Souffle cardiaque

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Un certain nombre de médecins pensent que l’auscultation cardiaque est obsolète et doit être remplacée par l’échocardiographie. Nous avons même rencontrés quelques cardiologues qui n’ont plus de stéthoscope dans la poche de leur blouse. C’est évidemment une erreur car la découverte d’un souffle asymptomatique lors d’un examen clinique complet peut amener à découvrir une pathologie organique grave ou être un argument diagnostique important dans l’exploration d’une fièvre ou d’une maladie systémique.

Rappelons qu’il n’y a pas de corrélation entre l’intensité du souffle et la gravité de la pathologie sous-jacente.

 

Souffle cardiaque
Souffle cardiaque

SOUFFLE ANORGANIQUE :

Le souffle peut être anorganique, c’est à dire que l’échocardiographie ne découvrira aucune anomalie valvulaire ou myocardique.

Dans ce cas, le souffle peut être systolique ou continu, mais jamais diastolique. Il peut être totalement innocent, chez l’adolescent, la femme enceinte ou les patients ayant une déformation thoracique, ne serait-ce qu’un dos plat.

Il peut correspondre à une hyperkinésie cardiaque et dans ce cas le patient est tachycarde, avec une pression systolique augmentée. Le premier réflexe est de rechercher une anémie et de doser les hormones thyroïdiennes, à la recherche d’une hyperthyroïdie. Les autres causes d’hyperdébit sont beaucoup plus rares. Citons les fistules artérioveineuses en particulier chez les dialysés, l’angiomatose hépatique en particulier au cours de la télangiectasie héréditaire de Rendu Osler, la maladie de Paget.

VALVULOPATHIE BÉNIGNE ISOLÉE :

Le souffle correspond à une valvulopathie bénigne isolée, c’est le cas de deux pathologies fréquentes.

Chez la jeune femme, on évoque en premier lieu un prolapsus valvulaire mitral (ou maladie de Barlow), dont la prévalence peut atteindre 10 % des jeunes femmes dans certaines séries. Le souffle peut prédominer au foyer mitral ou dans la région latéro-sternale gauche. Il est télésystolique, précédé par un click mésosystolique et il augmente souvent en position debout. L’échographie montre la ballonisation d’une ou des deux valvules mitrales. Il est important de reconnaître cette pathologie qui reste le plus souvent asymptomatique et bénigne mais qui fait courir le risque de rupture de cordage et surtout d’endocardite infectieuse. Comme pour toute pathologie valvulaire organique il est important d’encadrer les soins dentaires, les endoscopies, la petite chirurgie, par une antibiothérapie.

Chez les patients non allergiques à la pénicilline, on conseille amoxicilline 3 g/j pendant 48 heures en commençant deux heures avant le geste).

Chez le sujet âgé, un souffle systolique au foyer aortique, ou apexien, ou entendu dans toute l’aire précordiale ( souffle en écharpe) correspond souvent à un athérome aortique banal et l’échographie ne trouvera que quelques remaniements valvulaires plus ou moins calcifiés (parfois difficiles à distinguer des végétations de l’endocardite).

VALVULOPATHIE GAUCHE MODÉRÉE :

Le souffle correspond à une valvulopathie gauche qui n’est pas importante hémodynamiquement, mais traduit une pathologie systémique qu’il va falloir prendre en charge.

Souffle en position aortique :

En position aortique, il s’agit d’un souffle diastolique d’insuffisance aortique et tout le problème est de ne pas méconnaître ce discret souffle diastolique latéro-sternal gauche.

L’élargissement de la pression artérielle différentielle est un argument supplémentaire dans les cas douteux, avant que l’échographie ne vienne confirmer et quantifier la fuite aortique.

La hantise devant la découverte d’une insuffisance aortique est de ne pas méconnaître l’endocardite d’Osler. On fait donc contrôler la courbe thermique et on vérifie les protéines de l’inflammation (en principe il n’y a pas d’endocardite infectieuse sans élévation de la CRP).

Les hémocultures et la présence de végétations en échographie viendront confirmer le diagnostic.

Pour le traitement, voir le chapitre Fièvre prolongée inexpliquée.

Il faut également rechercher à l’interrogatoire un épisode douloureux thoracique, même ancien, et dans ce cas penser à la dissection (cf. Douleurs thoraciques).

Une fois éliminée ces deux urgences, il faut systématiquement rechercher :

– deux anomalies congénitales, la bicuspidie, et la maladie annulo-ectasiante, avec ou sans syndrome de Marfan (arachnodactylie, hyperlaxité ligamentaire, hernies multiples, subluxation des cristallins) ;

– deux rhumatismes inflammatoires chroniques : la spondylarthrite ankylosante (une insuffisance aortique est présente dans 3 % des cas) et plus rarement la polyarthrite rhumatoïde ;

– deux pathologies auto-immunes avec anticorps antinucléaires et/ou anticorps antiphospholipides : le lupus érythémateux systémique et le syndrome des antiphospholipides ;

– deux maladies systémiques rares, pouvant se compliquer d’insuffisance aortique et de vascularite

: la polychondrite atrophiante (examiner les cartilages des oreilles et du nez) et le syndrome de Cogan (il existe en principe une hypoacousie) ;

– l’artérite de Takayasu (chez une jeune femme présentant des sténoses artérielles, en l’absence de facteurs de risque vasculaire, avec élévation de la VS et des protéines de l’inflammation).

Souffle en position mitrale :

En position mitrale, il s’agit habituellement d’une insuffisance mitrale. Il faut d’abord s’assurer qu’elle ne correspond pas à une insuffisance cardiaque (étude de la fonction ventriculaire gauche en échographie, dosage du Brain Natriuretic Peptide) ou à une cardiomyopathie hypertrophique obstructive.

Sinon, il faut rechercher une pathologie dysimmunitaire (lupus érythémateux systémique, syndrome des antiphospholipides, artérite de Takayasu, maladie de Behcet) ou une cardiopathie hyperéosinophilique. Dans ce cas, l’hémogramme montre plus de 1 500 éosinophiles/mm3 et l’échographie montre une rétraction des piliers des cordages ou de la mitrale, éventuellement associée à un thrombus intra-ventriculaire.

VALVULOPATHIE GAUCHE SÉVÈRE :

Le souffle correspond à une valvulopathie gauche sévère et le problème est différent en position aortique et en position mitrale.

Souffle en position aortique :

En position aortique, il s’agit d’un souffle de rétrécissement aortique serré, et c’est l’échographie qui va quantifier le gradient de pression trans-orificielle et la surface valvulaire (indication opératoire au-dessous de 0,5 cm2/m2 de surface corporelle). Cette valvulopathie va s’aggraver inexorablement.

Souffle en position mitrale :

En position mitrale, il s’agit souvent d’un souffle systolique d’insuffisance mitrale par rupture de cordage, visualisée en échographie. Dans ce cas, il est fréquent qu’après une dyspnée transitoire le ventricule gauche s’adapte à la fuite mitrale, et on peut alors différer la plastie mitrale de plusieurs années.

SOUFFLES PROVENANT DES CAVITÉS DROITES :

Il s’agit le plus souvent d’un souffle systolique latérosternal gauche, assez haut situé, et la première cause à rechercher est une hypertension artérielle pulmonaire, surtout s’il existe un éclat de B2. Chez le sujet jeune ce souffle peut correspondre à un rétrécissement congénital de la valve pulmonaire méconnue pendant l’enfance.

En position xiphoïdienne, le souffle peut correspondre à une insuffisance tricuspidienne, et dans ce cas, le souffle augmente franchement en inspiration. Il s’agit le plus souvent d’une insuffisance tricuspidienne fonctionnelle liée à une insuffisance cardiaque droite, mais il faut toujours penser à l’endocardite tricuspidienne.

S’il s’agit d’un souffle ou plutôt d’un roulement diastolique, il faut évoquer le syndrome carcinoïde (penser à doser l’acide 5 hydroxyindolacétique urinaire et la chromogramine A sérique).

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