L’Enquête Nutrition-Canada, publiée en 1973 et 1975 [1], révèle que 70% de la population présente des taux sanguins bas de vitamine B9. Les apports moyens de l’homme sont de 205 microgrammes par jour et de la femme de 149 microgrammes par jour selon une publication de 1977 [2] ; les apports quotidiens recommandés en France par le Centre National de Coordination des Études et Recherches sur la Nutrition et l’Alimentation (CNERNA), qui dépend du CNRS, étant pour l’homme de 500 microgrammes et pour la femme de 300 microgrammes [3],
La même étude montre des dosages inférieurs à 4 mg par litre pour la vitamine C sanguine pour 30 % des hommes et 20 % des femmes, la limite inférieure de la normale admise étant 6, 2 mg par litre, et des signes biochimiques de déficit en vitamine B1 chez 30 % des hommes.
Aux États-Unis, l’enquête Ten State Survey, menée de 1968 à 1970, avait déjà montré que des proportions importantes de la population ne recevaient pas les apports quotidiens recommandés pour certains micronutriments. L’étude First National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES I), menée de 1971 à 1974, le confirme, montrant que seulement3% des 20 749 personnes examinées ne présentent aucun signe clinique associé à un déficit nutritionnel [4], Une deuxième enquête du même type. NHANES II, menée de 1976 à 1980, montre que 74% des hommes et 91, 75% des femmes ne reçoivent pas par l’alimentation les apports quotidiens recommandés en vitamine B6 [5].
Le Nationwide Food Consumption Survey, mené de 1977 à 1978, poursuivi avec le Continuing Survey of Food Intakes by Individuals, dont la dernière publication remonte à 1988, nous apprend que :
- aucun groupe de femmes américaines ne reçoit l’apport recommandé en calcium, la moyenne des quantités amenées par l’alimentation étant de 530 mg par jour et étant encore plus faible chez les femmes noires (l’apport recommandé en France est de 900 mg);
- La moyenne des apports en magnésium chez l’homme est de 329 mg par jour (recommandation du CNERNA: 420 mg) et chez la femme de 207 mg (recommandation du CNERNA: 300 mg) ; la moyenne des apports en vitamine E chez l’homme est de 9, 8 mg, chez la femme 7, 1 mg (recommandation 12 mg) ; les apports en bêta-carotène chez l’homme de 2, 8 mg, chez la femme de 2, 3 mg (recommandation du National Cancer Institute de 6 mg) ;
- les apports en vitamine B6 chez l’homme de 1, 87 mg (recommandation 2, 2 mg) ;
- chez la femme de 1, 16 mg (recommandation 2 mg) ;
- les apports en vitamines B1 et B2 chez la femme apparaissent aussi inférieurs aux recommandations [6].
La Heidelberg Nutrition and Health Study, menée en Allemagne entre 1975 et 1979, révèle que :
- 80% des femmes et 68% des hommes trouvent dans leur alimentation une quantité de calcium inférieure à la quantité recommandée ;
- 80 % des femmes connaissent la même situation en ce qui concerne le fer ;
- 70 à 88 % de la population en ce qui concerne la vitamine B1 ;
- 67 à 89 % de la population en ce qui concerne la vitamine B2 ;
- 50 % de la population en ce qui concerne la vitamine C.
Lorsque l’on dose la vitamine C, on s’aperçoit que des taux sanguins sont très bas, non seulement parmi les 50 % qui en consomment moins que la recommandation, mais aussi pour les autres.
Ceci peut s’expliquer par le fait que la vitamine C, comme la vitamine B, s’avère très sensible à de nombreux agents qui, comme la lumière, l’air et surtout la cuisson, la détruisent parfois jusqu’à 95 %. Ce qui fait que seule une fraction de la vitamine C théoriquement contenue dans les aliments est effectivement apportée. Et par ailleurs, de nombreux facteurs peuvent provoquer une surutilisation comme le tabac, la pollution, les médicaments d’usage courant comme l’aspirine, la grossesse, le sport, etc.
L’étude d’Heidelberg a aussi le mérite de montrer que justement cette situation s’est aggravée chez les femmes qui prennent la pilule en ce qui concerne les vitamines B2, B6, B9, B12, C et le bêta-carotène.
Les auteurs notent qu’après l’arrêt de la pilule les taux remontent, sauf pour les vitamines B6 et B12, ce qui montre que les apports alimentaires ne suffisent pas à corriger les baisses de ces vitamines dans le plasma.
Par ailleurs, ils établissent que les femmes qui subissent une fausse couche ou un accouchement prématuré présentent des taux encore plus bas de vitamine B9 et de vitamine C.
De même chez les fumeurs, les concentrations sanguines de vitamines B2. B9, B12 et E sont abaissées [7].
Une autre grande étude menée en Angleterre entre 1986 et 1987 constate un apport moyen en magnésium chez l’homme de 323 mg par jour (recommandation 420 mg), chez la femme de 237 mg (recommandation 330 mg), un apport moyen en zinc de 11,4 mg chez l’homme (recommandation 15 mg), chez la femme de 8, 4 mg (recommandation 12 mg), un apport moyen en vitamine B5 de 6, 6 mg chez l’homme et de 5, 1 mg chez la femme (recommandation 10 mg), un apport moyen en bêta-carotène de 2, 4 mg chez l’homme, de 2, 1 mg chez la femme (recommandation du National Cancer Institute de 6 mg), avec encore d’autres micronutriments insuffisamment apportés chez la femme : le calcium à 730 mg au lieu de 900 mg, la vitamine B9 à 219 microgrammes au lieu de 300 microgrammes, la vitamine E à 8, 6 mg au lieu de 12 mg [8]
En France, trois études principales, l’Enquête sur le statut vitaminique de trois groupes d’adultes français (ESVITAF) publiée en 1986 [9], une autre menée en Bourgogne et publiée la même année [10], et l’Enquête du Val-de-Mame publiée en 1991 [11], convergent et indiquent que la quasi-totalité de la population reçoit certaines vitamines et certains minéraux en quantités inférieures aux quantités recommandées.
Apports inférieurs aux AQR chez adultes sains et femmes ne prenant pas la pilule (ESVITAF, 19
Selon les données les plus récentes 1000 calories apportent 120 mg de magnésium, la moyenne de l’apport calorique chez la femme étant de 1700 calories, elle en reçoit 204 mg et l’homme (sur une base de 2200 calories) 264 mg au lieu des recommandations qui tournent autour de 400 mg/j.
L’Étude du Val de Marne montre un apport moyen de 4,5 mg de vitamine E quotidienne, apportés avec des graisses polyinsaturées qui les utilisent pour leur propre protection contre le rancissement et dont seule une fraction est donc disponible pour protéger les graisses polyinsaturées circulantes ou insérées dans les membranes cellulaires, alors que l’AQR officiel est de 10 mg, qu’il était de 30 mg en 1979 et qu’il a été rabaissé parce que l’on considérait comme impossible d’atteindre les 30 mg par l’alimentation.
Les dernières études enregistrent un déficit en vitamine D. pourtant l’une des plus connues par les autorités de santé publique et les médecins, pourtant l’une des supplémentations les plus admises depuis des décennies, chez plus de 80% des Français.
Et en ce qui concerne l’autre micronutriment le plus notoirement manquant, l’iode, objet d’une mesure obsolète (l’enrichissement du sel de table alors que l’on demande de réduire l’excès de sel responsable selon Pierre Meneton, d’environ 15 000 décès cardiovasculaires chaque année en France — encore beaucoup plus certainement depuis que l’on a découvert que le sel est un facteur indispensable à l’absorption du glucose et donc multiplicateur de surpoids et de diabète avec toutes leurs conséquences), le déficit est presque systématique puisque l’apport moyen est d’environ 100 mcg pour une recommandation double de 200 mcg, les conséquences étant particulièrement importantes sur le développement cérébral des foetus et des enfants.
L’ignorance et la négligence des déficits touchent évidemment encore bien plus les vitamines, minéraux, acides gras et acides aminés autres, comme le magnésium, la vitamine E, la vitamine B6, les acides gras oméga trois, la glutamine ou la cystéine.
Auteur Jean-Paul Curtay