Facteurs génétiques :
De nombreuses maladies génétiques entraînent des besoins nutritionnels particuliers, comme, par exemple, la phénylcétonurie ou les maladies dites «vitamino-dépendantes», comme les leucinoses ou les acidoses lactiques rééquilibrées par de fortes doses de thiamine (vitamine B1), la maladie de Hartnup par de fortes doses de nicotinamide (vitamine PP), l’homocystinurie ou les convulsions pyridoxino-dépendantes par de fortes doses de vitamine B6, ou les déficits en carboxylase par de fortes doses de biotine.
De même la protoporphyrie érythropoïétique, qui nécessite des doses très élevées en bêta-carotène ou certaines myopathies.
Certaines pathologies héréditaires, comme l’hypomagnésémie primaire, ou la paralysie périodique hypokaliémique, entraînent des besoins très augmentés en minéraux.
Des proportions importantes de la population sont porteuses de particularités génétiques qui, sans entraîner de pathologie aiguë à court terme, augmentent de manière très significative les risques de pathologie à moyen ou long terme. Or elles s’avèrent aussi modulables par des dispositions nutritionnelles. Certaines dyslipidimies d’origine familiale, l’hypertension essentielle, le diabète insulino-dépendant, mais aussi, et ce qui est encore insuffisamment connu, l’homocystinurie hétérozygote, associée à une élévation dans le sang de l’homocystéine et à des risques d’accidents cardio-vasculaires précoces élevés, qui est aisément contrôlée par des supplémentations en vitamines B6, B9 et B12.
De 1 à 2 % de la population est porteuse d’une homocystinurie hétérozygote, 15 % d’une forme thermolabile de la MTHfolate réductase, ce qui élève aussi l’homocystéine. 18% de la population française est porteuse du groupe HLA B35, associé à un défaut de rétention cellulaire du magnésium, qui entraîne chez elle un besoin augmenté non seulement en magnésium, mais en un cofacteur magnésio-fixateur comme la taurine.
En l’absence de cette compensation, les personnes concernées présentent une vulnérabilité au stress accrue, mais aussi des risques plus élevés de pathologies dégénératives liées au vieillissement. On sait de même qu’il existe des prédispositions génétiques pour nombre d’autres pathologies, par exemple le surpoids, le cancer du côlon, le cancer du sein, l’ostéoporose…
Ces facteurs de risques peuvent être repérés par l’interrogatoire: antécédents familiaux, antécédents personnels ; par l’examen clinique, sachant aussi que certains phénotypes présentent des risques augmentés, par exemple les femmes maigres à peau claire pour l’ostéoporose ; par les examens biologiques et complémentaires, par exemple dosages de la glycémie à jeun, du cholestérol total, de la Lp(a) – un facteur de risque d’athérosclérose et de thrombose d’origine génétique et indépendant du cholestérol -, ou la densitométrie osseuse.
A chaque type de facteur de risque correspondent des dispositions nutritionnelles et des besoins augmentés en certains micronutriments.
Pour certains d’entre eux, il est nécessaire d’éviter ou de diminuer les apports en certains nutriments, par exemple la phénylalanine dans la phénylcétonurie, le sel dans l’hypertension essentielle, ou le fer et la vitamine C dans l’hémochromatose.
Il est évident que lorsque l’on passe des facteurs de risque aux maladies, les dispositions nutritionnelles deviennent d’autant plus importantes, non seulement afin de couvrir des besoins augmentés par les troubles digestifs ou métaboliques qui leur sont associés, mais aussi afin de pallier les interférences nutritionnelles multiples engendrées par les interventions exploratoires et thérapeutiques
Médicaments :
> Nous reviendrons sur les effets anti-nutritionnels des médicaments au module 10 (Nutrithérapie de la Personne âgée).
Exemples :
Âge :
De multiples facteurs, chroniques ou aigus, peuvent donc se conjuguer, accroître le décalage entre besoins et apports et aggraver des déficits micronutritionnels.
Avec l’âge, le nombre des pathologies et des médications augmente. Les systèmes de défense et d’adaptation contre les agents infectieux, les toxiques, les radicaux libres, le stress requièrent des quantités plus importantes de micronutriments, en particulier vitamines antioxydantes, vitamine B6, magnésium, zinc et sélénium, alors que les capacités d’absorption, de synthèse, d’activation et de métabolisation sont diminuées. Par exemple la capacité d’absorber la vitamine B12 ou le magnésium, la vitamine D au niveau cutané, ou la capacité de métaboliser les acides progressivement réduites avec l’âge.
Or les apports en micronutriments par l’alimentation diminuent encore de manière Cela s’explique par la réduction avec l’âge des quantités consommées.
Entre 18 et 50 ans l’apport calorique moyen par jour est de :
- 2 256 calories pour les hommes ;
- 1 736 calories pour les femmes.
A partir de 65 ans l’apport calorique moyen par jour est de :
- 1 794 calories pour les hommes ;
- 1 513 calories pour les femmes.
Le décalage entre les besoins et les apports en micronutriments continue à s’agrandir avec l’âge.
Régimes et autres facteurs :
D’autres facteurs peuvent également s’ajouter aux précédents : les variations climatiques et l’adaptation au froid entraînent des besoins augmentés magnésium et en acides gras de la série oméga 3, et la chaleur entraîne des pertes sudorales en minéraux plus intenses.
Mais le facteur quantitativement le plus important se situe sans conteste au niveau des manques d’information sur l’alimentation, des choix inappropriés, surtout liés à l’utilisation de l’aliment comme source de mieux-être (la première demande qui est faite à un aliment avant même l’énergie et les apports nutritionnels), pour ne pas dire de psychotrope (les glucides, les aliments denses en énergie, le chocolat, l’alcool ont des effets remontants sérotoninergiques), à l’extrême les déséquilibres alimentaires, par troubles du comportement alimentaire, comme l’anorexie, la boulimie, et surtout par la pratique très répandue de régimes amaigrissants et celle de plus en plus fréquente de régimes végétariens, végétaliens, macrobiotiques, dissociés, ou autres…
Par la réduction des apports caloriques, les régimes amaigrissants aggravent le déficit dans l’ensemble des micronutriments. Par ailleurs à l’occasion d’un amaigrissement, les polluants liposolubles qui ont été piégés (pesticides, perturbateurs hormonaux, médicaments, anesthésiques, etc…), sont relargués dans le sang, épuisent les nutriments détoxifiants, antioxydants et réparateurs et peuvent créer des dommages majeurs, contribuant au déclenchement d’une grande fatigue, d’une fibromyalgie, de syndromes inflammatoires ou même d’hépatite toxique.
Quant aux régimes particuliers, s’ils peuvent accroître la fréquence des déficits en certains micronutriments, ils peuvent en même temps amener des apports supérieurs en certains autres, de par l’augmentation de la fréquence de consommation d’aliments insuffisamment consommés par la majorité, ce qui peut amener des bénéfices.
C’est bien sûr le cas d’un régime végétarien, associé à des apports supérieurs en fibres, antioxydants, polyphénols, magnésium et potassium, réduits en graisses saturées, fer, sodium, ce qui se solde par une réduction moyenne de moitié des risques cardio-vasculaires et de cancers, mais qui aggrave les risques de déficit en zinc, fer (pour les femmes, femmes enceintes, enfants en forte croissance), vitamine D et B12.
Tout régime particulier devrait donc être associé à une supplémentation compensatoire adaptée.
Au total, dans une situation où la quasi totalité de la population ne reçoit pas par l’alimentation les apports recommandés en plusieurs vitamines et minéraux, un certain nombre de circonstances et de facteurs, de façon continue comme le troisième âge, la pollution, des facteurs de risques, des maladies chroniques, ou de façon discontinue – mais parfois continue pour certains -, comme le stress, la pilule, des régimes, une infection ou une autre pathologie aiguë, des traitements, la croissance, la grossesse, le sport, des changements climatiques, creusent encore l’écart entre les apports et les besoins.
Si les mesures de base de la nutrithérapie s’orientent bien évidemment vers l’optimisation de la fréquence de consommation des aliments qui contiennent plus de nutriments bénéfiques pour la santé que de mauvais, il est incontournable de compléter à chaque âge, dans chaque catégorie, et en fonction des situations personnelles, ces apports alimentaires par des apports complémentaires.
Cela commence avec la prise de vitamine K obligatoire à la naissance (une mesure très insuffisante car toutes les vitamines liposolubles sont en déficit : D, E, caroténoïdes…), et cela finit avec les centenaires et super-centenaires dont les capacités d’absorption et les métabolismes ont considérablement changé (par exemple la peau, atrophiée, ne fait pratiquement plus de vitamine D au soleil, les capacités d’absorption du zinc, des vitamines B9, B12 et E sont réduites, etc…). Les végétariens et végétaliens ont encore plus que les autres besoin d’un complement généraliste contenant du zinc biodisponible et de la vitamine B12.
Et cela concerne aussi tous les patients consommateurs de médicaments – quand ils sont justifiés – qui devraient être systématiquement bénéficier de la complémentation adaptée pour compenser les effets antinutritionnels et les effets secondaires provoqués par l’agravation des déficits, par exemple les fatigues et myopathies associées à la dépression du coenzyme Q10 par les statines.
Auteur Jean-Paul Curtay