Attention :
• Ne pas méconnaître le diagnostic devant une dyspnée peu invalidante ou asthmatiforme.
• Le diagnostic est échocardiographique et biologique (dosage du NT-proBNP) ++.
• Le traitement est symptomatique et étiologique
• Les IEC et les diurétiques constituent le traitement de première intention, dès le stade II NYHA.
• Les bêta-bloquants à dose adaptée doivent être prescrits largement (avis spécialisé).
• En cas de décompensation, rechercher et traiter une ischémie, une embolie pulmonaire, un trouble du rythme (fibrillation auriculaire ++), une infection respiratoire, un écart de régime, une anémie, une hyperthyroïdie, une prise de substance inotrope négative, une inobservance thérapeutique…
Diagnostic :
Insuffisance cardiaque gauche (ICG) :
dyspnée d’effort, dyspnée de repos, dyspnée de décubitus (orthopnée), voire paroxystique nocturne ; asthénie, pâleur, oligurie.
Insuffisance cardiaque droite (ICD) :
oedèmes des membres inférieurs, hépatalgies d’effort ou postprandiales.
Classification de la New York Heart Association (1994) de la capacité fonctionnelle (classes I à IV) et évaluation objective (paraclinique, stade A à D) des patients :
– classe I : cardiopathie présente (par exemple à l’échographie), mais sans limitation des activités physiques (asymptomatique),
– classe II : cardiopathie entraînant une légère limitation des activités physiques (dyspnée pour des efforts plus importants que l’activité ordinaire),
– classe III : cardiopathie entraînant une limitation marquée des activités physiques (habillage, toilette, vie quotidienne…),
– classe IV : cardiopathie empêchant toute activité physique, gêne même au repos s’aggravant au moindre effort,
– stade A : aucune évidence objective de cardiopathie,
– stade B : signes objectifs d’une cardiopathie « minime »,
– stade C : signes objectifs d’une cardiopathie « modérément sévère »,
– stade D : signes objectifs d’une cardiopathie « sévère ».
Examen physique :
tachycardie ++ (sauf traitement bradycardisant), signes d’ICG (galop gauche, souffle d’insuffisance mitrale fonctionnelle, éventuellement signes de la valvulopathie causale, crépitants bilatéraux), signes d’ICD (oedèmes déclives, turgescence jugulaire, reflux hépato-jugulaire, hépatomégalie parfois pulsatile, souffle d’insuffisance tricuspide fonctionnelle), signes d’hypertension artérielle pulmonaire (éclat de B2 au foyer pulmonaire), parfois lame d’épanchement pleural.
Examens complémentaires :
— ECG : ne donne pas le diagnostic… mais éventuellement les signes associés ou étiologiques: tachycardie sinusale, troubles du rythme (extrasystoles, fibrillation auriculaire), hypertrophie cavitaire, signes ischémiques (nécrose ancienne, ischémie sous-épicardique…), troubles conductifs (bloc auriculoventriculaire, bloc de branche).
— Radiographie thoracique : cardiomégalie ou non, redistribution vasculaire vers les sommets, lignes de Kerley, oedème interstitiel ou même alvéolaire, pleurésie.
— Surtout échocardiographique : confirme le diagnostic d’insuffisance cardiaque
1/ soit systolique en objectivant un abaissement de la fraction d’éjection +++ du VG,
2/ soit diastolique (troubles du remplissage du VG, profil restrictif du flux mitral),
3/ et évalue la dilatation des cavités (OG, VG), l’épaisseur des parois, l’existence/l’importance de troubles cinétiques ou d’une valvulopathie, notamment l’insuffisance tricuspide qui permet d’évaluer la pression artérielle pulmonaire (et donc la tolérance d’une cardiopathie gauche).
— Biologique : le dosage plasmatique du brain natriuretic factor (NT-proBNP) apporte un argument diagnostique s’il est très élevé.
— Un test d’effort léger ou un enregistrement Holter, selon le cas, évaluent l’importance des troubles du rythme, parfois paroxystiques et parfois graves, aux deux étages.
Traitement non pharmacologique :
Régime sans sel : d’autant plus strict que l’IC est grave, permet la diminution des signes congestifs ; éviter le sel à table, charcuteries, biscuits apéritif, conserves, fromages… éventuellement sel potassique type XAL ou sel BOUILLET.
Activité physique : l’alitement n’est conseillé qu’au cours des épisodes de décompensation ; pour lutter contre le déconditionnement, des exercices physiques réguliers de faible intensité (marche) sont préconisés, les exercices vigoureux sont à éviter.
Lutte contre l’obésité et les autres facteurs de risque.
Arrêt du tabac.
Traitement étiologique : traitement d’une arythmie atriale, correction d’une valvulopathie, revascularisation myocardique par pontage et/ou angioplastie d’une cardiopathie ischémique ; dans certains cas dépassés : transplantation, assistance ventriculaire externe à envisager…
Vaccinations antigrippale et antipneumococcique.
Traitement pharmacologique :
Principes de prescription d’un IEC : éviter une diurèse excessive préalable, arrêter les diurétiques 24 h avant ; instaurer le traitement le soir au coucher pour éviter l’hypotension ; commencer par de faibles doses ; surveiller la pression artérielle très fréquemment, le ionogramme et la créatininémie tous les 5 à 7 jours au début ; éviter les diurétiques épargneurs de potassium, les anti-inflammatoires non stéroïdiens ; les posologies-cibles des IEC dans l’IC, à atteindre si la pression artérielle le permet, sont : LOPRIL [captopril] 150 mg par jour, RENITEC [énalapril] 20 mg par jour, ZESTRIL [lisinopril] 20 mg par jour, ACUITEL [quinapril] 20 mg par jour ou COVERSYL [perindopril erbumine] 5 mg par jour ou ODRIK [trandopril] 4 mg par jour.
Dès la classe I (asymptomatique), il faut prescrire des IEC : ils retardent l’apparition à plus long terme des signes d’IC.
En classes II et III : IEC, diurétiques de l’anse plutôt que thiazidiques (moins efficaces), éventuellement adjonction de nitrés ou de molsidomine.
En classe IV : IEC, diurétiques de l’anse à forte dose, digitaliques sauf cardiopathie ischémique ou troubles du rythme ventriculaire menaçants, nitrés ou molsidomine.
Un antagoniste de l’angiotensine II, le candésartan (ATACAND ou KENZEN donné de 4 à 32 mg/jour) peut remplacer l’IEC en cas d’intolérance à celui-ci (allergie, toux). Les règles de prescription sont les mêmes qu’avec un IEC.
En classes II et III, en l’absence de décompensation récente (4 semaines), on recommande, la mise sous bêtabloquant +++. Quatre bêtabloquants ont une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour cette indication : le carvedilol (KREDEX) ; le bisoprolol (CARDENSIEL), le metoprolol (SELOZOK) et le nebivolol (TEMERIT). Le carvedilol a un effet vasodilatateur supplémentaire mais doit se prendre 2 fois par jour.
Ces bêtabloquants protègent de l’effet délétère des catécholamines et ont démontré une réduction de la mortalité dans l’IC. Ils sont institués de façon très progressive, en externe en ville, voire dans les cas les plus fragiles, en milieu hospitalier. Un avis spécialisé est indispensable. L’augmentation de la posologie se fait généralement par paliers de quelques semaines, en fonction de la clinique (poids, pouls, pression artérielle, signes congestifs), de l’ECG, et parfois aussi des données échocardiographiques.
Le dose-test du KREDEX est de 3,125 mg, celle du CARDENSIEL de 1,25 mg, celle du SELOZOK LP de 12,5 mg et celle du TEMERIT de 1,25 mg.
Enfin, en cas d’alitement, ne pas oublier la prescription d’une héparine de bas poids moléculaire pour éviter les phlébites ++.
Ordonnance n° 1 : insuffisance cardiaque classe I
— Régime peu salé.
— Activité physique adaptée.
— COVERSYL [perindopril], 2,5 mg, 1 cp le soir, à monter jusqu’à 5 mg.
— En cas d’intolérance aux IEC, KENZEN [candésartan], 4 mg à monter jusqu’à 16 mg voire davantage si possible,
— LASILIX [furosémide], 20 à 40 mg/jour ou BURINEX [bumétanide], 1 cp par jour, seulement en cas de signes congestifs (oedèmes).
Ordonnance n° 2 : insuffisance cardiaque classes II-III
— Régime peu salé.
— Activité physique adaptée (faire au moins 30 minutes de marche par jour).
— IEC idem, faible dose au début, montée progressive jusqu’aux doses maximales tolérées (cf doses-cible).
— LASILIX [furosémide] 20 mg puis 40 mg/jour ou BURINEX [bumétanide] 1 cp par jour en cas de signes congestifs (oedèmes).
— CARDENSIEL [bisoprolol], 1 cp à 1,25 mg par jour, prescrit par le cardiologue, à monter jusqu’à 10 mg si possible,
— Eventuellement, adjonction de CORVASAL [molsidomine] 2 à 4 mg, 3 cp par jour ou d’un dérivé nitré (DISCOTRINE [trinitrine] patch 10 à 15 mg), sous surveillance de la pression artérielle.
— On peut proposer la mise sous anti-agrégants plaquettaires type aspirine 160 mg par jour.
Ordonnance n° 3 : fibrillation auriculaire associée : avis spécialisé impératif
— DIGOXINE ou HEMIGOXINE [digoxine], 1 cp par jour si fréquence cardiaque rapide
— Anticoagulants : héparine de bas poids moléculaire (HBPM) à dose curative relayée par antivitamine K (AVK), type PREVISCAN [fluindione] ou SINTROM [acénocoumarol] selon l’INR.
— Echocardiographie à la recherche d’une dilatation voire d’une thrombose auriculaire ++ (à diagnostiquer avant toute tentative de réduction, y compris par CORDARONE [amiodarone]).
— Dosages thyroïdiens de base.
Ordonnance n° 4 : IC classe IV
— Régime sans sel strict.
— Activité physique minimale.
— IEC idem.
— LASILIX [furosémide] 40 à 80 mg ou BURINEX [bumétanide] 2 à 4 mg/jour.
— Anticoagulants.
— L’indication de l’implantation d’un stimulateur cardiaque bi-ventriculaire (appelé encore pacemaker « multi-site ») et/ou d’un défibrillateur automatique implantable, appareils qui améliorent le pronostic vital/fonctionnel, relève du cardiologue (centre de rythmologie).
Ordonnance n° 5 : IC décompensée, le traitement rejoint celui de l’OAP
— Repos en position assise, oxygène nasal ou au masque.
— Hospitalisation ++ dans la plupart des cas :
– LASILIX [furosémide] IV 40 à 80 mg, en fait adaptée à la réponse diurétique, aux
signes congestifs, à la tolérance, à la créatininémie.
– Traitement du facteur déclenchant (par exemple passage en fibrillation auriculaire, écart de régime, infection pulmonaire…).
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.