Les ANC sont-ils optimaux ?
Depuis leur création de très nombreuses études ont établi que pour certains nutriments, comme les minéraux pro-oxydant, le fer et le cuivre, des apports inférieurs aux apports recommandés et au contraire pour certains nutriments protecteurs, comme les antioxydants, ou le magnésium, des apports supérieurs, permettent de meilleures fonctions : énergie, défenses immunitaires, antioxydantes, anti-inflammatoires, mémoire, adaptation au stress, fertilité, etc… et réduisent les risques de certaines maladies dégénératives liées à l’âge ou de troubles fréquents pendant la grossesse, comme la prématurité ou l’hypertension.
Ceci entraîne depuis plusieurs dizaines d’années des réunions de commissions chargées de la révision des ANC, dont les nouveaux objectifs, ne seraient plus seulement de prévenir les maladies de carence comme le scorbut, le béri béri, le rachitisme ou l’anémie, mais d’optimiser les fonctionnements physiologiques, de réduire les risques de maladies et de contribuer au bien vieillir. Ces révisions n’ont toujours pas fait l’objet de publications officielles.
Tout ceci entraîne la nécessité de revoir entièrement la conception des compléments alimentaires destinés à une consommation d’équilibre quotidien. Par définition, ces compléments ne sont là que pour compléter les meilleurs choix alimentaires qui restent la base incontournable des apports nutritionnels. Néanmoins, comme nous l’avons vu, les apports alimentaires présentent des limites techniques, qui ont depuis longtemps nécessité la mise en place de mesures de compensation comme c’est le cas pour la vitamine D contre le rachitisme et l’iode contre les retards de développement cérébral.
Mais lorsqu’on étudie la situation dans ces deux domaines traditionnellement l’objet de politiques de complémentation ou d’enrichissement de l’alimentation, on doit constater qu’elle est extrêmement loin d’avoir été réglée puisque l’apport moyen en vitamine D est évalué à 1,7 microgrammes par jour alors que l’apport conseillé, selon les catégories de population se situe entre 5 et 10 microgrammes par jour. Il est par ailleurs démontré que l’exposition au soleil n’arrive pas à compenser ce manque d’apport. Or le manque d’apport en vitamine D ne retentit pas seulement sur la formation du squelette chez l’enfant et l’adolescent et sur la prévention de l’ostéoporose chez la personne âgée, mais aussi sur les défenses anti-infectieuses, les risques de diabète, de sclérose en plaques, de cancers du côlon, du sein et de la prostate, sur la mortalité toutes causes confondues.
Des compléments en vitamine D sont donnés aux petits enfants, mais, ensuite, contrairement aux recommandations de les poursuivre jusqu’à la fin de la croissance et de les reprendre chez la personne âgée, c’est très rarement fait.
Nous verrons en fait qu’il faudrait se baser sur un dosage du taux plasmatique pour évaluer les besoins (souvent d’abord d’une cure correctrice, ensuite d’un entretien qui – au-delà de la norme qui a rpévalu jusqu’à présent de 30 ng/ml -, permet d’optimliser le taux de vitamine D entre 50 et 60 ng/ml).
Quant au déficit quotidien en iode il oscille dans nos pays entre 100 et 150 microgrammes par jour et par personne. L’iode ne sert pas seulement au bon fonctionnement de la glande thyroïde et au développement cérébral – dès in utero -, mais aussi à la réduction des risques de surpoids et de cancer du sein.
Même si l’on ne considère que les deux supplémentations les plus traditionnelles, on constate une véritable « carence »… dans la politique de santé publique !
Cinq constatations principales sont la base de la reconceptualisation des compléments alimentaires à visée de palliation des déficits journaliers dans l’éventail complet de la population.
La première constatation qui s’impose : les compléments alimentaires minéro-vitaminiques de base actuellement ne contiennent pas les quantités de vitamine D et d’iode nécessaires pour les différentes catégories de population.
Le « tout-en-un fourre-tout » est devenu inacceptable :
La deuxième l’ancienne idée de tout mettre dans un complément (« tout-en-un »), au cas où l’on manquerait de quelque chose n’est plus acceptable.
En effet si certaines petites catégories de population peuvent manquer de fer (en France 23% des femmes ayant des règles, un peu plus chez les femmes enceintes et 5% des femmes après la ménopause), la majeure partie de la population présente des excès de fer, un excès qui s’aggrave progressivement avec l’âge. Or le fer est un puissant pro-oxydant, pro-inflammatoire, facteur de croissance de virus, de bactéries et de cellules cancéreuses. Il est négatif d’en donner à ceux qui n’en manquent pas. Pire que cela : le fer s’oppose à l’absorption du zinc, qui lui manque dans la grande majorité de la population et qui est indispensable à toutes les opérations d’anabolisme : croissance, réparation des tissus, fertilité et à l’immunité. Le plus grave : le fer altère les vitamines antioxydantes et transforme la vitamine C en générateur de radicaux libres ! Le cuivre dont l’ANC a été reconnu trois fois surévalué a des effets similaires, simplement encore plus agressifs.
Conclusion : ni le fer, ni le cuivre ne doivent figurer dans un complément alimentaire basique. S’ils doivent être donnés, ils le doivent dans un complément indépendant donné à un repas différent du repas où est pris le complément de base. Ils sont incompatibles.
Quant au manganèse il a été montré neurotoxique, même à des faibles doses.
De même la vitamine A (rétinol) ne doit pas figurer dans les compléments de base pour deux raisons : elle peut être tératogène (responsable de malformations) au premier trimestre de la grossesse et elle stockée dans le foie, donc ne va pas dans les lipides circulants et des membranes cellulaires, ce qui ne lui permet pas de jouer le rôle d’antioxydant. A l’inverse, le bêta-carotène, qui se transforme en vitamine A selon les besoins, n’est pas tératogène et diffuse dans tous les lipides, ce qui lui permet d’être un excellent auxiliaire de la vitamine E.
Autre conclusion : la vitamine A doit systématiquement être remplacée dans les compléments de base par le bêta-carotène.
La révision des doses :
La troisième : les doses proposées pour les différentes catégories ne tiennent pas compte des études récentes.
Du côté des excès : les doses de vitamine B2 proposées sont supérieures aux doses de vitamine B1 alors que la vitamine B2 peut donner un dérivé toxique sous les effets de l’exposition au soleil. Ce doit être l’inverse.
Les folates ou vitamine B9 à forte dose peuvent favoriser le développement tumoral. Il est donc prudent de réduire les doses apportées chez les personnes âgées.
Par contre, du côté des insuffisances, la vitamine PP ou nicotinamide contribue à la réparation des gènes, un des phénomènes essentiel de protection contre de nombreuses pathologies comme le diabète, les cancers et les maladies liées à l’âge. Il est donc souhaitable d’optimiser les apports, au-delà des ANC de prévention de carences.
De même les apports en vitamine B6 qui contribue avec d’autres vitamines B à améliorer la synthèse des neurotransmetteurs régulateurs de l’anxiété et des pulsions (GABA, sérotonine, taurine), perturbée dans de grandes proportions de la population, et plus particulièrement chez les adolescents, les femmes enceintes et les personnes âgées, qui intervient dans l’immunité et qui réduit un facteur de risque cardiovasculaire important, l’homocystéine, sont à tirer « vers le haut ».
C’est aussi le cas de toutes les vitamines et minéraux qui jouent un rôle antioxydant, antitoxique et antiinflammatoire, comme les vitamines C et E, le bêta-carotène, le magnésium, le sélénium et le zinc dont les doses ont en général à être optimisées, en tenant compte des apports alimentaires.
On ne peut pas par contre donner de fortes de doses de carotène à la femme enceinte et au petit enfant car un sous-groupe d’enfants sensibles pourrait avoir certaines parties du corps coloré en orange, ce qui n’est pas dangereux, mais simplement non souhaitable. De plus on note des interférences d’absorption entre les caroténoïdes Ce qui explique que des compléments riches en carotène ont augmenté la fréquence des cancers du poumon dans deux études.
Le lycopène est plus important que le bêta-carotène pour élever les Natural Killers qui sont en première ligne des défenses anti-cancéreuses. Par ailleurs c’est le principal protecteur contre les cancers de la prostate. Si l’on inhibe son absorption par du carotène donné sans lycopène, on augmente des risques de cancers. Le même problème peut se poser avec la lutéine, le principal protecteur contre la DMLA.
Les manques des anciens complexes minéro-vitaminiques :
La quatrième constatation est que nombre de composants protecteurs ne figurent pas dans les complexes.
C’est le cas de la vitamine K. La vitamine K est connue pour son effet sur la coagulation, mais il a été découvert quelle participe aussi de manière essentielle à la fixation du calcium sur l’os. Or elle est apportée par les végétaux, malheureusement insuffisamment consommés et par la flore, souvent perturbée.
Dans les périodes comme l’enfance, l’adolescence, la grossesse et l’avancée en âge où la constitution et la préservation du squelette sont importants, il est souhaitable que la vitamine K fasse partie des compléments. La vitamine fait partie des vitamines dont l’innocuité est totale.
La pollution, les infections, l’inflammation et le stress oxydatif entraînent des altérations moléculaires de l’organisme impliquées dans de nombreuses maladies et dans les phénomènes des déclins liés à l’âge.
La protection par les antioxydants comme les vitamines C et E, le bêta-carotène et le sélénium peut être renforcée par l’utilisation d’autres antioxydants capables de compléter leur action comme le lycopène, la lutéine, le coenzyme Q10, la N-acétylCystéine.
Il est d’autant plus important de placer du lycopène dans les formules, que celui-ci est aussi un meilleur protecteur contre les agressions de la peau par le soleil que le carotène et qu’il a un rôle puissamment renforçateur des défenses anti-infectieuses, deux aspects intéressants chez l’enfant, chez l’adolescent, comme chez l’adulte et la personne âgée. Nous avons évoqué le fait que le lycopène se concentre dans la prostate où il a été montré réducteur des risques de cancer. Il est donc particulièrement judicieux pour l’homme.
Quant à la lutéine elle se concentre dans la rétine, où elle réduit donc la brûlure par le soleil qui mène à la dégénérescence maculaire (DMLA), la première cause de cécité.
Ne mettre que du bêta-carotène peut aussi risquer à la longue, par compétition, de réduire la biodisponibilité des autres caroténoïdes qu’il faut donc faire figurer, plus on avance en âge.
L’astaxanthine, moins connue, qui pigmente en orange le krill, les crevettes et des micro-algues, les études lui trouvent de puissants effets anti-oxydants, anti-inflammatoires, protecteurs dans le diabète, les maladies cardiovasculaires.de Parkinson et d’Alzheimer.
La N-acétyl Cystéine, connue pour fluidifier le mucus bronchique et favoriser l’expectoration, a aussi été montrée un composant capable d’augmenter la formation de glutathion. Or le glutathion est à la fois le principal détoxifiant de l’organisme, et un antioxydant. En tant qu’antioxydant il est responsable de l’activation des globules blancs qui nous permettent de résister aux infections et participe avec la vitamine C à la prévention de la cataracte.
Le Coenzyme Q10 est un participant clé à la production d’énergie avec le magnésium et les vitamines B1, B2 et PP. Lorsque l’on en prend en plus de la quantité qui est fabriquée par les cellules, celui-ci joue aussi un rôle de réducteur des fuites d’électrons libres et d’antioxydant. En placer dans un complément quotidien pour la personne âgée apporte un outil complémentaire pour combattre la baisse de l’énergie et les usures associées au vieillissement.
Des formes désuettes :
Une cinquième constatation qui amène à proposer une révision globale de la formulation des compléments alimentaires d’équilibre quotidien destinés aux différentes catégories de la population est, qu’elles n’ont pas été mises à jour en fonction des nouvelles données publiées sur la comparaison des différentes formes de vitamines et de sels minéraux.
La cyanocobalamine, la forme de vitamine B12 la plus utilisée dans les compléments, en se dissociant, libère un peu de cyanure ! Il faut donc l’éviter. On peut la remplacer par la méthylcobalamine à la fois préactivée, ce qui lui donne à la fois une meilleure rétention cellulaire et une plus grande efficacité, en particulier en ce qui concerne les nerfs et le cerveau. De même la forme méthylfolate, pré-activée, est supérieure aux acides folique ou folinique.
En ce qui concerne les vitamines, les formes naturelles de vitamine E devraient être utilisées En effet les formes synthétiques d’acétate ou de succinate de dl-alpha-tocophérol contiennent huit stéréo-isomères (des formes moléculairement identiques mais à la configuration spatiale différente) Or seul un des huit stéréoisomères, le RRR-d-alpha-tocophérol, qui est sa forme naturelle, présente l’activité antioxydante souhaitée. Les autres apparaissent faire baisser une autre forme de vitamine E, le gamma-tocophérol. Or ce dernier est un très important protecteur anti-inflammatoire, capable de lutter contre un radical libre redoutable, le peroxynitrite (ONOO°). L’idéal est donc d’utiliser un mélange de tocophérols naturels contenant à la fois du RRR-d-alpha-tocophérol et du gamma-tocophérol
Quant aux tocotriénols, ils ont été montrés avoir des propriétés anti-diabétiques, cardioprotectrices, anticancer et neuroprotectrices que n’ont pas les tocophérols.
Ce que l’on ne doit pas trouver dans les compléments alimentaires :
Par ailleurs les compléments devraient être garantis sans sucre, édulcorant (sauf, éventuellement pour les poudres : maltodextrines, xylitol et stévia), colorant ou arôme de synthèse, et trophallergènes : produits laitiers, gluten, arachide, œuf.
Une nouvelle génération de compléments généralistes
Au total, il est temps de mettre à jour les complexes minérovitaminiques à usage quotidien et de mettre à la disposition du corps médical et des consommateurs des formulations intégrant les avancées considérables réalisées ces dernières années en nutrithérapie.
Ces constatations ont amené à refonder la formulation des compléments minéro-vitaminiques à usage quotidien en intégrant des vitamines d’habitude non représentées comme la vitamine K, l’iode, et des facteurs protecteurs comme le lycopène, la lutéine, l’astaxanthine, la N-acétyl-cystéine, le coenzyme Q10.
Auteur Jean-Paul Curtay