L’écoulement urétral correspond à un écoulement discret méatique survenant de façon spontanée en dehors des mictions. Il peut être abondant, douloureux ou au contraire discret.
Il signe l’urétrite, d’origine bactérienne, liée à une infection sexuellement transmissible (IST).
Il est typiquement matinal.
DIAGNOSTIC :
Les symptômes amenant le patient ou la patiente à consulter peuvent être, outre l’écoulement lui-même, une dysurie, des brûlures mictionnelles, une pollakiurie, un prurit canalaire, un méat collé.
Deux germes dominent cette pathologie : Neisseria gonorrhea (le gonocoque) et Chlamydia trachomatis. Classiquement, le gonocoque donne un écoulement abondant, possiblement jaune verdâtre, avec urétrite marquée, et le Chlamydia un écoulement blanchâtre, discret, voire asymptomatique.
Les formes asymptomatiques sont découvertes lors d’un examen systématique pratiqué devant l’infection du partenaire.
Chez la femme, il s’agit le plus souvent d’une cervicite avec leucorrhées verdâtres, jaunes ou blanches, accompagnées par des cystalgies, une urétrite, une dyspareunie et un spotting.
L’urétrite est plus fréquente chez la femme en cas d’infection à gonocoque, et en cas d’infection à Chlamydia, on peut voir au spéculum un ectropion friable et hémorragique, une fragilité cervicale.
Deux faits importants sont à noter : la prédominance actuelle des infections à Chlamydia trachomatis sur les infections à gonocoque, et la fréquence accrue des résistances des souches de gonocoques isolées aux pénicillines.
Classiquement, le gonocoque est associé à un niveau socioéconomique bas, dans les grandes villes, et l’infection à Chlamydia trachomatis serait plutôt fréquente chez les jeunes femmes de milieu plus aisé.
Interrogatoire :
Un interrogatoire de type policier est de mise, afin de faire préciser : antécédents du patient, en précisant ceux de maladie sexuellement transmissibles ;
– habitudes sexuelles (homo-, hétéro- ou bisexualité, en cas d’homosexualité le caractère actif ou passif des rapports, le nombre de partenaires, la notion de partenaires nouveaux, le caractère protégé ou non des rapports, la fréquentation de la prostitution) ;
– notion de traitement antibiotique ;
– caractéristiques de l’écoulement, son délai d’apparition par rapport au dernier rapport ;
– notion d’autres lésions cutanéomuqueuses.
Examen clinique :
L’examen clinique doit être bien sûr complet, en insistant sur la cavité buccale (pharyngite) et les organes génitaux externes. La marge anale est également inspectée chez la femme et l’homosexuel (anorectite purulente). Toutes les lésions suspectes sont prélevées. Chez la femme, il faut faire un examen gynécologique avec examen au spéculum. Chez l’homme, il faut palper les bourses à la recherche d’une épididymite et pratiquer un toucher rectal en cas de fièvre ou de douleurs pelviennes afin de rechercher une prostatite.
Les partenaires sont recherchés et examinés et le bilan d’IST doit leur être proposé.
Prélèvements biologiques :
Un bilan complet de type IST doit être effectué, en dehors des prélèvements liés à l’écoulement : sérologie de l’hépatite B (Ag HBs et Ac anti HBc), TPHA-VDRL (à répéter un mois après si négative), sérologie VIH 1 et 2 et antigénémie p24. Une bandelette urinaire et un examen cytobactériologique des urines (ECBU) doivent de même être pratiqués.
ÉTIOLOGIE ET TRAITEMENT :
Le traitement doit être actif sur le gonocoque et Chlamydia trachomatis, en raison de l’association possible entre les deux germes. Probabiliste, il est proposé sans attendre les résultats des prélèvements bactériologiques.
Après traitement, le patient est revu.
En cas de prostatite associée à l’urétrite, le traitement doit être prolongé de 4 à 8 semaines,
en choisissant de préférence une fluoroquinolone (Oflocet® per os 200 mg 2 fois par jour).
En cas d’épididymite, le traitement est le même pendant dix jours.
Neisseria gonorrhea (gonocoque) :
Diagnostic :
Un écoulement urétral abondant, jaune verdâtre, accompagné de dysurie, de brûlures mictionnelles, évoque une infection par le gonocoque.
Le tableau est le plus souvent bruyant chez l’homme. Des localisations extra-urétrales peuvent se voir (cf. supra).
L’infection est le plus souvent asymptomatique chez la femme. L’urétrite est associée à la cervicite chez la femme dans cette infection (goutte de pus lors du massage urétral par la valve antérieure du spéculum).
Chez l’homosexuel masculin passif et chez la femme, le gonocoque peut entraîner une anorectite.
Le plus souvent asymptomatique, il faut rechercher un prurit anal, un écoulement anal purulent, des faux besoins, des saignements anorectaux.
L’oropharyngite est également asymptomatique.
La notion de rapport non protégé dans les 2 à 7 jours est importante à préciser, cette période correspondant à l’incubation du germe.
Si l’écoulement est abondant, le patient peut être envoyé au laboratoire pour effectuer un frottis de l’écoulement au bleu de méthylène ou à la coloration de Gram. L’infection par le gonocoque est affirmée si le frottis met en évidence des diplocoques intracellulaires. Si l’écoulement est moins abondant, un prélèvement urétral (écouvillon spécial enfoncé jusqu’à 4 cm dans l’urètre) peut être effectué au laboratoire par écouvillonnage sur alginate de calcium. Le frottis est mis en culture (sur gélose chocolat).
L’antibiogramme est obtenu en 24 à 48 heures si la culture est positive.
La sérologie n’a pas d’intérêt en raison des réactions croisées avec le méningocoque (Neisseria meningitidis). La PCR (Polymerase Chain Reaction) n’est pas de pratique courante.
Traitement :
Le traitement minute est à proposer dans les urétrites et les infections non compliquées (cervicite, anorectite et pharyngite). Au mieux, la dose est donnée au moment même de la consultation : ceftriaxone (Rocéphine®) 250 à 500 mg intramusculaire ou une prise orale unique de 400 mg de céfixime (Oroken®). Ces deux traitements sont actifs sur l’atteinte pharyngée.
En l’absence de celle-ci, on peut proposer une injection intramusculaire de spectinomycine (Trobicine®) 2 g ou une dose unique de 500 mg de ciprofloxacine (Ciflox®) per os. Le traitement de l’urétrite non gonococcique doit être également effectué.
Les partenaires doivent être identifiés et examinés, ce qui peut être parfois impossible. Les relations sexuelles doivent être interrompues pendant sept jours.
Chlamydia trachomatis :
Diagnostic :
En cas d’écoulement discret, il faut penser, plutôt qu’au gonocoque, à Chlamydia trachomatis.
L’incubation est classiquement de 7 à 10 jours.
L’écoulement est plutôt clair ou visqueux, peu abondant, inconstant, et les signes d’urétrite moins marqués. Chez la femme, une cervicite est fréquente, avec ectropion friable et hémorragique, sécrétions mucopurulentes, fragilité du col utérin.
Les prélèvements bactériologiques sont pratiqués sur le premier jet urinaire ou un écouvillonnage d’endocol chez la femme. La PCRChlamydia trachomatis est utilisée. La sérologie n’a peu d’intérêt, en raison des réactions croisées avec Chlamydia pneumoniae. Chez la femme jeune, une PCR doit être effectuée à distance.
Traitement :
En cas d’infection non compliquée, le traitement de première intention est l’azithromycine (Zithromax®) à la dose de 1 g en dose unique.
On peut proposer aussi la prise de doxycycline 100 mg deux fois par jour pendant sept jours ou d’ofloxacine (Oflocet®) à la dose de 400 mg 2 fois par jour pendant sept jours. Un traitement antigonococcique doit être effectué.
Autres germes :
Ils sont plus rarement en cause : Trichomonas vaginalis, Mycoplasma genitalium et Ureaplasma urealyticum (à évoquer en cas d’échec du traitement standard).
Trichomonas vaginalis :
Diagnostic :
L’infection à Trichomonas vaginalis est le plus souvent asymptomatique chez l’homme.
L’urétrite, si elle est présente, est discrète.
Rappelons que ce germe donne surtout des vaginoses chez la femme. Trichomonas vaginalis peut être isolé sur le prélèvement de la première goutte matinale, le premier jet urinaire ou le prélèvement urétral.
Traitement :
Le traitement repose sur le métronidazole (Flagyl®) en dose unique de 2 g, à renouveler éventuellement quinze jours plus tard.
Mycoplasma genitalium et Ureaplasma urealyticum :
Diagnostic :
Ils sont à évoquer en cas d’urétrite traînante ou de résistance au traitement.
Traitement :
Le traitement repose sur la prise d’un traitement minute par azithromycine (Zithromax®) 1 g per os. En cas d’échec, un traitement par moxiflocacine (400 mg/j pendant 10 jours) peut être proposé mais il vaut mieux adresser le malade à un consultant spécialisé.
Complications :
Elles sont surtout l’apanage des formes peu ou asymptomatiques, ou méconnues. Chez l’homme, il s’agit d’une prostatite ou d’une orchiépididymite.
Chez la femme, le risque majeur est la survenue d’une salpingite, avec le risque de stérilité tubaire et de fausse couche. Les salpingites sont surtout liées à l’infection par Chlamydia trachomatis. La salpingite est classiquement subaiguë ou chronique, avec douleurs abdominales vagues, en particulier au moment des règles.
Le toucher vaginal est douloureux, il existe un empâtement du cul-de-sac vaginal. En cas de douleurs de l’hypochondre droit, il faut penser à la périhépatite de Fitz-Hugh-Curtis, due à Chlamydia trachomatis (classiques adhérences avec « cordes de violon » périhépatiques lors de la coelioscopie).
En cas de fièvre, il faut également penser à la septicémie à gonocoque. Celle-ci se traduit le plus souvent par une oligoarthrite asymétrique associée à une éruption papuleuse, papulopustuleuse, siégeant sur les extrémités, fugaces. Chlamydia trachomatis est également une cause classique d’arthrite réactionnelle ( syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter). L’arthrite réactionnelle est plus fréquente chez l’homme à la suite d’une urétrite. Il associe des lésions cutanées psoriasiformes, une balanite circinée, une conjonctivite bilatérale et une atteinte articulaire (talalgies, tendinites, polyarthrite des grosses articulations et atteinte axiale). Le patient doit être montré au rhumatologue pour traitement de type spondylarthropathie (anti-inflammatoires non stéroïdiens).
Suivi du patient :
Le patient doit être revu de façon systématique au bout de sept jours. En cas de guérison clinique, il n’y a pas besoin de pratiquer d’autres examens complémentaires. Il faut s’assurer que les partenaires ont bien été identifiés, dépistés et traités, ce qui peut parfois être difficile, voire impossible en cas de partenaires multiples.
En cas de localisation pharyngée du gonocoque, un contrôle bactériologique est indiqué à 7 jours. Rappelons qu’il vaut mieux effectuer une PCR-Chlamydia de contrôle en cas d’infection à Chlamydia trachomatis chez la femme jeune 2 à 3 mois après le premier épisode.
En cas de non-disparition des symptômes, il faut se demander si le traitement a été bien pris ou bien suivi, se poser la question d’une recontamination éventuelle et faire pratiquer au laboratoire des prélèvements à visée bactériologique.
La sérologie VIH doit être également recontrôlée.