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Hallucinations

Hallucination

Hallucination

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INTRODUCTION :

H. Ey (1973), dans son vaste Traité des hallucinations a défini l’hallucination par une perception sans objet à percevoir. L’hallucination est à la fois un détournement de la perception et un défi à la raison. Son élaboration est le plus souvent basée sur une dégradation du message sensoriel et un débordement de l’imaginaire.

Néanmoins, l’absence de critique caractérise le comportement hallucinatoire.

Réelle pour le sujet, irréelle pour l’observateur, l’hallucination est par nature une source de malentendu, et aussi convaincu qu’il soit de la réalité de ce qu’il a perçu, le patient redoute le jugement de l’observateur. Une hallucination est un phénomène de nature sensorielle, fugace ou permanent, interne à l’individu, tantôt provenant du fonctionnement anormal d’un ou de plusieurs sens, tantôt dû à une confusion de l’esprit ou à la reviviscence d’une image mentale.

Dans la grande majorité des cas, les hallucinations relèvent d’une pathologie psychiatrique ou neurologique. En raison de leur caractère subjectif, leur description dépend, bien entendu, de la personnalité prémorbide des patients. Les hallucinations peuvent intéresser tous les sens et sont parfois associées les unes avec les autres et de toutes les manières possibles.

HALLUCINATIONS SENSORIELLES :

Hallucinations auditives :

Ce que nous pouvons savoir des hallucinations auditives dépend du contact qui s’établit avec le patient et des confidences qu’il veut bien nous faire. En effet, nous appartenons à une culture où, depuis longtemps, « entendre des voix », c’est « être fou ». Dans certains cas, de tels hallucinés, même s’ils restent très réticents, expriment leur état malgré eux par des attitudes d’écoute, ou par l’emploi de diverses ruses pour se préserver de leurs voix, avec plus ou moins d’efficacité, la plus fréquente étant l’utilisation d’objets visant à obturer les conduits auditifs externes (le walkman a désormais remplacé le coton dans les oreilles).

Les hallucinations auditives sont presque toujours présentes dans les bouffées délirantes aiguës, elles sont fréquentes dans les psychoses délirantes chroniques ( schizophrénie, psychose hallucinatoire chronique, paraphrénie), mais peuvent aussi survenir dans les formes délirantes de la manie ou de la mélancolie. Dans ce dernier cas, elles répètent les thèmes d’autoaccusations et d’indignité, et peuvent formuler des ordres de suicide, souvent exécutés, etc.

Les hallucinations auditives représentent les plus fréquentes des hallucinations sensorielles.

Elles peuvent être simples ou complexes.

Hallucinations auditives simples :

Les hallucinations simples se caractérisent par des sons à type de « sifflements », de « bruits de cloches » ou d’« eau qui coule ». Elles sont généralement d’origine épileptique.

Hallucinations verbales psychosensorielles :

Les hallucinations verbales psychosensorielles sont un sous-ensemble des hallucinations auditives qui concernent le langage.

En psychiatrie, les hallucinations sont souvent acousticoverbales. Le patient entend des mots isolés, parfois toujours les mêmes, parfois changeants, mais surtout des phrases, des voix, localisées dans l’espace, parlant entre elles, s’adressant à lui ou le désignant à la troisième personne.

Parfois, il lui semble saisir une conversation qui ne lui est pas destinée, ou encore le sujet dialogue avec ses voix. Les interlocuteurs peuvent être identifiés ou non, connus ou inconnus, soit grâce aux caractéristiques de la voix, soit intuitivement. Ces voix peuvent s’exprimer dans la langue maternelle des patients, mais parfois dans une langue étrangère, connue ou inconnue d’eux. Le contenu est souvent hostile, injurieux, menaçant, mais il peut aussi être flatteur et sympathique, et dans quelques cas, le positif et le négatif alternent. Ou encore, les voix répètent la pensée en écho, communiquant des informations délirantes. Dans certains cas, il s’agit d’ordres hallucinatoires, auxquels les patients n’arrivent pas toujours à résister.

Mais quelques soient ces variétés, il ne s’agit d’hallucinations psychosensorielles que si les paroles sont ressenties comme venant du dehors, de l’extérieur de l’organisme, par les oreilles, et associées à la croyance irréfutable de leur réalité.

Elles peuvent venir de près ou de loin, être claires ou difficiles à déchiffrer, passer par une seule oreille ou par les deux. Parfois, des explications peuvent s’organiser autour de ces voix : micros cachés, actions à distance, téléphonie sans fil, etc., jusqu’à des élaborations délirantes complexes. Ces hallucinations surviennent avec un retentissement émotionnel très variable, parfois dans l’indifférence, quelquefois avec ironie, souvent avec indignation.

Hallucinations visuelles :

On distingue également les hallucinations visuelles simples (ou élémentaires) des complexes (ou élaborées). Les hallucinations visuelles peuvent être immobiles, mouvantes, kaléidoscopiques, de taille normale, lilliputiennes, gullivériennes, macroscopiques, microscopiques, apparaissant en perspective dans l’espace ou plaquées à la surface des objets. Elles peuvent être opaques ou plus ou moins transparentes, achromiques ou colorées, de tonalité affective neutre, euphorique ou exaltée. La vigilance peut être normale ou diminuée. Elles peuvent survenir à la lumière, à l’obscurité ou à la fermeture des paupières, mais toujours de façon indépendante de toute stimulation visuelle extérieure. Par ailleurs, la privation sensorielle ou un séjour prolongé à l’obscurité entraîne des hallucinations visuelles simples ou complexes.

Il existe une intrication fréquente avec les illusions perceptives et l’état de rêve.

Hallucinations visuelles simples :

Leur description est toujours métaphorique (« comme si »). Il s’agit d’événements éphémères, mais pouvant se répéter : éclairs lumineux (photopsie), flammes, flashes, éclats, couleurs,

points brillants (phosphènes), lignes, étoiles, choses flottantes dans l’espace ou formes géométriques.

Mais, il ne s’agit jamais d’objets clairement identifiés. Leur point de départ peut se situer sur toute la voie optique. Ces éléments peuvent remplir la totalité du champ visuel, ou se limiter à un hémichamp, ou encore ne concerner qu’un seul oeil. Ils peuvent se maintenir ou disparaître à la fermeture d’un ou des deux yeux.

Le sujet sait bien qu’il n’existe pas d’objet réel devant lui, mais il ne peut pas nier qu’il l’a vu.

L’origine des hallucinations visuelles simples est multiple et variée : pression des globes oculaires chez un sujet normal, migraine ophtalmique (origine la plus fréquente, précédée pendant une dizaine de minutes d’un scotome scintillant, mais critiqué par le patient), glaucome, pathologies de la rétine, dégénérescence maculaire, intoxications (amphétamines, mescaline, cannabis, etc.), sevrages médicamenteux, privations de sommeil, jeûne, déficits vitaminiques, hyperthermies, hypoxie, aura d’une crise comitiale (épilepsie frontale), lésions occipitales (hallucination dans le champ visuel déficitaire).

Hallucinations visuelles complexes :

Elles sont très variables : perception d’objets, de personnages, d’animaux, de paysages ou de scènes compliquées et indescriptibles, elles occupent tout le champ visuel. Les hallucinations visuelles esthétiques sont des objets culturellement déterminés, avec une forme, une couleur et des aspects bien concrets. Il s’agit d’une expérience nouvelle et pas d’une remémoration. Le niveau de vigilance est normal, et la croyance est assez variable, bien que le sujet vive son expérience comme indubitablement perceptive.

Le rapport de l’objet hallucinatoire au reste du champ visuel est homogène (par exemple, s’il s’agit d’un chat hallucinatoire, il peut être allongé sur le divan réel). La distinction entre hallucination et illusion sensorielle reste souvent délicate.

Les hallucinations visuelles complexes ont une signification étiologique disparate : lésions temporales ou temporo-occipitales, épilepsie temporale ou pariéto-occipitale (mais hallucinations critiquées), intoxications ou sevrages alcooliques (zoopsies du delirium tremens), états infectieux hyperpyrétiques, drogues hallucinatoires (elles peuvent alors survenir à distances des intoxications), pathologies ophtalmiques (hallucination pédonculaire ou onirisme vespéral des sujets âgés, athéromateux ou hypertendus). Elles sont relativement rares dans les délires chroniques et les schizophrénies et s’observent surtout dans les états confusooniriques et parfois dans les états seconds des hystériques (visions de personnages religieux, par exemple).

Hallucinations tactiles (ou haptiques) :

Elles concernent le domaine de la sensibilité cutanée, c’est-à-dire le toucher. Dans les formes élémentaires, le sujet ressent de façon limitée ou diffuse, continue ou discontinue, des impressions cutanées : chaud, froid, humidité, pression, démangeaison, piqûres, brûlures, etc. Ces impressions ne viennent d’aucun phénomène extérieur déterminé.

Lors des hallucinations tactiles élaborées, le patient reconnaît bien un jet d’eau chaude ou froide, le contact avec une main (invisible), la présence de parasites (parasitoses hallucinatoires), ou encore de liens, coutures ou fils de fer entourant le corps, etc. Ces hallucinations peuvent rester isolées ou participer à une élaboration délirante plus ou moins organisée. Il peut alors s’agir d’une thématique d’influence, où l’on retrouve souvent des hallucinations verbales et génitales, ou encore d’une thématique hypocondriaque. Elles s’observent également dans les intoxications à la cocaïne (hallucinations discontinues) ou au chloral (hallucinations continues).

Hallucinations gustatives :

Touchant le goût, elles peuvent prendre des aspects très variables. Il s’agit souvent d’illusions perceptives, élucidées après coup. Le sujet a bu un liquide ou mangé un aliment et sur le moment, il ne s’est aperçu de rien, ou a simplement ressenti un goût étrange ou mauvais dans la bouche, mais dont il n’a pas compris le sens. Un peu plus tard, il s’aperçoit qu’il s’agissait d’un poison, parfois en raison de troubles digestifs secondaires. Le plus souvent, ces expériences entrent dans un délire où prédominent les thèmes d’empoisonnement, et où peut s’associer un refus de s’alimenter. Parfois, elles surviennent avant une crise comitiale.

Hallucinations olfactives :

Il s’agit d’expériences où l’odeur est ressentie comme telle, suave, indifférente ou nauséabonde, mais sans être attribuée à un objet précis, ou à des expériences où cet objet apparaît bien déterminé. Il s’agit très souvent d’odeurs corporelles, avec leurs connotations sexuelles ou scatologiques, ou encore d’hallucinations s’intégrant dans un délire de persécution par les gaz (« on m’envoie des odeurs à travers les murs de ma maison »). Il existe aussi une variété particulière où le sujet à l’impression d’émettre une odeur désagréable, qu’il sent lui-même et dont il pense que d’autres doivent la sentir aussi. Ce phénomène peut aller de la simple phobie de ses propres odeurs corporelles jusqu’à des aspects délirants ou mélancoliques.

Hallucinations corporelles et coenesthésiques :

Elles concernent la sensibilité générale et interne.

Ce domaine concerne autant la neurologie que la psychiatrie.

Les asomatognosies se caractérisent par la méconnaissance d’une partie ou de la totalité du corps, sans atteinte de la sensibilité. Il s’agit de patients souffrant d’une hémiplégie gauche (chez les droitiers) et qui méconnaissent à la fois cette hémiplégie et l’appartenance du côté gauche à leur propre corps. La vue n’en corrige rien.

Deux variétés existent :

– anosognosie dans laquelle prédomine la méconnaissance de la paralysie ;

– anosodiaphorie caractérisée par l’indifférence du malade à son état.

Cette asomatognosie persiste quand l’hémiplégie s’améliore. Il existe aussi des asomatognosies bilatérales, la plus connue étant le syndrome de J. Gerstmann (1924) : impossibilité de dénommer les doigts sur le sujet et sur l’observateur, avec confusion droite-gauche et alexie. On peut rapprocher de ces altérations bilatérales mais partielles de l’image du corps des altérations plus globales retrouvées dans le délire de négation de Cotard.

Sont classées également dans cette catégorie certaines hallucinations liées à une désafférentation.

Le syndrome de dépersonnalisation, quant à lui, associe des impressions de transformations corporelles, d’électrisations, de métamorphose du corps, ou une perception d’une possession diabolique ou zoopathique du corps.

Hallucinations sexuelles ou génitales :

Les hallucinations du domaine sexuel vont souvent de pair avec les hallucinations verbales. Il s’agit de l’impression intérieure indubitable de rapports sexuels imposés par un partenaire proche ou lointain, identifié ou inconnu, unique ou multiple. Ces rapports sont en général refusés avec indignation et dégoût, bien que ce refus ne suffi se pas à les faire cesser. Parfois, le patient les accepte et peut même y trouver de la jouissance. Il peut s’agir de relations sexuelles ordinaires, de sensations d’orgasme, d’attouchements, de sodomisation ou de viol à distance.

Les malades peuvent alors prendre des moyens de défense dérisoires : occlusion des cavités naturelles, ceinture protectrice, etc. Ces hallucinations peuvent n’être que très peu thématisées, mais elles participent souvent à une élaboration délirante qui peut aller jusqu’à un syndrome d’influence, avec toutes sortes de détails sur les moyens et les acteurs.

HALLUCINATIONS PSYCHIQUES :

Également appelées pseudo-hallucinations, fausses hallucinations ou hallucinations aperceptives, elles sont caractérisées par l’absence de composante sensorielle. Elles sont vécues uniquement dans l’imagination ou la pensée du sujet, éprouvées comme des phénomènes psychiques étranges ou étrangers. Il peut s’agir de pensée pure, sans aucune extériorisation ou d’hallucinations psychiques acousticoverbales.

L’halluciné entend alors ses pensées comme si elles venaient d’autrui, ou entend des conversations d’âme à âme, de voix secrètes ou intérieures, sans bruit, éprouve des transmissions de pensée ou des perceptions purement intellectuelles.

Il peut s’agir également d’hallucinations psychiques visuelles : images mentales involontaires, scènes imaginaires, visions intérieures, etc.

Ce type d’hallucinations psychiques s’observe dans les délires chroniques.

Le syndrome d’automatisme mental, décrit par G. de Clérambault, désigne un ensemble de signes n’ayant aucune projection extérieure, signes qui sont de purs phénomènes de pensée et qui ne représentent, au niveau conscient, aucune signification. Certains parlent de la perte de la propriété privée de la pensée, car le patient en arrive à ne plus être sûr de rester maître de sa propre pensée. Il s’agit de sensations parasites de survenue brutale. Les principaux signes en sont : la prise ou vol de la pensée par autrui, le fait de deviner la pensée d’autrui par soi-même, un dédoublement de la pensée, un déroulement des souvenirs, l’écho de la pensée, de la lecture ou de l’écriture, l’énonciation des gestes, des intentions et le commentaire des actes.

CIRCONSTANCES D’APPARITION DES HALLUCINATIONS :

Pathologies psychiatriques :

Les hallucinations sont un des mécanismes fondamentaux du délire et occupent une place centrale dans la classification des psychoses. Elles peuvent également survenir dans le cadre d’une névrose hystérique.

Certains sujets ne confient pas leurs expériences hallucinatoires, pour diverses raisons, et il faut donc savoir les rechercher.

Psychoses aiguës :

Bouffée délirante aiguë :

Elle peut provoquer un délire polymorphe dans ses thèmes et ses mécanismes, de début brutal, de constitution rapide et d’organisation kaléidoscopique, c’est-à-dire présentant des fluctuations en nature et en intensité. Les hallucinations y sont habituelles et variées.

Mélancolie délirante :

Une forme hallucinatoire de mélancolie est classiquement décrite. Le délire mélancolique est alimenté par des hallucinations visuelles ou auditives, congruentes à la thématique dépressive.

Elles seraient l’expression d’une culpabilité projetée.

Manie délirante :

Les expériences délirantes de ces états peuvent être hallucinatoires. Mais la présence d’hallucinations dans un épisode maniaque fait discuter l’éventualité d’un facteur organique ou toxique associé.

Psychoses chroniques dissociatives : les schizophrènes :

Les hallucinations et/ou l’automatisme mental sont fréquents dans la schizophrénie, en particulier dans sa forme paranoïde. Les plus fréquentes sont les hallucinations auditives.

On estime que des hallucinations surviennent chez 60 à 70 % des patients souffrant de schizophrénie (600 000 patients en France). C’est une source de handicap important qui peut entraîner une désinsertion socioprofessionnelle rapide, parfois durable. Dans 25 % des cas, les hallucinations deviennent résistantes aux traitements pharmacologiques et se chronicisent.

Dans ces cas, l’altération de la qualité de vie des patients peut être à l’origine d’un risque suicidaire.

Psychose hallucinatoire chronique :

Il s’agit d’une entité clinique française faisant partie du groupe des psychoses chroniques non dissociatives (par opposition à la schizophrénie, psychose chronique dissociative). Elle se caractérise par un début tardif aigu ou progressif, un potentiel évolutif lent et une symptomatologie pluri-hallucinatoire : association de manifestations hallucinatoires particulièrement prégnantes et d’un grand automatisme mental.

Les hallucinations s’observent dans tous les domaines sensoriels, avec une prédominance auditive (fréquence des insultes), olfactive (mauvaises odeurs répandues au domicile) et cénesthésiques (génitale, courant électrique dans le corps, etc.). Le thème du délire est le plus souvent persécutif et s’organise fréquemment au sein du voisinage. Il est également à l’origine de fugues ou de déménagements itératifs.

Les risques évolutifs sont des passages à l’acte divers, des états dépressifs réactionnels, un refus de soins et un retrait social ou une dépendance institutionnelle.

Pathologies neurologiques :

Hallucinations liées à une désafférentation :

La suppression ou la dénaturation du message afférent dans un canal sensoriel n’abolit pas nécessairement la perception, mais libère l’image mentale du contrôle exercé normalement par le monde réel. Les perceptions sans objet des ophtalmopathes et celles des otopathes en apportent la démonstration au même titre que le membre fantôme des amputés. Ainsi, les hallucinations visuelles peuvent exister chez les aveugles et les hallucinations auditives chez les sourds, lorsque la surdité et la cécité sont acquises. Ces hallucinations doivent être systématiquement recherchées, car elles sont rarement mentionnées spontanément, les patients ayant peur de passer pour « fous » ou estiment que cela ne concerne pas leur médecin (voir Syndrome de Bonnet).

Normalement, ces avatars de la perception ne donnent pas lieu à conviction, sauf quand une dégradation du jugement de réalité intervient.

Une telle dégradation peut relever d’une défaillance globale des fonctions intellectuelles, comme dans la confusion mentale ou la démence.

Elle peut aussi être la conséquence d’une détérioration élective de ce jugement dans la mesure où il concerne l’image du corps et la perception de l’espace, telle qu’on l’observe chez des patients atteints de lésions de l’hémisphère droit.

L’illusion ou l’hallucination des amputés, « membre fantôme », décrite par Ambroise Paré, est la forme la plus commune et la plus spectaculaire d’hallucinations corporelles par désafférentation.

Ces sujets amputés ont le sentiment de posséder encore leur segment de membre perdu.

Ce trouble est très fréquent puisqu’il toucherait environ 80 % des amputés. Le traitement de la perception d’un membre fantôme ne se justifie que dans la minorité de cas où l’hallucination s’accompagne de douleurs fantômes invalidantes.

Une des difficultés du traitement est liée aux incertitudes physiopathogéniques de ce trouble.

La neurostimulation électrique cutanée ou les blocs anesthésiques continus du plexus brachial sont utilisés. Plus fréquemment, on utilise des benzodiazépines, la carbamazépine, des anesthésiques par voie générale, des opioïdes, ou encore des antidépresseurs sérotoninergiques.

On peut observer des hallucinations corporelles très semblables, en dehors des amputations, dans des lésions des plexus nerveux, des racines rachidiennes, de la moelle épinière et de l’encéphale.

Hallucinations, épilepsies et migraines :

Les hallucinations paroxystiques sont assez fréquentes lors des crises d’épilepsie et de la migraine.

Elles sont le plus souvent associées à d’autres symptômes et pour les rattacher à une crise épileptique ou migraineuse, la description précise de ces hallucinations, de leur déroulement et des éventuels symptômes associés sont souvent la clé du diagnostic. La sémiologie de ces hallucinations est particulièrement riche, pouvant affecter toutes les modalités sensorielles et psychiques.

Les hallucinations épileptiques sont en général courtes et durent de 5 à 120 secondes, alors que les auras migraineuses durent en règle plus de 3 minutes, mais se prolongent rarement au delà d’une heure. Classiquement, les auras migraineuses apparaissent plusieurs minutes avant la céphalée et disparaissent dès que celle-ci survient.

Alors que les hallucinations visuelles épileptiques sont le plus souvent multicolores avec un trajet circulaire ou sphérique, débutent toujours du même coté et ne sont pas associées à une photophobie, les auras migraineuses sont en général en noir et blanc, ont un trajet en ligne ou en zigzag, du centre du champ visuel progressant vers la périphérie, laissant souvent un scotome central, et sont souvent suivies d’une photophobie.

Le syndrome d’Alice au pays des merveilles reflète la richesse sémiologique de certaines crises migraineuses. Les patients décrivent une distorsion de l’image de leur corps, qui n’est le plus souvent pas suivie d’une céphalée migraineuse et constitue donc le seul symptôme de la crise migraineuse. Certains auteurs ont suggéré que Lewis Caroll a décrit dans son livre ses propres migraines.

Bien que les crises d’épilepsie et les crises migraineuses relèvent de deux processus bien distincts, elles possèdent quelques manifestations cliniques communes qui rendent parfois leur diagnostic difficile. Lors d’une aura migraineuse, avec ou sans céphalée, les symptômes visuels sont quasiment constants (diplopie, halo entourant des objets, décoloration, troubles visuospatiaux, obscurité, micro et/ou macroscopie, palinopsie (persévération d’une perception après que l’objet a été retiré du champ visuel, métamorphopsie, etc.). Des hallucinations olfactives désagréables associées à ces manifestations ont même été décrites comme symptôme initial d’une crise migraineuse.

Hallucinations, maladies neurodégénératives et démences :

La survenue d’hallucinations au cours de la sénescence n’a pas la même valeur sémiologique ni nosographique que celle décrite chez le sujet plus jeune.

Un parkinsonien sur quatre traités développe des hallucinations. L’influence de la DOPA et celle de toutes les médications dopaminergiques ne sont pas directement liées à la dose. Bien qu’il soit maintenant établi que les hallucinations des parkinsoniens ont une relation avec une dysrégulation du sommeil, elles se distinguent des hallucinations hypnagogiques. Chez les patients traités, la prolifération des hallucinations va de pair avec une dégradation des fonctions cognitives, une confusion, voire une démence.

Ainsi, elles sont également fréquentes lors de la maladie à corps de Lewy où les lésions caractéristiques de la maladie de Parkinson s’étendent aux neurones du cortex. L’incidence des hallucinations dans les autres formes de démence est moins bien établie : absentes dans les démences sous-corticales (maladie de Huntington, maladie de Steele Richardson), rares dans les démences fronto-temporales, elles seraient plus fréquentes dans la maladie d’Alzheimer.

Les hallucinations lors de ces maladies dégénératives requièrent un traitement lorsque, non ou mal critiquées, elles s’accompagnent d’une anxiété importante et/ou de troubles du comportement.

Dans tous les cas, une réduction des traitements susceptibles d’induire ou de favoriser l’apparition d’hallucinations est souhaitable lorsqu’elle est possible (antiparkinsoniens, anticholinergiques). Parfois, l’adjonction d’un traitement anti-hallucinatoire est nécessaire. Les neuroleptiques classiques sont contre-indiqués dans la maladie de Parkinson et la démence à corps de Lewy, en raison du risque d’aggravation des troubles moteurs. Lors de la maladie d’Alzheimer, le traitement des hallucinations et des idées délirantes repose classiquement sur l’halopéridol. Les antipsychotiques de nouvelle génération ont fait l’objet de nombreuses études au cours de la maladie de Parkinson, mais seule la clozapine à faible dose (moins de 50 mg par jour) a fait preuve de son efficacité. Ce médicament n’aggrave pas le syndrome parkinsonien et peut même améliorer le tremblement. Une stricte stricte surveillance hématologique est obligatoire en raison du risque d’agranulocytose.

Substances hallucinogènes :

De nombreuses substances peuvent être à l’origine d’hallucinations, d’un onirisme et d’illusions psychosensorielles. Le LSD et la mescaline sont les prototypes des drogues hallucinogènes. Le cannabis, les amphétamines, l’ecstasy, certains champignons et les opiacés peuvent également donner lieu à des hallucinations. Il s’agit le plus souvent d’hallucinations ou d’illusions visuelles, simples ou élaborées. Chez certains sujets, la prise d’hallucinogène pourrait précipiter ou déclencher des états psychotiques chroniques.

De même que les drogues hallucinogènes, de nombreux médicaments peuvent déclencher des hallucinations par leur interférence avec les dispositifs de neuromédiation. Les neuroleptiques effacent ces hallucinations comme ils effacent les hallucinations psychotiques.

De même que le sevrage alcoolique, le sevrage aux benzodiazépines est actuellement une des causes les plus fréquentes d’hallucinations et d’états confuso-oniriques. Les hallucinations d’origine médicamenteuse, de tout type, peuvent survenir à des posologies usuelles ou de surdosage, en prise unique ou en traitement continu.

L’attitude thérapeutique consiste à diminuer la posologie du médicament incriminé, voire à le stopper si les troubles ne régressent pas.

Le traitement préventif consiste à identifier les patients potentiellement à risque selon différents critères : antécédents d’hallucinations pour la molécule ou molécule de même mécanisme d’action, ou toute autre molécule, âge élevé, atteinte cérébrale organique, antécédents d’hallucinations.

Médicaments anti-hallucinatoires :

Les plus utilisés sont les neuroleptiques ou antipsychotiques de première ou seconde génération.

On cite en particulier l’halopéridol ( Haldol®, 5 à 20 mg), l’amisulpiride ( Solian®, 400 à 1 200 mg), la rispéridone ( Risperdal®, 2 à 8 mg) et l’olanzapine ( Zyprexa®, 10 à 20 mg).

Les neuroleptiques sont sans action sur les hallucinations associées à une désafférentation, sur celles qui dépendent d’un dérèglement du sommeil ou qui se produisent lors d’un état de sevrage.

DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS :

Illusions sensorielles :

Selon Lasegue, « les hallucinations se distinguent des illusions comme la calomnie se distingue de la médisance ». Hallucinations et illusions diffèrent par la présence ou l’absence de critique.

L’illusion est une perception erronée du monde réel dont l’identification est correcte, et elle est toujours critiquée par le sujet. Ainsi, l’opposition établie par Esquirol entre les illusions et les hallucinations est justifiée puisque les patients rapportent volontiers ces phénomènes à un désordre de leur perception. Néanmoins, la distinction est parfois difficile et les transitions sont fréquentes, notamment quand un objet réel se transforme avant de se prolonger dans une image hallucinatoire. Le dysfonctionnement ou la déprivation de l’appareil sensoriel qui donne naissance à l’illusion favorise l’hallucination.

Les illusions peuvent toucher tous les sens.

Les illusions auditives sont par exemple des bruits mal définis pris pour des paroles. Lors des illusions optiques, les objets perçus sont altérés de diverses manières : l’image peut changer de taille, de position, de contour, de couleur, ou des rayons lumineux sont interprétés comme une auréole de Dieu, etc.

Hallucinoses :

Terme français désignant un phénomène de type hallucinatoire mais critiqué par le patient. Il n’y a pas d’adhésion du sujet, pas de conviction ni de certitude comme dans les hallucinations. Le phénomène hallucinatoire est parfois ressenti comme amusant, d’autres fois très anxiogènes ou même terrifiant. Les hallucinoses apparaissent en fin de journée, en période crépusculaire, se terminant en quelques secondes ou quelques minutes, elles récidivent dans la nuit et se reproduisent pendant des semaines ou des mois.

Le patient perçoit des animaux, des figures humaines ou des visions mobiles souvent colorées qui disparaissent à l’ouverture des yeux. Les patients croient souvent à leur réalité pendant l’épisode, mais admettent secondairement leur irréalité. Les causes sont surtout une atteinte vasculaire du tronc cérébral supérieur, les lésions occipitales ou temporales et les ophtalmopathies (syndrome de Charles Bonnet), parfois une intoxication ou une encéphalite.

Les hallucinoses sont donc un symptôme neurologique ayant une valeur de localisation précise.

L’hallucinose pédonculaire en est l’exemple le plus représentatif. Il s’agit de sujets qui, à la tombée de la nuit, mais à distance de l’endormissement, voient entrer dans leur chambre de petits animaux et de petits personnages, qui bougent discrètement et qui disparaissent quand on cherche à les toucher. Ces hallucinations peuvent être beaucoup plus élaborées, mais le patient reste persuadé de l’irréalité des faits.

Onirisme :

L’onirisme (ou métamorphopsies) associe aux hallucinations un vécu d’état de rêve et une perte des références spatio-temporelles entraînant une confusion mentale. Il s’agit donc d’une altération globale de l’expérience perceptive, où prédominent les illusions et les hallucinations visuelles, colorées et animées. S’y associent une suggestibilité importante, une prise du sujet dans l’action hallucinatoire où il se situe, avec hallucinations riches, projetées dans l’espace, représentatives, intégrées au monde extérieur.

La croyance du sujet est totale. L’onirisme fait de scènes souvent terrifiantes est fréquent dans les délires toxiques.

Au maximum, l’onirisme devient délire confusoonirique, expérience délirante et hallucinatoire des états confusionnels. Il comporte une succession d’hallucinations visuelles, d’images discontinues mobiles, kaléidoscopiques, chaotiques, à thèmes variés : érotiques, mystiques, professionnels, et parfois associées à des hallucinations tactiles. Le confus adhère complètement à son délire, qui est donc hallucinatoire vrai, et cette conviction délirante peut persister.

Interprétations :

Elles sont un jugement ou une intuition erroné sur une perception réelle. Par exemple, le sujet entend réellement dire dans la foule : « c’est une question insoluble », mais il pense que cette phrase parle de lui et signifie que ses ennemis cherchent à se débarrasser de lui. Autre cas : un sujet qui renifle une odeur de gaz de ville, ou bien ressent des nausées, en déduit que ses persécuteurs cherchent à l’empoisonner. Ou encore, une lumière qui s’allume en face le soir signifie qu’un amant fait signe à l’épouse.

Cependant, il est parfois difficile de distinguer précisément, surtout dans les délires de persécution, les intuitions délirantes, les illusions, les fausses perceptions et les interprétations délirantes.

Simulation :

Ce sont des sujets qui, la plupart du temps par intérêt, rapportent des hallucinations qu’ils n’ont jamais eues. Cette situation est fréquente dans le cadre d’expertises pénales. Mais la plupart du temps, le clinicien ne s’y fait pas prendre.

Imageries hypnagogique et hypnopompique :

La différence entre rêve et hallucination tient au fait que le sommeil sépare le dormeur du monde réel : il cesse de percevoir, il est privé des moyens d’agir. L’imagerie mentale du rêve se développe dans un espace abstrait, sans relation avec le monde réel. Cette imagerie prédomine lors des phases de sommeil paradoxal dont le tracé polygraphique est caractéristique. Ces phases mettent en jeu un dispositif particulier, le système des pointes ponto-géniculo-occipitales.

Ce dernier mécanisme peut échapper au contrôle qu’exerce sur lui le dispositif qui gouverne le sommeil, de telle sorte que, lors de l’endormissement (hallucinations hypnagogiques) ou au moment du réveil (hallucinations hypnopompiques), une imagerie mentale peut surprendre un sujet normal encore ou déjà éveillé. Bien plus, les sujets narcoleptiques en proie à des endormissements en sommeil paradoxal sont susceptibles de donner lieu, au cours de la journée, à de brefs épisodes hallucinatoires qui peuvent être d’une extrême vivacité.

Ce sont des scènes colorées, images sans scénario, qui apparaissent les yeux clos, qui durent quelques secondes ou minutent et disparaissent à l’ouverture des yeux ou à l’exercice. Elles n’ont pas de caractère angoissant.

Remémorations :

Le sujet vit une expérience d’altération perceptive globale, soit rêve éveillé, soit intuition inopinée que toute l’ambiance paraît étrange, suspecte, inquiétante, avec une menace diffuse, impossible à préciser, soit impression de déjà vu, où le sujet s’aperçoit qu’il a déjà vécu la situation dans laquelle il se trouve et qu’il sait ce qu’il va se passer, mais avec un sentiment de malaise. Dans ces cas, le niveau de vigilance est toujours modifié.

DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE :

Complexe dans son mécanisme, divers dans son contenu et dans la signification que le patient lui confère, le phénomène hallucinatoire a des causes multiples.

Peut-on être halluciné sans être malade mental ? Oui.

Tout patient souffrant d’hallucinations, quel que soit leur type, et surtout au début, doit bénéficier d’un examen médical approfondi et en particulier d’un examen neurologique précis, complété par un examen ophtalmologique, un électroencéphalogramme (EEG), un scanner cérébral et un bilan biologique.

La neurochimie a montré qu’un certain nombre de molécules (en particulier la sérotonine) peut déterminer chez l’homme des altérations de l’expérience vécue telles que des illusions perceptives, des métamorphopsies et des hallucinations sensorielles.

La neurologie clinique et la neurochirurgie ont établi le rapport entre des aires corticales sensorielles ou sensitives et des hallucinations élémentaires, et aussi entre divers types d’état de rêve et le lobe temporal. Mais ceci n’apporte aucune explication quant aux hallucinations auditives des délires aigus ou chroniques.

IMAGERIE CÉRÉBRALE DES HALLUCINATIONS :

La production d’une image mentale est associée à l’activation d’une constellation défi nie d’aires corticales et de formations sous-corticales dont les techniques d’imagerie fonctionnelle ont démontré la spécificité.

Phénomène subjectif, aléatoire et éphémère, l’hallucination se prête mal à de telles corrélations.

Néanmoins, il est établi que sa survenue correspond à l’activation du cortex associatif, voire du cortex primaire, dans le dispositif sensoriel correspondant.

Hors du moment où survient l’hallucination, les techniques d’imagerie peuvent déceler des anomalies du fonctionnement cérébral qui prédisposent aux hallucinations. Les hallucinations acousticoverbales des schizophrènes ont été étudiées sous cet angle.

L’imagerie fonctionnelle a montré l’influence de

l’attention accordée par le sujet à un événement sensoriel qu’il attend ainsi que l’interférence des déterminants affectifs.

Désormais, il n’est plus possible de traiter les hallucinations sans se référer au dysfonctionnement du cerveau qui préside à leur survenue.

La thématique des hallucinations semble souvent liée à l’histoire et à la mémoire du sujet.

Cependant, les mécanismes cérébraux favorisant l’apparition d’hallucinations chez tel sujet et pas chez tel autre et la modalité sensorielle dans laquelle elles surviennent peuvent être mieux compris à la lumière des résultats récents de l’imagerie cérébrale. Ces informations nouvelles sont indispensables pour la mise au point et l’évaluation à court terme de nouvelles stratégies thérapeutiques. Il pourrait s’agir d’évaluer des effets pharmacologiques, mais aussi certaines formes de psychothérapies, ou de favoriser l’émergence de nouvelles méthodes thérapeutiques.

CONCLUSION :

La connaissance que nous avons de nous-mêmes et du monde est fondée sur la synthèse d’informations issues de nos organes des sens.

Halluciner, c’est se tromper soi-même sur l’état du monde ou sur l’état de notre corps.

Le phénomène hallucinatoire, compte tenu de la grande diversité de ses modalités, ne peut avoir d’explication univoque. Ainsi, les présentations cliniques très variées, les nombreuses circonstances d’apparition et les conséquences pour le sujet et son entourage font des phénomènes hallucinatoires un domaine d’étude important.

Une bonne connaissance des manifestations hallucinatoires et de leurs particularités dans la pathologie psychotique aiguë et chronique contribue au diagnostic et oriente la stratégie thérapeutique. Par ailleurs, la relation possible entre hallucinations et certains passages à l’acte auto- ou hétéro-agressifs est bien connue : délire des actes du confus en proie à des hallucinations visuelles terrifiantes et menaçantes, gestes accomplis lors d’une bouffée délirante aiguë ou par un délirant chronique sous l’emprise ou la dictée d’hallucinations auditives ou d’un automatisme psychomoteur.

Les récents progrès de l’imagerie fonctionnelle cérébrale et ses applications cliniques permettront peut-être une avancée rapide dans ce champ. L’intérêt en sera au moins double : compréhension des mécanismes neurobiologiques impliqués et surtout possibilité de tester de nouvelles hypothèses pour le développement de nouvelles molécules actives sur les hallucinations.

Quoi qu’il en soit, le diagnostic d’hallucinations établi, il relève d’une prise en charge spécialisée, qu’elle soit neurologique ou psychiatrique.

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