L’interrogatoire et l’examen complet sont indispensables pour déterminer l’étiologie. Sont particulièrement discriminants :
– l’âge et le sexe du patient ;
– la courbe thermique ;
– l’horaire des arthralgies : la survenue nocturne ou au petit matin, la notion de dérouillage matinal sont très évocatrices d’arthralgies inflammatoires ;
– le siège des articulations touchées de façon prédominante (petites articulations des extrémités, grosses articulations proximales, rachis et/ou sacro-iliaques, etc.) ;
– les signes d’arthrite à l’examen et, en particulier, l’existence d’un épanchement ponctionnable (principalement des genoux) ; s’il existe plus de 2 000 éléments/mm3 dans le liquide de ponction, il s’agit d’un rhumatisme inflammatoire ou d’une infection ; le liquide synovial peut également contenir des cristaux (principalement de pyrophosphate de calcium ou d’acide urique).
L’examen clinique est complété par la biologie à la recherche d’une hyperleucocytose et/ou d’un syndrome inflammatoire [VS, C réactive protéine (CRP), fibrinémie, haptoglobinémie, ferritinémie].
En cas de syndrome inflammatoire, la procalcitonine peut aider à distinguer les infections bactériennes (procalcitonine > 0,5 ng/mL) des rhumatismes inflammatoires non infectieux.
La démarche diagnostique en présence d’un patient polyarthralgique englobe pratiquement toute la rhumatologie. Elle est différente selon qu’il existe ou non des arthrites et/ou un syndrome inflammatoire.
DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE EN PRÉSENCE D’ARTHRITES INFLAMMATOIRES :
Il importe de distinguer les arthrites d’origine infectieuse, et en particulier bactériennes, qui vont nécessiter un traitement antibiotique, et les arthrites inflammatoires non infectieuses.
Rappelons qu’il faut à tout prix éviter de prescrire des antibiotiques avant les prélèvements bactériologiques.
Arthrites inflammatoires d’origine infectieuse :
Arthrites bactériennes septiques :
Ce sont essentiellement des monoarthrites, mais on observe des arthrites septiques multiples au cours des septicémies à streptocoque, à staphylocoque ou à gonocoque.
Il s’agit plus souvent d’arthrites réactionnelles : la ponction articulaire ne révèle pas de germe.
En France hexagonale, le rhumatisme articulaire aigu a pratiquement disparu.
La brucellose est devenue une maladie rare, en dehors des expositions professionnelles.
En cas de cardiopathie valvulaire, connue ou dépistée sur une échographie systématique, l’endocardite d’Osler doit être attentivement recherchée : existe-t-il des embolies artérielles ou des végétations valvulaires en échographie ? Les hémocultures sont-elles positives ?
La maladie de Lyme est évoquée en cas de morsure de tique (retrouvée dans 50 % des cas) ou d’éruption cutanée d’un membre à type d’erythema chronicum migrans) ou de radiculalgies.
Traitement : amoxicilline (2 à 3 g/j, 2 semaines) ou rocéfine (1 g/j IV [intraveineuse] ou IM [intramusculaire], 2 semaines).
Les arthrites réactionnelles à une infection génitale à Chlamydiae font partie du tableau du syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter (rechercher une diarrhée, une conjonctivite et des douleurs siégeant préférentiellement au rachis et aux sacro-iliaques).
Les arthrites réactionnelles à une infection à mycoplasmes ou à Ureaplasma urealyticum sont rares.
Les arthrites réactionnelles à porte d’entrée digestive (Shigella fl exneri, Salmonella enteriditis, Yersinia enterocolitica, Clostridium diffi cile, etc.) sont également rares.
Cas particulier : la maladie de Whipple. Le germe (Trophyrema whippeli) est parfois retrouvé dans la ponction articulaire. Le diagnostic est suspecté s’il existe une diarrhée, une uvéite ou des troubles neurologiques centraux.
Arthrites réactionnelles d’origine parasitaire :
Elles sont exceptionnelles, et peuvent s’observer au cours des filarioses (loase).
Arthrites inflammatoires d’origine virale :
Il faut en premier lieu penser au parvovirus B19. Il s’agit habituellement d’oligo-arthrites touchant préférentiellement les genoux, et ceci chez la mère ou dans l’entourage d’un petit enfant qui vient de faire une maladie éruptive.
La présence d’anticorps de type IgM permet de retenir le diagnostic.
Les arthrites révélatrices d’une contamination par le virus de l’hépatite B ( HBV) sont classiques ; elles s’accompagnent souvent des autres éléments de la triade de Caroli (urticaire et céphalées).
Les infections à EBV (Epstein Barr Virus) ou CMV (Cytomégalovirus) peuvent s’accompagner d’arthralgies. L’existence d’altérations biologiques hépatiques est un élément d’orientation important.
Les oligo-arthrites à virus HTLV1 (Human T cell Leukemia/lymphoma Virus) sont beaucoup plus rares, mais doivent être évoquées chez des patients (des femmes essentiellement) originaires des Antilles, du Japon, voire de la Réunion ou d’Afrique Noire.
Arthralgies inflammatoires non infectieuses :
Elles doivent faire dérouler « une check list » de maladies systémiques dont la fréquence varie selon l’âge de survenue des arthralgies.
Chez le sujet jeune :
On recherche en premier lieu 4 groupes de maladies systémiques : les connectivites, la spondylarthrite ankylosante (SPA) et le rhumatisme psoriasique, les angéites, la sarcoïdose.
La maladie de Still est un diagnostic d’exclusion.
Connectivites :
Par convention, on classe au sein des connectivites : le lupus érythémateux systémique (LES), la polyarthrite rhumatoïde (PR), le syndrome de Gougerot Sjögren, la sclérodermie systémique.
La recherche d’anticorps spécifiques va aider considérablement au diagnostic (tableau I).
Lupus érythémateux systémique ( LES) :
Le LES est évoqué en premier lieu chez une jeune femme (sex ratio = 8/1) se plaignant d’arthralgies inflammatoires des poignets et des mains (métacarpophalangiennes et interphalangiennes proximales), surtout s’il existe des éruptions érythémateuses du visage ou des muqueuses et une photosensibilité. Les arthrites du lupus sont dites non érosives : radiographies des mains normales.
S’il existe des déformations des doigts, elles sont réductibles, c’est le rhumatisme de Jaccoud.
Les atteintes viscérales les plus caractéristiques sont :
– les p leuropéricardites ;
– la p rotéinurie et l’hématurie ;
– les c rises convulsives.
L’hémogramme peut montrer :
– une anémie hémolytique à Coombs positif ; – une thrombopénie périphérique (associée à l’anémie hémolytique, elle constitue le syndrome d’Evans) ;
– une leucopénie portant sur les neutrophiles et/ou les lymphocytes.
Des anticorps antiphospholipides sont trouvés chez plus d’un tiers des lupiques.
Les critères diagnostiques du LES ont été revus par l’ACR (American College of Rheumatology), en 1997 :
– érythème malaire (vespertilio) ;
– lupus discoïde ;
– photosensibilité ;
– ulcérations buccales ou nasopharyngées ;
– arthrites non érosives ;
– pleurésie et/ou péricardite ;
– protéinurie > 0,5 g/24 h ;
– convulsions ou psychose ;
– hémolyse auto-immune et/ou leucopénie et/ou lymphopénie et/ou thrombopénie (< 100 000/mm3) ;
– anticorps antinucléaires ;
– anticorps anti-ADN ou anticorps anti-Sm ou
anticorps antiphospholipides (anticorps anticardiolipine, anticoagulant circulant lupique, sérologie dissociée du tréponème).
Traitement : l’escalade thérapeutique en matière de LES est assez bien codifiée (tableau II).
Polyarthrite rhumatoïde :
C’est la plus fréquente des connectivites. Elle touche essentiellement la femme, mais commence habituellement un peu plus tard dans la vie que le LES. Au début, les arthralgies inflammatoires des mains ressemblent à celles du LES ; la recherche des auto-anticorps est discriminante, en sachant que l’apparition du facteur rhumatoïde est souvent retardée de quelques mois ; les anticorps antipeptides cycliques citrullinés (anti-CCP, ex anticorps antikératine) sont très spécifiques, mais peu sensibles (retrouvés chez moins de la moitié des patientes).
Traitement (tableau III) : les biothérapies permettent de prévenir l’apparition des déformations articulaires irréductibles et des lésions osseuses caractéristiques (géodes, pincements articulaires, carpite fusionnante, etc.). Leurs inconvénients sont un risque d’infections opportunistes (en particulier la tuberculose) et un coût élevé (environ 12 000 € par an).
Syndrome de Gougerot-Sjögren (GS) :
Pratiquement aussi fréquent que la PR (2 % de la population), il s’observe surtout chez la femme après 40 ans. Il peut être associé à une autre connectivite. Les arthralgies sont souvent au second plan, les patientes étant surtout gênées par une sécheresse oculaire (impression de sable sous les paupières) et/ou buccale (un sucre placé sous la langue fond en plus de 3 min).
Les éléments objectifs du diagnostic sont :
– la présence des auto-anticorps spécifiques (anti SSA et anti SSB) ;
– la positivité de la biopsie labiale (au moins un infiltrat de 50 lymphocytes par champ dans les glandes salivaires accessoires : stade de Chisholm III ou IV).
Des sialadénites lymphocytaires proches du GS peuvent être secondaires à une infection virale : virus de l’hépatite C, VIH (virus de l’immunodéficience humaine) et un autre rétrovirus fréquent aux Antilles et en Asie, le HTLV-I.
La gravité du GS est liée à la survenue (rare) de complications viscérales :
– tubulopathie avec hypokaliémie, hypophosphorémie et ostéomalacie ;
– neuropathie périphérique sensitive ;
– manifestations neurologiques centrales et psychiatriques ;
– pneumopathie interstitielle.
De plus, la survenue d’un lymphome (en particulier salivaire) est plus de 40 fois plus fréquente que dans la population générale.
La base du traitement comporte :
– des collyres pour lutter contre la sécheresse oculaire ;
– la pilocarpine en potion ou en comprimés de Salagen (chers et non remboursés) ;
– l ’hydroxychloroquine (Plaquenil®), 200 à 400 mg/j, avec surveillance oculaire et de l’ECG (risque de troubles de conduction).
Sclérodermie systémique (SDS) :
Elle débute, dans 90 % des cas, par un phénomène de Raynaud qui peut la précéder de plus de 10 ans (mégacapillaires en capillaroscopie) ; des polyarthralgies peuvent accompagner l’apparition de la sclérose cutanée. Dans les zones atteintes, il est difficile de pincer la peau entre 2 doigts.
Selon le siège de cette sclérose, on distingue :
– les a croscléroses qui touchent seulement les extrémités (dont le visage) ;
– et les SDS diffuses qui atteignent la racine des membres et/ou le tronc.
Parmi les acroscléroses, on individualise le CREST syndrome : calcinose sous-cutanée (C), phénomène de Raynaud (R), atteinte oesophagienne (E), sclérodactylie (S), télangiectasies (T). Le CREST syndrome doit faire craindre une hypertension artérielle pulmonaire ( HTAP), mais la pratique d’échocardiographies systématiques a montré que la prévalence de l’HTAP est inférieure à 10 %.
Le pronostic du CREST est bien meilleur que celui de la SDS diffuse qui expose à 4 types d’atteintes viscérales :
– digestives (l’oesophage, mais aussi l’intestin grêle) ;
– pulmonaires ( fibrose alvéolo-interstitielle qui peut évoluer vers un cancer bronchopulmonaire) ;
– cardiaques (cardiomyopathie restrictive) ;
– et surtout rénales ( crise rénale sclérodermique, oligoanurique, avec insuffisance rénale très rapidement progessive nécessitant un traitement d’urgence par les inhibiteurs de l’enzyme de conversion).
En principe, les anticorps anticentromères sont spécifiques du CREST et les anti-Scl 70 ou antitopoisomérase sont spécifiques des SDS diffuses, ces anticorps s’excluant l’un l’autre.
Les caractéristiques du syndrome de Shulman, ou fasciite avec hyperéosinophilie, sont :
– fibrose sous-cutanée diffuse ;
– survenue souvent après un effort inhabituel ;
– absence de phénomène de Raynaud, capillaroscopie normale et pratiquement pas d’atteinte viscérale ;
– gêne du patient par des rétractions tendineuses (fléchisseurs des doigts surtout) ;
– risque essentiel : a plasie médullaire.
Syndrome de Sharp :
C’est une connectivite qui associe cliniquement un phénomène de Raynaud, des arthralgies des mains et des doigts boudinés. La capillaroscopie montre des mégacapillaires et des dystrophies capillaires ramifiées caractéristiques. Ces patients ont des anticorps anti-ECT particuliers, antiribonucléoprotéine (anti-RNP), qui ont beaucoup de valeur s’ils sont isolés.
* Spondylarthrite ankylosante (SPA) :
La SPA est recherchée chez un sujet jeune se plaignant de douleurs rachidiennes d’horaire inflammatoire ; les douleurs au milieu de la fesse en milieu ou en fi n de nuit et les talalgies sont très évocatrices. On peut observer de la fièvre et un syndrome inflammatoire biologique.
La découverte de l’antigène leucocytaire HLA B27 et la constatation d’une irrégularité des sacro-iliaques avec condensations des berges ou aspect microgéodique permettent d’affirmer le diagnostic. L’existence d’une diarrhée associée doit faire rechercher un syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter mais aussi une maladie inflammatoire du tube digestif ( Crohn ou rectocolite hémorragique). Lorsque le diagnostic de SPA est établi, la surveillance cardiologique doit être particulièrement attentive : ECG au moins une fois par an à la recherche d’un trouble de conduction (6 à 10 % des cas), auscultation et échocardiographie à la recherche d’une insuffisance aortique (3 % des cas).
Traitement de première intention : anti-inflammatoires non stéroïdiens ( AINS). La SPA reste une des dernières indications de la phénylbutazone, dont l’efficacité spectaculaire peut être considérée comme un test diagnostique.
Traitement de seconde intention : méthotrexate (7,5 mg à 15 mg un jour par semaine, IM ou per os) avec prescription de la même dose de Spéciafoldine® 48 heures plus tard.
Des uvéites antérieures peuvent également compliquer l’évolution et nécessiter un traitement local en urgence.
En cas de diarrhée :
– traitement de première intention : Salazopyrine® (3 g/j) (dans notre expérience, efficacité du traitement de fond plus variable qu’avec le méthotrexate) ;
– traitement de seconde intention : anti-TNF ; la posologie de l’infliximab ( Rémicade®) est plus élevée qu’au cours de la PR : 5 mg/kg par perfusion au lieu de 3 mg/kg.
De la SPA, on peut rapprocher le SAPHO (syndrome acné-pustulose-hyperostose-ostéite).
L’acné est souvent sévère de type conglobata ; la pustulose touche en particulier les paumes et les plantes ( bactérides d’Andrews), l’atteinte des articulations sternoclaviculaires est très caractéristique, et la scintigraphie osseuse permet de la mettre en évidence.
* Rhumatisme psoriasique :
Il touche en particulier les genoux et les pieds (orteil en saucisse), il peut également être axial.
Le psoriasis est parfois très discret, il faut savoir rechercher des lésions dans le cuir chevelu ou sur les ongles. Ce rhumatisme psoriasique peut s’accompagner d’anticorps anti-CCP, d’où de possibles difficultés diagnostiques avec la PR.
Le traitement est proche de celui de la SPA ; les anti-TNF peuvent être utilisés dans les formes sévères.
* Angéites :
Des polyarthralgies inflammatoires peuvent être le mode de révélation d’une vascularite.
Il faut distinguer les artérites inflammatoires des gros troncs artériels et les artériolites touchant des vaisseaux de moins d’1 mm de diamètre.
Artérites inflammatoires des gros troncs artériels :
Les vascularites des gros vaisseaux du sujet jeune sont essentiellement l’artérite de Takayasu et la maladie de Behçet.
Dans l’artérite de Takayasu, les arthralgies surviennent essentiellement à la phase systémique de la maladie, alors qu’il n’y a pas encore d’occlusion artérielle. À ce stade, il peut exister également un érythème noueux ou une épisclérite.
À la phase vasculaire, retardée en général de 4 à 5 ans par rapport aux premiers symptômes, le diagnostic d’artérite de Takayasu est évoqué en présence :
– d’une atteinte aortique ( HTA rénovasculaire, anévrisme de l’aorte descendante, insuffisance aortique) ;
– ou d’une grosse branche de l’aorte (claudication à l’effort d’un membre supérieur, abolition d’un pouls radial, etc.).
En présence d’une atteinte artérielle, il faut 3 critères parmi les 6 suivants pour retenir le diagnostic :
– sexe féminin ;
– âge de début avant 40 ans ;
– absence de facteur de risque vasculaire ;
– syndrome inflammatoire biologique ;
– anévrisme ou sténose de l’aorte descendante ;
– sténose ou occlusion de la sous-clavière postvertébrale.
La maladie de Behçet est une vascularite qui touche les veines dans 1/3 des cas et les artères dans moins de 10 % des cas. Les arthralgies intéressent surtout les genoux. L’aphtose buccale est indispensable au diagnostic. Les autres critères diagnostiques sont l’aphtose génitale, les atteintes oculaires ( uvéite, rétinite), les lésions cutanées (pseudofolliculite, érythéme noueux, hyperergie cutanée).
Artériolites inflammatoires :
On distingue celles qui s’accompagnent d’anticorps anticytoplasme des polynucléaires (ANCA) et les autres.
Les vascularites qui s’accompagnent habituellement d’ANCA sont : la granulomatose de Wegener, la polyangéite microscopique et moins souvent l’angéite allergique de Churg et Strauss.
Les polyarthralgies sont un mode de révélation fréquent de la granulomatose de Wegener. Les éléments d’orientation sont :
– la sinusite chronique ;
– les otalgies et les otites purulentes ;
– l’épisclérite ;
– l’existence de nodules pulmonaires excavés en tomodensitométrie ;
– une hématurie macroscopique et/ou une protéinurie ;
– une insuffisance rénale rapidement progressive.
Le traitement est urgent et repose en première intention sur la prednisone (Cortancyl®) et le cyclophosphamide ( Endoxan®) en bolus mensuels de 700 mg/m2 ou bimensuels.
La périartérite noueuse classique s’accompagne rarement d’ANCA, et elle est rarement révélée par des arthralgies ; le meilleur signe d’orientation est la multinévrite, présente chez deux tiers des malades.
Le purpura rhumatoïde s’observe surtout chez l’enfant ou l’adulte jeune ; il est révélé par les arthralgies qui prédominent aux membres inférieurs et un purpura dit vasculaire car infiltré et prédominant dans les régions déclives. Les douleurs abdominales (parfois accompagnées de rectorragies) et l’hématurie microscopique ou macroscopique complètent le tableau clinique.
La biopsie cutanée et, si besoin, la biopsie, rénale (néphropathie à IgA) permettent d’affirmer le diagnostic.
* Sarcoïdose :
Elle peut être révélée par des arthralgies inflammatoires, principalement des chevilles.
Lorsqu’elles s’accompagnent d’un érythème noueux des membres inférieurs et d’adénopathies médiastinales, elles constituent le syndrome de Löfgren. Le diagnostic repose sur la biopsie labiale (à la recherche d’un granulome épithélioïde) et la fibroscopie bronchique avec biopsies bronchiques et lavage alvéolaire (l’hyperlymphocytose au lavage étant très évocatrice).
La mesure de l’enzyme de conversion de l’angiotensine a peu de valeur diagnostique car son taux est très variable chez le sujet normal, mais si elle est élevée, elle constitue un bon marqueur d’évolutivité.
Le traitement repose uniquement sur les AINS, dans les formes bénignes avec explorations fonctionnelles respiratoires normales.
En cas d’atteinte parenchymateuse pulmonaire ou d’atteintes viscérales sévères (cardiomyopathie, méningite ou atteinte neurologique centrale, hépatosplénomégalie), la prednisone est indiquée (1 mg/kg/j), et il faut faire souvent appel aux immunosuppresseurs ( méthotrexate essentiellement).
* Maladie de Still :
Lorsque cette check-list est négative, on doit évoquer en présence de polyarthralgies inflammatoires chez un sujet jeune le diagnostic de maladie de Still, qui :
– commence souvent par une pharyngite ;
– puis associe :
– une fièvre élevée avec pics thermiques vespéraux à 39 °C ou plus,
– des arthralgies très inflammatoires (en particulier des mains et du carpe, des genoux, des chevilles),
– et moins fréquemment des éruptions cutanées très fugaces, pseudo-urticariennes.
La biologie montre essentiellement une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles et une hyperferritinémie souvent considérable (> 1 000 ng/mL) avec diminution du pourcentage de ferritine glyquée. Si la ferritine est très élevée, on doit craindre un syndrome d’activation macrophagique ( SAM) dont les autres critères sont : une cytopénie portant sur au moins 2 lignées, une élévation des transaminases, des LDH (lactate déshydrogénases), des triglycérides.
L’escalade thérapeutique comporte : les AINS ( indométacine à la posologie de 100 à 150 mg/j), la prednisone (1 mg/kg/j), le méthotrexate (15 à 20 mg/semaine), les immunoglobulines intraveineuses, les anti-TNF (voir le traitement de la PR) ou la thalidomide (100 mg/j) qui a une activité anti-TNF.
Chez le sujet âgé :
Tous les diagnostics évoqués chez le sujet jeune peuvent également être discutés, en particulier le GS et la maladie de Wegener, mais il faut avant tout évoquer les 3 rhumatismes microcristallins et la pseudopolyarthrite rhizomélique, avec ou sans artérite de Horton.
* Trois rhumatismes microcristallins :
Ce sont : la goutte, la chondrocalcinose et le rhumatisme à hydroxyapatite.
Goutte :
Le diagnostic de goutte est facile chez le patient qui a une crise nocturne du gros orteil et qui a déjà fait des coliques néphrétiques par lithiase urique. Il peut être beaucoup plus difficile en cas de goutte pseudophlegmoneuse (du carpe en particulier) ou de polyarthralgies.
Les critères diagnostiques essentiels sont :
– la mise en évidence de tophi (sur le cartilage de l’oreille ou les doigts principalement) contenant des cristaux d’acide urique ;
– et l’hyperuricémie.
En cas de goutte très sévère avec lithiase urique et hyperuraturie majeure chez un homme, on pourra rechercher un défi cit génétique en hypoxanthine guanine phosphoribosyl transférase (HGPRT).
Le traitement repose sur la colchicine (2 à 3 mg/j) au moment des accès et sur l’allopurinol en traitement de fond (en maintenant la colchicine à la dose d’1 mg/j pendant les premières semaines de ce traitement).
Chondrocalcinose :
La crise aiguë de chondrocalcinose touche :
– essentiellement les genoux (la ponction articulaire va permettre de mettre en évidence des cristaux de pyrophosphate de calcium) ;
– les carpes ou les hanches.
Une forme très atypique est le syndrome de la dent couronnée par atteinte de l’odontoïde, qui peut en imposer pour une méningite ou une spondylodiscite. C’est la tomodensitométrie du rachis cervical qui fait le diagnostic.
Les formes polyarticulaires peuvent s’accompagner d’un décalage thermique et d’un syndrome inflammatoire biologique.
Le traitement d’épreuve est la colchicine, avec ou sans AINS.
* Rhumatisme à hydroxyapatite :
Les douleurs du rhumatisme à hydroxyapatite sont plus péri-articulaires qu’articulaires. Le diagnostic ne peut être retenu que s’il existe des calcifications tendineuses multiples sur les clichés des parties molles.
Pseudopolyarthrite rhizomélique ( PPR) :
La PPR ne s’observe qu’après 55 ans. Les douleurs d’horaire inflammatoire touchent les épaules et les hanches, mais aussi les bras et les cuisses. Il existe un important dérouillage matinal.
Le syndrome inflammatoire biologique est quasi constant. Les radiographies articulaires sont normales, de même que la biopsie musculaire s’il l’on se contente des colorations habituelles.
La PPR peut être associée à une artérite temporale de Horton ; à la moindre céphalée ou au moindre trouble visuel, une biopsie d’artère temporale est indiquée (au moins 3 cm, en commençant par le côté douloureux).
Le traitement repose sur la corticothérapie à une posologie variable :
– 20 à 30 mg/j de prednisone en cas de PPR simple ;
– 0,7 mg/kg/j en cas de Horton associé ;
– 1 mg/kg/j si ce Horton s’accompagne de troubles visuels.
Chez les patients âgés, il faut associer systématiquement du calcium et de la vitamine D à la prednisone, voire recourir à un traitement par biphosphonates comme le Fosamax 70 ou l’Actonel 35 une fois par semaine. Il est inutile de donner un protecteur gastrique ou du potassium.
En cas de Horton, il est prudent de prescrire de l’aspirine (75 à 150 mg/j) ou même un antivitamine K en début de traitement, pour éviter les complication coronariennes et les accidents vasculaires cérébraux.
L’existence d’arthralgies des extrémités associées à des oedèmes et à un syndrome inflammatoire biologique chez un patient âgé défi nit le RS3 PE (pour remitting symmetrical seronegative synovitis with pitting edema). Pour certaines équipes, ce rhumatisme inflammatoire, très corticosensible, n’est qu’une forme périphérique de la PPR.
DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE EN L’ABSENCE DE SIGNES INFLAMMATOIRES :
La survenue d’arthralgies diffuses doit faire discuter dans cet ordre : les médicaments, les arthropathies métaboliques, un problème endocrinien, l’arthrose et la fibromyalgie.
Arthralgies iatrogènes :
Beaucoup de médicaments ont été accusés d’entraîner des arthralgies, et les principaux sont :
– les antibiotiques (quinolones, cyclines, rimifon) ;
– les statines (myalgies fréquemment associées) ;
– les biphosphonates ;
– les corticoïdes (rechercher des ostéonécroses aseptiques) ;
– les anticancéreux ( inhibiteur de l’aromatase) ;
– les antiviraux (inhibiteur de protéase : Crixivan) ;
– les a ntithyroïdiens de synthèse ;
– les a ntivitamine K ;
– l’allopurinol ;
– la sulfasalazine ;
– les vaccins (antirubéolique, BCG intravésical) ;
– les biothérapies (interféron α et β, interleukine 2, etc.)
Le tableau clinique peut être d’autant plus trompeur que certains de ces médicaments sont utilisés pour traiter des arthralgies (corticoïdes, sulfasalazine, allopurinol, etc.).
En cas de doute, il est préférable d’interrompre, au moins transitoirement, le médicament suspect avant de se lancer dans des explorations longues et astreignantes.
Arthropathies métaboliques :
Les principales sont celles de l’hémochromatose génétique par mutation C 282 Y homozygote du gène HFE (porté par le chromosome 6). Les articulations le plus souvent touchées sont les métacarpophalangiennes (2e et 3e doigts). La poignée de main est douloureuse (c’est « la main de fer », fréquente en Bretagne). Les radiographies des mains sont caractéristiques. Le diagnostic est fait en mesurant le coefficient de saturation de la transférine (> 45 %) et la ferritinémie (> 500 ng/mL).
Les saignées rapprochées (une par semaine au début) permettent d’éliminer le fer, mais améliorent rarement les arthralgies de l’hémochromatose.
Endocrinopathies :
Peuvent s’accompagner d’arthralgies diffuses :
– l ’acromégalie : arthralgies fréquentes, en particulier des mains ; une hyperphosphorémie peut être un signe biologique évocateur, mais il faut doser l’hormone de croissance (GH) et la somatomédine (ou IGF-1) ;
– la ménopause mais aussi l’arrêt d’un traitement hormonal substitutif (THS) ou la prescription d’une anti-aromatase en cas de cancer du sein : arthralgies en particulier des mains. La régression des douleurs sous THS (si possible) permet de confirmer le diagnostic.
Arthrose :
Les poussées d’arthrose peuvent intéresser en même temps plusieurs articulations (doigts, genoux, hanches), et s’accompagner de signes inflammatoires objectifs. L’histoire personnelle et familiale du patient et surtout les radiographies sans préparation permettent le diagnostic.
Fibromyalgie :
En cas d’arthralgies multiples non expliquées et parfois très invalidantes, après de nombreuses consultations (plus souvent une femme), on doit évoquer la fibromyalgie (ou syndrome polyalgique idiopathique diffus). Le diagnostic repose sur :
– des douleurs plutôt périarticulaires qu’articulaires (enthésopathies) ;
– l’absence de signes inflammatoires ;
– des douleurs parfois très intenses à la pression des insertions tendineuses ;
– une constipation ou une colopathie et une fatigue chronique (voir chapitre Algies diffuses).