Introduction :
Les psychoses sont sans doute la principale préoccupation des psychiatres d’adolescents et la hantise de leurs observations cliniques. L’adolescence pose en effet, de façon cruciale, de difficiles questions diagnostiques devant des symptômes bruyants ou plus discrets qui, sans corrélation étroite ou obligatoire avec une pathologie mentale avérée, viennent exprimer de façon polymorphe la souffrance psychique fréquente à cet âge. Moment de profonde mutation, l’adolescence est en effet une période du développement où, d’un point de vue psychodynamique, peuvent être activés des mécanismes de défenses archaïques ou psychotiques pour répondre aux difficultés psychiques que peut induire le processus adolescent luimême et « la crise vitale » qu’il provoque.
S’ajoute à cela le fait que l’adolescence est aussi l’âge préférentiel d’éclosion de la plupart des maladies psychiatriques à potentiel chronique, celles-ci n’ayant pas à leur début les caractéristiques cliniques qui les rendront plus tard plus facilement reconnaissables.
À l’adolescence, plus qu’à toute autre période de la vie, le clinicien est conduit à s’interroger sur la dimension psychopathologique des symptômes qu’il constate et leur valeur diagnostique et pronostique, avec une crainte principale, l’entrée dans la schizophrénie dont c’est l’âge d’élection.
Cela ne doit pas faire oublier la fréquence des signes psychotiques trompeurs dans d’autres pathologies émergeant à cette période du développement.
Enfin, s’interroger sur les psychoses à l’adolescence aujourd’hui, c’est aussi se poser la question de la valeur des manifestations prémorbides apparaissant à cet âge : facteurs de vulnérabilité ou prodromes de la maladie avec pour conséquence des modalités de traitement et de prévention qui peuvent être très différentes.
Ces questions de diagnostic sont devenues encore plus importantes depuis que les données récentes sur la schizophrénie plaident en faveur d’un diagnostic et d’un traitement plurifocal aussi précoces que possible car il paraît démontré que le plus grand risque d’évolution déficitaire se situe dans les deux premières années de la maladie alors que le pronostic paraît défavorablement affecté par la durée de l’évolution sans traitement (duration of untreated psychosis [DUP]).
Les progrès dans le domaine de la pharmacothérapie (apparition de traitements chimiothérapiques plus adaptés aux troubles thymiques et développement de nouvelles médications antipsychotiques mieux tolérées et plus efficaces sur les signes négatifs) accroissent encore les enjeux d’un diagnostic précoce et renouvellent l’intérêt clinique de questions anciennes : quand et comment faut-il prescrire ces nouvelles molécules ? Devant des syndromes entièrement constitués ou devant des prodromes, voire des prémices ou des signes de vulnérabilité ? Avec quelles visées et pour quelle durée ?
À l’inverse, il n’est pas possible de sous-estimer l’effet potentiellement iatrogène d’un diagnostic par excès d’un trouble psychiatrique chronique, celui-ci pouvant conduire à des prescriptions médicamenteuses au long cours, non dénuées d’effets secondaires, et modifier profondément le rapport du sujet à lui-même et aux autres.
Symptômes psychotiques :
La première question qui se pose est donc celle qui touche à la reconnaissance des symptômes psychotiques à l’adolescence selon un point de vue qui relève plutôt d’une approche dimensionnelle.
En pratique, on considère comme signes psychotiques à l’adolescence tous les signes qui, dans les classifications nosographiques, doivent faire évoquer une schizophrénie, c’est-à-dire essentiellement les symptômes caractéristiques que nous évoquerons plus bas.
Une telle position ne peut être pertinente que si l’on considère acquise l’idée que la présence de n’importe lequel de ces signes ne vient pas obligatoirement signifier le diagnostic de schizophrénie.
Critères du DSM-IV :
Comme le rappelle le diagnostic and statistical manual of mental disorders (DSM)-IV : « Aucun symptôme isolé n’est pathognomonique de la schizophrénie, dont le diagnostic implique la reconnaissance d’une constellation de signes et symptômes associés à des dysfonctionnements sociaux et occupationnels. »
Quels que soient les courants théoriques adoptés, il y a actuellement un consensus international sur ce point.
On retient donc aujourd’hui que les symptômes psychotiques chez l’adolescent sont identiques à ceux de l’adulte et regroupent (DSM-IV) :
• les symptômes caractéristiques suivants :
* idées délirantes, (automatisme mental, délires à thèmes persécutifs ou mégalomaniaques polymorphes et non systématisés) ;
* hallucinations psychosensorielles (auditives verbales mais aussi cénesthésiques, olfactives ou visuelles) ;
* discours désorganisé (relâchement des associations, incohérence, pauvreté du contenu du discours, néologismes, persévérations, blocage, écholalie, associations par assonances) ;
* comportement grossièrement désorganisé ou catatonique (indécision du geste, indétermination des attitudes, mouvements automatiques, maniérisme de la présentation et des gestes, paramimie, stéréotypie, voire catalepsie, raideur, hyperkynésie, etc.) ;
* des symptômes négatifs (tels que l’émoussement affectif, la perte des liens ou la perte de volonté) ;
• les symptômes associés à un dysfonctionnement social ou des activités, c’est-à-dire que pendant une partie significative du temps depuis l’apparition de la perturbation un ou plusieurs domaines majeurs du fonctionnement tel que le travail, les relations interpersonnelles, ou les soins personnels sont nettement moins bons qu’atteint avant la survenue de la perturbation.
Caractères spécifiques :
La survenue de symptômes psychotiques à l’adolescence a cependant des spécificités qui induisent les difficultés diagnostiques déjà évoquées. Par exemple, le critère concernant, pour l’enfant et l’adolescent, le niveau de réalisation interpersonnelle dans le milieu scolaire ou dans d’autres activités doit être abordé avec prudence. En effet, il est parfois malaisé de distinguer des troubles ayant un début insidieux, d’une longue histoire de troubles du développement et de troubles de la personnalité. Il faut tenir compte des facteurs culturels, développementaux et intellectuels avant de pouvoir prétendre à une description symptomatique pertinente.
Par ailleurs, il n’est pas rare que les symptômes psychotiques soient plus torpides ou trompeurs : avec prédominance de signes que l’on peut considérer comme des signes psychotiques négatifs (voir infra Symptômes prodromiques). Dans certains cas, cela aboutit à ce qu’ils ne soient reconnus qu’à l’occasion de leurs conséquences, sur les conduites notamment. Le risque suicidaire doit être tout particulièrement redouté car la rencontre des symptômes psychotiques avec la tendance à l’agir, fréquente à l’adolescence, augmente notablement l’occurrence de troubles des conduites et du comportement. Toutes les données montrent que ce risque est nettement accru en présence d’un processus psychotique, notamment dans la première année qui suit le premier épisode aigu. Une éventualité non rare est que la tentative de suicide soit inaugurale ou révélatrice de symptômes antérieurement négligés.
Concernant la fréquence des troubles psychotiques à l’adolescence, les seules données dont nous disposons portent sur des patients hospitalisés ou suivis en psychiatrie.
Ainsi, 5 à 20 % des patients adolescents consultant ou hospitalisés en psychiatrie présentent des symptômes psychotiques.
Catégories diagnostiques :
La démarche diagnostique s’aborde de façon très différente selon que l’on se trouve devant un état psychotique aigu ou une symptomatologie plus torpide ou trompeuse.
Dans la première situation, le syndrome carrefour est constitué par la bouffée délirante aiguë (BDA), syndrome dont la description répond assez exactement aux troubles schizophréniformes du DSM-IV, aux troubles psychotiques aigus et transitoires de la Classification internationale des maladies (CIM) 10, et aux psychoses aiguës de la Classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent (CFTMEA).
L’avantage du concept de BDA à l’adolescence est de ne pas anticiper sur la place de ce syndrome dans le spectre de la schizophrénie. En tant que diagnostic syndromique, il laisse entier le problème du diagnostic catégoriel qui ne peut être porté que dans un second temps. Autrement dit, l’ambiguïté introduite par le terme de BDA paraît bien adaptée au diagnostic de psychose à l’adolescence dont elle respecte les incertitudes pronostiques.
En pratique, devant une première BDA, le diagnostic différentiel se fait entre :
• le diagnostic de BDA isolée ;
• une entrée dans la schizophrénie ;
• un premier épisode thymique dans le cadre d’une maladie bipolaire ;
• un premier épisode thymique atypique d’une schizophrénie dysthymique ;
• un épisode psychotique aigu survenant dans l’évolution d’un trouble de personnalité et plus spécifiquement d’un état limite ;
• un épisode psychotique aigu dans le cadre de l’évolution d’une psychose de l’enfance ;
• un épisode psychotique aigu secondaire à une prise de toxique ou à une cause organique.
Devant un tableau plus torpide ou trompeur, la distinction du normal et du pathologique est souvent complexe et on est amené à ajouter, à cette série, le diagnostic différentiel avec une crise d’adolescence qu’il faut tenter de ne pas confondre avec des prémices ou des prodromes d’une psychose déclarée sans renoncer pour autant a prendre en compte sa valeur symptomatique.
Nous allons considérer successivement chacun des troubles évoqués ci-dessus et décrire leur lien avec l’adolescence et les psychoses.
Bouffée délirante aiguë :
Dans la nosologie française classique, la bouffée délirante aiguë a été décrite pour la première fois il y une centaine d’années et continue d’être une catégorie largement utilisée. Elle inclut toutes les pathologies psychotiques de durée inférieure à 6 mois et regroupe donc des troubles variés. Ses frontières sont floues, ce qui constitue à la fois ses limites et son intérêt.
Ey utilise cette catégorie pour la différencier de la schizophrénie, tout le problème étant pour lui de déterminer s’il s’agit de la « folie d’un instant » ou de la « folie d’une existence » ; il souligne toutefois la complexité de cette différenciation : « les signes qui nuancent à cet égard le diagnostic et le pronostic ne sont guère utilisables ».
Le DSM-IV, lui, décrit deux pathologies aiguës et subaiguës. Le trouble psychotique bref, de durée inférieure à 1 mois, avec un retour complet au niveau de fonctionnement prémorbide après l’épisode psychotique (une distinction étant faite selon que le trouble survient ou pas après un épisode de stress marqué), et le trouble schizophréniforme, qui ne se distingue de la schizophrénie que par deux critères, celui de la durée : il doit durer plus de 1 mois mais moins de 6 mois (critères C de la schizophrénie), et celui de la dégradation du fonctionnement social ou des activités qui n’est pas exigé (critère B de la schizophrénie).
Carlson et al. constatent que les troubles schizophréniformes surviennent dans 45 % des cas avant 20 ans. Ils évoluent dans 58 % des cas vers une schizophrénie et dans 18,3 % des cas vers des troubles bipolaires, pour le groupe de sujets adolescents (ayant un début avant l’âge de 20 ans).
Schizophrénie :
Elle reste la question diagnostique centrale face à des troubles psychotiques à l’adolescence. Répétons-le, ce diagnostic, parfois trop rapidement évoqué, est un diagnostic syndromique et il doit répondre impérativement à un ensemble de critères pour pouvoir être retenu.
La schizophrénie apparaît très rarement durant l’enfance et le début de l’adolescence. Puis, l’incidence croît durant l’adolescence : 13,5 % des schizophrénies surviennent avant 20 ans (et 47,3 % surviennent entre 21 et 30 ans) l’incidence augmentant considérablement surtout entre 15 et 17 ans.
McClellan et al. évaluent entre 12 et 20 % la prévalence de la schizophrénie à début précoce (c’est-à-dire avant 18 ans).
En ce qui concerne le sex-ratio, les études montrent soit une proportion égale de filles et de garçons, soit, le plus souvent, une prépondérance de garçons.
On retrouve très fréquemment, dans les antécédents personnels, des troubles de la personnalité d’intensité moyenne à sévère.
On retrouve fréquemment des antécédents d’épisodes aigus (39 % des cas dans l’étude de Halfon) et des antécédents familiaux de schizophrénie (0 à 17 %) et de troubles de l’humeur (de 17 à 29 %).
Les critères diagnostiques (selon le DSM-IV) sont les mêmes que chez l’adulte avec, comme critère, pour la durée, des signes permanents de la perturbation persistant pendant au moins 6 mois. Ce critère de durée est encore plus important à l’adolescence qu’à d’autres âges, plusieurs études d’évolution à long terme montrant que le diagnostic de schizophrénie porté devant un épisode aigu ne se confirme pas ultérieurement dans un nombre non négligeable de cas (29,8 % dont la moitié se révèleront des troubles de la personnalité borderline et antisociale).
En ce qui concerne la symptomatologie, on retrouve les signes positifs et négatifs classiques et les formes de schizophrénies les plus fréquentes sont la forme indifférenciée et la forme paranoïde.
Dans la schizophrénie de l’enfant et de l’adolescent, les symptômes psychotiques le plus souvent retrouvés sont les hallucinations auditives, le délire et les troubles du cours de la pensée. Cependant, aucun de ces symptômes n’est systématiquement rapporté.
On note également la présence de troubles thymiques, classiquement variables, labiles et discordants. Ils sont présents dans 52 % des cas.
L’idée classiquement admise était que les schizophrénies à début précoce ont un pronostic défavorable. Cependant, le suivi de patients ayant débuté précocement, une schizophrénie suggère que le devenir serait le même que pour les schizophrénies à début plus tardif.
Nous verrons dans les paragraphes suivants les difficultés posées par l’exclusion des troubles thymiques (critère D du DSM-IV) et des troubles liés a l’abus de substances toxiques (critère E).
Troubles thymiques :
L’ensemble des auteurs souligne aujourd’hui la fréquence d’un début de ces troubles à l’adolescence.
Kraepelin (cité par Carlson) reconnaissait la survenue de troubles maniaques dans 3 % des cas avant 15 ans et au moins 20 % avant 20 ans.
Cette observation, un temps oubliée, a été réactivée par les données de la littérature actuelle qui constate que les troubles thymiques surviennent dans 20 à 30 % des cas chez des sujets de moins de 20 ans.
L’âge moyen de début des troubles thymiques à l’adolescence est compris entre 13,9 ans et 15,3 ans.
Des taux élevés (67 %) d’antécédents de troubles de la personnalité ont été retrouvés par certains auteurs. Ils sont surtout de type anxieux/dysthymiques et seraient plus fréquents dans les troubles de l’humeur avec symptômes psychotiques.
Les antécédents familiaux de troubles thymiques sont également fréquents.
La CIM-10 et le DSM-IV s’accordent sur le constat que des symptômes psychotiques peuvent, plus fréquemment à l’adolescence qu’à l’âge adulte, survenir au cours d’un épisode dépressif majeur, d’un épisode maniaque ou d’un épisode mixte.
Les symptômes psychotiques les plus fréquents dans les troubles de l’humeur avec manifestations psychotiques sont les idées délirantes puis les hallucinations auditives et enfin les troubles du cours de la pensée.
Les troubles du cours de la pensée (relâchement des associations, incohérence, pauvreté du contenu du discours, néologismes, persévérations, blocage, écholalie, associations par assonances) ne sont donc, pas plus que les hallucinations auditives, pathognomoniques de la schizophrénie puisqu’ils peuvent fréquemment être retrouvés dans les troubles bipolaires, en particulier à l’adolescence.
Cela explique la fréquence des erreurs diagnostiques de schizophrénie chez des patients souffrant de troubles bipolaires.
Ainsi, dans l’étude de Werry citée plus haut, la moitié des bipolaires de 13 à 17 ans sont faussement considérés comme schizophrènes lors des premiers diagnostics (constat fait à 5 ans). Dans l’étude de Joyce, 72 % des patients maniaques dont le trouble a commencé avant 20 ans contre 24 % des patients maniaques dont les troubles ont commencé après 30 ans ont d’abord eu un diagnostic de schizophrénie. C’est dire la difficulté de répondre au critère D du DSM-IV pour la schizophrénie (c’est-à-dire l’exclusion des troubles schizoaffectifs et des troubles de l’humeur).
Troubles schizoaffectifs :
Le concept de psychose ou schizophrénie dysthymique, selon la terminologie française (CFTMEA en particulier), ou de troubles schizoaffectifs, selon une terminologie internationale, pose le problème des frontières entre schizophrénie et troubles thymiques.
La CIM 10 et le DSM-IV ne font pas de remarque quant à une spécificité de ces troubles à l’adolescence, mais indiquent qu’ils peuvent survenir à cet âge.
Dans les antécédents personnels, on retrouve plus fréquemment des troubles de personnalité ; en ce qui concerne les antécédents familiaux, on note plus d’antécédents de troubles affectifs mais moins d’antécédents de troubles schizophréniques que dans les schizophrénies proprement dites.
États limites :
Chez l’adolescent, les symptômes psychotiques peuvent également survenir en dehors d’un diagnostic de psychose, au cours de troubles de la personnalité et plus particulièrement au cours des états limites.
Altman et al. observent que l’on peut retrouver des hallucinations et des idées délirantes chez des patients présentant en particulier des personnalités borderline et schizotypiques, mais aussi dans les états de stress post-traumatique et les troubles dissociatifs.
McClellan et Werry retrouvent fréquemment ces symptômes psychotiques dans les personnalités borderline, antisociale, schizoïde et schizotypique.
Thomsen montre, sur un groupe d’enfants et d’adolescents qui ont reçu un diagnostic de schizophrénie, que 10 ans plus tard, 21 % souffrent d’un trouble de la personnalité (dont 12,4 % de type borderline) et non d’une schizophrénie. Il conclut qu’environ la moitié des patients qui reçoivent à tort un diagnostic de schizophrénie souffrent en fait de troubles de la personnalité, et plus particulièrement d’un trouble antisocial ou borderline.
Cependant, l’association entre trouble de la personnalité et psychose ne se résume pas à ce chevauchement symptomatique, elle est plus complexe. En effet, certains patients psychotiques ont présenté antérieurement un trouble de la personnalité. Par exemple, dans une étude portant sur des enfants et des adolescents ayant des troubles psychotiques, McClellan et al. retrouvent 60 % d’antécédents de troubles de la personnalité.
Ces auteurs soulignent, par ailleurs, que les adolescents ayant des symptômes psychotiques dans le cadre de troubles de la personnalité ont un fonctionnement aussi perturbé que celui des schizophrènes quant au degré de dépendance, au fonctionnement général, et à la chronicité après un suivi de plusieurs années.
Si bien qu’il paraît raisonnable de proposer de distinguer à l’adolescence :
• les états limites structurés ou systématisés, suffisamment « stables dans l’instabilité même », concept dont la forte cohérence interne n’apparaît qu’au travers du point de vue psychopathologique ;
• les états limites d’attente où la question de la crise d’adolescence reste ouverte malgré parfois la gravité des manifestations symptomatiques.
Cette position suppose que l’on se réfère à une classification qui, comme la CFTMEA, n’oppose pas le diagnostic de maladie (axe I du DSM) et celui de personnalité (axe II du DSM).
Johnson montre d’ailleurs qu’il est bien difficile à l’adolescence d’évaluer un trouble psychiatrique sans référence à la personnalité sur laquelle il survient.
Autisme, psychoses infantiles et troubles apparentés à l’adolescence :
Dans le cadre des psychoses infantiles, les symptômes psychotiques à l’adolescence se rencontrent soit dans le cadre de l’évolution des psychoses infantiles vieillies, soit dans de véritables tableaux schizophréniques. Le DSM-IV prévoit un critère de durée (au moins 1 mois d’idées délirantes ou d’hallucinations prononcées) pour retenir un diagnostic de schizophrénie en cas d’association avec un trouble envahissant du développement.
Pour les enfants atteints de psychose infantile, l’adolescence s’accompagne, dans la moitié des cas, d’une aggravation temporaire ou permanente des symptômes préexistants (retrait, stéréotypies, épilepsie, hyperactivité, agressivité). Des tableaux plus productifs se retrouvent dans 5 à 10 % des cas, les chiffres variant selon le cadre diagnostique et le niveau de fonctionnement global. Il s’agit en général de tableaux cliniques atypiques en raison de l’association de symptômes psychotiques d’allure très variable et de symptômes liés aux troubles du développement qui sont à rechercher par une anamnèse approfondie (troubles précoces du langage, du développement intellectuel, des compétences relationnelles). Le repérage des symptômes psychotiques peut donc être difficile car les troubles du développement modifient leur expression. Par exemple, un trouble important du langage interfère avec l’expression d’un trouble du cours de la pensée ou d’un contenu délirant ; un faible niveau intellectuel module inévitablement la richesse du tableau symptomatique. Il existe néanmoins de véritables tableaux délirants, hallucinatoires et dissociatifs. La question qui se pose ensuite est de déterminer s’il s’agit de symptômes psychotiques anciens ou de symptômes nouveaux en évolution.
Les données épidémiologiques classiques rapportent les mêmes taux de prévalence de schizophrénie chez les enfants atteints de troubles envahissants du développement qu’en population générale. Il semble que la fréquence soit en réalité supérieure, notamment pour les schizophrénies à début précoce souvent associées à des symptômes prémorbides plus marqués. Des études portant sur le devenir des syndromes d’Asperger démontrent en tout cas que la schizophrénie est plus fréquemment retrouvée dans l’évolution de ces patients peut-être du fait d’une meilleure capacité à manifester les symptômes psychotiques positifs. Se pose en tous cas la question des liens entre la schizophrénie et le spectre des troubles autistiques.
Abus de substance :
Les substances hallucinogènes ou les toxiques (cannabis, ecstasy, cocaïne, lysergic acid diethylamide [LSD]) employés par les adolescents dans un but toxicomaniaque peuvent être responsables soit de confusion, soit de symptômes psychotiques. Il est parfois difficile de faire la part entre un effet toxique et la présence d’une pathologie psychotique associée. En effet, au cours d’un premier épisode psychotique, il est fréquent qu’il y ait une consommation de toxiques chez l’adolescent (54 % de comorbidité dans l’étude de McClellan). Autrement dit, derrière son apparente évidence, le critère E du DSM-IV pour la schizophrénie (l’absence d’abus de substances toxiques) est souvent difficile à démontrer à l’adolescence, ce qui augmente la nécessité de prudence devant ce diagnostic.
Les recommandations faites à ce sujet sont les suivantes : si les symptômes psychotiques persistent plus de 1 semaine malgré l’arrêt de la consommation de substances, le clinicien évaluera s’il s’agit d’un premier épisode psychotique plutôt qu’un trouble psychotique dû à la consommation d’un toxique. Cependant, ces produits agissent plus souvent en exacerbant (voire en déclenchant) plutôt qu’en étant un agent étiologique principal des troubles psychotiques.
Troubles organiques :
Certains troubles organiques, tels que les ivresses, les intoxications, les affections cérébrales ou générales peuvent être à l’origine de symptômes psychotiques aigus. Cela impose, pour tout adolescent présentant des symptômes psychotiques, une évaluation médicale et neurologique, avec, au moindre doute, des examens complémentaires.
Crise d’adolescence :
Cette notion, que nous avons déjà évoquée, recouvre de multiples troubles du comportement et des affects, qui apparaissent chez certains adolescents et disparaissent avec la fin de l’adolescence. Notion ambiguë entre normal et pathologique, elle a pu servir à éviter une catégorisation trop rapide pour des adolescents dont les troubles ne paraissaient pas encore correspondre aux critères retenus par la nosographie. Ce souci ne peut être considéré comme légitime que s’il ne sert pas d’alibi à une abstention thérapeutique préjudiciable au patient.
On insiste en effet beaucoup actuellement sur le fait que cette crise doit au moins être considérée comme symptomatique de difficultés psychiques qui doivent faire l’objet d’une prise en charge thérapeutique sans délai, même si leur statut nosographique reste en question.
Prémices et vulnérabilité :
Du point de vue de la psychose, la principale caractéristique de l’adolescence est le fait qu’elle marque généralement le passage des symptômes prémorbides aux prodromes et de ceux-ci à la maladie déclarée. C’est cette caractéristique qui fait toute la difficulté des diagnostics psychiatriques à cette période de la vie et l’intérêt d’en individualiser l’étude.
Symptômes prémorbides :
Selon les études récentes, il semblerait que, dans une proportion non négligeable de cas, l’expression complète de la maladie psychotique soit précédée de dysfonctionnements prémorbides cliniques ou neurofonctionnels dès l’enfance et de symptômes non spécifiques à l’adolescence. Identifiables très tôt, ces dysfonctionnements seraient retrouvés dans tous les domaines du développement (cognitif, affectif, perceptivomoteur). Le problème qui se pose alors est celui de la valeur prédictive de ces indicateurs. Les études rétrospectives et les études de cohorte ont montré que même s’il existe de nombreux précurseurs biologiques et comportementaux de schizophrénie, aucun d’entre eux n’est spécifique de la schizophrénie. Par exemple, la pandysmaturation de Fish, qui a une spécificité de 95 % et une sensibilité de 90 %, n’est en mesure de prédire correctement le développement d’une schizophrénie qu’avec une probabilité de 0,15. Au moins 85 % des enfants qui présentent ce signe prédictif ne développeront pas une schizophrénie. On est donc encore loin de la possibilité de prédire l’apparition de la maladie sur une base individuelle. Aucun des précurseurs prémorbides n’apparaît prédictif non plus en termes d’évolution et de pronostic de la maladie.
Symptômes prodromiques :
On sait peu de chose des symptômes prodromiques qui précèdent le début de la schizophrénie. Les individus en phase prodromique ne présentent pas de symptômes psychotiques florides mais sont caractérisés par un certain nombre de changements comportementaux non spécifiques et par des éléments psychotiques spécifiques atténués. L’apparition des premiers changements est souvent imperceptible ainsi que la transition graduelle entre symptômes non psychotiques et symptômes franchement psychotiques.
D’après les études sur les premiers épisodes, les éléments prodromiques les plus fréquemment décrits sont des symptômes névrotiques non spécifiques comme l’anxiété, des idées hypocondriaques, des syndromes dépressifs, des changements affectifs comme l’anhédonie (c’est-à-dire la perte du plaisir), l’apathie, l’irritabilité, le retrait, la suspicion, le manque d’initiative, des troubles du sommeil, des modifications dans le vécu, la perception, la volition et les fonctions motrices.
En pratique, la différentiation entre les phases prémorbide, prodromique et psychotique de la maladie est souvent impossible.
Quant à la crise d’adolescence, on a vu que son ambiguïté permettait de la considérer comme une manifestation de l’adolescence, un symptôme prodromique ou un signe de vulnérabilité à la psychose.
Modèle de la vulnérabilité et/ou hypothèses neurodéveloppementales :
Deux hypothèses tentent actuellement de rendre compte de ces signes antérieurs à la maladie :
• l’hypothèse neurodéveloppementale ;
• le modèle de la vulnérabilité.
Selon le modèle classique de la vulnérabilité, certains sujets présenteraient des dysfonctionnements neurocognitifs génétiquement déterminés qui les rendraient susceptibles de développer des symptômes psychotiques dans certaines conditions de stress environnemental. Ces marqueurs de vulnérabilité biologiques ou neuropsychologiques pourraient être mis en évidence chez les patients schizophrènes en phase active (marqueurs d’état), mais également en dehors des accès (marqueurs de trait), ainsi que chez les apparentés des schizophrènes proches génétiquement.
Selon le concept de vulnérabilité donc, la schizophrénie bien qu’elle soit un trouble défini dans le temps, n’apparaît pas ex nihilo, mais elle est précédée et facilitée par certains facteurs psychologiques et biologiques nécessaires à son développement.
Dans ce modèle, le patrimoine génétique peut ou non apparaître comme le facteur étiologique indispensable sur lequel les facteurs environnementaux joueront plus ou moins un rôle modulateur, essentiel pour l’expression de la maladie. Seuls certains des individus vulnérables développeront une psychose schizophrénique s’ils sont exposés à des facteurs de stress alors que les autres resteront asymptomatiques ou présenteront seulement des manifestations infracliniques. Dans ce modèle, les troubles schizotypiques signent une manifestation directe de vulnérabilité et sont considérés comme des états prémorbides de schizophrénie. La psychose schizophrénique résulterait alors d’une décompensation d’un trouble schizotypique du fait de facteurs environnementaux ou génétiques additionnels. Cependant, rien ne permet encore de réfuter l’idée que, au-delà de la vulnérabilité biologique classique, il existerait également une vulnérabilité psychopathologique (dans le cadre de ce que nous pourrions nommer « un modèle élargi de la vulnérabilité »), ce qui donnerait un statut étiologique équivalent aux déterminants psychologiques, biologiques et environnementaux.
Tel n’est pas le cas de l’hypothèse neurodéveloppementale qui fait des anomalies neurocognitives retrouvées chez les sujets appartenant au spectre de la schizophrénie, une anomalie neurologique consécutive à une instabilité cérébrale survenue durant la vie gestationnelle en raison d’agressions intrautérines ou périnatales de nature virale ou nutritionnelle ou de complications obstétricales, chez des sujets ayant un terrain génétique prédisposé. Pendant l’enfance, ces lésions se manifestent par les signes prémorbides non spécifiques cités plus haut. À l’adolescence, des symptômes spécifiques du registre psychotique s’expriment du fait d’une altération du phénomène habituel de l’élagage synaptique corticocortical qui, chez ces patients, va au-delà de ses limites développementales habituelles.
La communauté psychiatrique est donc actuellement traversée par un débat sur l’étiopathogénie des psychoses. Ce débat oppose :
• les tenants d’une maladie schizophrénique précocement constituée même si sa révélation symptomatique classique ne se réalise qu’après la puberté (hypothèse neurodéveloppementale) ;
• et ceux qui considèrent cette pathologie comme la voie finale commune de plusieurs facteurs de vulnérabilité convergents dont la sommation finit pas aboutir à l’adolescence aux changements qualitatifs qui caractérisent la schizophrénie (modèle « élargi » de la vulnérabilité).
Dans ce cadre se pose la question de la valeur à donner aux signes avant-coureurs de la pathologie psychotique : s’agit-il de forme émergente d’une psychose déjà constituée ou de facteurs de risques susceptibles d’accroître la vulnérabilité à la psychose (« état mental à risque ») ?
Psychopathologie :
Les travaux psychopathologiques actuels s’attachent à prendre en compte :
• le caractère plurifactoriel de l’étiopathogénie des troubles psychotiques à l’adolescence et ils n’opposent plus la psychogenèse à d’autres approches, biologique notamment ;
• l’articulation entre facteurs de vulnérabilité et pathologie constituée, cela dans une perspective développementale qui laisse toute sa place aux incertitudes pronostiques ;
• l’influence de la puberté et du processus adolescent dans le déclenchement du trouble.
À cet égard, beaucoup d’auteurs convergent plus ou moins directement vers l’idée qu’il y aurait un risque psychotisant lié à l’adolescence elle-même directement ou par l’intermédiaire du risque dépressif qui lui serait lié.
La question qui se pose alors est celle du devenir de ces ruptures psychotiques au-delà même des formes qu’elles prennent à l’adolescence : rupture passagère liée à cette période du développement et passant avec elle ou rupture durable, inscrite comme issue structurée, affranchie de l’adolescence qui en a précipité la survenue ?
Partant de bases psychodynamiques communes qui font de l’adolescence la seconde phase du développement de la sexualité humaine et du processus de séparation-individuation, les nombreux travaux psychodynamiques sur ce thème se regroupent schématiquement en deux tendances.
Oedipe et corps génital :
Une première tendance insiste surtout sur la nouvelle sexuation du corps qui résulte du pubertaire. Représentés notamment par M. et E. Laufer ou P. Gutton, les travaux appartenant à cette tendance insistent sur les effets psychiques de la puberté qui fait du corps l’incarnation de l’OEdipe.
Pour l’adolescent, il s’agit alors d’être capable de « modifier l’image de son corps en y incluant des organes sexuels efficients », les possibilités de ce changement étant « tributaires de la transformation des désirs oedipiens incestueux qui doivent être déplacés des parents oedipiens ».
C’est l’échec de ce processus qui est à l’origine des arrêts du développement qui apparaissent comme des résistances à la résolution oedipienne.
Pour les Laufer, c’est la non-résolution de l’OEdipe, avec pour conséquence l’impossibilité de gérer l’angoisse de castration, qui serait à l’origine de l’altération de la relation à la réalité et aux objets externes, altération caractéristique des arrêts du développement qui, selon ces auteurs, prennent toujours une dimension plus ou moins psychotique.
Psychopathologie des liens :
La deuxième tendance va surtout insister sur les conséquences de ce mouvement de resexualisation sur la relation aux autres. Concernant les troubles psychotiques à l’adolescence, les travaux de cette tendance (incarnée par P. Jeammet) aboutissent aux considérations suivantes.
L’adolescence est la source d’un déséquilibre narcissicoobjectal qui crée les conditions d’un antagonisme entre investissement de soi et investissement de l’autre. S’il est trop important, cet antagonisme menace directement le sentiment de continuité d’être du sujet, l’investissement de l’autre prenant valeur d’hémorragie pour l’investissement de soi.
Cela met l’adolescent face à une intensification de ses besoins pour l’objet de la réalité externe et donc face à une vulnérabilité accrue à la relation à l’autre dont la sexualisation accroît le risque potentiel (abandon, intrusion, séduction, dépendance).
Le désinvestissement psychotique du lien peut alors devenir « l’ultime défense narcissique d’un moi submergé et menacé d’un vécu de reddition totale à l’objet dont le syndrome d’influence et l’automatisme mental sont l’expression la plus complète ».
Cette nécessité a d’autant plus de risque de s’imposer que sont importants les mécanismes compensatoires que le sujet a mis en place dans sa première enfance pour lutter contre une insécurité relationnelle, une angoisse inélaborable autrement et des représentations précocement menaçantes. L’adolescence constitue donc là un révélateur potentiel de ce qui demeure d’une vulnérabilité antérieure.
Parmi ces facteurs installés précocement, il faut citer ceux liés à la problématique de l’attachement, dont on s’intéresse au devenir à l’adolescence. Ces travaux incitent à penser qu’au travers des modèles internes opérants qui les sous-tendent des modèles d’attachement peuvent, par leurs effets sur la sécurité interne des sujets, constituer des facteurs de vulnérabilité ou de protection pour supporter les contraintes du processus adolescent.
Face à ces contraintes, il faut souligner l’importance que prend la réalité externe pour l’adolescent qui exporte, dans son « espace psychique élargi », la conflictualité qu’il ne peut plus contenir dans son espace psychique interne. Lorsque l’espace psychique élargi ne suffit plus, certains surinvestissements culturels, sociaux ou médiatiques peuvent prendre le relais et assurer une fonction antipsychotique en s’appuyant sur l’idéalisation qu’ils induisent.
Traitement :
Principes généraux :
La plurifocalité du traitement des schizophrénies installées fait l’objet d’un large consensus professionnel. Les mêmes principes sont également applicables pour le traitement des psychoses à l’adolescence :
• partant du modèle de la vulnérabilité et des données de la psychopathologie, le traitement n’a pas pour seul objectif de soigner les manifestations psychotiques et d’en contenir les effets désorganisateurs, mais également celui de réduire la sommation des facteurs qui risquent d’aboutir à une rupture psychotique irréversible ;
• le traitement s’attache d’abord à la réduction des symptômes psychotiques (symptômes positifs et négatifs) qui sont considérés en eux-mêmes comme des facteurs psychotisants, dont la prolongation risquerait d’aggraver le pronostic du trouble.
Toute la difficulté va être ici d’éviter les effets négatifs de ces interventions thérapeutiques lorsqu’elles aboutissent par exemple à une catégorisation trop rapide du trouble, ce qui peut être lourd de conséquence sur l’adolescent et son entourage.
Une prescription médicamenteuse aux effets trop aggravants sur la symptomatologie négative peut elle aussi contribuer à accroître les risques évolutifs.
Devant les incertitudes diagnostiques et pronostiques dont nous avons vu les particularités à l’adolescence, il faut donc adapter la démarche thérapeutique au contexte clinique : premier épisode psychotique aigu ou, au contraire, symptomatologie torpide dominée par la symptomatologie psychotique négative.
Un autre enjeu thérapeutique spécifique à l’adolescence est la question des symptômes prémorbides et des interventions thérapeutiques ou préventives auxquelles ils peuvent donner lieu.
L’approche thérapeutique doit, en tous cas, être toujours globale, en envisageant généralement l’association d’un traitement médicamenteux et d’une dimension institutionnelle, ainsi qu’un abord psychothérapique, individuel et familial.
Traitement médicamenteux :
La prescription médicamenteuse est indiquée en cas de symptômes psychotiques patents. Rappelons qu’il s’agit d’un traitement symptomatique qui ne nécessite pas que le diagnostic syndromique soit fait au préalable.
L’utilisation en première intention de neuroleptiques atypiques (risperidone, olanzapine, amisulpiride) est reconnue. Ils sont préférés aux neuroleptiques classiques en raison de leur meilleure tolérance (effets extrapyramidaux et cognitifs réduits) et de leur action sur la symptomatologie négative. Ces traitements comportent néanmoins des effets gênants pour l’adolescent (prise de poids, troubles sexuels) et ils ne sont que symptomatiques. Par ailleurs, l’utilisation des neuroleptiques classiques ne peut parfois pas être évitée dans les épisodes psychotiques aigus très florides.
En ce qui concerne les thymorégulateurs, ils doivent être prescrits devant toute suspicion de trouble bipolaire dont le diagnostic doit être largement évoqué à l’adolescence.
Cette prescription est aussi recommandée en cas de syndrome dépressif dans des schizophrénies avérées. Certains auteurs recommandent même d’utiliser un thymorégulateur dans tous les tableaux psychotiques aigus à l’adolescence.
Un traitement prolongé sur 6 mois à 1 an après un épisode aigu permet de diminuer les taux de récurrence psychotique. Des doses filées ou une réduction progressive des neuroleptiques sont préférées par certains à un arrêt complet même en cas de rémission clinique totale. D’autres préconisent au contraire un arrêt complet après réduction progressive sur 6 mois en l’absence de signes inquiétants. Un suivi prolongé est, de toute façon, indispensable.
Travail institutionnel :
Il peut intervenir aux temps différentiels de la maladie. Il vise :
• d’abord à contenir les symptômes psychotiques lors d’un épisode aigu ;
• puis à permettre un réinvestissement de la réalité interne et externe grâce à l’étayage que constituent l’accompagnement du quotidien et les diverses médiations thérapeutiques qui sont proposées aux patients à partir d’ateliers qui font appel à la créativité partagée des patients et des soignants. Ces médiations créent d’abord les conditions pour que l’équipe supplée les défaillances imaginaires et élaboratives du patient avant de favoriser chez ce dernier un processus d’intériorisation de cette démarche élaborative grâce à l’espace intermédiaire qu’elles réactivent.
Dans certains cas, les particularités de l’adolescence imposent la prolongation des traitements résidentiels pour accompagner le processus de maturation du patient. Dans ces cas, le souci socioéducatif et de réhabilitation psychosociale doit être précocement assumé par les soins qui peuvent être amenés à s’appuyer sur des formations professionnelles adaptées ou la reprise d’études dans le cadre de dispositifs scolaires spécifiques ou non.
Psychothérapies :
La mise en place et le maintien d’une psychothérapie individuelle ou familiale sont souvent des facteurs de pronostic favorable quelle que soit la technique utilisée. Ils participent au dispositif qui vise à aider l’adolescent et sa famille à retrouver leur fonctionnement antérieur et à les accompagner dans la formalisation et l’élaboration des conflits que l’épisode aigu a mis au grand jour. Ils nécessitent prudence et expérience.
Les approches sont multiples, individuelles ou non, psychanalytiques, systémiques ou cognitivocomportementales. Le psychodrame analytique est tout particulièrement indiqué chez des adolescents dès lors qu’ils sont suffisamment stabilisés et en tous cas sortis de l’épisode aigu.
Conclusion : stratégie de détection et de prévention de la schizophrénie
Avec les hypothèses neurodéveloppementales et de vulnérabilité, la prévention trouve une nouvelle légitimité. Elle consiste maintenant à mieux repérer et étudier les symptômes prémorbides, les marqueurs de vulnérabilité et les prodromes de la maladie schizophrénique. Cependant, l’utilisation des marqueurs de vulnérabilité est actuellement réservée au domaine de la recherche, notamment dans le champ de la prévention.
Néanmoins, des programmes d’intervention précoce commencent à être mis en place.
Si ces directions de recherche semblent prometteuses, les cliniciens doivent rester attentifs aux risques éthiques de telles démarches qui n’ont pas fait la preuve de leur efficacité et peuvent conduire à la stigmatisation du patient et à un volontarisme thérapeutique inadapté.