Surdité et trouble auditif

Entendre est un des supports essentiels de la communication et aucune plainte concernant l’audition ne doit être négligée. Il n’existe pas forcément de corrélation entre l’intensité de la plainte du patient et l’importance d’un déficit auditif : si le déficit s’est installé progressivement, le patient a pu s’y habituer progressivement et ne pas se plaindre, au contraire, si le déficit a été brutal, la plainte peut être majeure (Encadré 1). Le niveau d’exigences du patient vis-à-vis de l’information sonore est un autre facteur qui vient également moduler la plainte.

Surdité et trouble auditif
Surdité et trouble auditif

La place que nous accordons à l’audition dans la collecte des informations n’est pas la même pour le sujet de 40 ans en activité professionnelle ou pour la personne retraitée de 70 ans.

Leur rythme de vie et leurs échanges avec l’extérieur ne sont en effet pas comparables.

La plainte auditive peut s’exprimer de différentes manières. Elle peut concerner le niveau sonore : « J’entends moins bien », mais elle peut aussi concerner la compréhension de la parole.

Cette plainte se retrouve typiquement avec l’âge : « J’entends bien, mais je ne comprends pas ce qui m’est dit ».

Encadré 1. Principales surdités
Surdités brutales
Apparition en moins de 24 heures d’une atteinte de l’organe sensoriel auditif, avec ou sans vertige, c’est une urgence thérapeutique
Surdités chroniques
De transmission : catarrhe tubaire, otite séreuse, otite chronique, otospongiose, malformations d’oreille externe ou moyenne
De perception : traumatisme sonore, presbyacousie, neurinome de l’acoustique, maladies pressionnelles, surdités toxiques, surdités auto-immunes, surdités génétiques

DIAGNOSTIC :

Interrogatoire :

L’interrogatoire permet de :

– préciser la rapidité d’apparition de la surdité (voir Encadré 1) ;

– rechercher des circonstances déclenchantes : traumatisme, sonore ou physique, prise de médicaments potentiellement ototoxiques ;

– rechercher la présence de signes associés au déficit auditif : sensations d’oreille bouchée, otalgie, écoulement auriculaire (on parle d’otorrhée s’il s’agit de pus, d’otorragie s’il s’agit de sang), sensations de vertige ou de déséquilibre, acouphènes ;

– préciser le caractère permanent ou au contraire fluctuant du déficit auditif ;

– préciser les antécédents pathologiques personnels du patient, otorhinolaryngologique ou autres, et la notion d’une éventuelle surdité familiale ;

– préciser le milieu sonore dans lequel évolue le patient : personne seule, au calme ou, au contraire, travaillant en milieu bruyant, pratiquant éventuellement la chasse, écoutant de la musique à forte intensité, etc.

Examen clinique de l’oreille ou otoscopie :

La seule partie du système auditif accessible cliniquement est l’oreille externe constituée du pavillon et du conduit auditif externe et une partie de l’oreille moyenne, essentiellement le tympan et à travers lui les reliefs du marteau et de l’enclume. L’otoscopie est réalisée à l’aide d’un otoscope ou d’un miroir de Clar. Il faut tirer le pavillon en haut et en arrière de façon à mettre le conduit auditif externe en position rectiligne, on peut alors bien voir le tympan qui apparaît typiquement de coloration gris clair, avec un triangle un peu plus lumineux en bas et en avant.

Notamment rhino-laryngo-pharyngé, l’examen recherche une pathologie associée. Des pathologies infectieuses de l’oreille moyenne peuvent très bien être la conséquence, par exemple, d’une déviation de cloison ou d’une pathologie sinusienne chronique.

Il recherche une éventuelle atteinte d’autres paires crâniennes.

Bilan auditif :

Examen indispensable devant toute plainte auditive, il permet de préciser le niveau auditif et le type de déficit.

Impédancemétrie :

L’impédancemétrie est constituée de deux parties : la réalisation du tympanogramme qui renseigne sur la mécanique de l’oreille et notamment la qualité vibratoire de la chaîne tympano- ossiculaire et la recherche des réflexes stapédiens, contraction réflexe du muscle de l’étrier en réponse à un son fort.

Réalisation du tympanogramme :

Cet examen est de réalisation simple, atraumatique pour le patient et peu coûteux en temps, tout à fait objectif puisque ne demandant pas la participation du sujet. Il consiste à réaliser l’étanchéité dans le conduit auditif externe puis à envoyer un son qui va se réfléchir sur la membrane tympanique et à recueillir ce son réfléchi.

On imagine facilement que si la membrane tympanique est très tendue elle va réfléchir davantage le son incident telle une membrane de tambour. En revanche, si le tympan a perdu ses caractéristiques de rigidité, le son incident va être beaucoup moins réfléchi. On étudie cette réflexion sonore en faisant varier la pression dans le conduit auditif externe. On trace alors le tympanogramme. Il s’agit dans le cas normal d’une figure en pagode centrée entre –50 et +50 mm d’eau (Fig. 1, A).

La chaîne tympano-ossiculaire vibre de façon optimale lorsque la pression est la même de part et d’autre du tympan. Cette équipression est assurée par un fonctionnement normal de la trompe d’Eustache qui s’ouvre très régulièrement, aussi bien pendant les périodes de veille que pendant les périodes de sommeil. Lorsque la trompe d’Eustache fonctionne mal, elle entrave la vibration ossiculaire. Le tympanogramme est plus ou moins réduit en amplitude et plus ou moins centré vers les pressions négatives (Fig. 1, B et C). Si aucune thérapeutique n’est apportée à ce stade, peu à peu la trompe d’Eustache ne va plus fonctionner du tout, la muqueuse de la caisse des osselets va se mettre à sécréter et un liquide muqueux va s’accumuler derrière le tympan : il s’agit d’une otite séreuse.

Figure 1. Tympanogrammes. En A est figuré un tympanogramme normal : courbe en pagode, centrée sur le zéro de pression. En B et C, deux tympanogrammes de catarrhe tubaire, de plus en plus plats et de plus en plus déviés vers les pressions négatives.
Figure 1. Tympanogrammes.
En A est figuré un tympanogramme normal : courbe en pagode, centrée sur le zéro de pression. En B et C, deux tympanogrammes de catarrhe tubaire, de plus en plus plats et de plus en plus déviés vers les pressions négatives.

Le tympanogramme est alors totalement plat.

En cas de perforation tympanique on ne peut pas faire l’étanchéité dans le conduit auditif externe lorsque la trompe d’Eustache fonctionne.

En revanche, si l’on arrive à faire l’étanchéité et qu’il y a une perforation cela signe une trompe d’Eustache non fonctionnelle ou incomplètement fonctionnelle.

Recherche des réflexes stapédiens :

La recherche des réflexes stapédiens se fait en soumettant l’oreille à un son fort, en règle générale 70 à 80 dB du seuil auditif, en ayant pris la précaution de se mettre dans des conditions d’équipression de part et d’autre du tympan.

Dans ces conditions, en cas de réflexe stapédien, on observe une déviation franche de l’aiguille du vumètre, déviation qui diminue d’amplitude au fur et à mesure que l’intensité sonore diminue.

Ce réflexe stapédien est en rapport avec une contraction du muscle de l’étrier, sous le contrôle du nerf facial. C’est un réflexe bilatéral.

Il existe donc quatre types de réflexe stapédien à rechercher : le réflexe stapédien droit en réponse à une stimulation sonore du côté droit ou du côté gauche et de même le réflexe stapédien gauche en réponse à une stimulation sonore du côté gauche ou de l’autre côté. Nous allons donc recueillir des réflexes stapédiens ipsilatéraux droits et gauches et controlatéraux droits et gauches.

On les recherche pour les fréquences 500, 1 000 et 2 000 Hz, le réflexe stapédien obtenu sur la fréquence 4 000 Hz étant d’obtention plus aléatoire. Il est très commode de faire figurer les réflexes stapédiens sur l’audiogramme lui-même.

On les fait figurer par un grand I lorsqu’il s’agit d’un réfl exe stapédien ipsilatéral et par un grand C lorsqu’il s’agit du réflexe stapédien controlatéral.

Il est indiqué du côté de la stimulation auditive (Fig. 2). Cette écriture est commode parce qu’elle permet de situer immédiatement d’un simple regard les réflexes stapédiens par rapport aux seuils tonals.

Ces résultats sont très utiles au diagnostic différentiel entre surdité provenant de l’oreille interne, dites endocochléaires, et surdités provenant du nerf auditif, dites rétrocochléaires. En cas de baisse d’audition endocochléaire, les réflexes stapédiens sont recueillis à des seuils normaux alors qu’ils sont de seuils élevés, voire disparaissent en cas d’atteinte rétrocochléaire.

Figure 2. Indication des réflexes stapédiens sur le graphique de l’audiogramme. Désignés par I (ipsilatéral à la stimulation sonore), les réflexes recueillis à droite après stimulation auditive droite et par C (controlatéral), les réfl exes recueillis à gauche, également après stimulation auditive droite.
Figure 2. Indication des réflexes stapédiens sur le graphique de l’audiogramme.
Désignés par I (ipsilatéral à la stimulation sonore), les réflexes recueillis à droite après stimulation auditive droite et par C (controlatéral), les réfl exes recueillis à gauche, également après stimulation auditive droite.

Audiométrie tonale :

Autant l’impédancemétrie est un acte de réalisation très simple autant l’audiométrie tonale est un acte difficile, qui demande beaucoup d’expérience et une infrastructure lourde et coûteuse puisqu’il doit avoir lieu dans une cabine insonorisée.

Il se compose de la réalisation de deux courbes aérienne et osseuse.

Pour la réalisation de la courbe aérienne, le patient est porteur d’un casque à travers lequel différentes fréquences sonores lui sont proposées à des intensités variables. On lui demande de lever le doigt lorsqu’il entend le son et de le baisser lorsqu’il ne l’entend plus.

Figure 3. Graphique d’audiogramme. En ordonnée, les fréquences testées, de 125 à 8 000 Hz, en abscisse, les décibels de perte. Ici courbe d’audition du côté droit chez un sujet normal. En pointillés, la courbe osseuse, en trait plein, la courbe aérienne
Figure 3. Graphique d’audiogramme. En ordonnée, les fréquences testées, de 125 à 8 000 Hz, en abscisse, les décibels de perte. Ici courbe d’audition du côté droit chez un sujet normal. En pointillés, la courbe osseuse, en trait plein, la courbe aérienne

La courbe osseuse est effectuée avec un vibrateur placé sur la mastoïde du côté à tester. Elle est de réalisation très délicate, car elle nécessite un assourdissement controlatéral. Il faut que ce son soit d’intensité assez importante pour assourdir l’oreille controlatérale, mais son intensité en même temps ne doit pas être trop forte pour ne pas retentir sur l’oreille testée. Dans les cas de surdité bilatérale, ces règles d’assourdissement peuvent aboutir à des situations très complexes.

Les sons testés au cours de l’audiométrie tonale se situent entre 125 et 8 000 Hz. Il s’agit de la zone fréquentielle où notre oreille est la plus performante. L’oreille humaine entend de 20 à 20 000 Hz, mais dans la zone des fréquences très graves ou très aiguës, elle est beaucoup moins efficiente. Dans ce champ fréquentiel, 125 à 8 000 Hz, une zone est encore plus importante, celle qui va de 500 à 2 000 Hz, voire de 500 à 4 000 Hz. Elle est essentielle pour la compréhension de la parole et on la désigne sous le terme de zone conversationnelle. Toute perte auditive à ce niveau est très pénalisante au plan de la compréhension de la parole.

Les réponses du sujet sont reportées sur un graphique (Fig. 3) avec en abscisse les fréquences testées et en ordonnée les décibels de perte (Encadré 2).

Encadré 2. Niveaux de surdité
Légère
Seuil auditif entre 0 et 40 dB
Moyenne
Seuil auditif entre 40 et 70 dB
Sévère
Seuil auditif entre 70 et 90 dB
Profonde
Seuil auditif supérieur à 90 dB

Figure 4. Surdité de transmission. La courbe osseuse reste normale, en revanche la courbe aérienne s’abaisse. Elle signe une atteinte de la mécanique de l’oreille.
Figure 4. Surdité de transmission.
La courbe osseuse reste normale, en revanche la courbe aérienne s’abaisse. Elle signe une atteinte de la mécanique de l’oreille.

Un sujet normal a des courbes aérienne et osseuse superposées qui se situent entre – 5 et 10 dB sur l’ensemble du spectre.

Il y a deux catégories de déficit auditif :

– les surdités de transmission : la courbe osseuse reste normale et seule la courbe aérienne s’abaisse. L’espace entre les deux courbes est désigné sous le terme de Rinne (Fig. 4) ;

– les s urdités de perception : les courbes aérienne et osseuse restent superposées et s’abaissent toutes les deux (Fig. 5).

Les surdités transmissionnelles concernent les pathologies d’oreille externe et moyenne et les surdités perceptives concernent les pathologies sensorielles en rapport avec une atteinte de l’oreille interne ou des voies auditives.

Les surdités mixtes possèdent à la fois des caractères transmissionnels et perceptifs. On observe le plus souvent une surdité de type transmissionnel sur la zone grave puis la courbe osseuse rejoint la courbe aérienne et elles sont toutes deux déficitaires sur la zone médiane à aiguë.

Il s’agit le plus souvent d’otite chronique qui, avec les années, a entraîné un déficit d’oreille interne, on dit qu’elle s’est labyrinthisée.

La courbe osseuse a le grand avantage de nous renseigner sur l’état de l’oreille interne (Encadré 2). Les surdités de transmission ou mixtes sont susceptibles d’un geste chirurgical qui pourrait améliorer la situation auditive. En revanche, les surdités neurosensorielles ne sont pas opérables en dehors bien sûr de l’ablation d’un neurinome du VIII mais dans ce cas, il n’est pas question de récupérer le déficit sensoriel.

Figure 5. Surdité de perception. Les courbes aérienne et osseuse restent superposées et s’abaissent toutes les deux. Il s’agit d’une atteinte des éléments sensoriels de l’oreille.
Figure 5. Surdité de perception.
Les courbes aérienne et osseuse restent
superposées et s’abaissent toutes les deux. Il s’agit d’une atteinte des éléments sensoriels de l’oreille.

Audiométrie vocale :

Les tests d’intelligibilité vocale consistent à demander au patient de répéter des mots à différentes intensités sonores.

Il y a de très nombreux tests d’intelligibilité vocale, certains pouvant utiliser des phrases, d’autres des mots dissyllabiques et d’autres des mots constitués de trois phonèmes (listes de Lafon). De tous ces tests, le plus communément utilisé est celui constitué des listes dissyllabiques de Fournier. Il a l’avantage de tester tout le système auditif depuis l’oreille externe jusque et y compris le cortex, le patient pouvant tout à fait deviner une syllabe manquante qu’il n’aura pas entendue. On est donc très proche des conditions réelles d’audition.

On utilise également beaucoup en milieu spécialisé les listes de Lafon et notamment les listes cochléaires, car elles permettent de repérer de façon privilégiée les distorsions dues à un mauvais fonctionnement de l’oreille interne.

L’avantage des tests vocaux est de coller au plus près à la plainte du patient afin de la quantifier et l’analyser. Ils vont permettre de savoir le niveau de la gêne sociale entraînée par ce déficit auditif et l’importance des distorsions de compréhension.

Plus une surdité est ancienne, plus des distorsions de compréhension se surajoutent, aboutissant à la régression phonémique, la difficulté croissante à comprendre la parole même si le seuil auditif lui-même ne se détériore pas.

Ces tests peuvent mettre parfois en évidence des distorsions de compréhension d’origine centrale.

Celles-ci sont, bien entendu, beaucoup plus difficiles à améliorer par le port d’une prothèse auditive, par exemple.

On peut réaliser ces tests vocaux en milieu silencieux, mais il est aussi bien souvent utile de les réaliser en milieu bruyant pour là encore reproduire au plus proche les conditions de difficultés que signale le patient.

Examens complémentaires :

Potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral :

Les potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral (PEA) sont une sorte d’électroencéphalographie des voies auditives depuis l’oreille interne jusque et y compris au tronc cérébral. C’est un examen atraumatique au cours duquel on place des électrodes sur chaque mastoïde, une sur le front et une au vertex. Des stimulations sonores répétitives à type de clics sont envoyées et on recueille en réponse par moyennage classique une série de 5 ondes. Les ondes I et II sont originaires du nerf auditif, l’onde III de l’olive protubérantielle et l’onde V du lemniscus latéral.

L’examen est essentiel à réaliser devant une surdité de perception unilatérale, car il permet d’éliminer un éventuel neurinome du VIII. En effet, en cas d’une surdité d’oreille interne, ces différentes ondes sont décalées en raison de la baisse d’audition, mais les temps de conduction, les délais entre les ondes I et III et les ondes I et V notamment, restent constants. En revanche, en cas d’atteinte du nerf auditif, le ralentissement de conduction et ces délais s’allongent.

On parle d’atteinte rétrocochléaire. Le diagnostic d’une atteinte rétrocochléaire aux potentiels évoqués doit entraîner la pratique d’une IRM à la recherche d’un neurinome du VIII.

Figure 6. Tracés de potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral (PEA) recueillis par la technique du moyennage. L’intensité de la stimulation sonore décroît de haut en bas. Pour les plus fortes intensités, le PEA se compose de cinq ondes, en provenance des relais de la voie auditive entre le nerf auditif (onde 1) et le lemniscus latéral (onde 5). Avec la diminution de l’intensité sonore, les ondes les plus précoces disparaissent peu à peu pour finalement ne conserver que l’onde 5, jusqu’à 10 à 20 dB du seuil auditif sur les aigus.
Figure 6. Tracés de potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral (PEA) recueillis par la technique du moyennage.
L’intensité de la stimulation sonore décroît de haut en bas. Pour les plus fortes intensités, le PEA se compose de cinq ondes, en provenance des relais de la voie auditive entre le nerf auditif (onde 1) et le lemniscus latéral (onde 5). Avec la diminution de l’intensité sonore, les ondes les plus précoces disparaissent peu à peu pour finalement ne conserver que l’onde 5, jusqu’à 10 à 20 dB du seuil auditif sur les aigus.

Ces potentiels évoqués sont aussi le moyen d’aboutir à une détermination objective du seuil auditif sur la zone aiguë. En effet, lorsque l’on diminue l’intensité de stimulation, peu à peu on perd les ondes les plus précoces I et II, mais on conserve l’onde V jusqu’à 10 à 20 dB du seuil sur la zone 2 000 à 4 000 Hz (Fig. 6).

Enfin, ces potentiels évoqués sont intéressants dans le diagnostic des petites atteintes du tronc cérébral tumorales ou vasculaires. Il existe des atteintes rétrocochléaires qui ne sont pas en rapport avec un neurinome du VIII. Elles peuvent être le reflet, par exemple, d’une névrite diabétique ou encore d’une presbyacousie qui atteint préférentiellement les voies centrales.

Radiologie :

La place de la radiologie dans les pathologies d’oreille est surtout importante dans les pathologies d’oreille moyenne. Les possibilités de haute résolution du scanner permettent d’étudier de façon très fructueuse l’état de la chaîne ossiculaire ou du labyrinthe. L’IRM est, elle, réservée à l’étude du nerf auditif qu’il s’agisse du dépistage du neurinome du VIII, mais également d’une éventuelle boucle vasculaire venant s’appuyer sur le nerf auditif.

Vidéonystagmographie :

L’étude de l’équilibre ou vidéonystagmographie est indiquée lorsque la baisse d’audition est associée à des vertiges ou à des troubles de l’équilibre.

Doppler cervicoencéphalique :

En dehors de l’exploration d’un acouphène pulsatile, il n’a pratiquement pas d’indication dans la pathologie auditive.

ÉTIOLOGIE :

Surdités brutales :

On désigne par surdité brutale une surdité de perception installée en moins de 24 heures.

Elle doit toujours être considérée comme une urgence. Jusqu’à ces derniers temps, elle imposait le plus souvent l’hospitalisation du patient pour une mise sous perfusion et respiration de carbogène. L’attitude actuelle est de revenir sur ce protocole thérapeutique qui n’apparaît pas être un critère déterminant de la récupération.

Néanmoins, une surdité brutale nécessite encore actuellement la mise en place d’un traitement d’urgence pour tenter de récupérer le déficit, avec des corticoïdes et vasodilatateurs à forte dose, voire des anticoagulants.

Unilatérale dans la plupart des cas, atteignant préférentiellement les aigus, tous les degrés de surdité sont possibles, de la surdité légère à la surdité totale ou cophose.

Les potentiels évoqués doivent s’assurer de l’origine endocochléaire du défi cit. Une surdité brusque, même si elle récupère peut être en rapport avec un neurinome du VIII par compression vasculaire et des anomalies rétrocochléaires aux PEA imposent donc l’IRM.

Une surdité brutale sur les fréquences graves peut-être la première manifestation d’une maladie pressionnelle. Le diagnostic peut être difficile surtout en l’absence de vertiges associés.

Surdités chroniques :

Surdités de transmission :

Bouchon de cérumen :

Le bouchon de cérumen est une cause évidente.

S’il apparaît facilement accessible, il peut être retiré à la pince. En revanche, s’il apparaît profondément situé au fond du conduit ou s’il donne l’impression d’être hétérogène et friable, mieux vaut pratiquer un lavage d’oreille. Avant toute introduction d’eau dans le conduit, il faut demander au patient l’absence à sa connaissance de perforation tympanique, car introduire de l’eau dans une oreille moyenne par le biais d’une perforation tympanique peut-être une source d’infection. En cas de doute ou, à plus forte raison, de perforation connue, on procède alors par aspiration, au mieux sous microscope.

Catarrhe tubaire et otite séreuse :

Le catarrhe tubaire et l’otite séreuse sont des pathologies fréquentes chez l’enfant, plus rares chez l’adulte. Le diagnostic est fait par l’impédancemétrie qui montre un tympanogramme dévié vers les pressions négatives en cas de dysfonctionnement tubaire et un tympanogramme plat en cas d’otite séreuse. Le bilan auditif précise le retentissement sur l’audition.

Le catarrhe tubaire est justifiable d’un traitement anti-inflammatoire, voire par corticothérapie.

Il peut également bien réagir à une aérosolthérapie associant anti-inflammatoires et désinfectants locaux.

L’otite séreuse est justiciable d’un traitement par corticothérapie. S’il est inefficace, il peut conduire à la pose d’un drain transtympanique qui permet d’aspirer le mucus accumulé derrière le tympan et de restaurer une bonne audition en réalisant une aération permanente de la caisse des osselets.

Chez l’adulte, la constatation d’un catarrhe tubaire ou d’une otite séreuse unilatérale récidivante doit faire pratiquer un bilan radiologique du cavum à la recherche d’un obstacle mécanique à la mobilité tubaire.

Otite chronique :

L’otoscopie met en évidence des remaniements tympaniques. Il peut s‘agir d’un simple aspect cicatriciel du tympan : apparaissant couenneux et épaissi, plus ou moins rétracté, ayant perdu son caractère translucide, avec parfois des plaques calcaires. Il peut aussi s’agir d’une perforation tympanique dont il faut bien observer les caractéristiques. Les critères à noter sont d’abord sa taille, son caractère marginal ou non, si elle est sèche ou suintante, d’un liquide simplement muqueux ou purulent. Il est toujours utile d’en faire un petit schéma dans le dossier du patient, permettant lors des otoscopies successives d’en suivre l’évolution.

Si la perforation est importante, il est possible d’observer à travers elle le fond de caisse c’est-à-dire la paroi postérieure de la caisse des osselets dont on apprécie les caractéristiques, celle d’une muqueuse normale ou plus souvent dans ces cas-là d’une muqueuse congestive oedèmatiée.

Parfois, à travers cette perforation une masse blanchâtre plus ou moins importante évocatrice d’un cholestéatome est observable. Le cholestéatome rencontré au niveau de l’oreille est le plus souvent la conséquence d’une otite chronique ancienne. Il s’agit d’une sorte d’emballement de la muqueuse qui se met à proliférer et à détruire les osselets. Le danger est la progression de cette destruction qui peut concerner les parois osseuses de la caisse jusqu’à la méninge.

Ce bilan clinique est complété par le bilan auditif qui, outre l’importance du déficit, indique l’état de l’oreille interne, en sachant que dans le cas où un geste chirurgical est envisagé, on ne peut espérer récupérer que la partie transmissionnelle du déficit. Ce bilan est également complété par un scanner centré sur les oreilles moyennes.

Les périodes de réchauffement de ces otites chroniques sont traitées par antibiothérapie, voire antibiothérapie locale, mais attention la plupart des gouttes auriculaires sont contre-indiquées en cas de perforation tympanique, car elles comportent des antibiotiques ototoxiques et peuvent aboutir à une surdité totale ou une cophose de nature neurosensorielle par atteinte de l’oreille interne.

En dehors des périodes de réchauffement, se pose le problème de fermer la caisse des osselets de façon à éviter les surinfections et également à tenter de restaurer une meilleure audition.

C’est le rôle des greffes tympaniques ou des tympanoplasties accompagnées éventuellement de gestes de restauration de la chaîne ossiculaire.

Otospongiose :

L’otospongiose est une pathologie transmissionnelle au cours de laquelle il y a un blocage de l’étrier. Il s’agit d’un trouble le plus souvent héréditaire de nature enzymatique qui aboutit à la calcification de la membrane reliant l’étrier à l’oreille interne et permettant la transmission de la vibration ossiculaire à la cochlée.

Le plus souvent bilatérale, de nature transmissionnelle ou mixte, à otoscopie normale, elle atteint fréquemment la femme. Les périodes d’hyperoestrogènie, grossesse et allaitement, sont particulièrement dangereuses pour l’évolution de cette surdité.

En cas de surdité de transmission pure, de bons résultats sont obtenus en opérant l’otospongiose.

L’intervention consiste à retirer l’étrier bloqué et à le remplacer par un petit piston en Téflon® qui rétablit la transmission de la vibration de la chaîne ossiculaire à l’oreille interne.

En cas d’atteinte mixte, c’est-à-dire qui s’associe notamment sur la zone aiguë à un déficit neurosensoriel, il convient de peser les avantages apportés par l’intervention.

La situation de la courbe osseuse est essentielle pour prendre la décision de l’intervention.

Atteinte traumatique de la chaîne ossiculaire :

Les atteintes traumatiques de la chaîne ossiculaire, luxations ou fractures, ont pu passer inaperçues dans les suites immédiates d’un traumatisme.

Elles peuvent être mises en évidence par le scanner.

Il peut y avoir des possibilités de réparation chirurgicale, encore faut-il peser les avantages, l’espoir de récupération auditive devant être très nettement supérieur au risque éventuel de l’intervention.

Les malformations d’oreille externe et/ou moyenne sont parfois de diagnostic évident, en cas d’aplasie d’oreille, par exemple, mais elles peuvent être plus discrètes et être révélées par le scanner demandé devant la constatation d’un déficit transmissionnel.

Surdités de perception :

Presbyacousie :

La presbyacousie ou la surdité due à l’âge est une hypoacousie de perception bilatérale, le plus souvent symétrique. Elle atteint en premier lieu les fréquences aiguës, puis avec les années s’étend aux fréquences médianes, voire aux fréquences graves. Ces phénomènes de vieillissement ne concernent pas que l’oreille interne et sont plus ou moins étendus à la partie centrale

des voies auditives. Avec l’âge, l’accès à la mémoire

est plus long, le temps d’analyse de la parole est plus lent, d’ailleurs une des remarques fréquentes chez les patients âgés est que les jeunes parlent trop vite pour eux ou articulent mal. En effet, la perte des aigus entraîne une perte de discrimination fréquentielle et, de ce fait, une perception moins claire de la parole.

Cette baisse d’audition est d’installation très lente et donc très sournoise, le patient s’habituant peu à peu à ne plus entendre un certain nombre de sonorités et sans y prendre garde peut arriver à un isolement social, très néfaste à son épanouissement.

Il serait judicieux de réaliser systématiquement un bilan auditif vers l’âge de 65 ans pour faire le point avant le grand âge. Ceci permettrait de prendre précocement la mesure essentielle que constitue le port d’appareils auditifs permettant de restimuler les voies auditives. Il s’agit d’une véritable réafférentation du système auditif. Il est important qu’il soit mis en place de bonne heure, alors que le patient est encore capable de s’adapter au nouvel univers sonore restitué et avant que des distorsions de compréhension irréversibles ne se soient installées, rendant le port de la prothèse inefficace.

De grands progrès ont été réalisés cette dernière décennie en matière d’appareillage auditif.

Malheureusement, l’appareillage garde une connotation de vieillissement et le patient y est rarement d’emblée favorable. C’est tout le rôle de son médecin et du spécialiste de le convaincre peu à peu de l’intérêt de faire retravailler les voies auditives. En règle générale, l’appareillage, en dehors de situations bien particulières, doit être bilatéral pour rétablir la stéréophonie, ce qui permet de mieux comprendre en milieu bruyant ou en présence de plusieurs locuteurs.

Traumatisme sonore :

Le traumatisme sonore est malheureusement de plus en plus fréquent, car nous sommes des civilisations très bruyantes. Il se caractérise par une atteinte de la zone aiguë avec généralement remontée sur les fréquences les plus aiguës. Il peut être bilatéral et symétrique. En revanche, chez le chasseur, il est plus marqué d’un côté, chez le chasseur droitier, l’oreille droite, par un effet d’ombre, est protégée lors du tir, et c’est l’oreille gauche qui souffre le plus (le contraire chez le tireur gaucher).

Rappelons pour mémoire que la surdité liée à une pratique professionnelle bruyante, en atelier par exemple, est indemnisée au titre du tableau 42 des maladies professionnelles.

Neurinome du VIII :

Le neurinome du VIII réalise typiquement une surdité de perception unilatérale avec généralement de très nettes distorsions de compréhension vocales et la disparition ou l’élévation de seuil des réflexes stapédiens correspondants. Un exemple est donné par la figure 2. Il peut aussi se révéler par des vertiges, réalisant alors un défi cit vestibulaire non compensé à l’épreuve calorique.

Actuellement, l’on est en mesure de diagnostiquer très précocement un neurinome du VIII à la fois par les potentiels évoqués auditifs et par les possibilités de discrimination de l’IRM. Cela a modifié notre attitude thérapeutique, l’intervention n’étant proposée d’emblée que lorsqu’il s’agit d’un neurinome volumineux ou capable d’avoir des conséquences importantes, notamment s’il est à proximité du tronc cérébral. Dans les autres cas, notamment lorsque le neurinome est tout petit, une simple surveillance est licite.

Elle se fait alors à la fois sur le bilan auditif, les potentiels évoqués et l’imagerie.

Dans des cas exceptionnels, il peut s’agir d’une athologie plus générale dans le cadre de la maladie de Recklinghausen, avec des neurinomes qui atteignent les différents nerfs crâniens et qui peuvent dans ce cas atteindre les deux nerfs auditifs.

Maladies pressionnelles de l’oreille interne :

Les maladies pressionnelles de l’oreille interne, dont la maladie emblématique est la maladie de Ménière réalisent des surdités de perception unilatérales, récidivantes, atteignant préférentiellement la zone grave, s’accompagnant de sensations d’oreille pleine et de distorsions de perception sonores. Ce sont des crises de quelques heures à quelques jours. La surdité est résolutive au début puis, avec le temps, le seuil récupère de moins en moins bien et une surdité définitive s’installe. Dans la maladie de Ménière, ces épisodes de surdité s’accompagnent de vertiges rotatoires très invalidants, de survenue inopinée, immobilisant le patient plusieurs heures.

Le traitement de la crise est constitué de corticoïdes ou de diurétiques, d’antivertigineux si nécessaire.

Surdité toxique :

Les surdités toxiques atteignent l’oreille interne et sont donc dans la plupart des cas irréversibles.

À l’exception de l’acide acétylsalicylique, dont la toxicité semble étroitement liée à la dose, tous les sujets ne sont pas égaux devant les risques et il existe une sensibilité individuelle.

Les principales molécules ototoxiques sont les antibiotiques aminosidiques, la quinine et ses dérivés, certains diurétiques, les benzènes et dérivés.

Surdité auto-immune :

En présence d’une surdité de perception bilatérale, le plus souvent accompagnée d’acouphènes et d’épisodes vertigineux, parfois inaugurée par une surdité brusque, un certain nombre de maladies systémiques doivent être recherchées :

– la surdité est au premier plan au cours du syndrome de Cogan (atteinte cochléovestibulaire, kératite interstitielle parfois seulement trouvée à l’interrogatoire, rarement insuffisance aortique ou vascularite associée) ;

– la surdité est fréquente et grave au cours de la polychondrite atrophiante (cf. Oreille rouge) et de la granulomatose de Wegener (voir chapitre Polyarthralgies) ;

– la surdité est rare, mais parfois très sévère au cours des connectivites classiques, essentiellement le syndrome de Gougerot Sjögren et le lupus érythémateux systémique. Dans ce dernier cas, il faut rechercher des anticorps antiphospholipides, car le mécanisme de la surdité est vasculaire ;

– en l’absence de maladie systémique et d’explication de cette surdité de perception bilatérale, nous avons pour règle de rechercher systématiquement des facteurs antinucléaires, des anticorps antiphospholipides (anticardiolipine et anticoagulant circulant lupique), des anticorps anticytoplasme des polynucléaires (ANCA), des Ac antimembrane basale glomérulaire. La recherche des Ac anticollagène ne paraît pas très utile et la recherche d’Ac anticochlée ne se fait pas en routine en France

Surdité vasculaire :

L’artère labyrinthique est une artère fragile qui naît de la cérébelleuse postérieure et inférieure et qui irrigue à la fois la cochlée et le vestibule.

Son occlusion peut expliquer des surdités de perception. Il faut donc rechercher un syndrome des antiphospholipides, un défi cit en protéine C ou en protéine S, une mutation du gène de la prothrombine (facteur II), une hyperhomocystéinémie et d’une façon générale toutes les causes de thrombophilie génétique.

Surdité génétique :

Les surdités génétiques sont de mieux en mieux connues. Les formes les plus graves sont dépistées devant une surdité de l’enfant, en association ou non avec d’autres anomalies.

Chez l’adulte, le diagnostic est généralement évoqué devant une presbyacousie précoce. Il s’agit donc d’une surdité de perception bilatérale et sensiblement symétrique dont le caractère génétique est évoqué par l’interrogatoire qui retrouve la notion d’une surdité familiale. La constatation d’un déficit tonal de même profil chez plusieurs membres de la famille est un argument de poids pour le diagnostic.

En cas de surdité associée à un diabète et/ou à des pertes de connaissance, il faut penser à une cytopathie mitochondriale. On demande une IRM cérébrale, et une recherche de mutation ou de délétion de l’ADN mitochondrial (transmis par la mère).