L’IRM est actuellement l’examen de référence pour l’étude morphologique de la région hypothalamo-hypophysaire, après avoir supplanté le scanner hypophysaire et la radiographie de la selle turcique.
I. INDICATIONS ET CONTRE-INDICATIONS :
I.1 Indications :
L’IRM hypophysaire peut avoir plusieurs indications
– A visée diagnostique : rechercher une pathologie hypophysaire devant un syndrome de masse tumoral (signes d’hypertension intracrânienne avec céphalées, nausées, vomissements) ou devant une altération du champ visuel évocatrice d’une atteinte chiasmatique. Rechercher une pathologie hypothalamo-hypophysaire devant un diabète insipide (lésion de la post-hypophyse, craniopharyngiome ?)
– A visée pronostique : Evaluer le degré d’invasion locale d’une tumeur hypothalamohypophysaire (extension aux sinus caverneux, compression chiasmatique, érosion du plancher sellaire)
– Dans le cadre du suivi d’une pathologie traitée : Résidu tumoral après chirurgie, fonte tumorale sous traitement anti-sécrétoire.
I.2. Contre-indications :
Les principales contre-indications sont liées au champ magnétique de l’appareil : stimulateurs cardiaques, clips cérébraux ferromagnétiques, éclats métalliques intraoculaires, valves cardiaques (à l’exception de certains modèles plus récents). Ces contre-indications doivent conduire à la pratique d’un scanner cérébral centré sur l’hypophyse avec reconstructions. La contre-indication relative est l’existence d’une claustrophobie sévère. L’injection de produit de contraste doit être évitée au cours du premier trimestre de grossesse.
II. TECHNIQUE :
Les différents éléments anatomiques de la région hypothalamo-hypophysaire peuvent être visualisés sur 3 types de coupes (figure 1) :
– Les images en coupe coronale donnent une indication globale de la région hypophysaire et minimisent les effets de volume partiels induits par les structures anatomiques adjacentes (figure 2).
– Les images en coupe sagittale permettent l’étude des structures de la ligne médiane, en particulier la post-hypophyse (figure 3).
– Les images en coupe axiale permettent l’évaluation de la post-hypophyse, du degré d’envahissement postérieur (tronc cérébral) et antérieur (chiasma optique) (figure 4).
Les séquences pondérées en T1 et en T2 peuvent être couplées à l’injection d’un produite de contraste, le gadolinium. Pour rappel, l’eau est hypointense en T1 et hyperintense en T2. Les aspects en séquence T1 et T2 de chaque élément anatomique important de la région hypothalamo-hypophysaire sont fournis dans le tableau 1.
III. PIEGES ET VARIANTES ANATOMIQUES :
III.1. Variantes anatomiques :
La principale variante anatomique hypophysaire est liée à sa hauteur maximale (normale entre 8 et 9 mm), variable selon l’âge, le sexe et les conditions physiologiques (grossesse, figure 5). La post-hypophyse peut être en position ectopique chez le sujet sain ou dans le cadre de pathologies du développement hypophysaire ; son hypersignal est également absent chez l’adulte sain dans 10 à 20% des cas.
Une autre variante anatomique concerne le trajet des artères carotides internes (procidence uni ou bilatérale, pouvant faire saillie dans la loge) qui peut avoir un impact sur l’indication de la chirurgie.
III.2. Pièges :
Volume partiel : Le degré d’épaisseur de coupe peut faire apparaître dans le même plan deux formations qui ne le sont pas.
Artefact de susceptibilité magnétique : la capacité d’aimantation est différente selon les tissus, pouvant donner de fausses images (ex : artefact au niveau de l’insertion d’une cloison du sinus sphénoïdal pouvant faire faussement évoquer un microadénome hypophysaire).
Incidentalome hypophysaire : Il s’agit d’images de micro ou macro-adénomes visualisées sur une IRM cérébrale réalisée pour un motif non hypophysaire. Ils doivent conduire à effectuer un bilan hormonal à la recherche d’hypo ou d’hypersécrétion, la prise en charge varie en fonction des résultats de ce bilan et du degré d’invasion éventuel des structures adjacentes. La résolution élevée de l’IRM impose que tout examen d’imagerie soit justifié par un bilan hormonal préalable sous réserve de traiter des images plutôt que des pathologies.
IV. LES RESULTATS :
IV.1. Adénome hypophysaire :
Devant une suspicion d’adénome hypophysaire, il faut systématiquement rechercher des éléments évocateurs du diagnostic, puis préciser les éléments indispensables à la réalisation d’une intervention chirurgicale adaptée :
IV.1.A. Rechercher l’adénome hypophysaire :
Signal typique en IRM : Classiquement, les adénomes hypophysaires ont un signal iso ou hypointense en T1, Iso ou hyperintense en T2, légèrement rehaussé après injection de produit de contraste (hypointense par rapport au reste de l’hypophyse). Des signes indirects peuvent également donner des informations sur la localisation de l’adénome : déviation de la tige pituitaire, irrégularité du plancher sellaire.
Hauteur des adénomes hypophysaires Les microadénomes se définissent par une hauteur maximale inférieure à 1 cm (figure 1). A l’opposé, les macro-adénomes se définissent par une hauteur supérieure à 1 cm (figure 2).
Les prolactinomes sont classiquement plutôt des microadénomes sauf chez l’homme (révélation tardive). Les adénomes responsables de maladie de Cushing sont plutôt des microadénomes, au contraire de l’acromégalie, où les macro-adénomes envahissent souvent le sinus caverneux. En règle générale, pour les adénomes sécrétants, la taille du macroadénome est corrélée à son degré d’activité hormonale (valable en particulier pour les prolactinomes).
Modifications d’aspect de l’adénome
– Transformation hémorragique : signal précoce isointense en T1 et T2; puis signal hyperintense en T1 ; visualisation possible d’un niveau horizontal (dépôt de sédiments) avec signal hypointense en T1 et T2 à distance. C’est l’évolution classique de l’imagerie dans le syndrome de Sheehan.
– Nécrose tumorale : signal hypointense en T1 et hyperintense en T2
– Kystisation : elle sera visualisable en IRM par une image de consistance liquidienne (hyposignal T1, hypersignal T2, aspect identique à celui du LCR) au sein de l’adénome.
– Arachnoidocèle : stade final d’évolution d’une nécrose hémorragique d’un adénome, elle se définit par une selle vide, l’hypophyse saine étant le plus souvent comprimée sur le plancher sellaire.
IV.1.B. Rechercher les complications du macroadénome hypophysaire :
En cas de macroadénome compressif, il est souvent possible de visualiser l’hypophyse saine refoulée latéralement en croissant, avec un hyposignal T1 relatif de l’hypophyse saine (par rapport à l’adénome), très rehaussée après injection de produit de contraste.
Évaluer l’extension du macroadénome :
– Infra-sellaire : déformations osseuses du plancher sellaire, envahissement du sinus sphénoïdal
– supra-sellaire : Compression chiasmatiques, compression du 3eme ventricule et signes d’hydrocéphalie
– latéro-sellaire : l’invasion du sinus caverneux est souvent difficile à délimiter. Selon les études, elle est considérée comme certaine en cas de recouvrement supérieur à la moitié du sinus caverneux ou d’englobement de plus de la moitié de la carotide.
IV.1.C. Préciser les données nécessaires à l’intervention chirurgicale :
Il faut rechercher
– l’existence d’un collet entre le macroadénome intra-sellaire et son expansion suprasellaire.
Ce collet peut constituer une contre-indication à une chirurgie par voie basse (risque de persistance du résidu supra-sellaire).
– le degré de pneumatisation du sinus sphénoïdal (voie de passage en cas d’abord transsphénoïdal) doit être précisé car il peut constituer une contre-indication à ce type de chirurgie.
– une procidence des artères carotidiennes dans les sinus caverneux qui peut constituer une contre-indication à la chirurgie et faire préférer la poursuite d’un traitement médical anti-sécrétoire ou une radiothérapie.
– l’existence d’une arachnoidocèle qui ne contre-indique pas la chirurgie sous réserve d’une bonne visualisation de l’adénome sur l’imagerie, mais permet d’envisager le risque de fistule per-opératoire ou post-opératoire, pouvant entraîner un risque infectieux (méningite).
IV.1.D. Assurer le suivi d’un traitement :
En cas de traitement chirurgical, les remaniements post-chirurgicaux rendent difficile une évaluation immédiate du traitement. La première IRM doit être pratiquée 6 mois après l’intervention et permettra de rechercher un résidu éventuel ou une récidive.
En cas de traitement médical, l’IRM hypophysaire doit être répétée à intervalles réguliers (en particulier au début de l’instauration du traitement) : ainsi, en présence d’un macroprolactinome effleurant le chiasma, une IRM devra être réalisée au plus tard 10 jours après l’instauration d’un traitement dopaminergique : en absence de fonte tumorale, un traitement chirurgical devra être proposé.
IV.1.E. Diagnostic différentiel des adénomes hypophysaires :
Craniopharyngiomes (voir IV.2)
Kystes de la poche de Rathke : résidu embryologique secondaire à la formation de l’hypophyse, ils peuvent être à l’origine d’une hyperprolactinémie modérée par syndrome de déconnexion de tige. Ils sont classiquement dans la loge sellaire, en position médiane en coupe axiale, entre l’anté et la post-hypophyse. Du fait de leur consistance mucoïde, leur signal IRM est variable, en général non rehaussé après injection de produit de contraste.
Kyste arachnoïdien : développés vers l’avant, ils refoulent classiquement l’antéhypophyse vers l’arrière et vers le bas. Ils ont une consistance purement kystique, avec un signal identique en T1 et en T2 à celui du LCR.
Méningiome : ils ont un développement supra-sellaire, mais peuvent refouler l’hypophyse saine contre le plancher sellaire. Le diagnostic est fait sur un signal plus hyperintense en T2 que l’antéhypophyse, avec une prise de contraste très marquée.
Hypophysite : inflammation diffuse de l’hypophyse par des infiltrats lymphocytaires dans un contexte péri-partum. L’hypophyse est classiquement augmentée de volume de façon symétrique, avec une forte prise de contraste homogène.
Abcès hypophysaire : le plus souvent secondaire à une sinusite sphénoïdale ou iatrogène après chirurgie, ils sont reconnaissables à leur centre nécrotique en hypo ou isosignal T1 et iso ou hypersignal T2, entouré d’une coque épaisse prenant fortement le contraste.
IV.2 Craniopharyngiome :
C’est une tumeur épithéliale bénigne développée dans la région sellaire et supra-sellaire.
Classiquement, le craniopharyngiome associe trois contingents (figure 8):
– un contingent tissulaire, de composition hétérogène mixte et charnue, plutôt isointense au signal hypophysaire, rehaussé par l’injection de produit de contraste
– un contingent kystique à composante liquidienne (hyposignal T1 identique au LCR) et/ou protéique (hypersignal T1) non rehaussé
– des calcifications (hyposignal T1 et T2 en IRM) mieux visualisés par un scanner, en anneau ou nodulaires.
Les trois contingents ne sont pas systématiquement présents, on peut ainsi observer des craniopharyngiomes purement kystiques ou tissulaires. Le rehaussement est le plus souvent mural ou en anneau.
Devant une IRM évocatrice de craniopharyngiome, il faudra préciser
– le volume de la lésion
– le siège de la lésion : intra, infra ou supra-sellaire
– les différents contingents (retentissement lors de l’intervention chirurgicale)
– le degré d’extension (chiasma, tige pituitaire, envahissement du 3e ventricule) ; les craniopharyngiomes ont classiquement une extension supra-sellaire rétrochiasmatique, refoulant l’hypophyse saine vers le bas.
Principal piège à éviter : ne pas confondre les calcifications d’un craniopharyngiome avec les calcifications pariétales d’un anévrysme. En cas de doute, une angio-IRM devra être pratiquée.
IV.3 Pathologies de la tige pituitaire et de la post-hypophyse :
Certaines pathologies inflammatoires systémiques (histiocytose X, sarcoïdose) ont un retentissement sur le système nerveux central, et particulièrement la région hypothalamohypophysaire.
Ces pathologies inflammatoires vont se traduire à l’IRM par une disparition de l’hypersignal de la post-hypophyse (présence d’un diabète insipide à l’examen) parfois associé à une hypertrophie de la tige pituitaire (en isosignal T1 et T2 rehaussée de façon homogène après contraste, figure 9). La neurosarcoïdose associe également la présence de granules sarcoïdosiques pouvant infiltrer le plancher du 3e ventricule rehaussé de façon hétérogène après contraste.
La tuberculose peut également être à l’origine d’une hypertrophie de la tige pituitaire avec dissémination de tuberculomes prenant le contraste « en anneau ».