Introduction :
Le déficit cognitif est l’un des troubles de la santé de l’enfant les plus fréquents. La plupart des études épidémiologiques faites dans les pays développés concordent pour en évaluer la fréquence à 0,7 à 0,8 % des naissances. Cette pathologie est pourtant mal diagnostiquée, mal expliquée aux parents et mal aidée.
Le terme de « déficit » cognitif doit être préféré à celui de « retard » car ce dernier mot évoque la possibilité d’un rattrapage qui n’est pas la réalité. De même, le mot « cognitif » est préférable à celui de « mental » qui, concernant l’ensemble des activités de l’esprit, est plus vaste, moins précis. Au sein des déficits cognitifs, on distingue les déficits sévères de ceux dits modérés. Les déficits sévères empêchent par leur gravité toute autonomie de l’enfant. Ils sont habituellement reconnus dans la première année de vie. La définition la plus intuitive du déficit cognitif modéré est l’incapacité de l’enfant à accomplir une scolarité primaire, c’est-à-dire à apprendre à lire et à écrire. Cela doit être évidemment nuancé : il existe d’autres causes d’inaptitude scolaire, mais le déficit cognitif global est de loin la plus fréquente. Aussi, la première partie de la démarche clinique, juste après la reconnaissance même de la difficulté, doit-elle distinguer ce trouble instrumental global des troubles spécifiques que sont par exemple la dyslexie ou la dysphasie, et des psychoses peu déficitaires au cours desquelles la perte d’efficacité scolaire est plus dépendante du trouble de la relation avec autrui que du déficit instrumental. Les intrications entre ces trois situations sont cependant importantes. Le déficit cognitif global est la pathologie la plus fréquemment observée par les neuropédiatres.
Le rôle de ces derniers est multiple : faire le diagnostic du type de déficit, en reconnaître la cause, transmettre ce savoir aux parents de l’enfant puis aider à favoriser le développement optimal de ce dernier. Les actions médicales de soins sont multiples même si, le plus souvent, il n’y a pas de traitement étiologique : conseil pour la meilleure insertion scolaire, recherche et prévention des handicaps associés, traitement médicamenteux dans certains cas.
Reconnaître et caractériser le déficit cognitif d’un enfant :
Plusieurs circonstances conduisent à identifier un déficit cognitif. La plus fréquente est une inquiétude de la famille qui remarque que l’enfant se comporte de façon différente de ses pairs : il ne tient pas bien sa tête passé 2 mois, ne tient pas assis à 9 mois, ne marche pas à 2 ans, ne parle pas à 3 ans. Le retard moteur est plus souvent la cause de l’inquiétude initiale que les anomalies de comportement.
Ces dernières, par exemple une activité désordonnée, l’absence de jeux organisés, l’absence de contact avec d’autres enfants, peuvent être remarquées à la crèche. L’expérience montre cependant qu’elles sont longuement tolérées et que ce n’est souvent qu’à l’école maternelle, parfois même au cours préparatoire, qu’elles sont reconnues comme pathologiques. Cette inquiétude première de la famille est souvent désignée par la suite comme la « plainte initiale ». Celle-ci, comme tout symptôme, peut avoir des causes variées ; il faut toujours y revenir à la fin de l’analyse clinique. Le déficit cognitif peut aussi être reconnu lors d’un examen systématique de dépistage. Les occasions sont nombreuses durant les premières années de vie : signature des certificats obligatoires, vaccinations, etc. La dernière circonstance où un retard cognitif peut être identifié est le suivi systématique d’un enfant après une pathologie grave du système nerveux, en particulier une souffrance foetale aiguë ou une naissance prématurée. Si l’attitude du pédiatre au cours de ces trois circonstances diffère lorsqu’il doit transmettre ses observations à la famille, les modalités d’examen et le raisonnement clinique sont les mêmes.
Expliciter les techniques de l’examen neurologique de l’enfant durant les 3 premières années de vie dépasse les buts de ce chapitre, mais plusieurs principes généraux sont importants (les détails sont donnés dans d’autres ouvrages) :
– l’évaluation cognitive est toujours première tant dans le cours de l’examen que dans le raisonnement clinique. Quelle que soit la plainte parentale initiale, cette évaluation doit être faite. Cela évite de grosses erreurs dont les plus fréquentes sont, par exemple, de penser à une pathologie musculaire chez un enfant qui ne tient pas assis à l’âge habituel alors qu’il s’agit d’un décalage global des acquisitions ou d’évoquer une dysphasie isolée chez un enfant de 3 ans qui ne parle pas alors que l’ensemble de ses réalisations se situe vers 18-20 mois ;
– l’évaluation cognitive ne peut être faite que dans le jeu et le plaisir.
Jusqu’à l’âge de 3 ans, l’enfant est toujours examiné sur les genoux de sa mère, habillé, après une mise en confiance, une phase de séduction réciproque, entre l’enfant et l’examinateur. Il convient ensuite d’installer un jeu, toujours le même afin de pouvoir comparer les enfants entre eux (le plus souvent la manipulation de cubes de couleur) ou d’observer l’enfant au cours de jeux spontanés s’il est plus âgé ;
– les épreuves les plus « corticales » priment sur les épreuves motrices : il est tout à fait pathologique de n’avoir aucun graphisme et aucun début de langage à 2 ans même si le développement moteur a été accompli au rythme normal ;
– les corrections d’âge liées à la prématurité doivent être utilisées avec parcimonie après 6 mois d’âge chronologique et refusées après 9 mois ;
– plusieurs échelles de développement existent qui diffèrent par leur finesse et leur maniabilité. Certaines, comme le test de Denver ou de Brunet-Lézine, sont très maniables, mais ne sont que des tests de dépistage de trouble de développement. D’autres, surtout disponibles après l’âge de 3 ans, sont de véritables échelles permettant de définir des niveaux de développement et des scores ;
– l’examen général doit toujours suivre l’évaluation cognitive.
Plusieurs phases sont essentielles : évaluation morphométrique (tracé des courbes de développement statural, pondéral et de périmètre crânien), évaluation morphologique (aspect du visage, de la peau, des extrémités, etc), examen général. Des pathologies générales (une malabsorption par intolérance au gluten par exemple) peuvent se révéler initialement par une anomalie du développement cognitif ;
– la réalisation d’un arbre généalogique est indispensable, mais ne doit pas être faite dès la première consultation car elle nécessite un climat de confiance suffisant pour être réalisée de façon optimale.
Au terme de l’examen, le pédiatre évalue si le déficit cognitif est réel, s’il est homogène (c’est-à-dire portant de façon égale sur tous les aspects du développement), s’il est ancien ou nouveau, s’il est accompagné d’autres signes cliniques. La démarche clinique qui reconnaît le déficit cognitif se lie dans les faits avec celle qui en cherche la cause, ce qui est exposé dans le chapitre suivant. En règle, même si le retard est franc et la cause très probable pour l’examinateur, il est préférable de revoir une seconde fois l’enfant avant d’affirmer les choses et d’échanger ces informations avec les parents.
Recherche de cause du déficit cognitif :
La cause des déficits cognitifs est retrouvée dans 60 à 70 % des cas, un pourcentage observé dans plusieurs études françaises et nordaméricaines. De façon simplificatrice, trois ensembles de causes sont retrouvés avec une fréquence équivalente : 20 % des handicaps sont acquis, 20 à 25 % sont certainement d’origine génétique et le même pourcentage est lié à des malformations cérébrales dont certaines sont d’origine génétique. Ainsi, les causes génétiques des déficits cognitifs sont de loin les plus fréquentes ; c’est aussi dans ce domaine que les progrès ont été les plus fréquents au cours de ces dernières années.
Découvrir la cause d’un déficit cognitif présente un avantage pour l’enfant lui-même et pour sa famille. Pour l’enfant, cette découverte permet de cesser la réalisation d’examens parfois douloureux ou pénibles et d’anticiper la survenue de complications secondaires.
Pour ses parents, la découverte de la cause donne un cadre mieux compréhensible, souvent un nom, à un déficit cognitif qui leur paraît sous ce seul terme comme une entité mal définie qu’ils ne peuvent appréhender. Cela leur permet aussi d’éliminer la possibilité d’autres causes et souvent de mieux combattre un sentiment de culpabilité toujours présent, mais à des degrés variables. Enfin, la découverte de la cause permet un éventuel conseil génétique non seulement pour les parents, mais également pour leur propre fratrie et pour les frères et soeurs de l’enfant.
CAUSES ACQUISES :
Les déficits cognitifs acquis sont pour la moitié d’origine périnatale (prématurité, hypoxie-ischémie lors de l’accouchement) et pour moitié d’origine postnatale (méningite bactérienne, encéphalite, ischémie cérébrale quelle que soit sa cause, traumatisme, etc). Le seul problème diagnostique est antérieur : ne pas accepter trop rapidement une difficulté de naissance relativement modérée comme cause d’un déficit cognitif important alors qu’une autre cause, en particulier génétique, peut être la véritable origine du déficit cognitif et de la naissance compliquée.
CAUSES GÉNÉTIQUES :
Elles sont les plus fréquentes et sources le plus souvent d’un déficit cognitif homogène, permanent et présent dès les premières années de vie. Beaucoup plus rarement (environ 5 % des cas) elles induisent une atteinte évolutive (c’est-à-dire qu’un enfant initialement normal présente une détérioration de ses capacités cognitives) et sont alors le plus souvent désignées sous le nom de maladies métaboliques (le gène anormal code une protéine ayant une activité enzymatique essentielle au fonctionnement de la cellule).
Différents types d’atteintes génétiques :
Les anomalies chromosomiques, souvent dites cytogénétiques, sont, dans leur majorité, faciles à diagnostiquer lorsqu’elles sont importantes.
Les repères cliniques conduisant à la réalisation d’un caryotype sont la présence de franches anomalies morphologiques, l’association de plusieurs malformations, voire l’atteinte de plusieurs enfants de la famille. L’anomalie la plus fréquente dans ce cadre est la trisomie 21.
Cependant, trois difficultés dans le diagnostic de ces anomalies chromosomiques doivent être connues. Certains remaniements chromosomiques équilibrés, souvent des inversions, sont fréquents dans la population générale (environ 2 ‰). Toute découverte d’anomalie caryotypique chez un enfant atteint d’un déficit cognitif nécessite la vérification du caryotype de ses parents. Certaines anomalies chromosomiques ne sont pas identifiées sur les lymphocytes (utilisés habituellement pour la réalisation des caryotypes) alors qu’elles le sont sur les fibroblastes de la peau. C’est le cas par exemple dans le syndrome d’Ito où le déficit cognitif s’associe à des zones cutanées décolorées souvent linéaires dont les fibroblastes dérivés par culture d’un fragment d’épiderme peuvent présenter des anomalies caryotypiques. Certaines anomalies chromosomiques de petite taille, telles les microdélétions, ne sont pas visibles sur un caryotype standard et nécessitent des techniques particulières (caryotype haute résolution sur une région donnée, hybridation in situ en fluorescence [HISF] avec une sonde moléculaire spécifique de la région chromosomique étudiée).
Ces techniques nécessitent que le clinicien fasse « le choix » de la région à étudier et la démarche s’apparente à celle de la recherche d’anomalies géniques (cf infra). Ces dernières sont des anomalies d’un seul gène qui le plus souvent ne peuvent être diagnostiquées que par des techniques de biologie moléculaire. Les progrès techniques dans ce domaine sont très rapides et chaque progrès permet le diagnostic étiologique d’un petit pourcentage supplémentaire de déficits cognitifs.
C’est le cas par exemple des techniques d’études des télomères.
Démarche clinique à la recherche d’une anomalie génique ou d’une microdélétion :
Le choix judicieux de la région ou du gène à étudier est essentiel pour une réussite de la recherche étiologique à un moindre coût et avec la moindre souffrance physique (répétition des examens) et psychologique de l’enfant et de ses parents. Dans tous les cas, le succès dépend d’une démarche logique, clinique, sans aucun examen strictement systématique. Cette approche clinique est et reste primordiale quels que soient les progrès techniques.
La clef de la réussite de la recherche d’une anomalie génique devant un enfant ayant un déficit cognitif est de recueillir le plus de signes associés possibles. L’ensemble de ces signes constitue le phénotype du patient ce qui permet de définir un syndrome par comparaison à d’autres enfants déjà décrits dans la littérature ayant un phénotype analogue. Une fois le syndrome reconnu (parfois grâce à des banques de données informatiques), il est facile de trouver si le gène peut être testé directement. Il existe dans ce domaine de nombreuses bases de données sur le réseau internet dont la plus importante en français est la base Orphanet (http ://orphanet.infobiogen.fr). Cette démarche clinique (dont seules les lignes directrices sont exposées avec quelques exemples) recherche les signes associés selon les lignes suivantes :
– analyse du phénotype morphologique : recherche d’anomalie du visage, des mains, des organes génitaux ; recherche systématique d’anomalies de l’oeil (étude de la rétine au fond d’oeil et du cristallin par examen par lampe à fente), de la peau (taches décolorées et leur forme, taches marron, angiomes), du coeur (échographie cardiaque), des reins (échographie abdominale), de l’os (par radiographie évaluant morphologie et trame osseuse) ; évaluation de l’évolution morphométrique de la croissance en poids, taille et périmètre crânien ; morphologie cérébrale (une imagerie cérébrale est très souvent réalisée). On peut donner ici comme exemple de syndromes qui sont diagnostiqués à ce stade, le syndrome de Bourneville ou d’Ito avec différents types de taches achromiques cutanées, le syndrome de Rubinstein-Taybi avec une anomalie caractéristique du pouce, le syndrome de William associant une anomalie cardiaque à un aspect particulier du visage dit en « elfe », ou encore le FG syndrome qui touche les garçons et associe des anomalies anales et digestives à une implantation particulière des cheveux (épi de cheveux) ;
– analyse du phénotype comportemental : dans certains syndromes avec anomalies géniques ou microdélétionnelles, les enfants ont des comportements analogues : jovialité excessive ou au contraire, agressivité, automutilations, stéréotypies d’attitude, passivité excessive, etc. Cette analyse est cependant difficile chez des enfants ayant un déficit cognitif d’autant plus qu’aucun phénotype comportemental n’est spécifique. Les meilleurs exemples de syndromes souvent reconnus par leur phénotype comportemental sont le syndrome de Rett avec des stéréotypies manuelles très prononcées, le syndrome de Willi-Prader-Labhart (obésité importante et passivité après l’âge de 5 ans), le syndrome d’Angelman avec des accès de rire ou de Smith-Magenis avec une activité désordonnée ;
– analyse du phénotype évolutif : il est essentiel de reprendre toute l’histoire de l’enfant et de préciser à quelle date a été constaté tel ou tel signe ou si des signes ont été présents et ont disparu (en particulier durant les premiers mois de vie). Les deux meilleurs exemples sont le syndrome de Willi-Prader-Labhart puisqu’en période néonatale, il existe souvent une grande hypotonie et des difficultés de déglutition qui disparaissent ensuite, ou le syndrome de Rett car les petites filles qui en sont atteintes ont souvent une première phase de vie de quelques mois où elles sont d’apparence normale suivie d’une phase de retrait autistique qui précède enfin la phase typique avec les stéréotypies manuelles citées précédemment ;
– arbre généalogique. Il convient, en particulier si l’enfant ayant un déficit cognitif est un garçon, d’étudier attentivement les collatéraux de la mère. Les syndromes dont le gène est porté par le chromosome X sont nombreux et le plus fréquent est le syndrome d’Xq fragile (retard mental chez plusieurs garçons de la famille et anomalies morphologiques du visage et des organes génitaux à partir d’un certain âge).
Ce n’est qu’au terme de cette démarche (qui n’a pas comporté encore d’examens biologiques) que le choix des syndromes possibles peut être établi. Il dirige celui des examens appropriés de cytogénétique ou de biologie moléculaire. Plusieurs centaines de syndromes différents peuvent s’associer à un déficit cognitif et les citer tous serait impossible, des exemples ont été donnés ci-dessus. On ne peut qu’insister sur la nécessité d’un grand savoir-faire et donc d’une consultation spécialisée pour tout enfant présentant un retard cognitif, et d’une répétition des évaluations au fil du temps, tant que l’étiologie n’aura pas été déterminée. En effet, certains signes très caractéristiques d’un syndrome donné peuvent n’apparaître qu’après plusieurs années de vie (c’est par exemple le cas d’un impubérisme).
MALFORMATIONS CÉRÉBRALES :
Une malformation cérébrale peut être d’origine génétique ou être la conséquence d’une agression cérébrale durant la grossesse (virale comme une infection par le cytomégalovirus, ischémique, toxique, etc). Elles sont soupçonnées cliniquement lorsqu’il existe : une microcéphalie dès la naissance, une anomalie motrice associée en particulier asymétrique, une épilepsie de début précoce. La réalisation d’une imagerie cérébrale est cependant quasi systématique dans l’évaluation de la cause d’un déficit cognitif. Si une malformation cérébrale est soupçonnée, une imagerie par résonance magnétique (IRM) doit être faite d’emblée. Dans les autres cas, une tomodensitométrie (TDM) de dépistage peut être suffisante, complétée par une IRM si elle est anormale. À l’inverse, une IRM anormale peut être complétée par la réalisation d’une TDM, en particulier à la recherche de calcifications intraparenchymateuses mal visibles sur des clichés réalisés en IRM. Sans entrer dans le détail de l’analyse des anomalies morphologiques du parenchyme cérébral, une agression cérébrale durant la grossesse est plus souvent accompagnée de lésions destructives, parfois calcifiées avec des zones de cortex normales tandis qu’une anomalie génétique se caractérise par des anomalies morphologiques globales (agénésie calleuse, anomalie de la fosse postérieure, etc) ou des anomalies de constitution du cortex (cortex épaissi et trop lisse d’une pachygyrie, cortex remanié d’une polymicrogyrie, etc). Plusieurs revues sur les différents types de malformations cérébrales ont été publiées. Il est nécessaire d’analyser le déroulement de la grossesse, les prises de médicaments, la manipulation de toxique, les épisodes de contractions utérines et de saignements. De même, il faut revoir les échographies de la grossesse et, si possible, obtenir des informations sur l’état du placenta à l’accouchement.
Annonce du handicap :
Chacun en sait la difficulté et tout a été dit et écrit sur ce qu’il ne fallait pas faire. C’est le plus souvent le neuropédiatre qui est amené à devoir transmettre cette information aux parents. Toutes les situations ne sont pas équivalentes. Ainsi, annoncer la découverte d’une trisomie 21 à la naissance pose des problèmes très différents de l’annonce de la mise en évidence d’un retard d’acquisition à, par exemple, 18 mois. Si même on se restreint à cette dernière situation, le dialogue avec les parents est totalement différent si eux-mêmes ont constaté quelque chose et sont inquiets ou si, au contraire, seul le personnel de la crèche ou un médecin sont sensibles à la variation de développement de l’enfant. Il est évident qu’aucune conduite systématique ne peut être donnée ; seules quelques règles peuvent être évoquées :
– le retard doit être annoncé un jour. Il n’y a aucune chance que cela se fasse « tout seul ». Le meilleur moment dans la vie de l’enfant est probablement entre 6 et 18 mois avec des nuances selon la gravité du handicap. Une annonce très précoce peut gêner l’établissement des liens entre parents et enfants. Une annonce trop tardive sera source d’une plus grande difficulté pour les parents pour qui la dissociation entre imaginaire et réalité sera trop forte ;
– cet instant qui sera considéré ensuite par les parents comme fondateur d’un nouveau temps ne peut se situer sans risque lors du premier entretien. Il est nécessaire que médecin et parents aient déjà établi un certain rythme commun, une évaluation commune du développement de l’enfant. Il faut aussi qu’une certaine attente soit née chez les parents avec une inquiétude quant aux règles de conduite vis-à-vis de leur enfant. Ce moment propice se situe ainsi souvent lors du deuxième ou du troisième entretien, séparé du premier par 1 ou 2 mois ;
– il est nécessaire d’expliquer des données qui semblent évidentes au médecin mais ne le sont pas (ou ne le sont plus dans cette circonstance paroxystique) aux parents. Il est ainsi nécessaire de dire le rôle du cerveau dans le développement de l’enfant et les différents aspects (moteur, cognitif, relationnel) de ce dernier. Nommer le syndrome doit être fait avec finesse. L’information doit évidemment être transmise dès qu’on la possède mais il n’est pas nécessaire d’insister trop ou trop tôt dans l’entretien initial (il faudra au contraire y revenir avec précision par la suite). Le niveau d’information en biologie de la population générale est faible : les mots chromosome, gène, voire noyau et cellule, sont souvent peu clairs spontanément ;
– l’annonce des difficultés doit s’accompagner de mesures pratiques à prendre : il faut immédiatement donner un rôle actif aux parents pour qu’ils puissent se « réapproprier » le développement de leur enfant et son rythme propre (activités d’éveil, séances de psychomotricité, de kinésithérapie). Il faut, en revanche, éviter de se projeter trop loin dans le futur, ce qui est une demande très fréquente des parents ;
– une consultation de suite est indispensable dans tous les cas. Il existe parfois à ce moment un déni qui peut parfaitement être respecté si, précédemment, les difficultés ont été clairement dites. Le rôle des associations, des structures d’accueil, les aides financières sont exposés à ce moment-là ;
– la nécessité d’empathie est évidente. Il n’y a aucune chance que cette mauvaise nouvelle soit donnée et, encore moins, reçue avec facilité. Le médecin fait mal dans tous les sens du mot. Il est bon, en particulier lors des consultations ultérieures, d’affirmer clairement que l’on sait le coût du handicap de l’enfant, coût psychologique mais aussi dans l’organisation pratique et la vie quotidienne de la famille ;
– l’annonce du handicap est ainsi un acte médical d’une grande difficulté et d’une grande technicité, si ce terme peut s’appliquer à un savoir-faire dans le domaine de la transmission d’une connaissance.
Attitude thérapeutique :
Dans l’immense majorité des cas, aucun traitement ne pourra faire disparaître le déficit cognitif (les seules exceptions sont les déficits cognitifs secondaires à une maladie générale ou à de rares maladies endocriniennes et métaboliques où l’action médicale vise d’ailleurs plutôt à prévenir le déficit). Le rôle du neuropédiatre est d’accompagner la famille, de prévenir les complications ou de les soigner, d’aider à la remédiation, c’est-à-dire à une série d’actions palliatives.
ACTIONS FAVORISANT LE DÉVELOPPEMENT DE L’ENFANT :
Ces aides éducatives varient suivant l’âge de l’enfant, mais sont toujours indispensables. Elles consistent le plus souvent en une combinaison de kinésithérapie, de psychomotricité ou d’éducation spécialisée qui est réalisée au mieux au sein d’une équipe, soit dans le cadre d’un service de soins à domicile, soit dans le cadre d’un centre d’action médicosociale précoce (CAMSP). L’éventail s’élargit à l’âge scolaire et utilise alors les instituts médicoéducatifs. Un programme éducatif propre à l’enfant doit être fait visant, dans tous les cas, à augmenter l’autonomie, la communication et la verticalisation (pour les enfants non marcheurs).
TRAITEMENTS DES COMPLICATIONS :
Celles-ci sont très nombreuses que l’on peut réunir en quatre domaines :
– complications de la vie quotidienne. La constipation est fréquente et est combattue par un apport d’eau suffisant (au moins 1 L, éventuellement sous forme d’eau gélifiée), une activité physique et une verticalisation suffisante et finalement par des médicaments comme la gelée de Lansoy¨ lt, voire du Forlaxt. Le dérèglement du rythme veille-sommeil induit des réveils nocturnes très gênants ce que l’on peut améliorer en limitant le sommeil diurne (les siestes sont souvent trop longues), en augmentant l’activité physique et l’exposition à la lumière du jour et parfois par des médicaments (mélatonine, benzodiazépines). Les états d’agitation sont une autre gêne quotidienne qui sont souvent améliorés par les neuroleptiques (Nozinant en particulier) et le plus souvent aggravés par les benzodiazépines. L’existence d’une épilepsie nécessite évidemment des médications supplémentaires et nombre d’épilepsies dans ce cadre sont assez résistantes au traitement ;
– difficultés d’alimentation et difficultés respiratoires. Les troubles de la déglutition et le bavement permanent peuvent être combattus par une rééducation particulière de la bouche. Des fausses routes fréquentes lors des repas, un amaigrissement important peuvent amener à la réalisation d’une gastrostomie ;
– complications orthopédiques. Elles sont prévenues par la réalisation d’un siège et d’un système de verticalisation adéquat ;
– déficits associés des organes des sens. Un trouble de l’audition doit être recherché facilement.
Les complications citées ici ne sont que des exemples, la connaissance de l’étiologie et l’expérience clinique en consultation spécialisée permettent d’affiner leur détection.
AIDES FINANCIÈRES :
Le handicap est source de frais importants directs (matériel pour l’enfant) et indirects (déplacement, aménagement de la maison, limitation du développement professionnel d’un ou des deux parents). Plusieurs types d’aides financières peuvent être obtenus : 100 % hospitalier, allocations d’éducation spécialisée dont il existe trois catégories, carte d’invalidité, allocations propres à certains départements ou à certaines entreprises. Toute famille dont l’enfant présente un déficit cognitif doit pouvoir rencontrer une assistante sociale spécialisée, ce qui souligne une nouvelle fois la nécessité de lieux d’accueil spécialisés en milieu hospitalier et en milieu médicosocial.
Conclusion :
Le rôle du neuropédiatre est essentiel devant un trouble du développement cognitif d’un enfant. Il doit cependant exercer ce rôle en réseau : avec d’autres personnels médicaux, en particulier généticiens et pédopsychiatres, avec d’autres personnels soignants en particulier de rééducation ou d’éducation spécialisée.