INTRODUCTION :
Les avancées récentes effectuées dans la compréhension de la physiopathologie des mécanismes de veille et de sommeil, grâce en particulier à l’apport des techniques d’enregistrement polysomnographique, ont permis l’authentification de ces troubles chez l’enfant.
En l’absence de classification propre à l’enfant, la Classification internationale des troubles du sommeil (ICSD, 1990), fondée sur des critères cliniques, épidémiologiques mais aussi électrophysiologiques, permet de dégager un consensus international. Les troubles relatifs à l’enfant et à l’adolescent y sont intégrés sous forme d’un continuum avec ceux de l’adulte, dans une perspective développementale et de maturation du système nerveux central.
L’ICSD représente pour le clinicien et le chercheur, un instrument de choix, autorisant de nombreuses catégories diagnostiques, en particulier chez le jeune enfant, non disponibles au sein d’autres systèmes de classification (DSM III-R, DSM IV, ICD 10) car encore considérées comme insuffisamment établies par leurs auteurs.
Dans ce chapitre nous verrons successivement les troubles primaires que sont les dyssomnies et les parasomnies, puis les troubles secondaires à une cause psychiatrique ou médicale. Loin de se vouloir exhaustif, ce chapitre a pour objet de donner au lecteur un aperçu actualisé de l’approche des troubles du sommeil de l’enfant et de l’adolescent.
Nous avons délibérément choisi de nous conformer à la terminologie de l’ICSD, en particulier concernant les dyssomnies et leur subdivision en troubles intrinsèques et
DYSSOMNIES :
Insomnies et hypersomnies appartiennent au cadre nosographique des dyssomnies.
Celles-ci reposent sur la notion de plainte subjective de la part du sujet, d’une insuffisance ou d’un excès de sommeil. Chez le jeune enfant, la plainte est essentiellement celle de l’entourage (parents, puéricultrices…). On distingue des dyssomnies dites intrinsèques, dans lesquelles est supposé exister un dysfonctionnement primaire des centres de régulation de veille et de sommeil et des dyssomnies créées ou entretenues par des facteurs environnementaux, dites extrinsèques. Plus l’enfant est jeune et plus il est soumis aux règles édictées par l’entourage. Il apparaît donc nécessaire d’introduire une distinction entre les troubles du jeune enfant et ceux de l’enfant plus âgé ou de l’adolescent.
Insomnies du nourrisson et du jeune enfant :
Troubles intrinsèques :
Insomnie idiopathique :
Encore nommée » insomnie à forme de début dans l’enfance » ou » childhood-onset insomnia » par les auteurs anglo-saxons, en raison de son début dans la petite enfance, elle représente la principale cause d’insomnie intrinsèque dans cette tranche d’âge. Elle peut se manifester dès les premiers mois de vie, voire dès la naissance par une inhabilité à produire un sommeil de qualité normale. Ces enfants souffrent de difficultés d’endormissement et d’éveils nocturnes fréquents. Cette insomnie serait en rapport avec une anomalie neurologique du système de contrôle veille/sommeil qui ferait intervenir, soit une hyperactivité du système d’éveil, soit une hypoactivité du système de régulation du sommeil. Ce trouble, rare dans sa forme pure, persiste à l’âge adulte et affecte ces sujets tout au long de leur vie. Les investigations polysomnographiques mettent en évidence des anomalies de la microstructure du sommeil qui viendraient conforter l’hypothèse d’une atteinte primitive des systèmes de régulation du sommeil.
Troubles extrinsèques :
Les troubles dits extrinsèques sont de loin les plus fréquents chez les jeunes enfants et ont un lien étroit avec des facteurs environnementaux ou comportementaux. Les enregistrements de sommeil de ces enfants ne montrent pas d’anomalies spécifiques lorsqu’ils sont pratiqués dans les conditions habituellement requises pour obtenir le sommeil.
Ces troubles sont le plus souvent réversibles par une modification des conditions environnementales qui les ont créés et les entretiennent.
Trouble des associations à l’endormissement :
Il se traduit par des difficultés d’endormissement et des éveils nocturnes, et concernerait 15 à 20 % des enfants entre 6 mois et 3 ans. Il ne s’agit pas d’un trouble des mécanismes de régulation du sommeil à proprement parler (trouble intrinsèque) mais de la conséquence d’un mauvais apprentissage au cours de la période de transition veille/sommeil.
L’endormissement est rapidement obtenu en présence des conditions qui lui sont habituellement associées, et supposées apprises par l’enfant (bras des parents, bercement, biberon, lit partagé..). Toutefois ces conditions requièrent l’intervention et la participation active de l’adulte et ne permettent pas au jeune enfant d’apprendre à gérer lui-même la période de transition veille/sommeil et à discriminer les stimuli relatifs au sommeil. Les difficultés présentes au coucher se répètent lors des éveils nocturnes.
Cependant, l’hypothèse qu’un mauvais apprentissage précoce prédisposerait à la survenue d’un trouble spécifique du sommeil de l’adolescence ou de l’âge adulte reste à démontrer.
De rares études longitudinales prospectives ont montré une faible valeur prédictive des items » durée du sommeil nocturne « , » éveils intrasommeil » et » lit partagé « .
Syndrome de prise alimentaire nocturne :
Ce syndrome est caractérisé par des éveils nocturnes itératifs et l’impossibilité pour l’enfant de retrouver le sommeil sans prise alimentaire ou liquidienne. Chez ces enfants qui se réveillent la nuit, la réponse parentale consiste à proposer de façon systématique un biberon d’eau, de lait ou de jus de fruits. Ce trouble concerne environ 5 % des enfants âgés entre 6 mois et 3 ans dans la population générale. Il s’apparente au trouble précédent mais risque de s’autoentretenir en raison de l’importance de l’apport liquidien susceptible d’induire ou d’aggraver une pathologie organique (reflux gastrooesophagien, pathologie infectieuse ORL…).
Trouble par insuffisances de limites ou règles éducatives inappropriées :
Ce trouble est la conséquence d’une absence ou d’une incohérence des routines de coucher proposées à l’enfant, et se traduit par un refus et une opposition de la part de celui-ci au coucher et plus rarement lors des éveils nocturnes. L’adulte est confronté au refus de l’enfant de respecter les horaires de coucher qu’il souhaite lui imposer. L’enfant a recours à de multiples demandes pour retarder ou éviter d’être mis au lit ; boire, aller aux toilettes, être bercé ou pris dans les bras, avoir de la lumière, regarder la télévision, être conforté de ses peurs…
Du point de vue psychanalytique, l’endormissement est une phase de régression, un retour au narcissisme primaire, impliquant la nécessité pour l’enfant de désinvestir le monde environnant et de se replier sur soi. Cette transition pour se réaliser, nécessite un climat affectif à la fois sécurisant et emprunt de fermeté. En effet, l’endormissement peut constituer une expérience éprouvante, car s’endormir, c’est se séparer, être confronté à la vie fantasmatique et onirique. La création d’un espace transitionnel et aconflictuel devient donc nécessaire à la bonne réalisation de l’endormissement et à son accomplissement. Cet espace transitionnel, créé par la mère au cours des premiers mois de vie, deviendra progressivement un espace, ou celle-ci saura être absente pour permettre à son enfant de
s’abandonner au sommeil. Cet espace est l’occasion pour l’enfant d’un aménagement, où l’investissement de certains objets (peluches, couches en tissu) est privilégié. Certains rituels ou certaines conduites répétitives aident à la préparation au coucher. Les rythmies de succion du pouce, de couvertures, permettent une transition de la veille calme au sommeil.
Lorsque cet espace n’est pas réalisé, ou réalisé de façon incertaine, l’excitation n’est pas en mesure de céder et de laisser une place à des conditions favorables d’endormissement.
La prévalence du trouble est estimée entre 5 et 10 % des enfants dans la population générale et concerne essentiellement les enfants à partir de l’âge de 2 ans.
Fréquemment utilisés dans les troubles extrinsèques, les produits psychotropes dérivent essentiellement de la phénothiazine (phénothiazine antihistaminique ou phénothiazine neuroleptique) et sont susceptibles de présenter les effets latéraux indésirables des neuroleptiques (dyskinésies aiguës, excitation paradoxale, sédation, syndromes extrapyramidaux…). D’autre part, les effets de la prise au long cours de ces produits sur le sommeil et la maturation cérébrale ne sont pas démontrés.
Le seul recours aux prescriptions médicamenteuses dans les troubles extrinsèques ne saurait donc être considéré comme une réponse thérapeutique satisfaisante, en l’absence de mesures psychoéducatives associées. Celles-ci ont pour objet de modifier le comportement-réponse des parents lors des éveils nocturnes itératifs, à l’aide de techniques le plus souvent comportementales.
A part, l’insomnie par allergie aux protéines du lait de vache (IPLV) :
Il s’agit d’une insomnie rebelle qui peut se manifester dès l’introduction du lait de vache au cours des deux premières années de la vie. L’insomnie constitue souvent un symptôme isolé. D’autres phénomènes allergiques peuvent être associés tels que des troubles respiratoires, cutanés ou gastroentérologiques. Le traitement consiste en l’éviction de l’allergène présent dans le lait de vache.
Insomnies de l’enfant d’âge scolaire et de l’adolescent :
Insomnies intrinsèques :
Insomnie psychophysiologique :
Elle débute volontiers chez l’adolescent ou l’adulte jeune et fait intervenir des comportements appris de prévention du sommeil. La plainte est celle d’une insomnie et d’une altération du fonctionnement diurne. Les comportements de non-sommeil sont soustendus par des facteurs d’ordre cognitif (incapacité à s’endormir quand le sujet le décide malgré ses efforts, pensées erronées concernant la fonction réparatrice du sommeil…) et d’ordre somatique (agitation, tension musculaire, vasoconstriction…). Un conditionnement négatif aux facteurs environnementaux (chambre à coucher, lit) est aussi rapporté.
Cette insomnie » apprise » évolue ensuite pour son propre compte, aggravée par une éventuelle prise au long cours d’hypnotiques susceptibles de modifier l’architecture du sommeil.
Les thérapies comportementales et cognitives ont fait l’objet d’études dans le traitement des insomnies de l’adulte. L’efficacité de certaines techniques dans la gestion de l’éveil cognitif (thérapies cognitives, arrêt de la pensée), de l’éveil somatique ( » training » autogène, » biofeedback « ) ou de comportements non propices à l’endormissement (contrôle des stimuli de Bootzin) a été soulignée par différents auteurs. Peu employées chez l’enfant et l’adolescent, elles n’en demeurent pas moins riches de promesses, car permettant d’intervenir précocement sur des facteurs susceptibles d’entretenir un dysfonctionnement dont le déclenchement n’est certainement pas univoque (stress, maladie intercurrente, rêve d’angoisse, conflits familiaux..).
Insomnies extrinsèques :
Hygiène de sommeil inadéquate :
Elle est fréquente chez l’adolescent, chez qui le respect des rythmes de sommeil est parfois peu compatible avec les contraintes sociales et scolaires imposées à un âge où les besoins de sommeil sont grands. L’irrégularité des horaires de sommeil, les horaires de coucher tardif et de lever précoce, associés à des conditions de coucher parfois sommaires aboutissent fréquemment à une privation chronique de sommeil responsable de somnolence diurne. Morrison et al montrent que dans une population d’adolescents âgés de 15 ans, 33 % rapportent des difficultés de sommeil durables. Parmi ces sujets, la plainte la plus fréquemment exprimée concerne l’insuffisance de la durée du sommeil (25 %), avant même les difficultés d’endormissement (9,6 %).
Insomnie liée à un trouble du rythme circadien : syndrome de retard de phase du sommeil (SRPS) :
Décrit par Weitzman et Czeisler en 1981, il résulte d’une incompatibilité entre les rythmes veille/sommeil d’un sujet et les horaires imposés par la vie en société. Le SRPS touche principalement l’adolescent ou l’adulte jeune, mais a également été décrit chez le nourrisson et le jeune enfant. Typiquement, le sommeil est normal en quantité et en qualité mais impossible à obtenir aux horaires conventionnels et retardé de 2 à 3 heures par rapport aux sujets normaux du même âge.
La plainte consiste en une insomnie d’endormissement et une incapacité à se lever aux horaires souhaités, associées à un certain degré de somnolence diurne essentiellement matinale, l’ensemble pouvant compromettre la poursuite d’une scolarité normale. Le traitement repose sur une resynchronisation progressive des rythmes par chronothérapie, en retardant chaque jour progressivement l’heure du coucher. L’utilisation de synchroniseurs forts comme la lumière a également été proposée. Le syndrome de retard de phase concernerait près de 10 % des cas d’insomnie chronique et plus particulièrement chez les adolescents ou adultes jeunes.
Hypersomnies :
La plupart des pathologies responsables d’excès de sommeil, débutent à l’adolescence. De plus, l’effet de la puberté est associé à une diminution significative de la vigilance chez les sujets normaux.
Chez l’enfant prépubère, l’excès de sommeil est parfois difficile à appréhender et doit se définir par rapport à la moyenne du temps de sommeil total pour l’âge. Le rôle de l’entourage apparaît déterminant (professeurs, médecins scolaires) dans le dépistage d’une symptomatologie parfois trompeuse.
Narcolepsie-cataplexie :
Ce syndrome est caractérisé dans sa forme complète par l’association d’une somnolence diurne excessive (SDE), d’épisodes de sommeil diurnes invincibles, d’accès cataplectiques, d’hallucinations hypnagogiques et de paralysies du sommeil. Si le diagnostic demeure essentiellement clinique, l’enregistrement polygraphique nocturne suivi de tests itératifs de délai d’endormissement (TILE) permettent d’objectiver plus de deux endormissements en sommeil paradoxal et une latence d’endormissement très courte. Une très forte liaison au système immunitaire HLA ( » human leukocyte antigen « ) DR2-DQ1 est rapportée.
La fréquence de ce syndrome est de 0,03 à 0,16 % dans la population générale, mais demeure inconnue chez l’enfant. Le début de la maladie se situe le plus souvent au cours de la seconde décade avec un pic autour de 14 ans. La forme complète est rarement présente au début. Les formes de début chez l’enfant prépubère sont rares et caractérisées par des accès narcoleptiques plus longs que chez l’adulte, une somnolence diurne masquée par une hyperactivité ou des troubles comportementaux. Le traitement de la somnolence est essentiellement symptomatique, reposant sur les psychostimulants tels que le méthylphénidate ou le modafinil. Institué précocement, en association avec des mesures d’hygiène de sommeil (siestes, respect du temps de sommeil), il permet de donner une meilleure chance à ces enfants de poursuivre une scolarité normale. L’aménagement des périodes de sommeil et d’activité doit se faire en accord avec le milieu familial et scolaire.
Hypersomnie idiopathique :
Longtemps confondue avec la narcolepsie, elle débute également volontiers au cours de la cataplexies, d’hallucinations hypnagogiques et de paralysies du sommeil. De plus, les études polysomnographiques couplées aux TILE montrent typiquement des endormissements en sommeil lent (NREM). La prévalence de la maladie est de 0,01 à 0,02 %. Le traitement est uniquement symptomatique visant à restituer une vigilance diurne normale (cf supra). Il n’existe pas d’association connue au système HLA.
Hypersomnie récurrente :
Elle est caractérisée par des accès de somnolence pouvant durer 3 à 10 jours en moyenne, qui lorsqu’ils s’associent à une hyperphagie et une désinhibition instinctuelle avec hypersexualité réalisent la forme complète du syndrome de Kleine-Levin-Critchley.
Ces épisodes sont espacés d’intervalles libres de bonne qualité au cours desquels le sujet ne présente aucun trouble de la vigilance. Pendant les accès le sujet peut dormir 18 à 20 heures par jour, se levant uniquement pour manger. Des manifestations thymiques ou des troubles du comportement sont fréquemment associés, pouvant prendre l’aspect de diverses pathologies psychiatriques. Cette forme d’hypersomnie est plus rare que les deux précédentes. L’évolution est généralement favorable et se fait sur plusieurs années. Un traitement prophylactique des accès par le lithium a pu être proposé par certains auteurs.
Syndrome d’apnées obstructif au cours du sommeil (SAOS) :
Première cause d’excès de sommeil chez l’enfant dans l’étude de Stanford, ce syndrome est caractérisé par des épisodes répétitifs d’obstruction partielle ou complète des voies aériennes supérieures au cours du sommeil, entraînant le plus souvent une diminution de la saturation du sang en oxygène. Chez l’enfant, le SAOS est fréquemment consécutif à une augmentation de volume des amygdales ou des végétations. Les anomalies de la morphologie craniofaciale semblent également avoir un rôle contributif important dans la genèse du SAOS, sous-tendues par des facteurs génétiques et développementaux.
Ce syndrome peut s’accompagner de nombreuses manifestations nocturnes (ronflement, respiration buccale, réactions d’éveils, postures de sommeil inhabituelles, énurésie) mais également diurnes (difficultés scolaires, troubles de l’attention et de la concentration, SDE).
Les apnées survenant au cours du sommeil sont responsables de réactions d’éveil répétées et d’une fragmentation du sommeil qui peuvent retentir sur la qualité de la veille et être responsables de somnolence diurne. Seule une investigation polysomnographique permet de porter le diagnostic de SAOS et d’en déterminer la sévérité. Le traitement est avant tout chirurgical, reposant sur la levée de l’obstacle au niveau des voies aériennes supérieures (amygdalectomie, adénoïdectomie). Le recours au traitement par pression positive continue (CPAP) est indiqué dans certains cas de SAOS sévères.
PARASOMNIES :
Les parasomnies correspondent à des troubles qui font intrusion pendant le sommeil et dont le sujet ne garde généralement pas de souvenir. La plainte émane alors de l’entourage, comme c’est le cas dans le somnambulisme ou les terreurs nocturnes. Les parasomnies sont la traduction d’une activation du système nerveux central au travers du système musculaire squelettique ou du système nerveux végétatif.
Les parasomnies sont classées en fonction de leur survenue au cours du cycle de sommeil.
Celles-ci peuvent survenir au cours de la transition veille/sommeil, du sommeil lent (sommeil NREM) ou du sommeil paradoxal (sommeil REM).
Parasomnies associées à un trouble de l’éveil :
Le concept de trouble de l’éveil correspond à la survenue d’une activité motrice et/ou végétative lors d’un éveil partiel se produisant au cours du sommeil à ondes lentes.
Terreurs nocturnes :
La terreur nocturne (pavor nocturnus) est caractérisée par un éveil brutal survenant dans le sommeil à ondes lentes (NREM) se manifestant par un cri ou des pleurs perçants, accompagnés de manifestations comportementales et neurovégétatives de peur intense.
La répartition du sommeil à ondes lentes dans le premier tiers de la nuit explique l’horaire de survenue préférentiel de la terreur nocturne, en moyenne 2 à 3 heures après le coucher. La terreur nocturne concerne principalement l’enfant prépubère, entre 4 et 12 ans. L’évolution du trouble est habituellement favorable tendant à se résoudre spontanément à l’adolescence.
Des facteurs déclenchants ou favorisants ont pu être rapportés à l’origine de certains épisodes tels que la privation de sommeil, la fièvre, certains médicaments psychotropes.
La prévalence du trouble est d’environ 3 % des enfants et moins de 1 % des adultes. La terreur nocturne apparaît plus fréquente chez le garçon que chez la fille et peut être mise en évidence chez plusieurs membres d’une même famille.
Somnambulisme :
De même que la terreur nocturne, le somnambulisme est considéré comme un trouble de l’éveil survenant au cours du sommeil NREM, se traduisant par une série de comportements plus ou moins complexes. L’enfant peut être calme, assis sur son lit, déambuler dans sa chambre ou dans l’appartement, uriner dans un placard, tenter de sortir de l’appartement par la porte ou la fenêtre. Le somnambulisme peut s’associer à une terreur nocturne, générant des comportements de peur, de fuite, voire d’auto- ou hétéroagressivité. L’amnésie de l’épisode est classique, de même que l’horaire préférentiel de survenue en début de nuit.
L’évolution du somnambulisme est le plus souvent spontanément favorable, confortant l’hypothèse d’un processus développemental.
Son incidence chez les enfants de 5 à 12 ans est estimée à 15 % (un épisode) et à 3-6 % (plus d’un épisode). Le trouble persiste rarement chez l’adulte (1 %). Des antécédents familiaux sont rapportés chez 10 à 20 % des sujets, soulignant l’hypothèse d’un facteur de susceptibilité génétique.
Dans certains cas, l’enregistrement polysomnographique peut s’avérer déterminant pour permettre le diagnostic différentiel avec un trouble du comportement survenant au cours du sommeil REM ou une épilepsie liée au sommeil. Il montre la survenue de l’épisode au cours du sommeil lent et la normalité du tracé intercritique. Les techniques comportementales utilisant la relaxation ont montré une certaine efficacité dans les formes d’intensité légère ou modérée. Le traitement médicamenteux est réservé aux formes sévères (fréquence et intensité des crises). Les antidépresseurs tricycliques imipraminiques ont été proposés ainsi que les antidépresseurs dopaminergiques (amineptine).
Parasomnies associées à un trouble de la transition veille/sommeil :
Rythmies du sommeil :
produisant dans la veille calme, au cours de l’endormissement, et pouvant persister dans le sommeil lent léger.
Ces rythmies intéressent le plus souvent la tête selon des mouvements de balancement ou de roulement ( » head banging « , » head rolling « ), mais également un membre ou segment de membre ( » arm banging « , » leg banging « , » arm rolling « , » leg rolling « ) ou le corps dans son ensemble ( » body rocking « , » body rolling « ).
L’âge de début se situe le plus souvent dans la première année de vie, l’existence d’une activité rythmique étant rapportée chez 66 % des enfants normaux âgés de 9 mois.
Cette activité ne concernerait plus que 8 % des enfants après l’âge de 4 ans, mais peut persister dans certains cas chez l’adolescent, voire chez l’adulte. Elle est plus fréquente chez le garçon (4/1). Les complications sont rares mais parfois sévères (lésions cutanées, lésions rétiniennes, hématomes sous-duraux).
Une approche comportementale peut être proposée (relaxation). Les benzodiazépines ont parfois donné de bons résultats.
Parasomnies habituellement associées au sommeil paradoxal :
Cauchemars :
Les cauchemars se différencient des terreurs nocturnes par leur survenue au cours du sommeil paradoxal, l’absence de phénomènes neurovégétatifs intenses ou de mouvements corporels associés, un reste mnésique lors du réveil spontané ou provoqué. Les cauchemars chez l’enfant sont fréquents et leur prévalence est estimée à 75 % pour les cauchemars de survenue occasionnelle. Plus rarement le cauchemar appartient à une entité syndromique comme dans l’état de stress post-traumatique, pour lequel le traitement par clomipramine a été proposé et dont l’effet suppresseur sur le sommeil paradoxal est démontré.
Troubles du comportement en sommeil paradoxal ( » REM sleep behavior disorder « ) :
Véritables états dissociatifs se produisant au cours du sommeil paradoxal, ces manifestations à type de » rêve éveillé » qui peuvent se traduire par des comportements dangereux, complexes, voire extrêmement violents à l’origine d’ecchymoses, de lacérations, de fractures ont récemment été décrits chez l’adulte. Ils peuvent également se produire chez l’enfant posant le problème du diagnostic différentiel avec l’épilepsie ou les parasomnies NREM dépendantes.
Autres parasomnies :
De très nombreuses parasomnies sont décrites. Parmi les plus fréquemment retrouvées chez l’enfant, la somniloquie (fait de parler en dormant) qui ne requiert habituellement pas de traitement et le bruxisme (grincement de dents lié au sommeil) qui dans certains cas sévères peut nécessiter, à visée préventive, la mise en place lors du sommeil d’un appareillage dentaire, ou une thérapie comportementale utilisant la relaxation.
TROUBLES DU SOMMEIL ASSOCIÉ S À UNE MALADIE ORGANIQUE OU PSYCHIATRIQUE :
Troubles associés à une cause psychiatrique :
La plupart des troubles psychiatriques chez l’adolescent ou l’enfant prépubère, sont susceptibles d’entraîner des perturbations du sommeil. Parmi celles-ci, il conviendra de rechercher particulièrement un trouble anxieux ou un trouble de l’humeur.
Troubles anxieux :
De nombreux auteurs ont insisté sur les rapports entre sommeil et anxiété au cours du développement. A partir du troisième mois, la mère agissant comme organisateur et stimulateur des processus maturatifs, agit sur le sommeil en jouant un rôle dans les processus d’ajustement entre les moments de veille et de sommeil, et l’alternance journuit.
A partir de la deuxième année, le petit enfant est très ambivalent par rapport au coucher.
Il est partagé entre son désir d’autonomisation et ses besoins de dépendance encore très marqués. Selon Kreisler, » c’est à la fois un excité et un inquiet » ; excité par son avidité à explorer tout et partout, à maîtriser ce qui l’entoure, inquiet car ses besoins d’indépendance vont à l’encontre de son principal objet d’attachement, sa mère.
L’angoisse de séparation est donc inhérente à cette phase du développement.
Dans les formes d’insomnie anxieuse, on retrouve alors fréquemment un élément contribuant à provoquer un sentiment d’insécurité chez l’enfant : une anxiété parentale excessive, mais aussi parfois une ambivalence où se mêlent sentiments affectifs et d’hostilité, voire de rejet. L’anxiété est alors générée par l’absence de cohérence dans la ligne de conduite, l’aspect paradoxal de certains messages adressés à l’enfant, et réactivée par la situation de séparation du coucher. L’alternance de comportements de surstimulation et de délaissement confronte l’enfant à un état de » vide affectif « , où la réussite de la » régression narcissique » nécessaire à l’endormissement se trouve compromise.
Ainsi est-il nécessaire pour le clinicien de faire la part entre les conduites d’opposition au coucher et les angoisses liées au sommeil.
Le sommeil, outre un besoin évident, prend alors valeur de communication et devient, au centre d’un système interrelationnel entre l’enfant et la mère, un moyen de dialogue ou un mode d’expression personnel de l’enfant au cours du développement de son anxiété. Au cours de cette phase dans laquelle le cycle de sommeil se met en place, des causes exogènes ou conflictuelles peuvent dérégler son fonctionnement.
Par ailleurs, divers troubles anxieux de l’enfant (anxiété de séparation, anxiété généralisée, phobies, état de stress post-traumatique) peuvent s’accompagner de manifestations nocturnes qui se traduisent par une opposition au coucher, une phobie du noir, une recrudescence anxieuse lors de la séparation du coucher, des difficultés d’endormissement, des éveils anxieux, voire de véritables attaques de panique nocturnes (APN).
L’APN serait un phénomène NREM dépendant qui surviendrait préférentiellement pendant la transition du stade 2 au stade 3 du sommeil lent et dont le rapport avec d’autres parasomnies et en particulier la terreur nocturne reste à préciser.
Troubles thymiques :
Les troubles du sommeil peuvent, chez l’enfant comme chez l’adolescent, s’intégrer dans le cadre d’une symptomatologie dépressive.
Le temps de sommeil total est soit diminué (difficultés d’endormissement, éveils nocturnes, éveil matinal précoce), soit au contraire allongé (lever tardif, siestes itératives, somnolence diurne). L’architecture du sommeil est perturbée avec remaniement des cycles et des différents stades. Une diminution de la latence de sommeil paradoxal a parfois été retrouvée, mais ce paramètre, proposé par certains comme » marqueur biologique » dans les états dépressifs majeurs de l’adulte apparaît chez l’enfant soumis à des facteurs développementaux influençant de façon très nette la première période de sommeil NREM. Kupfer et coll, ont proposé l’hypothèse de deux mécanismes distincts à l’origine du raccourcissement de la latence de REM, dont l’un serait NREM dépendant et pourrait être lié à des facteurs génétiques et de maturation.
A part, le cas des dépressions à caractère saisonnier de l’adolescent qui pourra faire l’objet d’un traitement par la lumière ( » luxtherapy « ) dont l’efficacité sur les rythmes endogènes a été démontrée.
Autres :
Parmi les enfants souffrant de trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité, nombreux sont ceux présentant un sommeil agité ou perturbé, rapportant des difficultés d’endormissement, des éveils intrasommeil, un réveil matinal précoce. Les patterns polygraphiques de sommeil de ces enfants apparaissent perturbés dans le sens d’un déficit de contrôle du seuil physiologique d’éveil. L’effet sur le sommeil des traitements psychostimulants tels que le méthylphénidate, n’est sans doute pas actuellement complètement élucidé.
Troubles associés à une cause médicale :
Les troubles du sommeil de l’enfant et de l’adolescent peuvent être associés à une cause médicale, en particulier une épilepsie avec crises nocturnes qu’il conviendra de distinguer d’une parasomnie, un reflux gastro-oesophagien favorisant les éveils nocturnes chez le nourrisson, un asthme avec crises nocturnes ou toute pathologie infectieuse ou algique susceptible de retentir sur le sommeil. Dans tous les cas, un examen clinique approfondi, appuyé le cas échéant par des investigations spécialisées permettront le diagnostic et la mise en place d’un traitement adapté.
Consacrer un chapitre aux troubles du sommeil de l’enfant et de l’adolescent au sein d’un traité de psychiatrie, montre combien la médecine du sommeil a progressé au cours des dix dernières années. L’apport de cette discipline nouvelle à la compréhension de la psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent apparaît fondamental, dès lors que l’on souhaite avancer dans la connaissance des processus développementaux et de maturation cérébrale. Sans doute cette étape est-elle nécessaire avant de tenter d’interpréter les modifications » macroscopiques » fournies par les enregistrements polygraphiques d’enfants et adolescents souffrant de troubles psychopathologiques. Le rôle déterminant du processus développemental est souligné par Feinberg, pour qui aucune affection cérébrale connue, compatible avec la vie, ne modifie autant le sommeil que le développement normal et le vieillissement cérébral.
L’approche des troubles du sommeil de l’enfant et de l’adolescent doit se concevoir dans une perspective multidimensionnelle où les facteurs d’apprentissage mais aussi des critères neurodéveloppementaux apparaissent déterminants.
La mise en place d’outils d’évaluation spécifiques cliniques et électrophysiologiques devrait permettre une meilleure connaissance de ces troubles, de leur évolution et de leur devenir à l’âge adulte.