soulager l’entourage proche. Certaines structures peuvent également proposer annuellement des hospitalisations de « répits » de quelques semaines.

Prise en charge de la perte de l’autonomie pour les activités de la vie quotidienne :

La perte d’autonomie pour les activités de la vie quotidienne est inéluctable et la source d’une grande souffrance pour le malade et ses proches.

Son évaluation régulière avec l’entourage permet d’adapter au mieux le lieu de vie du patient, avec l’intervention par exemple d’un ergothérapeute.

La prescription d’une kinésithérapie, idéalement au domicile, facilite par exemple le maintien d’une marche de qualité le plus longtemps possible.

Syndrome confusionnel :

Le syndrome confusionnel est un risque majeur pour les patients atteints d’un syndrome démentiel.

Les facteurs déclenchants en sont multiples et peuvent être parfois aussi simples qu’un deuil, un changement dans l’entourage, dans les aides, un changement de lieu de vie (séjour pour les vacances, par exemple), ou la modification d’un dosage de médicaments. Les éléments diagnostiques et thérapeutiques sont développés dans un chapitre spécifique de cet ouvrage.

La survenue d’un syndrome confusionnel doit être suspectée en cas d’apparition de troubles de la vigilance, d’une altération subite des fonctions supérieures, ou de l’apparition brutale de symptômes psychologiques et comportementaux.

Elle grève de façon importante les capacités fonctionnelles du patient et nécessite le plus souvent une hospitalisation en urgence à proximité d’une structure spécialisée.

CONCLUSION :

Le vieillissement de la population, l’absence de facteur de risque facilement maîtrisable et de traitement curatif ainsi que les progrès réalisés dans le domaine du diagnostic précoce de pathologies, telles que la maladie d’Alzheimer, font du syndrome démentiel une entité clinique rencontrée et amener à être rencontrée de plus en plus souvent. Les prévisions de l’évolution du nombre de cas en France pour les prochaines décennies font des démences un enjeu majeur de santé publique.

La reconnaissance de ce syndrome ne devrait plus être réservée aux seuls gériatres ou aux seuls neurologues. Il existe aujourd’hui des outils qui permettent d’aboutir assez facilement à un diagnostic précis et donc d’initier une prise en charge multidisciplinaire. Cette démarche diagnostique, bien plus que de moyens techniques, nécessite avant tout du temps et des moyens humains. Elle doit d’emblée aller au-delà de l’identification d’une pathologie et inclure le bilan du retentissement du syndrome démentiel sur l’entourage et sur l’autonomie du patient pour les activités de la vie quotidienne, ainsi que le bilan des complications engendrées par les troubles nutritionnels, les troubles du comportement et les interactions avec les comorbidités.

Elle est le préalable incontournable à une prise en charge qui inclura certes les thérapeutiques médicamenteuses spécifiques actuelles et à venir ainsi que toutes les autres mesures nécessaires pour accompagner les conséquences médicosociales du syndrome démentiel.