Toute douleur ressentie dans l’oreille est une otalgie. Elle peut correspondre à une infection de l’oreille, ou n’être que la localisation dominante ou non d’une douleur consécutive à une affection de voisinage, parfois grave tel un cancer oro-pharyngo-laryngé. Il est évident que les diagnostics évoqués sont bien différents selon l’âge et le terrain.
CAUSE AURICULAIRE :
Il s’agit d’affections le plus souvent inflammatoires de l’oreille externe ou de l’oreille moyenne.
Le diagnostic repose sur l’otoscopie après inspection du pavillon et de la partie proximale du conduit auditif externe. L’usage du microscope ou au minimum d’un système grossissant facilite grandement l’examen et en assure la qualité. L’existence fréquente de débris cérumineux ou épidermiques, voire la présence d’un écoulement, nécessite la disposition d’une aspiration afin de visualiser l’ensemble des parois et surtout le tympan. Ainsi, l’otalgie peut d’emblée être rapportée aux causes suivantes.
Lésion de l’oreille externe :
Otite externe :
Le plus souvent inflammatoire ou infectieuse, c’est la classique otite externe (qui n’est pas une otite, mais une atteinte cutanée), d’origine bactérienne ou mycosique.
Elle est favorisée par toute lésion antérieure (eczéma), par les bains en piscine et entre volontiers dans le cadre des pathologies dites de vacances. On retrouve parfois la notion de traumatisme, a fortiori en présence d’eczéma prurigineux avec lésions de grattages à l’aide de toutes sortes d’instruments (trombones, épingles à cheveu, etc.).
Il s’agit d’une infection souvent très douloureuse, justifiant si besoin la prescription d’antalgiques majeurs de type morphine. On en rapproche le furoncle du conduit.
Un prélèvement bactériologique permet en principe d’identifier le ou les germes en cause (très souvent des staphylocoques). Il faut rechercher aussi une mycose qui serait aggravée par la prescription d’antibiotiques locaux et généraux.
L’existence de filaments, la ténacité de l’infection, son exaspération sous traitement antibiotique, doivent faire penser systématiquement à l’otite externe.
Otite externe maligne :
L’otite externe, dite maligne, est une affection grave, voire gravissime en l’absence de traitement rapide et adapté. La mortalité avoisine en effet 30 % dans certaines statistiques.
Elle se voit chez le diabétique ou l’immunodéprimé et succède le plus souvent à un traumatisme minime. Elle correspond presque exclusivement à une infection par Pseudomonas aeruginosa beaucoup plus rarement à Proteus.
Elle se caractérise par une évolution extensive, nécrosante, avec altération de l’état général, atteinte du cartilage, puis de l’os, aboutissant progressivement à une destruction du rocher et de la base du crâne avec paralysie, en particulier paralysie faciale souvent révélatrice. En l’absence de traitement ou d’efficacité thérapeutique l’évolution se fait vers la mort souvent par abcès cérébral, thrombophlébite du sinus caverneux, etc.
Le scanner essentiellement permet de suivre
l’évolution des lésions et d’apprécier petit à petit l’efficacité du traitement. L’IRM s’impose en cas d’extension neurologique.
Le traitement repose sur une parfaite équilibration du diabète et surtout sur une antibiothérapie massive et prolongée (au moins deux mois) en tenant compte de l’évolution clinique et radiologique et des données de l’antibiogramme.
L’oxygénothérapie hyperbare a été proposée.
La chirurgie a peu de place ici et ne constitue qu’un appoint au traitement médical. Elle est d’ailleurs discutée.
Chondrites :
Les chondrites atteignent le conduit et le pavillon.
Elles succèdent le plus souvent à un traumatisme avec hématome (parfois postchirurgical).
Si elles sont spontanées, elles doivent faire rechercher une polychondrite atrophiante (voir chapitre Oreille rouge). L’évolution spontanée se fait vers la nécrose du cartilage avec déformation définitive du pavillon.
Zona du VII :
Le zona du VII est marqué par des douleurs « dans le conduit » et la découverte de vésicules dans la conque (zone de Ramsay Hunt).
Une paralysie faciale est souvent révélatrice et est rattachée à sa cause par l’examen soigneux du pavillon et du conduit.
Le traitement repose sur le Zélitrex® à 500 mg, 2 comprimés/jour pendant 1 semaine.
Kyste et fistule :
Les kystes et fistules (première fente) sont rarement douloureux en dehors de la surinfection.
Tumeur maligne du conduit :
Les tumeurs malignes du conduit sont rares, mais graves. Le carcinome adénoïde kystique (cylindrome) est sans doute la forme la plus fréquente.
Il est souvent très douloureux.
La tumeur se révèle par la présence d’une formation tissulaire dans le conduit, nécessitant bien entendu biopsie et examen histologique.
Le traitement est chirurgical.
Lésion de l’oreille moyenne :
Otite moyenne aiguë :
La pathologie de l’oreille moyenne, douloureuse, est essentiellement représentée par l’otite moyenne aiguë et se rencontre donc particulièrement chez l’enfant.
Le diagnostic repose sur l’otoscopie qui permet d’en préciser le stade.
Le traitement antibiotique est généralement probabiliste et prend en compte les germes les plus fréquemment rencontrés (Haemophilus ou pneumocoque, selon l’âge). La paracentèse a surtout un intérêt antalgique.
Myringite phlycténulaire :
La myringite phlycténulaire est très douloureuse, correspondant à de petites phlyctènes sur le tympan, elle se voit dans la grippe.
Obstruction tubaire simple :
L’obstruction tubaire simple peut être franchement douloureuse dans sa forme aiguë (barotraumatisme de la descente en avion). La forme chronique est marquée par une gêne avec hypoacousie.
La tympanométrie assure le diagnostic.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens peuvent être utiles.
Otite tuberculeuse :
L’otite tuberculeuse est exceptionnelle.
Voir traitement de la tuberculose ou Fièvre prolongée.
Otite chronique :
L’otite chronique, quelle que soit sa forme, n’est pas douloureuse sauf en cas de surinfection aiguë.
CAUSE EXTRA-AURICULAIRE :
Les otalgies de cause extra-auriculaire justifient la plus grande attention en cas d’otalgie à tympan normal dès lors que l’âge, le contexte à risque (alcoolotabagique) peut faire craindre le développement d’un cancer. L’otalgie est en effet un des meilleurs signes organiques des cancers oropharyngés, hypopharyngés, voire laryngés.
Si l’examen de la cavité buccale, de l’oropharynx (loge amygdalienne) est possible par le médecin généraliste, il n’en est pas de même pour l’hypopharynx et le larynx dont l’observation ne peut se faire que par laryngoscopie indirecte au miroir, par fibroscopie, voire par endoscopie sous anesthésie générale.
C’est une faute lourde de ne pas réclamer ces examens par un spécialiste dès lors que l’otalgie ne trouve pas d’explication locale et que le sujet peut être considéré comme à risque.
Angine :
Pour mémoire on rappelle la douleur dans l’oreille de l’angine pour insister sur l’évolution éventuelle vers le phlegmon de l’amygdale (c’est une angine qui s’unilatéralise et s’accompagne bientôt de trismus). L’existence d’un oedème de la luette, la voussure du pilier antérieur de l’amygdale, le déjettement en dedans de celle-ci, sont autant de signes annonçant la collection et justifiant l’évacuation chirurgicale.
Le scanner apporte une aide considérable pour affirmer la collection.
Le traitement antibiotique peut comporter en première intention de l’amoxicilline (2 à 3 g/ jour pendant 5 jours).
Cause buccodentaire :
Les causes bucco-dentaires d’otalgies sont essentiellement représentées, en dehors de « l’abcès de la dent de sagesse aigu », par les dysfonctionnements de l’articulation temporomaxillaire.
Mais il ne s’agit là que d’un diagnostic d’élimination après avoir envisagé toutes les autres causes. L’existence de craquements, la présence d’un ressaut (voire d’une subluxation), un trouble de l’articulé dentaire rendent plausible le diagnostic.
L’IRM de l’articulation temporomaxillaire apporte des arguments objectifs au diagnostic.
Névralgies :
Les manifestations neurologiques, névralgies du glosso-pharyngien, névralgie du trijumeau (branche auriculotemporale) sont en règle caractéristiques par leur déclenchement brutal, leur évolution par crises courtes et leur intensité.
L’atteinte du ganglion géniculé a été évoquée dans le paragraphe Zona.
Le traitement antalgique fait appel en premier lieu à la carbamazépine.
CONCLUSION :
Tout le problème devant une otalgie est donc de ne pas passer à côté d’une affection grave, et de savoir réclamer un examen spécialisé lorsque l’examen de l’oreille n’affirme pas la cause. La négativité de l’examen conduit/tympan ne doit en aucun cas faire arrêter la recherche pour peu que l’âge et le terrain puissent faire envisager un diagnostic de cancer. Rappelons que le cancer du cavum (rhinopharynx) peut se révéler par une obstruction tubaire et qu’il survient en dehors de tout facteur de risque exogène (il est vrai sur une population relativement ciblée : pourtour méditerranéen, Chine du sud). Ceci est un argument de plus pour ne jamais négliger une otalgie dont la cause n’est pas évidente.
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