Déficience mentale

Déficience mentaleIntroduction :

Toute culture se définit par ses comportements à l’égard de ceux ou celles souvent minoritaires, qui, de par leur différence, innée ou acquise, ne peuvent être ou ne sont pas semblables à l’ensemble du groupe. Ce sont ces différences qui sont souvent ressenties comme inquiétantes, comme une gêne pour l’évolution et la survie, voire un danger plus ou moins défini pour l’avenir de la communauté.

Selon les modes de civilisation de telles minorités sont l’objet de persécution ou de vénération, bref, de considérations particulières, témoins des idées prévalentes dans lesdites civilisations, allant du rejet total, de l’exclusion ou de la mise à mort, à la valorisation quasi mystique de la différence, le sujet présentant une telle différence étant alors élevé au rang prestigieux de sorcier ou de chaman. Il bénéficie d’un statut particulier au sein du mythe des origines et des fins dernières. Nos cultures occidentales modernes, où la science apporte son éclairage objectif, ont fait de ces différences un objet d’étude, et par là même leur ont conféré :

– un statut scientifique ne serait-ce que par l’étude de la maladie causale ;

– un statut sociologique, en menant une réflexion sur la place d’un patient qui n’est plus un sujet différent, mais un malade.

S’est ainsi mobilisée l’idée généreuse consistant à apporter à chacun une aide efficace et des soins adaptés. Tout naturellement, de tels travaux s’intègrent dans le cadre de la médecine telle qu’elle existe depuis Claude Bernard, en apportant un regard neuf sur ce qui relevait de représentations obscurantistes plus ou moins terrifiantes.

C’est ainsi que l’on va tenter de définir en quoi des différences liées à un hasard incompréhensible retentissent sur l’intégration de ceux qui en sont porteurs et grèvent lourdement leur possibilité d’être semblables aux autres, mais aussi, si l’on n’y prend garde, leur possibilité de ne pouvoir accéder aux même droits que les autres.

Cette notion de hasard biologique, de véritable « coup du sort », nous allons tenter de la codifier, de la mesurer, on dirait aujourd’hui de l’évaluer.

C’est ici que va naître la notion de handicap, cette « main au chapeau », ce tirage au sort de la vie, qui, en fondant l’inégalité, demande à être prise en compte, non plus pour exclure et rejeter, mais pour accepter et unifier.

Les hommes naissent libres et égaux en droits, mais non en biologie ou en pathologie, et c’est l’éthique d’une civilisation que de fonder sur ces défaveurs, à la lumière de ce qui sera justement le « siècle des lumières », les progrès de la science.

Handicap et handicapés :

Le handicap au cours de dernières décennies est interprété selon, pourrait-on dire, les « idées du moment ». La définition même du handicap, souvent fluctuante, devient finalement, peu à peu, le dénominateur commun qui unifie et justifie l’existence d’un ensemble de données compréhensibles pour tous.

Il porte toutefois des noms divers à chaque période de notre histoire.

Ainsi trouvera-t-on : l’insensé de Pinel, le chemineau asocial de la comtesse de Ségur, le fou dangereux de la loi de 1838, le débile de l’école laïque, l’alcoolique dangereux de Zola, l’infirme victime de la Grande Guerre de 14/18, et bien d’autres, autant de malades sociaux ou mentaux, fonction du regard changeant du politique à leur égard.

Ainsi, que de changements intervenus, depuis le fou déviant rejeté à l’asile, l’asocial emprisonné, jusqu’au malade, reconnu et intégré au sein de nos services hospitaliers !

On comprend donc à quel point le terme de handicap va fédérer, sous son aspect social, où intervient autant l’ordre juridique de défense ou de protection de l’individu que l’ordre économique avec la considération de sa productivité éventuelle, divers sens jusque-là indéfinissables ou exclusifs les uns des autres.

Mieux encore, le handicap, en permettant aussi d’évaluer des capacités professionnelles pour exercer un métier, au sens artisanal du terme, devient un élément de reconnaissance du sujet pour lui même en lui conférant un statut de citoyen.

Et pourtant, l’image n’est pourtant pas aussi belle qu’il y paraît. Et au-delà des bonnes intentions apparaît, encore et toujours, l’ombre portée, liée à la méfiance de ce qui n’est pas conforme ou identique au modèle commun. Vu sous cet angle, le handicap dérange l’ordre apparemment établi, et impose à chacun de nous une réflexion au sens étymologique du terme, sur notre propre existence face à ce qui n’est pas suffisamment conforme ou en conformité avec notre équilibre habituel.

C’est ainsi que les liens entre culture et handicap risquent d’apparaître comme liés à l’ambiguïté du concept, dans son application concrète, face à l’ambivalence de nos sentiments, dans sa conceptualisation.

On retrouve là un « résidu » des peurs archaïques, mais combien présentes, liées aux invariants psychiques humains : pulsions, fantasmes et formation de l’inconscient.

Cela rend compte de la complexité du concept de handicap, complexité liée au poids de la subjectivité : ce concept social apparemment neutre véhicule avec lui, d’une manière souvent subtile et non énoncée, des non-dits inquiétants, parce que méconnus.

Handicap et déficience mentale :

GÉNÉRALITÉS :

L’arriération, la déficience mentale, peuvent représenter le paradigme du handicap, non seulement au sens strict du terme, mais également au sens évolutif. Elles sont en effet, plus ou moins fixées, l’évolution en est incertaine, selon l’aspect événementiel, et participent également de la notion de chronicité, dans le cadre de l’évolution inhérente à leur pathologie sous-jacente.

On comprend bien à quel point il ne s’agit pas de fixer une évolution possible, au nom d’une représentation rigide immédiate.

Pour éviter cet écueil, autant chez l’adulte que chez l’enfant et l’adolescent, on a mis au point des outils conceptuels capables de mettre en perspective, non seulement les différentes formes de handicap, mais leur évolutivité. C’est cette dernière qu’il a fallu rendre quantifiable, à travers des recherches aboutissant à la construction de véritables outils concrets (échelles, classifications), utilisables autant sous l’angle médical, que psychopathologique et social.

Ces outils ont donné au législateur des éléments de compréhension liés au déroulement d’une pathologie éventuelle, de troubles psychiques parfois occasionnels, l’invitant à reconsidérer périodiquement la notion de handicap, non plus sous l’angle diagnostique, mais sous l’angle prospectif.

CLASSIFICATIONS :

Classification de Wood :

Chez l’adulte, la classification de Wood, porte sur les maladies chroniques. Elle a été adoptée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), dans la mesure où cet organisme considère l’état de santé sous l’angle du bien-être somatique, psychologique et social.

Cette classification était au départ un instrument épidémiologique.

Elle reste très utile pour effectuer un bilan prospectif des ressources et des capacités d’un sujet, en permettant de confronter clinique et situation personnelle de celui-ci.

Rappelons que la classification de Wood démembre le concept global de handicap en trois composantes : déficiences, incapacités, handicap ou désavantages. Chacune de ces composantes peut être en question en ce qui concerne la déficience mentale.

Pour Wood, la déficience est la perte d’une structure ou d’un fonctionnement psychologique, physiologique ou anatomique, et n’est pas liée directement à une maladie précise. Elle peut être durable ou transitoire.

La débilité mentale peut être examinée sous cet angle. En ce qui concerne les déficiences intellectuelles, les nouvelles classifications OMS (Classification internationale des maladies mentales [CIM] 10) ont d’ailleurs fait une large part aux facteurs psychosociaux. À noter que la nouvelle cotation définissant le retard mental léger, modéré, sévère ou profond, à partir d’un quotient intellectuel inférieur à 70, élimine, par là même, la déficience mentale légère du cadre des débilités (QI entre 70 et 90).

L’incapacité est une réduction totale ou partielle de la capacité d’accomplir une activité. Cette incapacité caractérise les possibilités éventuelles de l’individu, mais non sa personne.

Le handicap ou le désavantage social résulte d’une incapacité qui limite ou interdit l’accomplissement d’un rôle normal au sein du groupe.

Classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent, et classification des handicaps :

Afin d’éviter encore et toujours de figer et de fixer une situation quelle qu’en soit la cause ou la nature, d’une manière par trop arbitraire, à partir de paramètres bien souvent neurobiologiques, Misès et al ont mis au point deux classifications :

– la Classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent (CFTEMA). Elle définit deux axes, clinique (répertorié en neuf catégories) et étiologiques/environnementaux ;

– la classification des handicaps et désavantages qui répertorie les différents aspects ce ceux-ci.

Ces outils de travail innovants et dynamiques autant que concrets, évitent l’écueil de tout fixer, ce qui est par trop réducteur, en introduisant la notion d’évolutivité dans le temps et dans l’espace.

En utilisant ces outils, les équipes soignantes peuvent mieux visualiser, chez un sujet, une dimension créatrice masquée par une symptomatologie d’apparence déficitaire. Cette dernière peut parfois s’avérer n’être que le reflet de la démission d’un entourage envahi par un pessimisme quasi dépressif.

Handicap et passage à l’âge adulte :

Au sortir de l’adolescence, le jeune adulte handicapé a déjà parcouru tout un chemin, jalonné par les interactions familiales et scolaires au sein de l’éducation spécialisée.

À l’adolescence, il quitte le domaine du « scolaire », pour celui du « professionnel », domaine qu’il va devoir affronter en même temps que sa famille, qui doit faire face au deuil d’un certain nombre d’illusions.

Pourtant, tout empiétement de la dimension familiale sur la dimension individuelle, toute confusion, ne peuvent qu’être dangereux autant qu’inefficaces. Comme lors des premières années de la vie, les différents intervenants sont donc invités au respect du travail de chacun. Pourtant, rien n’est simple, tant est parfois lourd l’impact de la subjectivité familiale. En effet, les parents rencontrent à nouveau, comme au temps des orientations scolaires, bien au-delà des aléas liés au passage de l’état d’enfant à celui d’adulte, le « mur » indestructible et douloureux de la déficience, avec ce qu’il véhicule d’images d’exclusion et d’échec obligatoire.

De la même manière, en miroir, l’évolution psychologique du sujet lui-même, pris dans des conflits prolongés d’adolescence, doit faire face aux perturbations « endogènes » liées à son handicap proprement dit, et « exogènes », liées à sa rencontre avec le milieu du travail et du milieu social en général.

Dans le domaine de l’arriération ou de la déficience mentale, quelle qu’en soit la cause, la relation avec l’environnement est essentiellement fonction de la compréhension que le sujet va avoir des interrelations avec ses pairs, et ce, spécialement dans le milieu du travail. Quel est son degré d’indépendance ou d’autonomie par rapport à autrui ? Quelle perception a-t-il de sa propre personne ?

Comment peut-il gérer son statut de jeune adulte au jour le jour ?

Une nécessaire évaluation permet alors de proposer une aide, une activité, un travail, selon l’éventail des possibilités du sujet.

La déficience mentale, qui peut déterminer l’attribution du statut de handicapé, ne doit en rien favoriser l’exclusion sociale, ne serait-ce, par exemple, que par l’absence de travail salarié (on peut remarquer qu’à ce sujet, la loi n’apporte aucune définition du terme handicapé et s’en remet au jugement de l’expert, en l’occurrence les commissions départementales dont nous parlerons plus loin).

On comprend alors la difficulté à cerner, s’agissant toujours de déficience mentale, un statut qui ne relève pas obligatoirement de la maladie au sens strict. Il existe des handicaps sans maladie. Dans certains cas, le problème reste essentiellement psychosocial, le sujet s’organisant dans une fixation régressive de symptômes bloquant toute ouverture vers l’extérieur, pourtant source de possibles progrès.

La dimension psychologique à prendre en compte est donc complexe, liée d’abord à l’idée que le sujet se fait de lui-même, teintée ou non d’affect dépressif ou agressif, de violence ou de résignation. De tels états peuvent d’ailleurs se succéder les uns aux autres, voire coexister. De cette perception de soi dépend la relation à autrui et au milieu professionnel, ressenti tantôt comme une aide, une invitation à être mieux reconnu, tantôt comme une contrainte, voire une punition.

Ceux qui oeuvrent autour des jeunes adultes handicapés doivent connaître ces risques inhérents au processus de déficience lui-même.

En effet, la notion de travail, si ambiguë et faisant l’objet, dans nos sociétés, de réglementations faisant intervenir autant les nécessités économiques que le poids du politique, est très différemment intégrée par des sujets présentant des déficiences mentales. Le droit au travail, l’accessibilité à un métier, malgré des difficultés psychiques évidentes, est bien souvent pour eux une exigence tout à fait valorisante, au sein d’un univers où la notion d’activité rémunérée est plus souvent dépréciée que recherchée, subie, qu’acceptée. On retrouve là bien entendu l’aspect le plus symbolique du concept de « travail ». Avoir un métier ou assurer une activité pour laquelle on est payé (« toute peine exige salaire »), confère, pour nombre de nos jeunes patients, un statut de citoyen.

Cependant, il nous appartient de répondre de façon adaptée à cette exigence hautement respectable de l’image de soi. C’est pourquoi toute structure d’accueil recevant ou choisissant d’oeuvrer pour l’intégration et le bien-être de déficients mentaux se doit de réfléchir à la nature même des tâches qui leur seront proposées, à la lumière de l’analyse des troubles psychiques liés à la déficience.

Il faut insister sur l’aspect positif de toute créativité chez le sujet, quelle qu’en soit la nature : fabrication d’objets en petits groupes, où chacun participe à l’oeuvre de tous ; horaires aménagés, afin d’éviter des cadences pénibles et de préserver les meilleures capacités de travail ; espaces de loisirs, de détente, au sein d’une même journée pour favoriser la récupération, etc.

Il faut s’orienter vers des tâches dont le sujet puisse percevoir autant le début que la fin : ce sont souvent des tâches réalisables en un temps relativement court.

Il faut varier les tâches en question, voire les lieux où elles s’exercent.

Les rythmes de saisons sont tout à fait bien perçus par le sujet déficient, et leur répétition source de stabilité, d’où l’intérêt de travaux proches de la nature : jardinage, culture maraîchères, horticulture, etc.

Le contact avec les animaux est particulièrement sécurisant, d’où l’intérêt de travaux d’élevage par exemple.

Enfin, la dimension esthétique est bien souvent oubliée, et pourtant tellement nécessaire pour stimuler la créativité ! Elle doit exister d’une manière primordiale et être réintroduite et variée au sein de l’activité. D’où l’intérêt du choix des espaces, des couleurs, dans l’aménagement des locaux.

Lorsque le travail est rémunéré ou salarié, les droits du travailleurs s’appliquent bien entendu : c’est la loi. Toutefois, la gestion des gains ne va pas de soi et nécessite un nécessaire apprentissage, apporté par exemple par l’équipe éducative et/ou le tuteur lorsqu’il y en a un.

De telles aides « environnementales » chaleureuses, respectant la personne à travers son handicap, sont parfois bien carentielles, et risquent de s’effacer derrière un apparent soutien de surface, valorisant davantage le loisir, la détente et le laisser-aller, que la réflexion sur soi. Un tel comportement régressif est évidemment très préjudiciable à l’épanouissement du sujet.

C’est bien souvent l’oeuvre d’associations que d’apporter aussi des étayages, ce qui représente un moyen tout à fait efficace de prévention de la marginalisation.

Quels que soient l’établissement ou l’institution d’accueil, chaque équipe se doit aussi d’élaborer ses projets de vie à partir de notions dynamiques, à remettre régulièrement en cause pour avancer. Cela est parfois fort difficile pour le personnel lui-même. Il faut, il est vrai, pour travailler auprès de sujets présentant de telles difficultés d’intégration sociale, un réel engagement personnel, qui ne soit pas source d’angoisse ou de moments dépressifs trop intenses, mais qui n’exclut pas pour autant la possibilité de vécus difficiles.

D’où l’intérêt de développer un esprit « maison » au sein d’institutions où chacun, quelle que soit sa fonction, tient un rôle bien défini, reconnu par les autres, rôle rempli avec rigueur et souplesse.

On retrouve là toute la dimension incontournable du travail institutionnel corrélé au travail intrapsychique des pensionnaires de l’établissement.

Tout cela ne s’improvise pas et invite à mettre en place des formations spécialisées où soient réfléchies les différentes stratégies à adopter et la manière de les gérer. Les associations et les travailleurs sociaux trouvent ainsi un terrain d’échange parfois conflictuel, mais toujours fructueux.

Un autre champ relationnel demeure fort important, c’est celui du travail avec et auprès des familles. Il faut bien souvent « naviguer » entre rejet total et surprotection, en sachant aménager des passerelles de compréhension parfois bien fragiles.

Il appartient à chaque établissement de se doter d’un cadre, véritable règlement intérieur, dans le but d’éviter, autant que faire se peut, conflit ou abus d’intrusion familiale. Ce règlement, le sujet et sa famille doivent le connaître, voire participer à son élaboration. Il doit être suffisamment souple pour faire face à des situations de quasi-urgence, et permettre alors d’éviter des moments de panique ou d’effondrement narcissique pour un sujet déficient mental en proie à une phase critique.

Les équipes éducatives ou les travailleurs sociaux rencontrent, à travers le travail du cadre, un vaste champ de réflexion apparemment latéral au travail de tous les jours, mais combien efficient pour la stabilité de l’institution : c’est autour de ce point crucial que se jouent, en complémentarité, la vie institutionnelle d’une part, la vie extra-institutionnelle d’autre part.

Problèmes liés aux différentes structures :

Les structures existantes sont fort bien décrites et répertoriées par Massé et Bonal. Nous ne formulons ici qu’un certain nombre de remarques liées aux relations entre ces structures et le sujet déficient mental, en nous référant aux notions déjà énoncées.

COMMISSION TECHNIQUE D’ORIENTATION ET DE RECLASSEMENT PROFESSIONNEL (COTOREP) :

Elle est le véritable pivot du système. Il en existe une par département. Elle gère le devenir des handicapés à partir de l’âge de 20 ans, en continuité avec le CDES (Commission d’éducation spécialisée) consacrée à l’enfant et l’adolescent.

Elle est composée de membres nommés par le préfet et définit le handicap en tant qu’expert. Elle comporte deux sections :

– l’une gère les cas où le handicap est compatible avec un reclassement ;

– l’autre apprécie les taux d’invalidité et surtout l’aptitude au travail.

La commission a aussi pour fonction d’attribuer, si elle le juge nécessaire, selon l’état du sujet handicapé, une certaine somme d’argent : l’allocation aux adultes handicapés (AAH). À cette allocation s’ajoute la gratuité de remboursement des frais de soin.

Cette commission est donc chargée d’orienter la personne handicapée vers un établissement ou un service compétent correspondant à son cas. Elle se doit toutefois de tenir compte des voeux de la personne, en fonction, bien entendu, des possibilités d’accueil des établissements.

C’est le lieu de résidence des handicapés qui détermine la compétence de chaque COTOREP.

La commission peut être saisie par différentes personnes ou organismes, et en particulier, par la personne handicapée ellemême, sa famille, ou ses représentants légaux.

Elle dispose d’un secrétariat permanent, et d’une équipe technique organisée autour d’un « noyau de base » qui peut s’adjoindre des techniciens, dans le cadre de conventions passées entre divers organismes et le commissaire de la République. S’agissant de la problématique liée à la déficience mentale, un dossier médical détaillé est nécessaire, auquel est joint un bilan psychologique (tests psychométriques et projectifs), voire un projet professionnel précis, guidant l’équipe technique dans son choix d’établissement.

Les décisions de la COTOREP doivent être revues dans un délai inférieur à 5 ans, 10 ans en cas de handicap irréversible. Une telle révision permet en effet d’éviter de fixer le patient dans ses troubles.

Une révision peut être aussi effectuée à moins de 5 ans, à la demande de l’intéressé, des organismes débiteurs, du commissaire de la République. Cet aspect non négligeable de souplesse permet de faciliter des changements d’activité, et d’orienter une personne vers un établissement mieux adapté, par exemple lorsque les possibilités professionnelles du sujet se modifient.

Des équipes de préparation et de suite pour le reclassement des handicapés ont été créées pour favoriser, à toutes les étapes, réadaptation et vie professionnelle. L’expérience montre qu’en matière de déficience mentale, le sujet, du fait d’une relative insécurité liée à son handicap, trouve auprès des membres de telles équipes, des conseils et un étayage sécurisants.

STRUCTURES :

Ateliers protégés :

Ils s’organisent autour d’un véritable « esprit d’entreprise », puisqu’ils doivent viser avant tout à réduire tout déficit d’exploitation, tout en s’intégrant dans l’économie normale de marché. Le travailleur embauché est considéré comme un salarié à part entière. Trouvent ici emploi des handicapés dont la déficience mentale est peu invalidante.

L’écueil de telles structures reste la nécessité d’accepter des marchés : la notion de productivité n’est pas forcément négligeable ; la répétition de tâches fastidieuses est parfois nécessaire.

Quoi qu’il en soit, une bonne intégration au sein de telles structures peut ouvrir la voie à des emplois en milieu ordinaire de production.

Le sujet rencontre alors tous les problèmes posés par « le marché du travail » au sein de nos sociétés !

Centres d’aide par le travail (CAT) :

Le CAT associe une structure de mise au travail et une structure médicosociale dispensant les soins nécessaires à la poursuite d’une activité professionnelle.

En ce qui concerne le travail, il s’effectue dans des conditions aménagées en fonction du handicap. Sont accueillies en CAT des personnes incapables d’exercer une activité en milieu ordinaire ou en atelier protégé, et dont la capacité de travail ne dépasse pas le tiers de celle d’un travailleur ordinaire. Toutefois, ces personnes n’ont pas la qualité de salariés.

Les malades et déficients mentaux trouvent bien entendu leur place au sein de certains CAT qui se donnent pour vocation d’oeuvrer dans le champ spécifique du handicap mental. C’est précisément pour de tels pensionnaires que le projet professionnel se doit d’intégrer la notion décrite ci-dessus de tâche de courte durée, de créativité au sein d’un support esthétique ou architectural de qualité. De plus, l’accent est mis ici sur le « tissu relationnel », avec l’entourage, les associations, et les familles, d’où l’intérêt de mise en place au sein même du CAT, d’activités sportives, de loisirs, d’ouverture vers l’extérieur.

Mieux encore, l’hébergement peut être juxtaposé au CAT, par la création d’un foyer par exemple. Il s’agit alors d’une structure parallèle, dont la gestion est distincte de celle du CAT sur le plan comptable et financier. Cette association entre foyer et CAT s’avère particulièrement efficace au fil du temps, et surtout, nous y reviendrons, face au vieillissement du sujet déficient mental. Enfin, ce peut être une bonne solution pour des handicapés vivant en couple.

Foyers occupationnels :

Ils s’adressent à une population plus lourdement atteinte que celle des CAT. Aucune activité professionnelle rémunérée n’est proposée dans une telle structure : elle serait dépourvue de sens face à la gravité des troubles. En revanche, les difficultés relationnelles avec l’environnement souvent rejetant sont prises en compte (même le séjour en foyer occupationnel n’est pas forcément définitif).

L’orientation en foyer occupationnel peut aussi représenter un temps de réflexion avant le passage vers le CAT. Certains établissements associent les deux formules et, au prix d’une certaine souplesse, peuvent jouer de la complémentarité de l’une par rapport à l’autre.

De la même manière bien entendu, le séjour au foyer occupationnel peut succéder au séjour en CAT, et devenir une nécessité en fonction de l’aggravation des troubles. Quoi qu’il en soit, c’est à la COTOREP qu’il appartient d’entériner les propositions faites par les établissements. On retrouve là son rôle d’expert déjà cité.

Maisons d’accueil spécialisée (MAS) :

Elles reçoivent des personnes atteintes de déficience motrice ou sensorielle grave, ou de déficience intellectuelle sans trouble psychiatrique prédominant. À cet égard, un séjour en MAS peut être proposé pour des déficients mentaux polyhandicapés.

Théoriquement, la population admise doit l’être avant l’âge de 60 ans.

Le but principal, compte tenu de la nature et de la composition de l’équipe « idéale » (médecin généraliste, psychiatre, rééducateur, infirmier, aide médicopsychologique, personnel d’animation), est de constituer une alternative à l’hospitalisation. D’où la recommandation ministérielle d’implanter de telles structures (30 à 60 lits maximum) à proximité de lieux de soins ou d’animation.

Foyer à double tarification :

Ces foyers offrent un accueil médicalisé pris en charge par la Sécurité sociale, et un hébergement pris en charge par l’intéressé ou l’aide sociale. Ils reçoivent des adultes aux polyhandicaps sévères.

On trouve ainsi là les déficiences mentales graves avec perte de l’autonomie motrice. Les soins nécessitent souvent l’appel à des spécialistes, intervention dont le coût peut être élevé, ce qui rend difficile la mise en place de telles structures. Leur nombre demeure notoirement insuffisant compte tenu de la population à accueillir.

Centres de réadaptation professionnelle (CRP) :

De tels centres mis en place récemment ont pour mission, après orientation par la COTOREP, de proposer soit une pré-orientation, au sortir du milieu hospitalier, dans la mesure où un changement d’activité professionnelle s’avère une nécessité, soit une formation.

Cette formation s’adresse en particulier à des personnes présentant une déficience mentale, mais qui pourraient, par la suite, accéder à un travail en milieu ordinaire. En effet, le CRP propose une formation type FPA (formation professionnelle pour adulte) avec quelques aménagements, formation qui est sanctionnée par l’obtention d’un diplôme.

Ces types de structure, du fait de l’augmentation récente importante des détresses psychosociales, surtout en relation avec l’association rejet social/déficience mentale/alcoolisation/toxicomanie ou marginalisation grave, se trouvent confrontés à des demandes inhabituelles, où l’aide à apporter relève avant tout d’un travail complexe. Ce travail psychologique devrait être centré sur la valorisation de soi, la prise en compte de dépressions chroniques du sujet jeune totalement rejeté du système social, quasi « clochardisé ».

Il est urgent de mettre au point de nouvelles modalités soignantes pour de tels sujets.

Bilan et perspectives :

Il existe actuellement toute une frange d’une population jeune qui, entre psychiatrie et handicap social, chômage et marginalisation, pose de nouveaux problèmes médicosociaux. On comprend que la déficience mentale paye un lourd tribut à cette pathologie sociale, véritable gangrène économique à traiter d’urgence dans le cadre de nos société dites « évoluées ».

La création du revenu minimum d’insertion ou RMI (loi du 1er décembre 1988) a pour but de supprimer toute forme d’exclusion, l’insertion de toute cette population en difficulté devenant un impératif national. Entre les pathologies psychiatriques avérées antérieures à la détresse sociale, ou induites par cette même détresse, et la problématique d’exclusion avec sentiment définitif de rejet, conduites d’alcoolisation, d’échec et autres passages à l’acte, il est difficile d’évaluer ce qui revient, chez ces sujets, à l’aspect médical strict, ou à la prise en charge sociale (réinsertion ou même insertion).

Cette dichotomie est d’ailleurs parfaitement discutable, car les deux aspects, médicaux et sociaux, s’intriquent à un tel point que les solutions actuelles, AAH ou RMI, ne répondent pas plus l’une que l’autre à ces nouveaux tableaux cliniques. Autant dire à quel point ce problème doit préoccuper le politique avant le législateur et ce, au point le plus sensible du système : l’aspect économique.

Un autre problème concerne, non plus la population de jeunes déficients, mais celle des déficients qui vieillissent. La personne atteinte de déficience mentale grave, dont les causes sont essentiellement organiques ou liées à un mode de vie difficile, vieillit, pourrait-on dire, plus rapidement que la population supposée normale. Son potentiel effectif de travail diminue également plus vite. Pour cette population, l’âge de la retraite est pourtant fixé à 60 ans. Souvent privé de famille, sans aucun accueil extérieur possible, la solution proposée s’avère être le séjour en maison de retraite, séjour dont le nombre va se multiplier, du fait de l’allongement de la durée de vie. Or, les maisons de retraites classiques reçoivent des personnes âgées de 80 ans ou plus, et la cohabitation n’est pas sans poser des problème nouveaux, les troubles liés à la déficience mentale s’aggravant eux aussi avec l’âge.

C’est dire la nécessité de créer de nouvelle structures d’accueil dans nos départements, face à ce nouveau problème social du vieillissement de la personne déficiente mentale.

L’alternative sociale se doit d’être originale. Il ne s’agit pas d’ouvrir des lieux d’isolement, mais encore et toujours, dans un cadre collaboratif, d’apporter les soins médicosociaux nécessaires. Les associations, les collectivités territoriales, éventuellement avec l’aide des secteurs psychiatriques, s’avèrent des interlocuteurs privilégiés.

On sait maintenant à quel point il est important d’ouvrir de petites structures de 20 ou 30 lits, et non de grands ensembles déshumanisants, et combien les structures d’accueil professionnelles, citées plus haut, se doivent d’être innovantes et adaptées aux problèmes posés par les mutations psychopathologiques intervenues dans nos populations de sujets jeunes.

Conclusion :

Il s’agit de maintenir ce qui fait la noblesse et l’éthique de l’engagement médicosocial : apporter, au-delà des soins nécessaires, l’aide humanisante possible, souhaitée et souhaitable pour chacun, avec ce qui fait la valeur du sujet humain, son autonomie étayée sur l’estime de soi et le respect des autres.