Quelques chiffres permettent de mieux appréhender ce problème qui survient le plus souvent dans un contexte d’urgence :
– la douleur thoracique représente environ 5 % des motifs de consultation dans les services d’urgences ;
– on laisse repartir à leur domicile près de 5 % des patients dont la douleur thoracique est liée à un symptôme coronaire aigu ;
– l ’embolie pulmonaire est l’une des causes les plus fréquentes d’erreur médicale.
Quelques règles doivent guider la réflexion diagnostique :
– la rigueur de l’interrogatoire est un temps essentiel du diagnostic, et l’on peut s’aider de la check-list PQRST : P pour facteurs provocants ; Q pour qualité de la douleur ; R pour région de la douleur, sans oublier ses irradiations ; S pour sévérité (ou intensité) de la douleur ; T pour évolution en fonction du temps (en particulier durée de la douleur) ;
– l’examen clinique doit être complet, sans oublier l’examen neurologique pour ne pas méconnaître une douleur thoracique d’origine radiculaire ou médullaire ;
– quelques examens biologiques (troponine, D-dimères) sont venus ces dernières années, apporter une aide précieuse (mais pas toujours déterminante) au diagnostic ;
– les nouvelles techniques d’imagerie (scanner spiralé multibarrettes, imagerie par résonance magnétique) sont également très utiles, à condition d’y avoir un accès très rapide ;
– il importe de distinguer d’emblée, éventuellement à l’aide de scores, les douleurs thoraciques nécessitant un diagnostic et un traitement immédiat, et les douleurs moins urgentes qui laissent le temps de la réflexion.
GRANDES URGENCES THÉRAPEUTIQUES :
Elles sont au nombre de cinq. Deux nécessitent un traitement anticoagulant et/ou thrombolytique dans les minutes qui suivent l’examen du patient : infarctus du myocarde ou syndromes coronariens et embolie pulmonaire. Trois sont des contre-indications au traitement anticoagulant : dissection aortique, péricardite et rupture de l’oesophage.
Syndromes coronariens aigus :
Ils représentent plus du quart des consultations pour douleur thoracique au service des urgences (10 % pour l’infarctus) alors que les autres causes de douleurs thoraciques aiguës représentent moins de 5 % des motifs de consultation en urgence.
C’est dire que le médecin doit toujours avoir la hantise de ne pas laisser repartir au domicile un patient consultant pour les prodromes d’un infarctus du myocarde.
Infarctus du Myocarde :
Diagnostic :
Il doit être particulièrement suspecté chez les patients ayant déjà fait un problème coronarien et chez ceux qui ont des facteurs de risque vasculaire : principalement l’hypertension artérielle, les dyslipidémies, le diabète (en sachant que la douleur peut être atténuée ou très atypique dans ce contexte), le tabagisme et les antécédents familiaux de maladie coronaire.
La douleur a pu survenir à l’effort ou au repos.
Elle est constrictive, décrite comme un broiement (« c’est le rhumatisme d’Heberden »). Elle est classiquement montrée avec le plat de la main dans la région précordiale et irradie dans le bras gauche, les mâchoires, mais son siège et ses irradiations peuvent être très atypiques (le dos, l’épigastre, le bras droit, etc.). Elle est typiquement (mais pas toujours) intense, sans commune mesure avec les crises d’angor habituelles, si le patient en a déjà eu, et résiste à la trinitrine. Elle dure plusieurs minutes, voire plusieurs dizaines de minutes.
Dans la plupart des cas, l’ECG et le dosage de la troponine évoquent un diagnostic d’infarctus.
L’ECG-12 dérivations montre habituellement le courant de lésion (sus décalage de ST = onde de Pardee) et les troubles de repolarisation dans le territoire infarci quelques heures avant l’apparition de l’onde Q. Néanmoins, il peut être normal pendant les premières heures ou difficile à interpréter, en particulier s’il existe un bloc de branche gauche.
Dans ces cas, l’augmentation de la troponine incite à garder le patient, à faire une échocardiographie à la recherche d’un trouble de la cinétique segmentaire du ventricule gauche, à doser les CPK et CPK-MB, et à refaire l’ECG quelques heures plus tard, voire à faire une coronarographie.
Traitement :
Faire le diagnostic d’infarctus impose plusieurs gestes d’urgence :
– sédation de la douleur au besoin par les morphiniques ;
– institution d’un traitement anticoagulant par de l’héparine et antiagrégant plaquettaire double (aspirine et clopidogrel) ;
– institution d’un traitement thrombolytique (par exemple, Actilyse® 100 mg en intraveineuse en 1 heure), éventuellement dans l’ambulance du SAMU qui conduit le patient aux urgences si le délai est estimé long pour réaliser une coronarographie, ou dès l’arrivée aux soins intensifs cardiologiques, avec angioplastie, si nécessaire et possible sous perfusion d’antiagrégants (Réopro®).
Angor instable :
Diagnostic :
Lorsqu’il n’y a pas d’élévation du segment ST, il peut s’agir d’un angor instable défi ni comme un angor d’apparition récente ou soudainement aggravé, survenant pour des efforts minimes ou même au repos, avec des crises de plus en plus sévères et prolongées. Un cas particulier d’angor instable est l’angor de Prinzmetal, ou angor sympathique, survenant électivement en fin de nuit et surtout accompagné de troubles du rythme. Un angor lié à des spasmes coronaires peut survenir sur des coronaires « normales » à la coronarographie ou ne présentant qu’une discrète plaque d’athérome.
En l’absence d’élévation du segment ST sur l’ECG fait en urgence, un score appelé TIMI permet de repérer les patients à fort risque d’infarctus et/ou d’évolution défavorable (Tableau I).
Traitement :
Faire le diagnostic d’angor instable doit également conduire à instituer en urgence un traitement par l’héparine, les antiagrégants et les bêtabloquants, en l’absence de contre-indication, et à réaliser rapidement une coronarographie.
Embolie pulmonaire (EP) :
Diagnostic :
Facteurs de risque :
Il est l’un des diagnostics les plus difficiles à faire, particulièrement chez les patients âgés, en insuffisance cardiaque ou ayant eu une pneumopathie bactérienne.
Dans une revue autopsique des erreurs médicales observées à l’Université de Kiel, en Allemagne, pendant 40 ans, l’embolie pulmonaire était la cause la plus fréquente de ces erreurs. Aux USA, environ deux tiers des embolies pulmonaires mortelles ne sont pas diagnostiqués avant l’autopsie.
Certaines situations sont particulièrement à risque : l’immobilité, la chirurgie ou la période péri-partum, les néoplasies. Il faut y ajouter des facteurs de risque moins importants : l’insuffisance cardiaque, les cathéters veineux (Port-à-cath® en particulier), les traitements oestroprogestatifs, les voyages sur de longues distances (economic class syndrome).
Une thrombophilie biologique, congénitale ou acquise est également un facteur de risque important en particulier le facteur V Leiden, les déficits en protéines C ou S, la présence d’anticorps antiphospholipides. Par exemple, la mutation Leiden du facteur V multiplie par 3 à 5 le risque d’embolie pulmonaire. Associée à une pilule oestroprogestative, elle multiplie le risque par environ 35.
Symptômes et signes cliniques :
Le diagnostic d’embolie pulmonaire doit être évoqué chez tout patient dyspnéique (75 % à 84 % des cas d’embolie pulmonaire) et/ou ayant une douleur thoracique (66 à 74 % des cas d’embolie pulmonaire). La quasi-totalité des patients ayant une embolie pulmonaire présente au moins l’un de ces deux symptômes. L’examen clinique objective une tachypnée (≥ 16 mouvements respiratoires par minute) chez plus de 90 % des patients, une tachycardie (supérieure à 100/min) chez 45 % des patients, de la fièvre (parfois trompeuse, car orientant vers une pneumopathie) chez 43 % des patients. En revanche, des signes cliniques de thrombophlébite sont présents chez moins d’un tiers des patients, d’où
la nécessité de recourir à l’échodoppler veineuse, en sachant que celle-ci est en défaut chez 30 % des patients.
Examen complémentaire :
Lorsque le diagnostic d’embolie pulmonaire est suspecté, six examens complémentaires peuvent être utiles : les gaz du sang (ils montrent en principe une hypoxémie et une hypocapnie, dues à l’effet shunt, mais ils sont normaux chez près de 40 % des patients jeunes), l’ECG, l’échocardiographie, la mesure des D-dimères, l’angioscanner thoracique ou à défaut la scintigraphie pulmonaire. Tous ces examens n’ont pas la même valeur diagnostique. Un taux de D-dimères < 500 mg/mL avec une technique correcte (ELISA ou Immunoassay) a une grande valeur prédictive négative. Il élimine le diagnostic d’embolie pulmonaire sauf si la suspicion clinique est très forte. De même un scanner spiralé, à condition d’être effectué rapidement, élimine le diagnostic d’embolie pulmonaire s’il n’y a aucun défect dans les artères pulmonaires.
La négativité des autres tests n’élimine en rien le diagnostic d’embolie pulmonaire.
Scores :
Différents scores ont été utilisés pour évaluer le risque d’embolie pulmonaire : critères de Wells, de Wicki, de Charlotte, et plus récemment score de Genève. Les plus intéressants semblent être ceux qui utilisent uniquement des critères obtenus par l’interrogatoire et l’examen clinique.
Ce sont les scores de Wells et de Genève (Tableaux II et III).
Algorithmes :
En fonction de la suspicion clinique (score de Wells ou de Genève) des algorithmes ont été élaborées pour dicter l’escalade des examens complémentaires et l’attitude thérapeutique. La figure 1 montre un algorithme simplifié (Fig. 1).
Dans le cas particulier des embolies pulmonaires massives avec hypotension, l’ECG et l’échocardiographie au lit du patient sont des examens très utiles.
Traitement :
Le traitement des embolies pulmonaires hémodynamiquement stables repose sur l’héparine en urgence : héparine non fractionnée avec une dose initiale de 20 UI/h/kg, Calciparine®, héparine de bas poids moléculaire.
Au domicile du patient, le traitement de première intention (en l’absence d’allergie connue à l’héparine) est une héparine de bas poids moléculaire.
Par exemple : énoxaparine ( Lovenox®) 2 injections sous-cutanées par jour en fonction du poids du patient. Le relais par une antivitamine K ( Coumadine®, Préviscan®, Sintrom®) peut être pris dès la 24e heure, ceci afin d’éviter une éventuelle allergie à l’héparine (qui survient exceptionnellement avant le 5e jour). La durée du traitement anticoagulant après une embolie pulmonaire doit être d’au moins six mois, car, en particulier, pendant cette période se démasquent les éventuels cancers responsables. Cette éventualité est observée chez 7 à 10 % des patients (pour les étiologies des maladies thromboemboliques, voire aussi le paragraphe phlébites dans le chapitre Douleurs d’un mollet).
Dissection aortique :
Diagnostic :
Elle doit être particulièrement évoquée chez l’homme âgé et hypertendu (3/4 des patients), mais aussi au cours du syndrome de Marfan et de certaines maladies systémiques ( maladie de Horton, polychondrite atrophiante, etc.). La dissection elle-même peut être précédée par un hématome disséquant intrapariétal. Le diagnostic est assez facilement évoqué si la douleur est d’emblée très intense, transfixiante, et si on trouve à l’examen un souffle d’insuffisance aortique (dissection de type A de la classification de Stanford) ou l’abolition d’un pouls radial ou d’un pouls aux membres inférieurs. Une paraplégie brutale, parfois régressive, est également possible. Néanmoins, il existe aussi des présentations très trompeuses, comme des tableaux de péricardite aiguë.
La radiographie de thorax faite en urgence peut révéler un élargissement du médiastin, une perte du contour aortique, un épanchement pleural.
L’association douleur d’emblée très intense à type de déchirement-abolition d’un pouls ou une asymétrie tensionnelle-élargissement du médiastin sur la radiographie de thorax permet de suspecter plus de 95 % des dissections aortiques.
En fait, le diagnostic repose sur l’échocardiographie (en cas de dissection de l’aorte ascendante) et/ou l’angioscanner à faire en grande urgence. La mise en évidence d’un faux chenal ou d’un hématome intrapariétal confirme le diagnostic de dissection ou d’hématome disséquant de l’aorte.
Traitement :
Une fois le diagnostic porté, il est urgent de ne pas donner d’anticoagulant et de contrôler une éventuelle hypertension à l’aide d’antihypertenseurs vasodilatateurs et de discuter l’indication d’un remplacement aortique en urgence. Malgré ces mesures, la mortalité hospitalière de la dissection aortique est de l’ordre de 25 à 30 % des cas.
Péricardite aiguë :
Diagnostic :
Les symptômes évocateurs sont par ordre de fréquence décroissante : la douleur (plus de 50 % des cas), la dyspnée (25 à 40 %) et la fièvre (17 %). La douleur peut irradier dans le dos, le cou, les épaules (comme celle de l’infarctus), mais elle est particulière par son augmentation en inspiration et sa décroissance en position assise et penchée en avant. Un frottement péricardique est constaté chez les trois quarts des patients. C’est un frottement à trois temps entendu au mieux au bord gauche du sternum, à l’endapex. Il est absent lorsque l’épanchement est abondant.
Il faut rechercher à l’examen des signes de tamponnade, en particulier une hypotension, une distension jugulaire, et un pouls paradoxal. L’ECG montre un sub-décalage de ST concave vers le haut et des ondes T négatives. Ces anomalies sont diffuses et ne correspondent pas à un territoire coronarien. À ce stade précoce, on peut observer un sous-décalage de PQ, très évocateur de péricardite. S’il existe un microvoltage, il faut particulièrement redouter une tamponnade.
Dans ce cas, la silhouette cardiaque est généralement nettement élargie sur le cliché de thorax de face. La biologie montre habituellement un syndrome inflammatoire avec augmentation très précoce de la CRP. De façon trompeuse, elle peut montrer une élévation de la troponine.
L’examen complémentaire incontournable est l’échocardiographie lorsqu’elle montre un épanchement circonférentiel. Lorsque le tableau est atypique et les signes ECG discrets ou absents et s’il n’y a pas de frottement péricardique, il faut se rappeler qu’un décollement péricardique minime peut être physiologique et ne suffit pas à affirmer la péricardite. En cas d’épanchement abondant, mais localisé essentiellement dans la région postérieure, il faut vérifier que l’échographiste est expérimenté et n’a pas confondu un épanchement pleural avec un épanchement péricardique.
Si le diagnostic de péricardite aiguë est retenu, elle est le plus souvent d’origine virale, mais il ne faut pas méconnaître d’une part la tuberculose, d’autre part quelques maladies systémiques (lupus érythémateux systémique et maladie de Still, essentiellement). Le syndrome de Dressler (péricardite aiguë observée au décours d’un l’infarctus du myocarde) est devenu très rare. Enfin, chez le patient qui a subi une radiothérapie médiastinale ou mammaire, même 15 ans auparavant, il ne faut pas méconnaître une péricardite postradique.
Traitement :
Le traitement repose, dans la majorité des cas, sur les anti-inflammatoires ( aspirine 2 à 3 g/j) en essayant d’éviter la prednisone (sauf s’il s’agit d’un lupus ou d’une maladie de Still). On peut y associer la colchicine qui diminue probablement la fréquence des récidives. Les anticoagulants doivent bien sûr être évités, car ils risqueraient de transformer un épanchement à liquide clair en hémopéricarde. En cas de tamponnade, un drainage péricardique est indiqué en urgence. Il est inutile de faire dans ce cas une biopsie péricardique qui le plus souvent n’éclaire pas sur la cause de la péricardite.
Rupture oesophagienne :
Diagnostic :
C’est le fameux syndrome de Boerhaave décrit plus en détail dans un autre chapitre, qui survient généralement après d’importants efforts de vomissements, principalement chez des patients âgés ou alcooliques. C’est un diagnostic particulièrement difficile, surtout lorsque les vomissements sont absents. Le patient se plaint alors généralement de dyspnée, toux, fièvre, et douleurs abdominales hautes. La présence d’une crépitation neigeuse dans l’aire précordiale ou dans le creux sus-claviculaire oriente vers le diagnostic.
La radiographie de thorax confirme le diagnostic en montrant un pneumo-médiastin, voire un épanchement pleural ou un hydropneumothorax.
On peut alors faire un transit oesophagien, une endoscopie, ou bien un scanner thoracique.
Traitement :
Il faut confier le patient en chirurgie. Un retard à l’intervention augmente le risque de septicémie et la mortalité hospitalière est de l’ordre de 50 %.
EN DEHORS DE L’URGENCE THÉRAPEUTIQUE :
Origine cardiovasculaire :
Angor :
Diagnostic :
Le rhumatisme d’Heberden est une douleur constrictive rétrosternale pouvant irradier dans le cou et dans le membre supérieur (bord cubital), de durée généralement brève. Elle peut survenir à l’effort (marche en côte par temps frais) et, dans ce cas, cède rapidement à l’arrêt de l’effort. Elle peut également survenir au repos, et même la nuit (ce qui doit faire évoquer un angor de Prinzmetal, par spasme coronarien).
La trinitrine doit soulager la crise en moins de deux minutes.
Il faut bien entendu rechercher les habituels facteurs de risque vasculaire : dyslipidémie, hypertension artérielle, tabagisme, diabète. Au cours du diabète, la douleur thoracique peut manquer alors même qu’il existe des troubles de repolarisation (ischémie silencieuse).
L’examen clinique recherche un arc cornéen, un xanthélasma et un pli oblique de l’oreille (cf. Pli oblique de l’oreille). Les examens nécessaires sont l’ECG de repos, l’ECG d’effort, puis la coronarographie. En cas d’angor de repos, et principalement au cours de l’angor de Prinzmetal, l’ECG et l’épreuve d’effort peuvent être négatifs, ce qui n’élimine pas le diagnostic.
Dans certains cas (effort impossible, diabète, etc.), il peut être utile de recourir à la scintigraphie myocardique.
Traitement :
Le traitement médical de l’insuffisance coronarienne comporte au minimum un antiagrégant ( Kardégic® 75, Aspégic® 100 ou 160, Plavix® en cas de contre-indication à l’aspirine) et une statine pour ramener le cholestérol total au-dessous de 2 g/L et le LDL cholestérol au-dessus de 1 g/L. Un bêtabloquant est indiqué en cas d’angor d’effort. Si la coronarographie débouche sur une angioplastie avec stent, la tendance actuelle est de laisser le patient pendant au moins un an sous antiagrégants (Kardégic® 75 + Plavix®).
Rétrécissement aortique :
Le rétrécissement aortique peut se compliquer de crises d’angor ou même d’une mort subite. Après calcul du gradient transaortique et de la surface aortique par échocardiographie, on réalise presque toujours une coronarographie préopératoire afin de réaliser dans le même temps opératoire le remplacement valvulaire et le ou les pontages aortocoronaires s’ils sont nécessaires.
Prolapsus valvulaire mitral :
Diagnostic :
Le prolapsus valvulaire mitral ( maladie de Barlow) peut entraîner une gêne précordiale atypique, souvent prolongée, parfois accompagnée de palpitations. Cette « ballonisation » mitrale, très fréquente chez la jeune femme, est habituellement bénigne, sauf en cas de rupture de cordage. Néanmoins, elle expose au risque d’endocardite d’Osler.
Traitement :
Toute petite chirurgie doit donc être encadrée par la prise d’antibiotiques (chez le sujet non allergique à la pénicilline, amoxicilline 3 g/j pendant 48 heures en commençant 2 heures avant le geste).
Hypertension artérielle pulmonaire :
Diagnostic :
L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) peut entraîner des douleurs thoraciques et même des syncopes pour de petits efforts.
L’échocardiographie permet d’apprécier grossièrement la pression artérielle pulmonaire systolique à partir de la mesure de la vitesse du flux transtricuspidien pendant la systole.
Cette mesure doit être confirmée par un cathétérisme droit, plus fi able, et qui permet de mesurer la pression artérielle pulmonaire moyenne ainsi que le débit cardiaque et les résistances pulmonaires.
Il faut rechercher une sclérodermie (CREST syndrome) en cas d’HTAP.
Traitement :
Il est important de dépister l’HTAP maintenant qu’on dispose de traitements efficaces et faciles à administrer (bosentan per os, 125 mg matin et soir, et/ou sildénafil 20 mg/2 à 3x/j).
Origine digestive :
Elles représentent 40 % des douleurs thoraciques motivant une consultation dans un service d’urgences, une fois éliminées les causes coronariennes.
En fait, il n’est pas toujours facile de distinguer une insuffisance coronarienne d’une douleur oesophagienne, en particulier parce que le reflux gastro-oesophagien (RGO) peut entraîner une ischémie myocardique chez les patients ayant une coronaropathie sus-jacente et parce que la trinitrine peut soulager les douleurs oesophagiennes.
Douleur oesophagienne :
Diagnostic :
Les douleurs oesophagiennes représentent les plus fréquentes des douleurs thoraciques d’origine digestive. Le RGO, facilement suspecté cliniquement, peut être confirmé par la manométrie (diminution du tonus du sphincter inférieur de l’oesophage, surtout en cas de sclérodermie) et par la pHmétrie des 24 heures. La fibroscopie oeso-gastro-duodénale permet également de visualiser sa principale complication, l’endobrachyoesophage.
Traitement :
Le traitement repose sur les inhibiteurs de la pompe à protons (par exemple, 20 mg d’oméprazole matin et soir) associés aux agents physiques antireflux ( Gaviscon®, etc.) et aux prokinétiques (Motilium® 3 cp/j). En cas d’échec, une plastie antireflux (hémi-Nissen) peut être réalisée sous coeliochirurgie, y compris chez les patients sclérodermiques.
S’il n’y a pas de reflux, la manométrie permet de distinguer les achalasies par perte du péristaltisme oesophagien, et au contraire les hyperpéristaltismes, en particulier l’oesophage cassenoisettes (amélioré par les dérivés nitrés).
Ulcère gastrique ou duodénal :
Diagnostic :
Un ulcère gastrique, ou même duodénal, peut se traduire par des douleurs thoraciques.
Le diagnostic est confi rmé par la fi broscopie, avec biopsie à la recherche d’un Helicobacter pylori.
Une infection à Helicobacter peut d’ailleurs être diagnostiquée en l’absence de biopsie par un test respiratoire (Heli-Kit®).
Traitement :
Le traitement en est très standardisé : oméprazole 40 mg/j pendant un mois, puis 20 mg le soir pendant un mois, amoxicilline 2 g/j pendant deux semaines, Zeclar® 1 g/j pendant une semaine à dix jours.
Cholécystite et angiocholite :
Diagnostic :
Certaines cholécystites et/ou angiocholites sont révélées par une douleur rétrosternale basse plutôt que par une douleur sous-costale.
Cette présentation très trompeuse peut être ramenée à sa cause par une bonne échographie hépatobiliaire, si besoin un scanner abdominal, voire une échoendoscopie par voie duodénale sous anesthésie générale.
Traitement :
La cholécystite nécessite une cholécystectomie, sous coeliochirurgie dans la très grande majorité des cas. L’angiocholite doit d’abord être traitée médicalement par antibiothérapie injectable.
Après apyrexie on peut réaliser une sphinctérotomie par voie endoscopique, avec exérèse dans le même temps des calculs cholédociens ; le patient subira dans un second temps une cholécystectomie sous coeliochirurgie.
Pancréatite aiguë :
Diagnostic :
Il est souvent difficile de porter le diagnostic de pancréatite aiguë devant une douleur basithoracique, surtout lorsque cette pancréatite s’accompagne de troubles de repolarisation à l’ECG ou d’un épanchement pleural. La pancréatite doit être suspectée s’il existe une notion d’alcoolisme ou une lithiase biliaire connue.
La biologie est très utile lorsqu’elle montre une augmentation de l’amylasémie, de la lipasémie, des transaminases, éventuellement du CA 19-9.
Il ne faut pas omettre de doser les triglycérides dès le premier examen, car les grandes hypertriglycéridémie (au-delà de 10 g/L) sont une cause de pancréatite aiguë et parce que le taux de triglycérides se normalise très rapidement (en moins de 48 heures). L’échographie hépatobiliaire et le scanner abdominal peuvent aider à confirmer le diagnostic, mais ils peuvent aussi être faussement rassurants.
Traitement :
Le traitement de la pancréatite aigüe est dans l’immense majorité des cas médical et repose surtout sur l’alimentation parentérale avec arrêt des apports per os. En cas de pancréatite d’origine biliaire, il faudra dans un second temps pratiquer le traitement chirurgical de cette lithiase biliaire.
Colopathie fonctionnelle :
Diagnostic :
Les colopathies fonctionnelles peuvent être prises pour un angor lorsque la douleur provient de l’angle gauche du colon.
La radiographie de thorax et d’abdomen sans préparation peut faire suspecter l’origine colique si elle montre beaucoup d’air dans l’angle gauche.
Traitement :
Voir chapitre Douleurs abdominales.
Douleurs pleuropulmonaires :
Pneumonie :
Diagnostic :
La pneumonie est en principe facile à diagnostiquer chez un patient fébrile avec un point de côté thoracique, une toux grasse, une expectoration mucopurulente et lorsque l’auscultation met en évidence un foyer de râles crépitants.
La radiographie aide à distinguer la pneumonie systématisée, en général pneumococcique, et les pneumopathies atypiques, qui doivent faire pratiquer au moins trois sérologies : mycoplasme, chlamydiae pneumoniae, légionellose.
Néanmoins, le diagnostic peut s’avérer difficile, car la douleur est parfois discrète et la radiographie du thorax normale au cours des premières heures. Il est également possible de méconnaître une opacité rétrocardiaque mal visible. Le scanner thoracique peut être utile en montrant un foyer de condensation avec un bronchogramme aérique. Par ailleurs, une pneumonie peut masquer une embolie pulmonaire, surtout chez le sujet âgé et/ou insuffisant cardiaque, et, en cas de doute, il faut demander un angioscanner thoracique.
Traitement :
Au plan thérapeutique, la pneumonie franche lobaire à pneumocoques requiert de l’amoxicilline 3 g/j, efficace à cette dose même en cas de sensibilité diminuée aux bêtalactamines. Les pneumonies atypiques sont au contraire traitées par l’érythromycine ou une quinolone, par exemple la lévofloxacine (Tavanic®) 500 mg à 1 g/j en deux prises ou la moxifloxacine (Izilox®) 400 mg/j en une prise. La durée du traitement est habituellement de dix jours. Chez les patients à risque (sujet âgé, bronchopathe chronique, insuffisant cardiaque, diabétique…), il est prudent de donner d’emblée, devant toute pneumopathie communautaire, de l’amoxicilline, en association avec l’érythromycine ou une quinolone.
Douleur du pneumothorax :
Diagnostic :
La douleur du pneumothorax est un point de côté brutal, avec sensation de déchirure, irradiant parfois vers l’épaule, pouvant s’accompagner d’une toux et d’une dyspnée. Certains signes cliniques ( turgescence jugulaire) peuvent être trompeurs. Le problème essentiel est de ne pas méconnaître un petit décollement périphérique du poumon sur le cliché de thorax simple.
On sait que certaines pathologies exposent plus particulièrement au pneumothorax : la maladie de Marfan, l’histiocytose chez le fumeur jeune et la bronchopathie chronique chez le fumeur plus âgé.
Traitement :
L’attitude thérapeutique dépend du retentissement clinique et de la radiographie du thorax.
En cas de décollement (mineur et stable) chez un patient non dyspnéique, on peut autoriser le retour à domicile après 6 à 8 heures. Au contraire, en cas de détresse respiratoire et/ou de rétraction du poumon dans la région hilaire, il faut bien sûr hospitaliser le patient et mettre en place un drain pleural.
Épanchements pleuraux :
Diagnostic :
Le point de côté thoracique unilatéral de l’épanchement pleural ressemble bien entendu à celui du pneumothorax. La douleur a un début brutal, elle est sous axillaire ou sous-mammaire, mais peut irradier dans l’épaule (pleurésie diaphragmatique), voire les lombes ou la paroi abdominale antérieure. Elle peut être extrêmement intense, insomniante. Elle augmente avec l’inspiration profonde, la toux, l’éternuement. Elle est soulagée par les pauses respiratoires ou l’immobilisation du côté malade. L’auscultation retrouve les frottements pleuraux, très localisés, inspiratoires et expiratoires, ou seulement inspiratoires, ressemblant au craquement du cuir neuf.
La douleur et les frottements disparaissent habituellement lorsque l’épanchement pleural apparaît sur le cliché de thorax ou augmente de volume. Le cliché de thorax montre la classique ligne de Damoiseau lorsque l’épanchement est modéré. Le scanner thoracique montre souvent un épanchement plus abondant que ne le laissaient supposer les clichés simples. Il permet également de bien étudier le parenchyme sousjacent.
Une fois posé le diagnostic de l’épanchement pleural, deux situations sont possibles :
– l’épanchement est satellite d’une pathologie pulmonaire ou abdominale connue :
– pleurésie riche en protides au cours d’une embolie pulmonaire ou d’une pneumonie,
– pleurésie satellite d’une pancréatite aiguë, d’un abcès sous-phrénique ou d’une amibiase hépatique,
– transsudat pleural (généralement situé à droite) au cours d’une cirrhose en décompensation ascitique ;
– l’épanchement est révélateur et dans ce cas, la ponction pleurale aide à en trouver la cause :
– pleurésie purulente, il faut alors de nouveau penser à l’embolie pulmonaire avant de conclure à la pleurésie purulente isolée,
– en général, pleurésie riche en protides (exsudat) et en lymphocytes. La cytologie pleurale permet de rechercher les cellules métastatiques ou un mésothéliome (dans ce cas, on peut doser l’acide hyaluronique dans le liquide pleural). Le contexte peut suggérer une tuberculose et si les recherches de BK sont négatives,
il faut aller jusqu’à la biopsie pleurale. On recherche de principe une connectivite (lupus érythémateux systémique, polyarthrite rhumatoïde. Une pleurésie asbestosique (qui précède souvent le mésothéliome) est évoquée en fonction du contexte professionnel (contact avec l’amiante, même très ancien) et s’il existe des plaques pleurales sur les clichés simples, ou au scanner. Si l’enquête étiologique est négative, il s’agit probablement d’une pleurésie lymphocytaire d’origine virale.
Douleurs pariétales et radiculaires :
Elles représentent environ 28 % des douleurs thoraciques inexpliquées mais non cardiaques adressées aux services d’urgence.
Pariétales :
Antérieures Chondrites :
Il s’agit d’une douleur ponctuelle, parfois très intense, siégeant souvent dans l’aire précordiale d’où l’inquiétude des patients. Avant de conclure qu’il s’agit d’un banal syndrome de Tietze, justiciable d’un gel anti-inflammatoire ou d’une infiltration de xylocaïne, il faut s’assurer que cette chondrite ne s’intègre pas dans une maladie systémique (spondylarthrite ankylosante, maladie de Wegener, polychondrite atrophiante). Une variante de chondrite est le syndrome de Cyriax qui touche les dernières côtes et qui est dû à une subluxation d’une côte flottante sur la côte supérieure, d’où son appellation de slipping rib.
Le traitement repose essentiellement sur les infiltrations de Xylocaïne® à 1 %.
* Fracture de côtes :
La douleur peut également inquiéter le patient si elle survient en dehors de tout traumatisme et si elle siège dans l’aire précordiale. Les clichés de gril costal sont souvent peu contributifs et c’est la scintigraphie osseuse qui met en évidence le trait de fracture. L’immobilisation par un Élastoplast® permet souvent de soulager le patient. Rarement la fracture de côte révèle une pathologie néoplasique, évoquée s’il existe une lyse costale.
* Douleurs mammaires :
Elles peuvent être trompeuses lorsqu’elles sont unilatérales. Il peut s’agir d’un abcès. On trouve alors des signes inflammatoires locaux à l’examen clinique. Il peut également s’agir d’une mastite au cours de maladies systémiques (maladies de Wegener, de Horton). Le plus souvent, il s’agit d’une tumeur bénigne du sein chez la femme ( fibroadénome, kyste) ou d’une gynécomastie bénigne chez le jeune homme. Au moindre doute, il faut avoir recours à la mammographie et à l’échographie.
Les mastites compliquant une maladie systémique sont améliorées par la corticothérapie (prednisone 0,7 à 1 mg/kg/jour) éventuellement associée à un immunosuppresseur.
* Myosites thoraciques :
Elles s’inscrivent le plus souvent dans le cadre de la myalgie épidermique de Bornholm, due à des virus du groupe coxsackies. Les douleurs, à début brutal, sont mobiles d’un examen à l’autre, et il peut y avoir des intervalles libres entre deux épisodes douloureux.
Le dosage des CPK permet de faire le diagnostic.
* Phlébite de Mondor :
Elle réalise un cordon inflammatoire parcourant toute une partie du thorax, pouvant s’étendre vers l’abdomen. Cette phlébite superficielle est le plus souvent isolée et bénigne.
Le traitement peut comporter de la colchicine et de l’aspirine à faible dose (Kardégic® 75 ou Aspegic® 100)
Postérieures :
Il s’agit essentiellement de douleurs vertébrales (cf. Rachis).
Lorsque celles-ci surviennent brutalement et dans un contexte fébrile, elles doivent en premier lieu faire rechercher une spondylite ou une spondylodiscite.
C’est l’IRM qui affirme le diagnostic.
Si la vitesse de sédimentation est élevée alors que les protéines de l’inflammation (CRP, fibrine) sont normales, il faut penser au myélome et demander une électrophorèse ainsi qu’une immunofixation des protéines. Une nouvelle fois, l’IRM du rachis vient confirmer le diagnostic.
Dans les cas douteux la biopsie vertébrale apporte la certitude.
Lorsque les douleurs vertébrales ont un horaire inflammatoire, et quand on a éliminé les deux pathologies suscitées, on évoque une spondylarthrite ankylosante. La recherche de l’antigène HLA B27, le scanner du rachis et des sacro-iliaques peuvent être utiles au diagnostic.
Des pathologies plus banales peuvent être responsables de rachialgies dorsales : chondrocalcinose, rhumatisme de Forestier, crise d’arthrose.
Le traitement dépend de la cause (infectieuse, inflammatoire, ou néoplasique).
Radiculaires :
Douleur métamérique avec une recrudescence nocturne :
Une douleur métamérique avec une recrudescence nocturne typique d’une origine radiculaire doit faire rechercher une spondylodiscite si le patient est fébrile, ou une hernie discale. En l’absence de douleur vertébrale, il faut penser à une tumeur médullaire (le plus souvent bénigne, neurinome ou méningiome).
L’IRM est l’examen de choix. Elle explore le rachis en remontant plusieurs étages au-dessus du métamère douloureux, car le siège de la douleur peut être trompeur.
Le traitement des tumeurs médullaires bénignes (neurinome, méningiome) est exclusivement chirurgical.
Douleur métamérique de début insidieux :
Une douleur métamérique de début insidieux, sans horaire précis, à type de paresthésie, doit faire évoquer un zona à la phase prééruptive (l’éruption peut être décalée de plusieurs jours).
Il faut commencer le traitement par le valaciclovir ( Zelitrex®) le plus tôt possible afin de prévenir les douleurs postzostériennes, à la posologie de 2 cp à 500 mg/3x/j pendant une semaine. Il est de bonne règle de faire des radiographies du rachis pour vérifier que le niveau de l’éruption ne correspond pas à une lésion vertébrale sousjacente.
Douleurs d’origine neuropsychiatrique :
Exceptionnellement l’épilepsie généralisée peut commencer par une aura douloureuse thoracique.
Fibromyalgie :
La fibromyalgie peut être révélée par des douleurs thoraciques prédominantes. Le diagnostic ne peut être retenu que si l’examen retrouve des zones gâchettes dans au moins trois sites douloureux (voir chapitre Douleurs diffuses chroniques).
Attaque de panique :
Diagnostic :
L’attaque de panique peut commencer par une crise douloureuse thoracique très angoissante, entraînant une sensation de mort imminente. La douleur s’accompagne habituellement de palpitations et d’une tachycardie, de tremblements ou de frissons (sans fièvre), d’une dyspnée, de paresthésies, de nausées.
Plusieurs arguments cliniques permettent d’évoquer le diagnostic :
– la crise survient souvent dans des circonstances particulières (patient seul chez lui, ou au volant, etc.) ;
– il n’y a pas de coronaropathie connue et pas de facteur de risque vasculaire ;
– la douleur est très atypique dans son siège et son irradiation ;
– il y a une discordance entre la grande anxiété du patient et la normalité de l’examen clinique et de la biologie lorsqu’il est vu par son médecin ou dans un service d’urgence.
Traitement :
Le traitement de la crise repose sur des anxiolytiques (bromazépam, lorazépam), mais un traitement de fond est indispensable. On utilise habituellement les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (par exemple, citalopram) pendant plusieurs semaines ou mois.
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